la java bleue Sfar - Atelier Autonome du Livre
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la java bleue Sfar - Atelier Autonome du Livre
Au fil de la semaine Au fil de la semaine MÉDIAS JOANN SFAR Production La java baise BD. Sfar met en couleur le désir de la création et de la chair. BANDER FACE À UNE ŒUVRE d’art, c’est mal. Du moins certains le pensent. Il est pourtant impossible de faire autrement avec la Java bleue de Joann Sfar, opus final de Pascin. Final et décalé. Si le peintre ami de Soutine et Chagall, juif errant et séfarade hongrois, continue de traîner ses guêtres à Paris, s’il porte en lui la même interrogation sur le dessin et son désir de posséder le réel, il le fait cette fois-ci en grand format et en couleur. Surtout, « les événements décrits dans cet ouvrage sont imaginaires », précise l’auteur. Prendre des libertés avec la biographie permet alors à Sfar de sortir de l’oubli ce qui y reste normalement plongé. Des fragments de bonheur et de dialogues intérieurs. Des instants figés où surnage parfois un sort plus tragique. Le tout se croise dans un joyeux bordel, une anarchie de couleurs et de matières, jusqu’aux cases, à leurs formats et contours, en perpétuelle mutation, qui se modulent selon l’humeur et les scènes, puisque, nous dit Pascin, « la seule question, quand je dessine, c’est : “Est-ce que ça marche sur le papier ?” » « Oui » est notre seule réponse. Lorsque Pascin « baise d’une façon qui ne lui ressemble pas », comme une brute, un animal de trait, lorsqu’il baise par colère et non par désir, un large pinceau esquisse à la va-vite les corps qui s’emmêlent en tâches jaunâtres, dégoulinant sur le décor sombre. Peu de visages, si ce n’est celui de Pascin rouge et suant d’énervement, puis le nez en l’air d’ennui, mais des morceaux de chair qui s’exhibent : regard atterré du peintre qui « a l’impression d’être là depuis une semaine », phallus en branle et en bouche, qui gicle enfin dans un croquis très Picasso. Rien de tel avec le désir amoureux. Plus le bonheur est grand, plus le trait est léger, réduit au minimum. Les couleurs se réchauffent et s’allègent, de grands yeux s’écarquillent, des seins menus se dressent, les corps se tordent avec souplesse pour entrer dans les cases, s’en libèrent, dansant sur « un disque de romanos ». L’allégresse est là, communicative. Celle de Pascin, et celle de Sfar, mêlant cul et création, unis dans ce constat : « Quand il a fini un dessin, il est heureux. Lorsqu’il jette un jus d’aquarelle dessus, il est carrément primesautier. » Le lecteur aussi. MARION DUMAND Pascin. La Java bleue, de Joann Sfar, L’Association, 74 p., 23 euros. Pascin, six volumes réunis en un tome, 192 p., 23 euros. 16 P o l i t i s , JEUDI 8 DÉCEMBRE 2005 Dans le cadre du Festival du film de Vendôme, une table ronde est organisée le vendredi 9 décembre sur « l’Emploi au centre des relations entre collectivités territoriales et sociétés de production ». Les nouvelles conventions de développement cinématographique et audiovisuel signées entre le CNC et les régions font obligation à ces dernières de s’assurer du strict respect du droit du travail dans le cadre de leur politique menée en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle. Comment dès lors s’instaurent les relations entre collectivités et sociétés de production ? Quels contrôles des obligations sociales et fiscales sont-ils imposés aux producteurs ? Représentants des antennes régionales cinéma, producteurs, représentants de syndicats de producteurs et experts (dont Jean-Pierre Guillot, auteur d’un rapport sur les intermittents) tenteront de répondre à ces questions. Rens : 02 47 56 08 01/ 02 47 56 09 20. Distribution Ce n’est pas un scoop : Harry Potter et la coupe de feu est sorti le 30 novembre dernier. La presse, bonne fille et toujours à l’affût d’une découverte, a tiré de l’ombre ce film fragile. Qu’on en juge : seules 950 malheureuses copies avaient réussi à trouver une place sur le marché français. Alors que le parc compte quelque 5000 salles ! Ainsi, grâce aux médias, et malgré une position minoritaire sur 1/5 du parc, Harry Potter, pour son quatrième lavement, a réuni plus de 600 000 entrées dès le premier jour. Trop fort. Sortis de l’ombre Dernière chance ROCK. Les Greenhornes et Gravenhurst sont deux groupes qu’il est temps de découvrir. Leur point commun : un talent pour les reprises sixties. TÉLÉVISION. Un documentaire sur les ultimes traques des criminels nazis. LES GREENHORNES ont tout du groupe mystère. On les découvre dans le générique du film de Jim Jarmush, Broken Flowers, avec une chanson intitulée « There is An End », ondulante, comme sous l’emprise d’une langueur opiacée, bercée par une voix féminine un peu acide, un peu nuageuse, rejointe par une voix masculine sur les couplets. On pense au Jefferson Airplane, et on a envie d’en savoir plus sur ce groupe de Cincinatti qui réussit à imposer sa chanson en si peu de temps. Arrive l’album. Pas le premier comme on l’imagine, mais le quatrième. Autre surprise : une entrée en matière explosive – riffs au hachoir, voix énervée et harmonica – qui rappelle les Kinks de 1965, les Remains de 1966 ou les Fleshtones de 1976. Pas de trace de chanteuse, « There Is An End » ne vient qu’en huitième position et est la seule de son genre. Le reste est du pur garagerock, parfaitement exécuté et réjouissant si l’on excepte une ou deux ballades qui ne sont pas le fort d’un groupe nettement plus à l’aise dans l’énergie. Plus tard, on voit les Greenhornes en première partie d’un concert incroyablement vide des White Stripes, et la donne change encore. C’est un trio au son très heavy, doté d’un guitariste qui semble avoir nettement plus écouté Jeff Beck que le guitariste des Sonics. Chaque musicien apporte son concours aux vocaux, atout supplémentaire du groupe, auquel se rajoute encore celui d’être capable d’avoir l’idée de reprendre le « Mary-Ann with Her Shaky Hands » des Who et de le faire brillamment. On ne sait plus trop quoi penser quand ils quittent la scène, mais la musique des Greenhornes, sur scène ou sur disque, n’est pas faite pour penser mais pour se laisser aller à un plaisir immédiat. Dans un sens, celui de la qualité de l’écriture et de la diversité des compositions, Gravenhurst est un client plus sérieux encore. Gravenhurst est le groupe d’un certain Nick Talbot. Installé à Bristol, il ne se réfère pourtant à aucun des groupes emblématiques de la ville ces dernières années, Massive Attack et Portishead, mais avoue des influences qui comprennent aussi bien les Smith, My Bloody Valentine ou Low que Fairport Convention. Les deux premiers albums montraient d’ailleurs un penchant pour le folk et les ballades délicates, avançant lentement sur des feuilles d’automne. Une tendance encore à l’œuvre dans « Fires in Distant Builgings » mais une parmi d’autres. L’album commence par une longue composition rappelant le Pink Floyd cosmique qui a immédiatement suivi le départ de Syd Barrett, plonge de manière inattendue dans une manière de toupie sonore comme en inventait Neü il y a trente ans, et, après les dix minutes d’un « Song from under The Arches », parsemé de bombes à retardement, se termine sur une reprise de « See My Friend » des Kinks qui mérite particulièrement qu’on s’y attarde. Reprendre Ray Davies est toujours une attitude digne d’attention, s’emparer de « See My Friends » une preuve de goût exceptionnelle. En donner une version psychédélique une belle surprise. La voix semble d’abord venir de l’autre côté du ciel, puis elle disparaît quand les mots sont épuisés. La musique, comme si elle avait décidé de la rejoindre, continue seule, dans une trajectoire ascensionnelle et tirant toujours un peu plus d’énergie de sa propre ivresse. Une conclusion particulièrement enlevée. JACQUES VINCENT Sewed Soles, The Greenhornes, V2. Fires In Distant Buildings, Gravenhurst, Pias. garde rapprochée du Fürher. Une réputation : l’égal de Mengele. Arrêté par les Américains, relâché sans raison et aussi sec, exerçant en gynécologie (et en toute impunité) à Baden-Baden, dès 1946, avant de se volatiliser dans les années 1960. FRANCE 3 CINÉMA Efraïm Zuroff a lancé l’opération «Last chance ». VOILÀ QUELQUE SIX DÉCENNIES écoulées depuis l’écroulement du Troisième Reich. Beaucoup de fortes têtes, peu d’arrêtés. Quelques recherchés. Déporté à Belzec puis à Mathausen, Simon Wiesenthal est mort en septembre 2005. Après une vie consacrée à la traque des derniers criminels nazis. Une idée fixe : aucun passe-droit sous prétexte qu’ils ont entre 80 et 90 ans. Justice doit être rendue. Efraïm Zuroff, directeur du centre SimonWiesenthal (portant donc le nom de son fondateur), à Jérusalem, a pris la suite. Et lancé il y a peu l’opération « Last Chance ». L’enquête (à plusieurs mains) s’ouvre dans le sud de l’Allemagne, dans un bureau spécialisé dans la recherche des criminels nazis. Un premier cas dans l’actualité, celui d’Aribert Heim, chef d’orchestre d’expérimentations médicales (notamment des prélèvements du foie et de la rate sur des êtres vivants), exerçant à Mathausen, appartenant à la Aribert Heim est toujours vivant, âgé de 91 ans, et demeure en Espagne (après moult périples, d’Amérique latine en Afrique, via l’Europe). Une réalité prouvée par les mouvements bancaires dont il bénéficie. Les survivants des camps l’ayant croisé sont évidemment rares. Sur le tableau de chasse, d’autres inscrits. Asner, chef de la police serbe, responsable d’arrestations et de déportations à Jasenovac. Engel, dès la première heure dignitaire nazi, responsable de plusieurs exécutions, condamné par contumace… Les réalisateurs ont multiplié les sources. Travail d’archivistes minutieux, recoupements photographiques, témoignage du fils de Heim, pour qui « cette traque est une chasse aux sorcières, bâtie sur des spéculations », entretien avec la fille d’Himmler, protectrice des anciens nazis, images actuelles de rassemblements de nostalgiques du régime nazi, où se mêlent les anciens et les plus jeunes partisans… C’est là un centre confronté aux sempiternels problèmes : des réfugiés, des protégés, des États incapables de répondre aux extraditions, des condamnés par contumace… Autant d’impasses pour l’opération « Last Chance ». JEAN-CLAUDE RENARD Nazis, la dernière traque, vendredi 9 décembre, 23 h 20 (50’), France 3. Penser à l’écart RADIO. Un portrait de l’écrivain Karl Kraus, visionnaire en colère. ÉCRIVAIN ET PENSEUR viennois, Karl Kraus (1874-1936) s’est déployé dans la colère. Auteur des Derniers jours de l’humanité, il diagnostique dans une pièce de 800 pages (publiée chez Agone) les conséquences de la guerre de 1914 sur la civilisation européenne. Chef d’orchestre d’une revue, il publie Die Fackel (le Flambeau) de 1899 à 1936. Une revue crainte par le monde intellectuel et journalistique, où il pratique une violente satire. Kraus y commente articles et idées avec une jolie force d’analyse et une belle dose d’humour. Une faconde qui lui attire de nombreux ennemis… Si une fortune personnelle lui a permis d’être indépendant de tous les pouvoirs, Kraus a tôt senti l’horreur de l’idéologie nazie (dont rend compte Troisième Nuit de Walpurgis). Cultivé et brillant, proposé pour le prix Nobel, il reste l’auteur d’une idée fixe : comment n’être ni un salaud ni un complice des salauds ? C’est là une évocation de l’auteur, avec Hans Schwarzinger, traducteur, JeanFrançois Laplénie, universitaire, Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France. Et des archives de Karl Kraus lisant ses textes, de Goethe chantant Offenbach… J.-C. R. Karl Kraus (1874-1936) ou les colères de la pensée, dimanche 11 décembre, de 20 h 30 à 22 h, France Culture. À vos postes! RADIO TÉLÉVISION TOUS LES DIMANCHES SAMEDI 10 DÉCEMBRE Pascal Boniface France 3 Limousin-Poitou-Charentes, 15 h 55 Le Populaire Il y a quelques belles lurettes. En 1905, Léon Betoulle et Pierre Bertrand créaient le Populaire du Centre. Un siècle plus tard, leur canard est l’un des plus vieux journaux en France. Chargé d’une histoire chaotique épousant celle du socialisme et de la SFIO, comme celle de la ville de Limoges. Rythmé par des entretiens avec des historiens, ce film retrace l’épopée d’une partie de la presse en Limousin jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et de la Libération à aujourd’hui. Radio Orient, de 11 h à 12 h Depuis la rentrée, le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface, anime une émission hebdomadaire sur Radio Orient (94.3 dans la région parisienne et sur www.radioorient.com). Avec un invité, il décrypte les événements et tente d’en éclairer le sens. Hubert Védrine, Elias Sanbar, Hervé Bourges, Gérard Chalian, notamment, ont été parmi ses invités ainsi que, chaque semaine, l’auteur d’un essai qui vient présenter son ouvrage. « Questions internationales », c’est le titre de l’émission, est une boussole dans un monde souvent indéchiffrable. LUNDI 12 DÉCEMBRE Hervé Guibert France Culture, de 20 h 30 à 23 h Écrivain, journaliste, photographe, vidéaste, Hervé Guibert reste une figure singulière de la littérature contemporaine. Il aurait près de 50 ans aujourd’hui, s’il n’était mort du sida, en décembre 1991. Plusieurs émissions se proposent de retracer son itinéraire intellectuel et sa vie en une soirée. À commencer par le Mausolée des amants (de Guibert), lu par Patrice Chéreau et Philippe Calvario. À suivre par une soirée spéciale, enregistrée en direct depuis l’OpéraComique, articulée autour de proches de Guibert, pour tenter d’approcher l’écrivain et le critique photo. DIMANCHE 11 DÉCEMBRE Cuisine livresque France 5, 10 h 10 LUDOVIC LACROZE CULTURE Invité phare de cette émission littéraire dominicale, il est l’un des rares chefs de cuisine à n’avoir pas versé du côté éditorial. À refuser toutes les sollicitations livresques que reçoivent les plus grands casseroleurs. À éviter le résultat d’un certain « moi je ». Alain Passard a fini par céder, et publie aujourd’hui un livre pas comme les autres (c’est-àdire pas un livre de plus, gavant les rayons de libraire). Rien de moins qu’une bande dessinée. Subtile, plaisante. Destiné aux enfants, voire aux parents, cet ouvrage de Recettes des drôles de petites bêtes (Gallimard Jeunesse) est né de la rencontre du chef d’orchestre de l’Arpège avec le dessinateur Antoon Krings, le père de ces bestioles déclinées sur nombre d’albums. Entre le cuisinier et le dessinateur, c’est là un imaginaire au service du geste, de l’ustensile et du produit. Qui voit, par exemple, Hugo l’Asticot sortir de la pomme qu’il habite, fourchette et cuillère à la main, toque et serviette autour du cou, reluquer les autres pommes du verger. Ou Mireille l’Abeille faire sauter les crêpes dans sa poêle sous le regard ébahi des autres petites abeilles. Voilà un titre sans prétention qui joint l’utile à l’agréable, le savoir au plaisir. L’émotion à l’intelligence. VENDREDI 16 DÉCEMBRE Mitterrand et l’Observatoire France 3, 23 h 25 Rediffusion de ce documentaire, réalisé par Joël Calmettes, trempé de politique sur fond de polar en pleine guerre d’Algérie. Ou comment Mitterrand se fait tirer comme un lapin dans les jardins de l’Observatoire, en réchappe, clame à l’attentat avant d’être soupçonné d’être le commanditaire dudit attentat… Plusieurs pistes, plusieurs témoignages (dont celui de Robert Pesquet, ancien député gaulliste, maître d’œuvre des coups de feu, sacré bougre, capable de livrer autant de versions qu’il accorde d’interviews), et, in fine, guère de certitudes sur un événement que Mitterrand a toujours qualifié de complot gaulliste. JEUDI 8 DÉCEMBRE 2005 , Politis, 17