Théories des techniques de la danse moderne

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Théories des techniques de la danse moderne
Théories des techniques de la danse moderne
La danse moderne s’est radicalement refusée à apparaître comme un divertissement. Elle s’est présentée, au contraire, comme porteuse d’un message, toujours sérieux, souvent austère et son combat fut bien à l’image des luttes mystiques, soutenues par la passion de détenir la vérité prohétique. Les productions chorégraphiques correspondantes rencontrent l’incompréhension et suscitent l’irritation du grand public, mais séduisent les artistes et philosophes de l’époque. Si nous analysons plus en profondeur les principes théoriques, sur lesquels Martha GRAHAM a fondé sa technique, nous devons faire référence au psychanalyste JUNG, de qui elle tire sa théorie des images et actions archétypales. Ainsi, au fond de chacun, un même capital pulsionnel conduit les êtres à partager un même inconscient, inconscient collectif qui conduit les masses vers les dictateurs, vers les illusions surnaturelles, etc.. Pour Martha GRAHAM, l’inconscient archétypal doit être traduit par des gestes de danse particuliers, propices à suggérer les angoisses et les rêves, les pulsions refoulées, la soumission à l’autorité et la révolte de ceux qui luttent. A la même époque, Doris HUMPHREY élabore un système philosophique de l’existence, à partir des lois physiques qui soumettent le corps. Sa théorie résume la vie à une lutte, dans l’intervalle qui sépare deux morts. La mort, c’est l’immobilité. Immobilité d’avant la naissance, aussi bien qu’après le décès. Doris HUMPHREY introduit l’idée que l’équilibre étant dans l’immobilité , il représente donc la mort. A contrario, la vie s’affirme dans le mouvement et la danse, comme la vie, se définissent par une suite perpétuelle de prises de risques, de lutte contre l’inertie. Dans son ouvrage « ‘THE ART OF MAKING DANCE » Doris Humphrey explique que toute sa technique se ramène à deux actes : s’écarter d’une position d’équilibre, et y retourner. Tomber et se ressaisir, constituent l’essence même du mouvement. Cette technique impose au danseur de réaliser des gestes naturels ; la culture artifice de communication, laisse la place au corps physique, voire sauvage. Le mouvement est comme un art de vie qui relie deux morts, la mort de l’équilibre parfait et enfin la mort du corps, inerte, à terre. Si ces deux premiers chorégraphes ont participé à la vie politique de leur époque, dans leur vie privée comme à travers leur spectacles, c’est José LIMON qui introduit sur scène la danse « engagée » au sens où l’on parle de littérature engagée. Indien par sa mère, espagnol et mexicain par son père, il assiste jeune, au tragique déchirement de son peuple. La vie est pour lui une tragédie qu’il faut dépasser, par une activité de lutte. Ses chorégraphies sont donc l’expression de cette lutte et illustrent bien les deux sensibilités culturelles dont il a hérité : des Indiens, il retrouve les geste évoquant, à travers l’être, l’union entre le ciel et la terre. Pour cette culture, le ciel est un principe masculin, tandis que la terre est un principe féminin. José LIMON composera avec cette symbolique. Des conquistadores espagnols, il reproduit l’élégante brutalité. Dans ses chorégraphies « Peon », « Suites mexicaines », « Danza de la muerte », il met en scène des combats contre l’oppression étrangère et contre la répression dont les victimes les pauvres face aux généraux, à l’église et aux riches. De cette génération, suel Charles WEIDMAN reste étranger au projet de livrer un message universel. Il n’en est pas moins un chorégraphe de talent, inventant un style de danse proche de la pantomine. Sa technique lui permet d’élaborer des chorégraphies très humoristiques, peignant à travers des personnages de son époque, par des gestes plus suggestifs que descriptifs. Il est le premier à explorer la construction de gestes techniques par une méthode introduisant le hasard. Par exemple, il réalise deux gestes, ayant chacun, sinon une signification précise, du moins logique. A partir d’eux, il bâtit un nouveau geste, utilisant le début du premier et la fin du second. D’une certaine manière, il apparaît comme le précurseur de la troisième génération de chorégraphes, celle qui refuse l’objectif d’atteindre à la vérité humaine. Le constat que l’être à peine découvert a changé, changé par cette découverte même, conduit les chorégraphes au sentiment qu’ils peuvent s’épuiser dans ce projet, sans jamais en épuiser le sujet. Leur nouvelle tactique culturelle : construire de manière volontairement artificielle et aléatoire de nouveaux gestes, donc de nouveaux corps, obéissant à des codes arbitraires, solliciter de nouveaux circuits musculaires et nerveux constituent une réaction radicale, qui désigne une attitude ambivalente : d’un côté, l’espoir d’inventer un être nouveau, mais de l’autre, le désespoir d’avoir échoué à cerner la vérité essentielle de l’existence. Quoi qu’il en soit, ces différentes quêtes ont conduit les chorégraphes à mettre au point des principes techniques et pédagogiques spécifiques. Ces principes ont toujours eu comme référence quatre paramètres, à savoir, l’ Energie, l’Espace, le Rythme et la Forme. Définir la danse moderne à travers ces paramètres, c’est revenir aux sources même du mouvement. Mais présentés ainsi, ils peuvent paraître isolés les uns des autres et trahir ce qui fait l’art du mouvement, c’est à dire la présentation de données corporelles indissociables. Pourtant, ces paramètres ont déjà été recensés par Laban et ils permettent de constituer une classification assez pertinente. 

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