Travail du dimanche: "Les bricoleurs du dimanche", financés et

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Travail du dimanche: "Les bricoleurs du dimanche", financés et
TOUT A ÉTÉ ORGANISÉ ET FINANCÉ PAR LEROY MERLIN & CASTORAMA
Travail du dimanche: "Les bricoleurs du dimanche", financés et
encadrés par Leroy Merlin et Castorama
Photo publiée le 9 décembre 2012 sur la page Facebook des bricoleurs du dimanche |
VIE PROFESSIONNELLE - Un mouvement de salariés indépendant et spontané. C'est ainsi
qu'apparaissent dans les médias les employés de Leroy Merlin et Castorama qui souhaitent
continuer à travailler le dimanche. Un slogan accrocheur ("Yes week-end"), une identité
visuelle aboutie, des porte-parole efficaces, des t-shirts, des banderoles, des affiches... vous y
aurez difficilement échappé ces derniers jours alors que la polémique sur le travail dominical
mobilise les plus hautes sphères de l'État.
Créé en décembre 2012, le collectif "Les bricoleurs du dimanche" regroupe des salariés de
Castorama et de Leroy-Merlin " pour mobiliser l’opinion publique et faire bouger le
gouvernement ". Dans les médias ou dans leurs magasins, ces salariés-militants multiplient
les interventions pour dire tout le mal qu'ils pensent de l'interdiction du travail dominical.
Cette communication est évidemment soutenue par les directions des deux enseignes. Mais
au-delà du soutien moral, c'est une véritable assistance pratique et financière que les deux
enseignes, main dans la main pour l'occasion, procurent à leurs salariés.
Photo publiée le 9 décembre 2012
sur la page Facebook des
"bricoleurs du dimanche"
S'il se refuse à parler de mediatraining, Stéphane Attal, directeur
associé
de
l'agence
de
communication
Les
Ateliers
Corporate, admet sans détour avoir
accompagné le collectif dans sa
démarche. Un soutien dont n'ont
d'ailleurs pas fait mystère certains
salariés mobilisés.
Tout a été financé de A à Z par les patrons
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Mandatée et rétribuée par les directions de Leroy Merlin et Castorama, l'agence a ainsi pu
encadrer les salariés pour "organiser leur communication". "Les salariés sont allés voir leurs
directions en disant 'on veut porter le combat mais on ne sait pas comment faire, aidez-nous',
raconte le communicant au HuffPost. Ensuite, ils ont trouvé eux-mêmes leur slogan, rédigent
eux-mêmes leurs tracts et désignent leur représentants, nous ne faisons qu'ouvrir des portes.
D'ailleurs, nous avons interdit les réunions aux directions".
Ni manipulés, ni instrumentalisés, c'est également le message que tiendra à faire passer
Gérald Fillon, employé chez Leroy Merlin et porte-parole du collectif... que Stéphane Attal
nous passe au téléphone durant notre entretien.Des salariés engagés dans une démarche
militante, dont la formation en communication est indirectement assurée par leur direction...
l'approche est surprenante mais ne remet pas en cause l'honnêteté et la sincérité de
l'engagement des salariés. "C'est une approche innovante" dans une situation où salariés et
directions partagent le même objectif, avance Stéphane Attal.
AFP
"Tout a été financé de A à Z par les patrons (...), c'est tout sauf spontané"
Contacté par Le HuffPost, Sébastien (le prénom a été modifié) raconte la formation à laquelle
il a participé. Sa version est somme toute assez différente de celle du communicant.
"C'était en décembre 2012, juste après l'assignation de magasins Leroy Merlin et Castorama
par Bricorama (condamné fin octobre pour non-respect du repos dominical, Bricorama avait
attaqué les deux enseignes pour "distorsion manifeste de concurrence", ndlr). Le directeur de
mon magasin est venu me voir pour me demander de participer à une formation, il m'a
bien dit que je n'étais pas obligé. J'ai accepté. Là, on a été réuni dans une salle en plein centre
de Paris, il y avait deux ou trois salariés de chaque magasin Leroy Merlin ou Castorama
concernés par les fermetures, soit environ une centaine de personnes. En préambule, des
responsables des deux enseignes ont fait une présentation en disant qu'il s'agissait de notre
projet, puis ils nous ont laissé avec les consultants.
On a commencé par un cours sur la communication de crise, ils nous ont notamment dit ce
qu'ils voulaient éviter, les actions violentes par exemple. Ils nous ont aussi parlé des Pigeons
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(un mouvement d'entrepreneurs contre des réformes fiscales, ndlr), citant notamment en
exemple leur présence sur les réseaux sociaux. L'après-midi, on a été divisé en sous-groupes
pour travailler sur différents thèmes, comme les moyens d'actions à mettre en place, le nom
du collectif, etc... En présentant notre travail aux consultants, certains ont eu l'impression
que le débat était orienté et qu'ils nous menaient là où ils le voulaient. Ils ont d'ailleurs
éliminé pas mal de nos idées et au final les moyens d'action que nous avons arrêtés
ressemblaient beaucoup à ceux qu'ils nous avaient présentés le matin."
La spontanéité, le mouvement des "Bricoleurs du dimanche" n'en a que l'apparence,
selon le salarié de Leroy Merlin.
"Nous avons participé à cette réunion sur notre temps de travail, la direction a remboursé nos
frais de déplacement et un buffet nous attendait. De la même manière, quand nous avons
manifesté entre Montparnasse et le ministère du travail, la direction a loué un bus, nous a
fourni des sandwichs et on s'est servi dans les rayons pour préparer le défilé. Tout a été
financé de A à Z par les patrons.
La démarche répond à une réelle demande, mais c'est tout sauf un mouvement spontané. Il y
avait auparavant très peu de liens entre les magasins mais là les directions ont pu donner
l'impression qu'un mouvement puissant était parti de la base.
Si je demande une augmentation de salaire, jamais mon patron ne m'autorisera à interpeller
les clients dans l'enceinte du magasin. Même chose pour les syndicats, quand ils veulent
protester, ils restent sous la pluie. Tout ça n'est pas très juste.
“La crise favorise le travail dominical”
Le débat sur le travail du dimanche a repris de la vigueur en France. (orchestré par les grands
groupes du bricolage)
C’est un débat récurrent depuis au moins la séparation de l’Église et de l’Etat, en 1905 ! Aux
prescriptions dominicales de l’Église catholique romaine se sont ajoutées les revendications des
syndicats ouvriers réclamant le respect de cette pause hebdomadaire. Dès lors, la gauche et une
partie de la droite ont pu s’opposer avec un certain succès aux offensives du patronat, soucieux de
faire tourner la machine économique à plein régime. Maintenant, avec la crise et la politique des bas
salaires pratiqués par de nombreuses entreprises, la position traditionnelle de l’Église et des
syndicats a plus de mal à être défendue. Les pressions pour le travail dominical sont plus importantes
qu’en période de plein emploi.
Le week-end dernier, des enseignes de bricolage ont bravé une décision de justice en décidant
d’ouvrir le dimanche. Ont-elles eu raison ?....
Sur un plan cyniquement économique, la réponse ne peut qu’être positive, puisque les chiffres
d’affaires réalisés dimanche, d’après eux, [29 septembre] par ces chaînes dépasseraient le montant
des astreintes fixées par la justice pour non-respect de sa décision (120 000). Sur le plan politique,
leur coup est également gagnant puisqu’elles ont contraint le gouvernement à se saisir de ce sujet en
urgence. Sur le plan moral, c’est évidemment désastreux dans la mesure où ces commerces donnent
aux citoyens – et particulièrement aux jeunes – le signe que l’on peut mépriser une décision de
justice sans que cela entraîne des conséquences négatives. Mais la morale pèse d’un poids bien léger
en regard des considérations mercantiles.
Dès que l’on parle en France d’une mission pour clarifier un cadre juridique, il faut méfier. En règle
générale, il en ressort une nouvelle usine à gaz. Il y a un gisement de créateurs de complexité tout à
fait étonnant dans ce pays. Cela dit, personne n’est à même d’expliquer la situation du travail
dominical en France. A Paris, certains magasins peuvent ouvrir le dimanche aux Champs-Élysées,
mais non pas boulevard Haussmann. Allez comprendre !
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Castorama préconise de « marginaliser » les syndicats
Cela ne doit pas être facile tous les jours d’être syndicaliste chez Castorama, si l’on en croit un
document interne vraisemblablement de 2010 et révélé hier par « L’Humanité ».
Intitulé « Les élections professionnelles : pour le meilleur... », il livre un certain nombre de conseils
pour limiter l’influence des syndicats qui dérangent. Il préconise par exemple d’« inciter à
l’abstention pour passer le premier tour » et permettre ainsi la présentation de listes non
syndiquées, autorisées seulement au second tour si l’abstention a dépassé 50 %. « Affaiblir la
capacité électorale », « identifier une liste alliée » ou encore « marginaliser les OS[organisations
syndicales, NDLR] », figurent dans les plans d’actions préconisés. Contacté, Castorama n’a pas donné
suite.
CE QUE DIT LA LOI
La loi de mai 2001 prévoit que le recours au travail de nuit — entre 21 heures et 6 heures — doit
être exceptionnel ; il doit prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la
santé des travailleurs, mais également être justifié par des exigences économiques (métiers de la
restauration, industrie…) ou d’utilité sociale et de santé (hôpitaux, pharmacies…). Lorsqu’une
entreprise souhaite avoir recours au travail de nuit, elle doit le faire par le biais d’une convention,
d’un accord de branche, d’entreprise ou d’établissement. Ce qui ne la dispense pas de devoir
justifier. A Paris, le phénomène a pris une telle ampleur ces dernières années qu’une
intersyndicale, le Clic-P (Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris), a décidé de partir
en guerre contre la déréglementation sauvage des horaires. L’organisation traduit à la chaîne les
contrevenants devant les tribunaux. Parmi eux, le plus emblématique de tous, Sephora, filiale de
LVMH, avec un credo : « La loi est la même pour tous et certaines entreprises ne sauraient y
déroger de manière permanente sans de véritables justifications. »
Le Clic-P a gagné tous ses procès depuis trois ans. C.B. le Parisien
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