Dire l`amour en arabe

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Dire l`amour en arabe
Dire l’amour en arabe ?
Difficile pour Malika Mokeddem qui, dans Mes Hommes, Grasset, 2005, constate que sa langue
maternelle est influencée d’un point de vue sociolinguistique par les représentations négatives liées
à l’amour :
« Il est brun, de taille moyenne, mince, les traits fins. A le détailler, j’ai été traversée d’une folle
envie : Entendre un homme me murmurer des mots d’amour en arabe. Effet du retour en Algérie.
Lubie vite écartée par une évidence : en Algérie les hommes aimés me disaient « je t’aime » en
français. Les rares fois où nous nous essayions à l’arabe nous pouffions de rire tant nos mots nous
semblaient inadaptés au langage des amants. Nous n’avions lu ni l’histoire de Kaïs et Léïla ni celle de
Antar et Abla. Il y a au moins une centaine de mots arabes pour dire « je t’aime », ne cesse de
pérorer un certain islamologue, dans les livres anciens certainement. Pas dans notre réalité. Trêve de
jactance ! Nos exemples parentaux et sociaux manquaient cruellement de références en la matière.
C’était ça la monstruosité ! La langue n’y était pour rien. L’amour était une honte, une obscénité. Les
mots pour le dire s’en trouvaient souillés. Alors nous prenions nos modèles ailleurs. Les garçons dans
le cinéma étranger. Moi, dans la littérature évidemment. Marquées au sceau de la faute, les plus
grandes passions viraient souvent en fausses amours.
Finalement, c’est peut-être ça être d’une langue : ne pas pouvoir dire « je t’aime » dans une autre.
Fût-elle celle tétée avec le premier lait. »
David Métivier, 2012.

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