Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation
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Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation
Fiche Technique Filière ou production nouvelle en Languedoc-Roussillon Filière Bioénergies Septembre 2008 Rédigée par : Taillis à Courte et Très Courte Rotation Julien GARCIA Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon Définition Taillis à Courte Rotation (TCR) : Culture pérenne à forte densité d’arbres à croissance rapide (1 500 à 3 000 plants/ha) et récoltés tous les 7 à 10 ans. Taillis à Très Courte Rotation (TTCR) : Culture pérenne à forte densité d’arbres à croissance rapide (10 000 à 20 000 plants/ha) et récoltés tous les 2 à 3 ans. Exemple d’espèces à croissance rapide : Peuplier, Saule, Robinier fauxacacia, Eucalyptus… Cycle de production : 25 à 30 ans Débouchés envisageables : combustible, papeterie, bois d’œuvre Potentiel des marchés Production Production en France : Midi-Pyrénées : développement d’une production d’eucalyptus en TCR (15 000 tonnes/an) sur environ 2 000 hectares sous contrat avec une usine de pâte à papier (production de 200 tonnes brutes/ha à la première récolte et 250 tonnes brutes/ha pour les deux suivantes). Bretagne : l’association AILE (Association d’Initiatives Locales pour l’Energie et l’Environnement) a lancé un programme d’expérimentation (Wilwater) sur plus de 100 ha plantés en TTCR. Ce programme est soutenu par les fonds européens du programme LIFE. Production, à retenir... Principaux pays pionniers en TTCR : - Suède : 16 000 hectares de TTCR de saules soit 0.5% de la SAU et 1% du bois de chauffage (principalement utilisé dans des réseaux de chaleur et par le secteur industriel). ha Italie : 5 à 6 000 (essentiellement de peuplier) de TTCR - Royaume Uni : plus de 2 500 hectares de TTCR. Danemark : l’absence d’incitation suffisante n’a pas permis un développement important des surfaces conduites en TTCR. Principaux pays pionniers en TCR : - Pologne : près de 7 500 ha actuellement en production - Espagne et Portugal : près de 1 million d’ha de TCR d’eucalyptus à vocation papetière - Italie, et Hongrie : en développement pour produire de la matière destinée à l’industrie papetière, à la fabrication de granulés combustibles ou de bois d’œuvre Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne Ardenne et Limousin : des expérimentations diverses, soutenues par les collectivités territoriales, ont vu jour. L’utilisation des TTCR comme système d’épuration des sols ou des eaux polluées est peu développé. Quelques usines l’ont mis en place dans le Nord comme l’usine agro-alimentaire Leroux. Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 1 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation En Languedoc-Roussillon : Environ 65 ha de plantation d’eucalyptus en TCR ont été implantés depuis une vingtaine d’années dans le cadre du programme de développement papetier de TEMBEC (Papeterie québécoise). Si la culture en TCR bénéficie de nombreuses années de recul, les TTCR sont encore à l’état expérimental. Une campagne de tests va être effectuée par le FCBA (institut technologique Forêt, Cellulose Bois Ameublement) et les coopératives forestières (recherche d’un itinéraire technique adapté aux conditions climatiques, choix des essences forestières). Organisation commerciale Valorisation papetière : Les parcelles de TCR d’eucalyptus du sud-ouest de la France bénéficient d’une contractualisation entre le producteur et l’usine de pâte à papier de St Gaudens qui garantit la reprise du bois à un prix fixé à l’avance et indexé sur les prix du bois. L’usine se charge de la récolte et du transport. Valorisation énergétique : Les filières ne sont pas encore en place. D’après des simulations du FCBA, le coût de la matière brute en plaquette en bord de champ serait compris entre 13 et 18 € le MégaWatt heure (MWh). En comparaison la production d’un MWh à partir de fioul domestique revient à 65€ et à 45€ à partir de gaz naturel (ADEME, 2007). Prix Débouchés Papeterie : contractualisation possible avec les usines de pâte à papier comme l’usine Tembec à St Gaudens (31). De l’ordre de 15 € la tonne brute sur pied quand il y a écorçage. combustible évalués et donc les superficies à contractualiser). Principe de l’autoconsommation, pour les serristes ou les Industries Agroalimentaires (utilisation des effluents de serre ou des eaux de process pour irriguer les parcelles). Phytoépuration : valorisation des boues ou des eaux de stations d’épuration en tant qu’éléments de fertilisation et d’irrigation. Le prix estimé pour de l’eucalyptus en TCR broyé en plaquette et mis bord de route est d’environ 30 € la tonne de matière brute (FCBA, 2007). Ce prix varie selon la qualité de la récolte et sa transformation ou non : pour les TCR le produit n’est pas transformé par le producteur (billons) dans le modèle papetier. Il pourrait cependant l’être pour de l’énergie (broyage des tiges entières). Pour les TTCR au cours de la récolte, la transformation peut se réaliser par un déchiquetage en plaquettes. La récolte en fagot est également possible. Synthèse La production est encore à l’état expérimental dans la région. Un débouché énergétique est possible mais il manque encore des références. Toutefois, ce type de culture a l’atout de concilier ressource énergétique et agent de dépollution des sols. La filière paraît avoir des potentialités de développement dans le cadre de circuits courts par contractualisation avec des collectivités par exemple. Combustible : Des projets de chaudières collectives alimentées par des plaquettes de bois issues de TTCR ou de TCR peuvent être envisagées. L’approvisionnement resterait alors dans le cadre d’une filière locale construite autour d’un projet défini (besoins annuels en Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 2 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation Impact environnemental Impact des intrants En TCR, l’impact est faible sur la totalité de la rotation. Les apports d’intrants ne se font que lors de la plantation (désherbant, amendement, engrais). En TTCR, la quantité d’intrant à apporter est encore mal connu. Les TTCR ont également la particularité de dépolluer les sols et les nappes d’eau, ce rôle de phytoépuration a été mis à contribution en Bretagne avec des TTCR de saule. Impact sur la ressource en eau L’impact de la production sur la ressource en eau est principalement lié à la densité de plantation et de façon moindre à l’essence d’arbre : La conduite en TTCR demande une réserve utile en eau des sols très importante (voire un système d’irrigation), La conduite en TCR est moins demandeuse en eau mais le choix de l’espèce ligneuse peut avoir une incidence. Les T(T)CR offrent un paysage intermédiaire entre une parcelle agricole classique et un boisement pérenne : impact paysager plus fort dans les contextes ouverts et plats que dans les contextes bocagers à boisés. Impact sur la biodiversité Diversité floristique : Lors de l’installation (croissance des arbres) le couvert herbacé reste composé d’adventices caractéristiques des sols fraîchement travaillés puis diminution au fur et à mesure de la fermeture du couvert. Diversité faunistique : importante sur les parcelles de T(T)CR (lieu de refuge et de nidification pour de nombreuses espèces). Synthèse Les effets polluants sont très limités sur ce type de culture. L’impact sur la ressource en eau est étroitement lié au mode de conduite choisi. Il en est de même pour les impacts sur la biodiversité. D’une façon générale, une bonne disponibilité en eau favorise le développement des arbres à croissance rapide. Elle est indispensable pour des essences comme le peuplier ou le saule. Des essences plus frugales comme l’eucalyptus ou le robinier pourront s’accommoder d’une moins bonne disponibilité en eau mais leur croissance s’en ressentira. Impact sur les paysages L’impact paysager d’une plantation de T(T)CR, se caractérise par deux phases : Une phase de transition douce au cours des années où les arbres croissent Une variation brutale au moment de la coupe (paramètres d’ouverture / fermeture du paysage, de couleur, de texture). La présence d’éléments de rupture (haies, cultures hautes, bois) facilite l’intégration paysagère de la plantation. Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 3 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation Contraintes techniques agronomiques et Type de sols, topographie et adaptation au climat Ces éléments dépendent étroitement de l’essence implantée. Cas de 3 essences dont les tests sont prévus en Languedoc-Roussillon : Eucalyptus : Eléments favorables : Sol pauvre et/ou sec sur lequel d’autres espèces ne parviendraient pas à se développer Terrain à pH inférieur à 7 à privilégier Altitude inférieure à 400 m pour réduire le risque de gel Eléments défavorables : Faible tolérance au calcaire, actif Sensibilité au froid, mais les seuils de tolérances sont fonction de l’espèce sélectionnée. Eucalyptus gundal peut résister à une température de l’ordre de -12°C alors que Eucalyptus gunnii tolère des températures plus basses allant jusqu’à -18°C pour certains clones. Peuplier : Eléments favorables : Sol profond, bien alimenté en eau et riche Sol aéré car les besoins en oxygène sont élevés Les bas de versants peuvent assurer une alimentation en eau correcte Eléments défavorables : La profondeur est un critère très important pour assurer un bon enracinement, aucun obstacle majeur avant 1 mètre de profondeur Les eaux stagnantes sont à proscrire L’alimentation en eau doit être assurée au moins pendant la période estivale par une nappe permanente accessible Robinier faux-acacias : Eléments favorables : Peut facilement trouver sa place sur d’anciens champs abandonnés ou sur des terrains même pauvres qu’il va enrichir en azote grâce aux nodosités Une profondeur de 60 cm lui est nécessaire pour démarrer S’adapte à une gamme de pH large Eléments défavorables : Altitude inférieure à 800 m, même s’il peut tolérer de grands écarts de température. Implantation de la production Les travaux d’implantation du taillis sont extrêmement importants. L’objectif est de travailler le sol comme pour une culture de printemps afin d’avoir un sol propre (absence d’adventices) et non abrasif pour le matériel de récolte (absence de pierres). L’itinéraire de préparation de la parcelle doit tenir compte du précédent cultural et de la flore présente sur la parcelle. La plantation peut être réalisée soit mécaniquement à l’aide d’une planteuse, soit manuellement, à la pioche. Cette dernière solution n’est envisageable qu’en TCR où les densités sont faibles. Conduite de la production Eléments de contrainte : Une mécanisation pointue est nécessaire pour la récolte principalement en TTCR (ensileuse munie d’une tête adaptée). Les outils de récolte en tiges entières permettent depuis peu de récolter des tiges de 6 cm de diamètre. En TCR, la récolte est faite comme dans le domaine forestier : soit manuellement (tronçonneuse), soit mécaniquement avec des engins forestiers spécifiques (abatteuse) pour certaines espèces comme l’eucalyptus ou le peuplier. Une plate-forme ou un hangar de stockage ventilé est également à prévoir pour le séchage. Irrigation L’irrigation n’est envisagée que pour les TTCR afin d’avoir un bon rendement. Elle peut être effectuée à partir d’eaux de station d’épuration, d’eaux de process, d’effluents,… Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 4 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation Selon la technique dite de microirrigation, les effluents sont injectés dans le sol par un réseau fixe posé sur ou enterré dans le sol, de conduites comportant des micro-perforations. Contrainte de main d’oeuvre Dans l’objectif d’une culture mécanisée le besoin en main d’oeuvre est limité (3 à 4 opérateurs lors de l’implantation et de la récolte). La récolte est le moment où les besoins peuvent être les plus importants. Pour les TTCR la mécanisation étant indispensable, 2 à 3 personnes peuvent être nécessaires. 1 UTH se calcule pour un an : conducteur de l’ensileuse et assistants. Pour les TCR, il peut être nécessaire qu’un bûcheron vienne dégager le terrain avant le passage des engins dans la parcelle. Si la récolte est entièrement manuelle, 3 à 4 personnes sont nécessaires selon la rapidité de récolte désirée. Contrainte foncière Différents aménagements sont à réaliser dans les parcelles en vue de faciliter la mécanisation de la culture : Prévoir des entrées et sorties de champ réguliers pour la vidange des bennes en cours de récolte. Intégrer une tournière d’au moins 8 mètres à chaque extrémité de la parcelle et de 4 m le long de la parcelle pour la circulation des engins agricoles. L’enherbement de la tournière permet d’améliorer la portance du sol et la conduite du matériel de récolte sur cette zone. Dispositif réglementaire auquel la production est soumise Cas où le T(T)CR est déclaré en jachère industrielle Si la culture est située sur des terres éligibles et déclarée en jachère industrielle, elle permet d’activer les DPU-jachères. Elle n’a pas nécessairement à faire l’objet d’un contrat avec un premier transformateur. Pour bénéficier du paiement, le demandeur s’engage à ce que les matières premières soient utilisées à des fins énergétiques. Cas où le T(T)CR est déclaré en culture énergétique La culture de T(T)CR peut être implantée sur des terres hors jachère pour la production d’énergie, de chaleur ou d’électricité et ainsi bénéficier de l’aide aux cultures énergétiques (ACE). Les T(T)CR sont éligibles dans le cadre de la transformation à la ferme, pour le chauffage de l’exploitation ou pour la production d’énergie, de biogaz ou de biocarburants au sein de l’exploitation. Etat des références en LanguedocRoussillon Pas ou peu de références. Les premières réalisations devront faire l'objet de suivis pour compléter le petit réseau d'expérimentations en cours. Mécanisation Forte à la plantation et à la récolte. Système d’irrigation Sensibilité au précédent vigne Pas de contrainte particulière. Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 5 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation Risque financier et intérêt économique pour l’exploitant Résultats économiques et facteurs de risque La marge brute pour 5 rotations de 3 ans de TTCR varie de 0 à 300 €/ha/an selon le choix de l’essence, la densité de plantation choisie, le type de sol… La marge brute pour 3 rotations de 7 ans de TCR varie de 0 à 300 €/ha/an selon le choix de l’essence, la densité de plantation choisie, le type de sol … Les risques sont très peu connus car les références régionales sont inexistantes. Cependant, une mauvaise conduite ou une mauvaise adaptation de l’essence au climat ou au sol peut nuire fortement à la productivité de ce mode de culture, d’autant plus que la culture est en place pour plusieurs années. Besoins de trésorerie Les besoins de trésorerie sont importants les 2-3 premières années, c’est à dire lors de la préparation du terrain, de l’implantation et de l’entretien initial (désherbage, dépressage). Les mouvements de trésorerie sont ensuite positifs tous les 2 ans en moyenne pour les TTCR et environ tous les 10 ans pour les TCR (récoltes successives) (FCBA, 2007) Risque financier lié aux investissements Des investissements en matériel spécifique sont nécessaires pour la plantation, l’irrigation potentielle et la récolte. Ces investissements sont à faire dans le cadre d’un projet collectif (CUMA, régie…). Estimation du coût du matériel en 2007 : Ensileuse : 160 000 € Tête de récolte TTCR : 85 000€ Système d’irrigation : 20 000€/ha (AILE, Programme Life Wilwater 2007) Le retour sur investissement est long, les investissements préalables sont lourds. Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » 6 Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation Personnes ressources Organismes de développement : Myriam GASPARD – Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon - Mas de Saporta - CS 30012 - 34 875 Lattes cedex [email protected] Yves BACHEVILLIER - Chambre d’Agriculture de l’Hérault - Conseiller forêt - Domaine de Bayssan - Route de Vendres - 34 500 Béziers [email protected] Jean-Pierre LAFONT - Chambre d’Agriculture de la Lozère - Conseiller forêt - 16, quai de Berlière - 48 000 Mende [email protected] Michèle LAGACHERIE - Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) - 378, rue de la Galéra - BP 4228 - 34 097 Montpellier cedex 5 - [email protected] Institut technologique : Nicolas NGUYEN THE - Forêt, Cellulose, Bois-construction, Ameublement (FCBA) Domaine de Saint Clément - 34980 Saint Clément de Rivière - [email protected] Bibliographie Aile, programme Life, (2007). Wilwater - Le taillis de saule à Très Courte Rotation - Guide des bonnes pratiques agricoles. Rennes. Disponibilité : Internet Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon, (2007). Synthèse CRA-LR : filière TCR/TTCR. Document de synthèse bibliographique. Disponibilité : Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon Claudet G., (2002). L’agriculture et la forêt, source d’énergie. Forêt-entreprise, n°143. Disponibilité : Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon Merzeau D., (2007). Dossier : le Robinier faux acacia. Forêt-entreprise n°177, p 9-53. Disponibilité : Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon FCBA, 2008, Espèces ligneuses pour la production de biomasse, l’Eucalyptus, le Peuplier, le Robinier , le Séquoia - Fiches de synthèse du projet Culiexa / Fondation Tuck Enerbio. Disponibilité : Chambre Régionale d’Agriculture du Languedoc-Roussillon, FCBA Schüler S., Sieber K., (2007). Des robiniers pour le bois de chauffage ou le bois de qualité : la variété fait toute la différence !. waldwissen.net. Disponibilité : Internet Toth J. (1992). Le robinier en France et en Hongrie. Forêt entreprise, n°84, p. 45-47. Disponibilité : FCBA A noter : il n’existe pas ou peu de références régionales pour ces cultures. La réalisation de cette fiche repose essentiellement sur un travail de recherche bibliographique. 7 Synthèse régionale « Alternatives Agricoles à l’arrachage de la vigne » Partie 2 : Fiche Taillis à Courte et Très Courte Rotation