SI TU ME CHERCHES, JE NE SUIS PAS LÀ À L`OMBRE D`UNE
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SI TU ME CHERCHES, JE NE SUIS PAS LÀ À L`OMBRE D`UNE
SI TU ME CHERCHES, JE NE SUIS PAS LÀ À L’OMBRE D’UNE COLLECTION D’AFFICHES Galerie nationale de la tapisserie du 30 janvier au 30 avril à Beauvais Une centaine d’affiches issues du fonds contemporain de la ville de Chaumont sont présentées à la Galerie nationale de la tapisserie à Beauvais. Choisies parmi les 50 000 pièces de la collection, ces affiches ont été conçues entre les années 1960 et aujourd’hui, elles proviennent de France, d’Europe, mais aussi du Japon, de Corée ou de Russie. Là, elles ont accompagné dans l’espace public la communication de lieux culturels, la création de pièces de théâtre ou le lancement de films mais aussi la diffusion de messages à caractère politique ou social afin de permettre leur interrogation et leur appropriation par le public. L’affiche est un objet dédié à la visibilité que l’on n’apprend pas à regarder. Un jeu d’ombres et de lumières opère entre sa force d’expression propre et celle de son sujet. Les enjeux politiques, sociaux ou culturels qui fondent chaque commande se confrontent au travail de l’image, du texte, de la forme, de la couleur, à la qualité d’impression ou au choix de format amenés par le graphiste. Affiches de films, livrées pliées afin d’être jointes aux bobines adressées aux salles de cinéma, affichettes militantes dont la taille réduite facilite le collage et répond à une économie modeste opposée au format Decaux des communications institutionnelles et publicitaires, à chaque fois, les enjeux et contraintes propres à un contexte donné ont été réappropriés par un graphiste, auteur reconnu ou faiseur anonyme. Typographie, impression, image… dans l’affiche, le graphisme conjugue ainsi des éléments propres à sa propre discipline à d’autres constitutifs de la culture visuelle de son sujet et de son public. Après cette première vie et leur entrée dans les collections de Chaumont, il importe que l’exposition permette de nouveau à ces affiches de posséder un caractère actif quand bien même les pièces qu’elles annoncent ne sont plus jouées, l’industrie du cinéma s’est réformée et la crise idéologique a vu l’appareil politique renoncer au média affiche au profit d’une communication conventionnelle et policée. Il est tout aussi essentiel que le public ne soit pas placé face à des objets qui lui seraient opposés comme les chefs d’œuvres d’un genre dont il ignore les enjeux et les clés. Fondée sur la participation des graphistes à un concours international d’affiche créé en 1990 et complétée par des donations diverses, la collection de Chaumont manifeste clairement l’absence d’un collectionneur, de ses choix, de ses intentions et de son regard sur lequel un public pourrait guider le sien. L’espace laissé ainsi vacant est investi par Jean-Marc Ballée et Étienne Hervy, commissaires de l’exposition. Leur intervention ne consiste pas ici à choisir les meilleures affiches, à désigner des maîtres ou à illustrer des courants ou des époques, mais à proposer une relation directe aux œuvres qui permette au visiteur de les aborder depuis son propre référentiel visuel. Plutôt que de renseigner davantage sur leur provenance et afin d’éviter une lecture d’image scolaire et biaisée, les affiches apparaissent pour ce qu’elles sont, ne portant avec elles que quelques traces/stigmates de leur contexte d’origine : titre, langue, esthétique, dates… Libérées du poids de leur auteur et des limites de la commande qui les a déclenchées, elles gagnent en autonomie et affirment leur force d’expression. Les commissaires ont opéré une sélection fondée sur la capacité des affiches retenues à résonner entre elles au sein de 34 blocs de deux à cinq images disposés en ordre dispersé comme une série de petits morceaux dont la connexion n’est pas prédéterminée, des mots de Gilles Deleuze à propos de Robert Bresson. La référence au cinéma n’est pas anodine et renvoie à un travail de montage, à la genèse d’une narration fragmentée. Ces regroupements font exister un hors-champ qui voit s’établir des connexions et des conversations entre les affiches contribuant à en ouvrir davantage les effets de sens et de scènes. Dans le sous-sol de la galerie, chaque bloc est accompagné d’un numéro d’ordre porté à l’échelle d’un poster. Aucune autre logique que le hasard et la triche ne régit l’organisation de ces nombres dans les espaces, une adresse claire est faite au visiteur de décider seul des étapes de son cheminement. De la même façon, il pourra ou non consulter les 34 entrées correspondantes cette fois réunies dans l’ordre pour constituer une publication librement mise à disposition dans la Galerie. Ces pages répondent à chaque bloc par un commentaire écrit et visuel envisagé comme une leçon d’images. Sous-titrée « à l’ombre d’une collection d’affiches », l’exposition trouve son titre dans un rébus posé par Umberto Eco : « Si tu me cherches, je ne suis pas là » qui est précisément ce qui fonde le regard d’une image. Pour la voir elle, il faut que son sujet s’absente. La communication de l’exposition n’échappe pas à la règle. Plutôt que d’entrer en rivalité avec les pièces exposées et leurs auteurs, l’affiche de l’exposition évite toute confusion avec ce que devrait être une affiche d’exposition. En convoquant différents états de l’affiche, elle intervient comme un préalable à l’exposition et initie une continuité avec la publication, les connexions entre les affiches, leur répartition dans les espaces et leur proximité avec les numéros d’ordre. Il y a un rébus génial : il s’agit de dessiner deux demi-cercles sur une feuille de papier et de demander à son vis-à-vis quelle est la solution. L’ambiguïté est due au fait que ces demi-cercles sont en même temps deux lettres C. Or, les demi-cercles en italien se disent semicerchi mais « se mi cerchi » signifie « si tu me cherches ». La solution est donc « semicerchi, non C sono » (« ils sont des demicercles, non des C » qui peut être entendue aussi comme « se mi cerchi non ci sono », c’est-à-dire « si tu me cherches, je ne suis pas là ». Le fait qu’on reconnaisse des demicercles, c’est universel. Le fait qu’un Grec ou un Phénicien reconnaisse une lettre C, c’est culturel. Vous voyez comme deux mouvements interfèrent ; ce n’est donc pas vrai que tout est universel et analogique, c’est un mélange. Mais c’est exactement ce que Peirce appelle l’hypo-icône. De Raphaël aux bandes dessinées, ce sont des hypo-icônes, c’est-à-dire des éléments mêlés d’icônisme et de similitudes indicielles. À propos de l’universalité des images, il y a aussi l’histoire du Japonais qui va à Rome, qui entre dans une boutique d’objets religieux, il montre un crucifix et dit : « Combien ça coûte cet acrobate ? ». Umberto Eco, « La Langue imparfaite des images », entretien avec Adeline Wrona et Frédéric Lambert publié dans L’Expérience des images, INA, 2011 COMMISSAIRES ET SCÉNOGRAPHES : Jean-Marc Ballée et Étienne Hervy Jean-Marc Ballée est graphiste et commissaire d’exposition. Étienne Hervy est directeur artistique du festival Chaumont design graphique depuis 2010. DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLES,VILLE DE BEAUVAIS : Gaïdig Lemarie, responsable mission arts plastiques / Galerie nationale de la tapisserie Sébastien Krajco, régie culturelle de la ville de Beauvais DIRECTION DU GRAPHISME, VILLE DE CHAUMONT ET ASSOCIATION DU FESTIVAL CHAUMONT DESIGN GRAPHIQUE : Virginie Guyot, chargée d’administration Éric Aubert, chargé des expositions Céline Martel et Lise Vial, assistante de conservation Jorge Betancourt, sérigraphe Alexandra Magnien, chargée des publics Maryse Mariot, secrétaire Susanne Schroeder, administratrice du Festival Dominique Doré, responsable logistique du Festival Francine Bausmayer, comptable du Festival GRAPHISTES REPRÉSENTÉS DANS L’EXPOSITION : Fernando Pimenta, Éva Kemény and László Sós (So-Ky) Gérard Fromanger Jean-François Peschot M/M (Paris) Elfi Schuselka Alejandro Magallanes Klaus Staeck Peter Frey Benjamin Kivikoski Shin Matsunaga Flag Michel Quarez Roger Boumendil Hi Ronald Curchod Daniel van der Velden et Maureen Mooren Ruan Hongjie Ralph Schraivogel Gérard Paris-Clavel Mathias Schweizer Mirko Beokovic Gerry the cat Paul Brühwiler Gunter Rambow Nice Nazareno 8vo Anna Rebeschini/Heads collective Christophe Gaudard Thomas Hirschhorn Steffen Schuhmann Spassky Fischer Shigeo Fukuda Cornel Windlin Rejean Myette Paul Peter Piech Waldemar Swierzy Uwe Loesch Art Chantry Rainer Komers Officeabc Syndicat Grapus Stefan Sagmeister Dima Kavko Paula Scher Kim Do Yung Coppens Alberts Gunter Kieser Mieczyslaw Gorowski Sacha Kieffer Haberland Koichi Sato Henrik Kubel Tadanori Yokoo