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D’Arlette à Marine
tre, facho, nazi, salope » tandis qu’il se fait
frapper et cracher dessus!
L’électrochoc
de l’affaire Moussaïd
L’itinéraire d’un gauchiste
devenu patriote
Fabien Engelmann est la surprise frontiste de ces municipales.
Venu de l’extrême gauche où il a milité plus de dix ans,
adhérent du FN depuis trois ans et viré pour cela de la CGT, il
se raconte dans un livre à paraître cette semaine.
Q
uand Pierre Cassen, le
fondateur de Riposte laïque, a proposé à Fabien
Engelmann, en décembre
dernier, d’écrire un livre
relatant son parcours, il n’imaginait pas
que, trois mois plus tard, l’ancien gauchiste passé de Lutte ouvrière au Nouveau Parti anticapitaliste puis du NPA
au Front national serait élu maire d’Hayange, en Moselle, devançant, dans une
triangulaire, le maire sortant socialiste
et le candidat de l’UMP. Maire frontiste,
ou plutôt mariniste tant il est un produit
de la « génération Marine », d’une ville
lorraine de 15000 habitants, à 34 ans!
Son ouvrage aurait dû s’appeler De
Arlette à Marine et puis, la victoire étant
arrivée, il a été rebaptisé Du gauchisme au
patriotisme, itinéraire d’un ouvrier devenu
maire d’Hayange (1) – ils ne sont pas si
nombreux que ça les ouvriers en politique, que ce soit au FN ou ailleurs. Engelmann y raconte son itinéraire, son évolution et ses fidélités, en essayant de ne
pas oublier ce que Jean-Marie Le Pen
lui a dit un jour: « Camarade Fabien, ne
renie jamais ton passé », mais sans toujours y parvenir. On aimerait en savoir
plus sur son militantisme à LO, au NPA
et la CGT, connaître ce qui, au plus profond de lui, l’animait alors, connaître les
débats qui traversaient les rangs de ces
organisations mais on le sent sur la retenue comme s’il craignait, en se mettant
à nu, de fâcher sa nouvelle famille, et on
sent bien que plusieurs moments importants de sa vie politique sont restitués avec le regard qu’il porte aujourd’hui sur ceux-ci, et non avec celui
qu’il avait à l’époque.
Traité de « facho »
par ses camarades!
Quand sa sincérité est totale, cela
donne les plus belles pages de son livre,
celles qui retracent son adhésion, douloureuse, au Front national, après que
« Marine Le Pen est arrivée dans ma vie »:
« C’était une Gauloise que je voyais. » Au
préalable, il y avait eu un sas, celui auquel l’avait conduit la prise de conscience de l’avancée inexorable de l’islam en France, le mouvement Riposte
laïque justement, auquel il est resté fidèle. Il avait aussi téléphoné, tel un quidam, à la permanence de Steeve Briois,
à Hénin-Beaumont, pour en savoir plus
sur le réel projet du Front national. Puis
était venu au meeting de Marine Le Pen
à Metz. Il a été conquis.
Quand Thierry Gourlot, responsable
mosellan du FN, lui a proposé d’adhérer, cela n’a pas été simple: « Je sortais
mes trente euros […], puis les remettais dans
ma poche, avant de les sortir à nouveau… Je
réclamais des garanties, notamment sur le
fait de ne recevoir aucun courrier estampillé
Front national. Je voulais bien adhérer mais
de manière occulte. […] Au fond de moi, il
y avait quelque chose qui me poussait et j’étais
convaincu d’aller dans la bonne direction
mais dans le même temps, une petite voix
intérieure me murmurait que choisir le Front
national, c’était forcément mal […] Ce que
j’appréhendais, c’était surtout le regard des
gens. »
Il raconte même que, ayant adhéré et
reçu sa carte, il la cachera sous sa commode pour être sûr que personne ne la
trouverait, même s’il se faisait cambrioler!
Lui qui avait adhéré à Lutte ouvrière
à 20 ans, à la fin des années 1990, puis au
NPA une dizaine d’années plus tard, lui
qui avait défilé dans l’entre-deux-tours
de la présidentielle de 2002 contre Le
Pen deviendra l’homme à abattre, le syndicaliste qui a « trahi » et qu’il faut faire
expier. Ainsi de ces scènes surréalistes
où, convoqué par la CGT, après qu’il
avait été candidat aux cantonales, au
siège de l’organisation syndicale à Montreuil, il est accueilli par cinq cents personnes vociférant et le traitant de « traî-
Une fois, déjà, Fabien Engelmann
s’était fait traiter de facho. Et il n’était
pas membre du Front national, loin s’en
faut. Il défilait même contre celui-ci!
C’était après la qualification de JeanMarie Le Pen pour le second tour de la
présidentielle de 2002. Pour le premier
tour, il avait fait la campagne d’Arlette
Laguiller, qui avait obtenu 5,72 % des
voix, le meilleur score de ses cinq
candidatures à l’Elysée. Le Pen
qualifié, elle avait refusé d’appeler à voter pour Jacques Chirac. A
LO, le slogan était: « Ni Chirac, ni Le
Pen » et la consigne était de voter
blanc. Il avait voulu néanmoins
aller manifester. Avec ses camarades, il s’était fait virer par les communistes et les trotskistes de la LCR
aux cris de « sales fachos »!
C’est à la LCR justement, devenu le NPA, qu’il rejoindra quand
même après avoir quitté LO qu’il
prendra pleinement conscience du
fossé qui le sépare de ses camarades, lors de ce qu’on appelle
l’«affaire Ilham Moussaïd», du nom
de cette jeune femme voilée que le
NPA présentera dans le Vaucluse
lors des élections régionales de 2010.
Il se rend compte alors que le
parti accepte et promeut une femme
voilée, sans avoir consulté les militants,
pour le douteux motif qu’elle est un
symbole de la lutte contre l’impérialisme, alors que, dans le même temps,
dans le même parti, « il [est] loisible d’attaquer la religion catholique […], au prétexte que les chrétiens étaient des envahisseurs, d’infâmes colons qui avaient torturé et
brûlé les hérétiques sur les bûchers » – « ce
qui n’est certes pas faux mais c’était il y a
bien longtemps » ajoute-t-il.
Les régionales passées, il quittera le
NPA comme des milliers d’autres militants, écœuré de la démagogie d’Olivier Besancenot qui avait pour seul
but, selon lui, de « récupérer l’électorat
des islamistes des cités ». Il siège maintenant au bureau politique du Front na
tional.
Antoine Vouillazère
1. Editions Riposte laïque, 18 euros.
16 avril 2014

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