Thaïlande : des mobilisations de rue aux coalitions des

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Thaïlande : des mobilisations de rue aux coalitions des
alternatives sud, vol.
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Thaïlande : des mobilisations de rue aux coalitions des « chemises rouges »
Pavin Chachavalpongpun1
La lutte qui oppose les « chemises rouges » aux
« chemises jaunes » dépasse le cadre d’un conflit
entre élites. Plus qu’un mouvement d’appui à l’ancien Premier ministre Thaksin – destitué en 2006
par un coup d’État militaire –, les coalitions des
chemises rouges sont l’expression de revendications légitimes et démocratiques portées par des
secteurs sociaux en lutte contre un système élitaire, excluant et hermétique à toute concurrence
politique.
La crise politique qui a éclaté en 2006, après le renversement du gouvernement de Thaksin Shinawatra par un coup d’État
militaire, se caractérise essentiellement par un conflit opposant les
deux principales factions de la société politique thaïlandaise : les
« chemises jaunes », loyales à l’élite traditionnelle, et les « chemises
rouges », lesquelles représentent un large spectre social, allant des
classes inférieures aux classes moyennes, issues tout aussi bien
des régions rurales que des régions urbaines.
L’objectif des chemises jaunes est sans ambiguïté. Il s’agit de
maintenir le statu quo qui permet à l’élite (le Palais, les militaires, les
hauts fonctionnaires, les dirigeants d’entreprises, etc.) de conserver
la haute main sur le pouvoir politique (Ferrara, 2011). Les chemises
jaunes justifient principalement leur action par la nécessité de pro1. Politologue thaïlandais, chercheur et professeur associé au Centre d’études de l’Asie
du Sud-Est, Université de Kyoto.
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téger la monarchie, icône inviolable de l’État thaïlandais (Nelson,
2007, Rappa, 2008).
Les chemises rouges en revanche entendent briser ce consensus politique obsolète qui leur a été jusqu’ici si peu profitable. En
misant sur l’espoir que le vote soit un outil assez efficace pour remettre en question la domination de l’élite, elles ont placé le renforcement démocratique au cœur de leur agenda. Selon elles, seule
la consolidation du processus électoral permettra un partage plus
équitable du pouvoir politique, de la richesse et du bien-être.
Le présent article se penchera principalement sur l’émergence
des chemises rouges dans l’arène politique thaïlandaise. Ces coalitions issues de la société civile, connues désormais sous l’appellation de « chemises rouges », renvoient à un type particulier de
mouvement social de base, articulant alliances et organisations
disparates dans la poursuite d’un objectif commun. Elles sont apparues dans le contexte de la destitution illégale et illégitime par l’élite
d’un gouvernement populaire élu. Rassemblant essentiellement
des acteurs non gouvernementaux, elles réclament une transformation radicale de la structure politique traditionnelle thaïlandaise, aujourd’hui aux mains de l’élite, désignée collectivement par le terme
thaï amartaya, pour la mettre au service de la classe défavorisée,
la phrai.
Une telle mission s’est révélée ardue. D’une part, parce que la
vieille élite, qui a systématiquement dépeint les chemises rouges
comme une menace pour ses intérêts et son pouvoir, est passée
à l’offensive. Pour les éradiquer, elle n’hésite plus à faire usage de
la force. D’autre part, parce que le mouvement lui-même peine à
se structurer. En dépit de la relative clarté de leurs objectifs et de
l’image qu’elles donnent d’un mouvement relativement bien organisé, les coalitions de chemises rouges apparaissent plutôt comme
un curieux mélange de forces politiques, amalgamant partisans
de Thaksin, courants pro-démocrates et secteurs en lutte contre
l’amartaya et la monarchie. Qui plus est, ces différents groupes ont
tendance à suivre des stratégies propres, les uns ayant recours à
des mobilisations pacifiques, les autres à des actions violentes. Ces
diverses conceptions de la lutte n’ont jusqu’à présent pas permis à
l’ensemble des composantes du mouvement de s’accorder sur une
position commune, ce qui les rend d’autant plus vulnérables.
Reste que les coalitions des chemises rouges constituent indéniablement le premier mouvement en Thaïlande à revendiquer un
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rouges »
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élargissement de l’espace politique national pour les masses et à
recevoir l’appui de divers secteurs de la société. Nous estimons en
effet que les coalitions des chemises rouges peuvent être considérées comme le premier mouvement de masse à voir le jour en
Thaïlande, ses partisans étant issus de couches sociales très diverses. Leurs actions de protestation se sont prolongées au-delà
de toute attente et elles ont défié toutes les expressions de mépris
manifestées à leur égard par l’élite urbaine thaïlandaise.
Expression concrète de la domination exercée par l’élite, le système politique thaïlandais moderne n’avait jusqu’à présent jamais
été menacé par la base (Phongpaichit, Backer, 2010). Or, le mouvement des chemises rouges constitue justement une telle menace,
un défi lancé en quelque sorte par le phrai à l’amartaya, l’incarnation
d’une guerre des classes rhétorique dans un pays profondément
divisé. La Thaïlande a été longtemps gouvernée « par le haut »,
mais ce système politique tend à se fissurer sous la pression de la
base. Un processus dans lequel les coalitions des chemises rouges
jouent actuellement un rôle des plus actifs.
Émergence et montée en puissance des chemises rouges
Comment les coalitions des chemises rouges ont-elles fait leur
entrée sur la scène politique ? Comme nous l’indiquions ci-dessus,
l’élite thaïlandaise a toujours cherché à préserver le statu quo ; de
là, son intérêt pour le pouvoir politique. Dans ces conditions, il n’est
guère étonnant que les détenteurs de ce pouvoir se soient sentis
directement menacés, lorsque Thaksin a entrepris de faire évoluer
l’ancien paysage politique. Thaksin a voulu mettre au pas certaines
institutions clés, comme l’armée, et réorganiser complètement l’administration, en tentant notamment d’insuffler dans le vieux système
bureaucratique un nouvel esprit d’entreprise. Mais il a su aussi habilement jouer de son image de leader tirant directement sa légitimité
du vote populaire, en manifestant son souci d’œuvrer pour le peuple
et sa volonté d’apporter une réponse aux demandes de la base.
A contrario, il s’est montré ouvertement dédaigneux vis-à-vis des
vieilles gardes : hauts fonctionnaires, banquiers, professeurs d’université, éditeurs de journaux et juges (Ibid.).
Aussi, les attaques contre Thaksin et sa politique populiste ontelles très vite été assimilées à une offensive contre la démocratie
électorale et, tout particulièrement, contre les électeurs en droit de
voter, des régions éloignées du nord et du nord-est, bastions du
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Premier ministre déchu. En le destituant par un coup d’État, les adversaires de Thaksin ont déchaîné la colère des chemises rouges.
L’élite, qui s’était montrée incapable jusque-là de tenir compte de
leurs doléances et de leurs difficultés, leur enlevait désormais leur
« homme providentiel », celui qui se montrait attentif à leur détresse
et entendait leur apporter une vie meilleure. C’est contre ce retour
en arrière et contre ce qu’ils considéraient comme une injustice politique flagrante que les partisans de Thaksin ont cherché à mobiliser
la base, en tissant des alliances de circonstance. Initialement destinées à s’opposer au coup d’État, ces alliances allaient plus tard
être connues sous le nom de « coalitions de la société civile des
chemises rouges ».
Sua Daeng est le mot thaï qui désigne les chemises rouges. Ce
mouvement social s’appelait d’abord l’Alliance démocratique contre
la dictature (ADCD) pour bien marquer son identité de mouvement
d’opposition au coup d’État. Créé dans sa foulée à la fin de l’année
2006, l’ADCD arborait, dans un premier temps, la couleur jaune,
avant d’adopter le rouge en 2007, et même un nouveau nom en
2009 : le Front uni pour la démocratie contre la dictature (FUDD).
Ces changements ont illustré l’évolution du mouvement des chemises rouges vers une force sociale mieux structurée. La couleur
rouge a été choisie comme le symbole du groupe, mais aussi pour
marquer sa différence face au mouvement rival des chemises
jaunes2. Le rouge devait également symboliser l’attitude de rébellion à l’égard de l’ancien establishment. L’ADCD avait à l’origine un
triple objectif : faire campagne contre le coup d’État de 2006, soutenir Thaksin et rejeter la désignation du général Surayud Chulanond,
royaliste convaincu et ancien chef militaire, comme Premier ministre
du gouvernement militaire issu du coup d’État. L’ampleur prise ensuite par le mouvement a clairement indiqué que le conflit dépassait
de loin les limites d’un simple conflit entre élites.
2. Selon Nick Nostitz, ce fut à l’occasion du premier rassemblement de masse au stade
Thunderdome, dans le quartier de Muang Thong Thani, le 11 octobre 2008 que le
« rouge » s’imposa pour la première fois comme couleur dominante. Au départ, les médias
qualifièrent le mouvement de « chemises rouges » par opposition aux « chemises jaunes
du PAD », mais cette dénomination allait rapidement être reprise par les manifestants du
FUDD, car elle se référait à un réseau plus large que le FUDD, qui partageait des objectifs
similaires (Nostitz, 2011; Askew, 2010).
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rouges »
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Composition du mouvement
D’après l’universitaire thaïlandais Viengrat Netipo, les coalitions
de chemises rouges forment un attelage composite de groupes et de
citoyens. Ceux qui s’identifient au mouvement ne font pas uniquement partie des classes inférieures ou pauvres, mais proviennent
aussi de la classe moyenne. Viengrat va plus loin dans son analyse
en démontrant que, même si la plupart des membres sont issus de
la classe moyenne inférieure, les chemises rouges comptent aussi
dans leurs rangs des représentants de la classe moyenne supérieure, qui adhèrent aux objectifs du mouvement (2011).
Bref, les coalitions forment un échantillon très diversifié de la
société thaïlandaise. Dans le discours, les rouges se présentent
toutefois comme les parents pauvres de la société, en raison de leur
statut politique et économique. L’opposition phrai – amartaya est
largement utilisée pour légitimer leur lutte pour l’égalité des droits
et, plus important encore, pour revendiquer la suppression de la
politique du « deux poids, deux mesures ». Cette dichotomie renvoie
au profond ressentiment à l’encontre des inégalités de richesses,
de pouvoir et d’opportunité. Pour les chemises rouges, l’instauration d’une plus grande égalité passe ainsi par le retrait de l’ancien
consensus qui a placé les intérêts de l’amartaya au cœur de la
structure politique thaïlandaise.
Objectifs multiples
Les coalitions de chemises rouges entendent surtout contester
les rapports de forces politiques en vigueur. Tel n’est pourtant pas
l’unique objectif. Le mouvement vise en fait autant d’objectifs qu’il
y a de nuances de « rouge » en son sein. Dans son processus de
structuration, le FUDD en est venu à se fixer six grands objectifs :
assurer la démocratie et la souveraineté du peuple, unir tout le
peuple pour combattre les réseaux d’élite et de l’aristocratie, pratiquer la non-violence, résoudre les problèmes économiques de la
population, établir un « véritable État de droit », éliminer la politique
des « deux poids, deux mesures », abolir la constitution de 2007 et
réintroduire la constitution populaire de 19973.
3. Cf. Immediate Policies of United Front for Democracy against Dictatorship : Red in the
Land, document bilingue non publié, émis par le FUDD.
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Au-delà des diverses nuances de rouge, certains groupes poursuivent également des objectifs qui leur sont propres. Le Daeng
Siam en appelle par exemple à une « révolution démocratique et pacifique ». Or, ce terme de « révolution » n’a jamais clairement été défini. Pour justifier la répression brutale des chemises rouges en avril
et mai 2010, le gouvernement Abhisit Vejjajiva, favorable à l’élite, a
accusé certaines chemises rouges de terrorisme ou de n’être que
des « hommes en noir », cherchant à allumer les feux d’une guerre
civile. De fait, la poursuite d’objectifs différents affaiblit le mouvement et est à l’origine de fragmentations internes. L’absence d’une
vision articulée et unifiée a ainsi permis à leurs adversaires de taxer
alternativement ces coalitions d’antimonarchistes, d’anti-élites,
d’antiroyalistes, d’anti-jaunes, de pro-Thaksins, de pro-républicains,
de pro-Peua Thai ou encore de pro-Cambodgiens, pour délégitimer
leurs actions4.
Idéologies distinctes, mais socle commun
Même s’ils poursuivent des objectifs communs, les différents
groupes au sein des coalitions des chemises rouges se réclament
explicitement d’idéologies distinctes. Ces différences n’ont toutefois
pas empêché la plupart des groupes de la coalition de s’accorder
sur au moins deux principes idéologiques communs, à savoir, la
suppression du régime du « deux poids, deux mesures » en vigueur
et la promotion de l’égalité. Le régime de « deux poids, deux mesures » est non seulement générateur d’inégalités, mais également
responsable d’une fracture qui va en s’élargissant dans la société
thaïlandaise, aux dépens des chemises rouges. En se considérant
comme représentatif des laissez-pour-compte du système, le mouvement exprime dans une large mesure les revendications de la
base.
La recherche de l’égalité dans les domaines politique, économique et social a d’ailleurs amené certains membres du mouvement
des chemises rouges à déclarer une « guerre des classes » contre
l’amartaya. Reste que la tendance « pro-démocratique » occupe une
place centrale dans l’idéologie des chemises rouges. Elle s’exprime
4. Accuser le mouvement des chemises rouges d’être pro-cambodgien constitue fondamentalement une attaque à la fois contre Thaksin, qui a forgé des liens étroits avec le
Cambodge, et Hun Sen, le Premier ministre de ce dernier pays, considéré comme un
ennemi de la Thaïlande.
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« chemises
rouges »
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par le soutien que les coalitions apportent au principe « un homme,
une voix ». Sur base de ce principe, le réseau des chemises rouges
exige que les résultats des élections soient respectés et non plus
sabotés par l’élite de Bangkok. Des slogans tels que « défenseurs
de la démocratie », « combat pour la démocratie » et même « mourir
pour la démocratie » sont largement utilisés face aux ennemis de la
démocratie associés à l’élite au pouvoir.
Des manifestations de rue comme stratégie
Les manifestations de rue ont été l’une des clés du succès des
stratégies déployées par ces coalitions. En novembre 2008, le
FUDD est parvenu à organiser au stade Rajamangala de Bangkok
l’un de ses plus importants rassemblements, en soutien du gouvernement pro-Taksin de Somchai Wongsawat. Selon des estimations
fiables, le nombre de protestataires en chemise rouge a dépassé
les 70 000 (The Middle of March, 2010). Ce rassemblement a donné
le coup d’envoi d’une série de nouvelles manifestations entre 2008
et 2010, durant l’administration de Abhisit Vejjajiva. Fréquemment,
les chemises rouges investissaient le Sanam Luang et campaient
aux abords du grand palais, non loin du siège du gouvernement.
Les manifestations ont atteint leur point culminant le 11 avril
2009 quand des membres des chemises rouges, en route vers
Pattaya, ont pris d’assaut le Royal Cliff Hotel et ont forcé l’annulation de la rencontre « Asean + 3 ». Lors du Nouvel an thaï, deux
jours plus tard, les chemises rouges ont été à l’origine de violentes
manifestations à Bangkok, mettant à sac des bureaux du gouvernement et incendiant des autobus. Des groupes ont même tenté de
s’en prendre au Premier ministre Abhisit. En mars-mai 2011, ils ont
à nouveau investi les rues de Bangkok, pour exiger la démission
d’Abhisit et la dissolution du parlement, laquelle aurait directement
conduit à de nouvelles élections. Cette action a tragiquement pris
fin lorsque l’État a réprimé avec brutalité les chemises rouges. On a
alors prétendu que le centre commercial Central World, non loin du
lieu de leur rassemblement, au carrefour Rachaprasong, avait été
incendié en guise de représailles, ce qui a justifié l’instauration de
l’état d’urgence dans la capitale thaïlandaise.
Faiblesses des coalitions
Quelles sont les faiblesses de ces coalitions ? Tout d’abord,
elles donnent souvent l’impression de ne se préoccuper que de pro-
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blèmes à court terme, tels que les luttes internes en leur sein, au lieu
de mettre au point une vision commune à long terme, plus à même
d’atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. Ces préoccupations
ne leur ont pas permis jusqu’à présent d’élaborer une stratégie efficace pour répondre aux interrogations suivantes : quels objectifs
les coalitions souhaitent-elles mettre en avant depuis l’arrivée au
pouvoir du parti Puea Thaï ? Et quelle serait la meilleure manière
d’appuyer la démocratie électorale et de la protéger contre une intervention de l’amartaya ? Il n’en demeure pas moins que l’une des
tâches les plus difficiles à réaliser pour le mouvement est de réconcilier les différentes approches qui séparent les membres modérés
des coalitions et les éléments radicaux. C’est que le radicalisme,
défendu comme une idéologie et une approche privilégiée par certaines factions, a engendré une image négative des coalitions.
Conclusion
D’un côté, les mobilisations initiées à Bangkok en 2006 et qui
se sont prolongées jusqu’à aujourd’hui ont été considérées comme
spectaculaires et « hors du commun », au regard de ce que la
Thaïlande a connu dans le passé. De l’autre, elles peuvent être
considérées comme le dernier avatar d’une longue histoire de lutte
pour la démocratie. Les coalitions des chemises rouges se sont en
effet présentées comme les « garants de la démocratie ». Tout en
réaffirmant le pouvoir des urnes, elles ont cherché à inverser un
rapport de force jusqu’ici très favorable à l’élite.
L’aggravation de la situation en Thaïlande, sinon la tournure violente et dangereuse prise par ces luttes, s’expliquent par le fait que
la transition politique réclamée depuis longtemps se fait toujours
attendre. Pendant des décennies, l’ancien establishment a accaparé le pouvoir politique, sans subir la moindre pression de la base. Il
s’est habitué à l’absence d’un système de contre-pouvoirs. Jusquelà, le tabou de la désobéissance dans la société thaïlandaise avait
dissuadé les organisations de la société civile de jouer activement
leur rôle.
Beaucoup considèrent aujourd’hui Thaksin comme un héros,
parce qu’il a osé ouvrir une brèche dans un système hermétique
à toute concurrence politique plus équitable, et ce, même si pour
cela il lui a fallu remettre en question les privilèges des réseaux liés
à la monarchie. Son populisme, en dépit de son caractère superficiel, a largement contribué à faire prendre conscience à la base
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de tout le pouvoir qui pouvait résulter des urnes. La libéralisation
politique, combinée à l’amélioration de l’économie, sous le régime
de Thaksin, a eu pour effet d’inciter la classe défavorisée thaïe à
se soulever contre le statu quo traditionnel. Dans ce contexte, de
larges secteurs de la population ont soutenu les coalitions de chemises rouges, les considérant comme un authentique mouvement
de base.
Parce que la rupture du consensus politique obsolète qui domine en Thaïlande n’est pas une tâche aisée, la lutte contre l’amartaya ne pouvait être que brutale. En dépit des risques de fragmentation interne, le mouvement n’a toutefois cessé de se renforcer. Son
agenda pro-démocratique est la clé de sa survie et, partant, de son
succès. Au moment où la Thaïlande entre dans une période d’incertitude accrue, en raison de l’imminence de la transition royale et du
renouvellement attendu des réseaux de la monarchie, les coalitions
des chemises rouges – en tant que mouvement issu directement
de la société civile – seront appelées à jouer un rôle déterminant
pour défendre la démocratie dans le cadre de ce processus précaire.
Traduction de l’anglais : Maurice Hérion
Bibliographie
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