Du couple CONFIANCE – COMPETENCE … et du couple TACHES

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Du couple CONFIANCE – COMPETENCE … et du couple TACHES
Du couple CONFIANCE – COMPETENCE … et du couple TACHES –
ACTIVITE…
C’est le couple CONFIANCE – COMPETENCE qui, dans la plupart des
conditions actuelles de production, sert à interagir, interpréter, évaluer
et décider : interagir directement avec le client ou autres unités parce
que les événements l’exigent, interpréter la demande qui est exprimée
dans ce qu’elle a de spécifique, évaluer la situation et ses enjeux,
décider en regard des règles et des procédures applicables.
Dans la plupart des cas, la nature comme l’urgence de la réponse à
apporter font que le niveau opérationnel est le mieux placé pour décider
de la marche à suivre. Ainsi, alors même que les pratiques comme les
processus sont de plus en plus encadrés, la nécessité de la confiance et
de ses corollaires que sont l’autonomie, la responsabilité, et la prise
d’initiative n’a jamais été aussi forte. Ce faisant, il n’est plus possible de
concevoir le travail uniquement sous l’angle du QUOI et du COMMENT.
Désormais, ce n’est plus le temps consacré à une tâche qui fonde la
productivité.
Alors que le facteur temps n’a jamais été aussi clé pour les
organisations, il n’a jamais été aussi peu pertinent pour apprécier la
performance de l’individu au travail.
Le découplage du temps passé et de la performance constitue
l’une des réalités incontournables des systèmes de production modernes.
L’individu performant est désormais un individu capable de situer son
action en regard d’engagements qui dépassent la stricte exécution d’un
ensemble de tâches prédéfinies. La façon dont chacun se représente sa
contribution en regard des engagements passés envers les clients ou
l’interne est désormais une des clés de la performance.
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Ceci étant, le risque est devenu permanent de voir les salariés et leur
management pris en tenaille entre des exigences dont la contradiction
potentielle est évidente : celles liées au respect des normes de
production en termes de quantités à produire, de maîtrise des coûts et
des délais d’une part, celles liées à la nécessité de réagir en temps réel
aux aléas du processus de production et aux fluctuations de la demande
d’autre part ; d’un côté le respect strict des procédures, de l’autre la
nécessité de solliciter son expérience et ses savoirs.
Désormais, dans un nombre croissant d’activités, les sollicitations
répétées et non programmables des clients, du chef ou du collègue ,
tout comme la fréquence des perturbations imprévisibles liées à la
sensibilité de l’outil de production, obligent des ajustements en temps
réel du travail et contredisent les principes de l’organisation taylorienne
et de la production de masse.
La part de l’activité consacrée à ces ajustements en temps réel est
d’autant plus importante que la « charge relationnelle » associée au
travail est significative et que la sophistification de l’outil de production
est élevée.
On se trouve face à une activité envahie par des exigences dont le
traitement n’est pas différable, et qui se surajoutent aux procédures
« normales ». La pression du temps réel devient énorme et d’autant
moins gérable qu’elle exige des délais d’ajustements souvent non prévus
dans la charge de travail.
Ce qui devient un facteur clé dans ce cadre, c’est la capacité des
opérateurs à évaluer les enjeux associés aux différents types de
situations auxquels ils sont confrontés et qui n’entrent pas dans l’univers
de la prescription. Ils n’y parviennent qu’à la condition de pouvoir se
représenter la finalité ultime de leur travail. C’est elle qui leur permet de
procéder aux arbitrages nécessaires qu’exige leur activité quotidienne.
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Pour QUI (rouge/Relations) et POURQUOI (jaune/Vision) je
travaille devient dans ce cadre au moins aussi important que
COMMENT (vert/Organisation) je travaille et ce QUE
(bleu/Gestion) je fais.
Le « sens » donné au travail est fondamental parce que d’autant plus
fragile que susceptible d’être « agressé » par de multiples
contradictions : faire plus, faire mieux, faire comme il faut, faire à temps
etc. C’est seulement lorsqu’on a totalement saisi et pesé l’ensemble des
dimensions qui conditionnent la performance que l’on peut envisager de
s’engager dans un programme qui a pour objectif de le changer.
Voilà pourquoi, dans un environnement où l’efficacité individuelle comme
collective suppose d’intégrer aussi bien le travail prescrit que non
prescrit, les situations normales comme celles perturbées, cette dernière
doit absolument s’intéresser à ce qui est fait au moins autant qu’à ce qui
est demandé.
Plus largement, il s’agit d’intrégrer, sans en exclure aucun, l’ensemble
des régulations qui conditionnent la performance, en distinguant travail
prescrit/non prescrit d’une part, situation normale/situation perturbée
d’autre part. Dans ce cadre, ce sont deux grands univers qui émergent.
Le premier, dans lequel les individus doivent « se conformer » à des
procédures à appliquer, à des normes de production à atteindre, à des
engagements clients à respecter etc. Le second, dans lequel ils doivent
eux-mêmes interpréter les situations et leurs enjeux, décider et agir en
temps réel, et ce en regard de leur savoir et de leur expérience. Dans ce
dernier cas, c’est la possibilité de se référer à une raison d’être et aux
principes d’action qui lui sont associés qui leur permet d’affronter des
situations dans lesquelles la prescription n’est d’aucun recours.
Du fait des évolutions précédentes, la distinction tâches/activité est
devenue un enjeu crucial de la compréhension du travail et de l’efficacité
collective. De quoi s’agit-il ? De la distinction nécessaire entre ce qui est
demandé et ce qui est fait réellement, autrement dit l’activité.
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A l’analyse, cette dernière apparaît toujours comme plus qu’un ensemble
de tâches. A celles prescrites, formalisées dans les manuels de postes et
les procédures, s’ajoutent (voire se substituent parfois) celles mises en
œuvre par les opérateurs eux-mêmes pour faire face à leur
environnement productif dans ce qu’il peut avoir d’imprévisible et de non
programmé.
Cela les amène à imaginer des solutions en dehors des processus
existants, ou même parfois à s’affranchir de ces derniers lorsqu’ils les
jugent inadaptés. En conséquence, l’activité réelle « déborde » de la
définition stricte des modes opératoires, car ce qui est fait dépasse
toujours ce qui est demandé, dès lors que les aléas et les perturbations
constituent une part significative du quotidien. L’analyse de cette
dernière suppose alors de recenser précisément tout « ce qui se passe »
et ce que « cela demande » : compétences, interactions de toute nature,
etc.
S’il est un enjeu au niveau de l’analyse du travail et des organisations, il
est bien là : substituer à une vision normative de l’activité,
simplificatrice à l’excès, une vision centrée sur l’activité réelle.
En conséquence, lorsqu’on veut agir sur l’efficacité productive, c’est sur
l’activité et l’ensemble de ses déterminants qu’il faut intervenir. En se
focalisant uniquement sur les tâches, on oublie une grande part, voire la
majeure partie, de ce qui fonde la productivité au travail. C’est là une
des erreurs, et pas des moindres, les plus couramment commises
lorsque, au prétexte d’améliorer la performance, on raisonne la
productivité du travail uniquement sous l’angle des temps unitaires et
des enchaînements de postes. Or les gains les plus significatifs de
performance sont, dans la grande majorité des situations, davantage à
rechercher dans l’environnement des tâches plutôt que’en faisant porter
l’effort directement sur ces dernières.
S’intéresser à l’activité, c’est s’intéresser à ce qui est fait autant qu’à ce
qui est demandé. C’est aussi se donner les moyens d’analyser les
situations perturbées et les réponses élaborées pour y faire face
indépendamment des tâches prescrites de façon formelle.
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Pour appréhender la différence entre le travail réel et le travail prescrit, il
suffit de demander à des salariés, cadres compris, d’exprimer ce qu’on
attend d’eux puis de les observer en situation de travail réelle. On
constatera à quel point l’activité réelle peut différer de la définition
formelle du poste occupé. Mais au-delà, l’enjeu véritable du changement
réside dans la capacité des organisations elles-mêmes à mettre en
œuvre des outils et des indicateurs adaptés à l’analyse de l’activité.
Car analyser le travail comme un simple enchaînement des tâches
encadrées par des procédures opératoires constitue une simplification
excessive. Cette myopie quant à ce qui fait la réalité quotidienne
constitue l’un des écueils classiques de la plupart des réformes
d’organisation.
On aurait tort de penser que le problème réside dans une réalité trop
complexe pour être correctement appréhendée.. Il ne s’agit pas de cela.
L’enjeu ici consiste à constater que la réalité n’est pas plus complexe
mais tout simplement différente de ce que la définition formelle des
tâches laisse à penser. Ainsi l’analyse du travail réel suppose de façon
systématique le recensement des contradictions ou du moins des
tensions entre :
- ce qui est demandé versus ce qui est fait
- ce qui doit être versus ce qui est ;
- ce qui est prévu versus ce qui se passe.
Chaque fois que l’on implante un nouvel outil, chaque fois que l’on veut
rationaliser, et qu’on le fait en ignorant ce qui est, ce qui est fait, ce qui
se passe, on va droit à l’échec.
Appeler résistance au changement l’opposition des personnes
concernées à une représentation erronée de leur activité n’est qu’un pisaller résultant d’une posture technochratique qui, au prétexte d’accroître
la performance collective, aboutira à la dégrader.
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