Séminaire d`Economie Nationale LA CRISE IMMOBILIERE
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Séminaire d`Economie Nationale LA CRISE IMMOBILIERE
Sémi naire d’ Eco nomie Nationale LA CRISE IMM OBILIE RE Mars 2004 Michèle DEGAUDENZI Alain ROCHEDIEU Rita RODRIGUES La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne REMERCIEMENT S Nous tenons à remercier chaleureusement toutes les personnes sans qui cette étude n’aurait pas été possible, à savoir : Mme AMSTEIN Claudine, Présidente du secrétariat de la CVI1, M. FELLER Olivier, Secrétaire général de la SVR2, M. CHAPEL, membre de la régie EDOUARD BRUN & CIE SA, M. HAURI Ernst, Directeur du Dpt. « Politique et Analyses » à OFL3, M. NIELS Christian, Administrateur de la régie RILSA SA, M. THALMANN Philippe, Professeur d’économie à l’EPFL, et enfin M. LAMBELET Jean-Christian, notre professeur. 1 2 3 Chambre Vaudoise Immobilière Société Vaudoise des Régisseurs et Courtiers en Immeubles et en Fonds de Commerce Office Fédéral du Logement La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne T ABLE DES M ATIÈRES 1 2 3 4 5 6 7 8 Introduction.....................................................................................................................2 Cadre de Référence ......................................................................................................3 2.1 Les différents acteurs..............................................................................................3 2.2 Cadre légal ...............................................................................................................4 2.2.1 Le Droit du bail actuel.....................................................................................4 2.2.2 Le « Nouveau Droit du bail » soumis aux votations le 8.02.04 ...............5 L’immobilier : un marché spécial ? ..........................................................................7 3.1 Qu’entend-on par pénurie ? ...................................................................................7 3.1.1 Le taux de logements vacants.......................................................................7 3.1.1.1 Genève en tête du palmarès .................................................................7 3.1.2 La pénurie : un phénomène connu en Suisse ............................................7 3.1.2.1 Historique des crises précédentes........................................................8 3.1.2.2 Ce que l’historique nous révèle ...........................................................10 3.2 Autres spécificités de ce marché ........................................................................10 Pourquoi cette pénurie actuelle de logements ? ................................................12 4.1 Du côté de la demande ........................................................................................12 4.2 Du côté de l’offre....................................................................................................13 4.2.1 Facteurs passés influençant la situation actuelle .....................................13 4.2.1.1 Crise de confiance & diversité des alternatives d’investissement .13 4.2.1.2 Interdiction de la propriété par étage..................................................14 4.2.2 Facteurs actuels influençant l’avenir ..........................................................15 4.2.2.1 Les oppositions relatives aux permis de construire .........................15 4.2.2.2 Instabilité du Droit de bail et manque de perspectives ....................16 4.2.2.3 Taux hypothécaire au plus bas, mais pas d’investissements ! ......16 Discussion et prise de position...............................................................................17 5.1 Notre avis : Libéralisation avec encadrement de l’Etat ...................................17 5.2 Sous quelle forme l’Etat doit-il intervenir aujourd’hui ? ...................................18 Conclusion....................................................................................................................19 Bibliographie ................................................................................................................20 7.1 Etudes .....................................................................................................................20 7.2 Ouvrages de référence .........................................................................................21 7.3 Webographie ..........................................................................................................21 Annexes .........................................................................................................................23 8.1 Annexe 1 : La Suisse, un peuple de locataires ! ..............................................23 8.2 Annexe 2 : Logements vacants en Suisse en % au 1 er juin 2003 .................24 8.3 Annexe 3 : Taux de vacance en Suisse, entre 1900 et 1995.........................25 8.4 Annexe 4 : Indice des loyers et IPC entre 1900 et 1995.................................25 8.5 Annexe 5 : Evolution de la population résidante de Vaud ..............................26 8.6 Annexe 6 : Population résidante du canton de Genève ..................................27 8.7 Annexe 7 : Taux hypothécaires en Suisse et aux Etats-Unis ........................28 8.7.1 Graphique 1 : En Suisse ..............................................................................28 8.7.2 Graphique 2 : Aux Etats-Unis ......................................................................28 -1- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 1 Introduction Avec un taux de propriétaires d’à peine 30%4, les résidents helvétiques se distinguent de leurs voisins européens. C’est notamment une spécificité de notre pays qui depuis le début du siècle a tendance à être sujet à de maintes crises immobilières. Aujourd’hui, ce phénomène récurrent de crise immobilière5 persiste et reste un sujet d’actualité. C’est cette quasi-constance de pénurie qui nous amené au constat que l’immobilier est un marché à part. Cette thématique a suscité au sein de notre groupe l’intérêt d’en comprendre les fondements. Afin d’aider le lecteur à mieux saisir la problématique, nous procéderons premièrement à un brossage du cadre de référence dans lequel prend forme notre étude. Nous chercherons deuxièmement à comprendre pourquoi nous sommes en présence d’un marché spécial. Troisièmement, nous identifierons et analyserons quels facteurs, actuels comme passés, ont entretenu cet état de pénurie. Enfin, nous discuterons la question de savoir si l’Etat a un rôle de régulateur à jouer dans cette problématique ou si un équilibre naturel du marché immobilier est envisageable. Il est important de noter que le sujet de notre rapport étant relativement vaste, nous avons décidé de nous focaliser essentiellement sur le marché du logement locatif des cantons de Vaud et de Genève. Biens que d’autres centres urbains, tels que Zürich, connaissent également une pénurie dans leur parc locatif, nous nous sommes sentis plus concernés par la pénurie de ces deux cantons romands. Afin de mieux cerner le sujet, nous avons eu l’opportunité de rencontrer de nombreuses personnalités actives dans les milieux immobiliers, notamment Mme Claudine Amstein, Présidente du secrétariat de la CVI6, M. Olivier Feller, Secrétaire général de la SVR7, M. Philippe Thalmann, Professeur d’économie à l’EPFL, M. Christian Niels, Administrateur de la régie RILSA SA, M. Chapel, membre de la régie EDOUARD BRUN & CIE SA, et M. Ernst Hauri, Directeur du département « Politique et Analyses » à l’Office Fédéral du Logement et anthropologue social. C’est suite à ces différents entretiens, ainsi qu’au moyen de nombreuses lectures et recherches, que nous avons pu élaborer cette analyse et prendre position. 4 Cf. Annexe 1 : Graphique fourni par le Prof. Thalmann. Par crise immobilière, nous sous -entendons la pénurie de logements. 6 Chambre Vaudoise Immobilière 7 Société Vaudoise des Régisseurs et Courtiers en Immeubles et en Fonds de Commerce 5 -2- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 2 Cadre de Référence 2.1 Les différents acteurs Dans le but de mieux saisir la problématique, il nous semble avant tout crucial de distinguer les différents acteurs concernés par l’immobilier. Premièrement, abordons les promoteurs immobiliers. En effet, ces derniers nous paraissent les plus importants, étant donné qu’ils assurent le rôle de maîtres d’œuvre et sont à la source du projet. Ils procèdent à la recherche de terrains, assument les risques financiers, en les acquérant avec leurs fonds propres ou par emprunt hypothécaire (apport minimal de 20% de fonds propres). Ils mandatent ensuite différents intervenants de la chaîne de construction. Puis, deux solutions s’offrent à eux : ils cherchent soit à revendre le projet, aussi bien à des institutionnels qu’à des privés, soit ils en restent propriétaires, ce qui constitue un placement. Les risques de perte doivent être compensés par un rendement élevé, étant donné les nombreuses conditions nécessaires pour que le projet voie le jour. Deuxièmement, il ne faut pas sous -estimer la proportion de locataires, qui en Suisse représente 70% de la population. Nous expliquerons, dans notre présentation orale, les raisons de cette disproportion entre locataires et propriétaires, notamment en examinant la situation des pays voisins. Troisièmement, il faut considérer les professionnels de l’immobilier, aussi appelé gérances ou régies. Selon un rapport de la Société des Régisseurs de Genève 8, « la gérance d’immeubles locatifs est un mandat par lequel un propriétaire d’immeuble, ou toute autre personne physique ou morale bénéficiant de droits comparables à la propriété sur un immeuble, confie la gestion totale ou partielle de cet immeub le à un professionnel qualifié, appelé régie. » Ils jouent donc le rôle d’intermédiaires entre propriétaires et locataires et ont une responsabilité vis-à-vis de ces derniers. Néanmoins, ils doivent se tenir au courant de l’évolution de l’économie immobilière afin de pouvoir conseiller le public et le faire bénéficier des prestations optimales. Quatrièmement, regardons de plus près les sociétés coopératives. Il s’agit de sociétés propriétaires, auxquelles les locataires peuvent adhérer par la souscription de parts sociales. Ces derniers peuvent alors notamment bénéficier d’habitations à des conditions avantageuses. Néanmoins, ils doivent respecter certains codes de solidarité spécifiques aux coopératives. Cinquièmement, les institutionnels à savoir les caisses de pension ont un rôle à jouer, puisqu’ils détiennent les moyens d’investir dans des projets de grande envergure. 8 SR, Société des Régisseurs de Genève, Rapport sur les « prestations des membres », édition 2001, état au 1 er janvier 2004. -3- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne Sixièmement, considérons les différentes associations qui gravitent autour du secteur . Dans le canton de Vaud, les gérances vaudoises sont regroupées dans la SVR (Société Vaudoise des Régisseurs et Courtiers en Immeubles et en Fonds de Commerce). Il s’agit d’un organe de régulation qui assure la défense et la sauvegarde des intérêts des professionnels de l’immobilier. La SVR informe également les personnes en quête de renseignements dans le domaine. Dans la même optique, une association de conseils au niveau juridique existe aussi pour les propriétaires : il s’agit de la CVI (Chambre Vaudoise Immobilière). De plus, l’ASLOCA (Association Suisse des Locataires) est une association qui a pour rôle de défendre les droits des locataires et de les soutenir en cas de litiges. « L’ASLOCA est un partenaire immobilier incontournable et nécessaire », commente M. Niels. En Suisse romande, on parle aussi de Fédération Romande des Locataires. Il faut encore noter, au niveau fédéral, la présence de l’OFL (Office Fédéral du Logement). D’après les données fournies par son site Internet9, « L'OFL est chargé de l'application des lois adoptées par le Parlement pour permettre à la Confédération d’assumer les tâches en matière de politique du logement mentionnées dans la constitution. » Il accorde notamment des subventions de manière sélective, en particulier aux sociétés coopératives. Enfin viennent les spéculateurs. Ces derniers sont nommés par certains « les parasites », alors que d’autres les considèrent comme des régulateurs du marché. Ils ne fournissent pas de produit immobilier, contrairement aux promoteurs constructeurs. Par contre, ils font des transactions d’achat ou de vente qui influencent les prix du marché. Ils sont essentiellement axés sur la rentabilité de leurs investissements. 2.2 Cadre légal Nous allons dans cette section définir en quelques lignes la situation actuelle légale et les modifications qui y ont été proposées. 2.2.1 Le Droit du bail actuel L’actuel Droit du bail est en vigueur depuis 1990. Selon le Conseil Fédéral, « il a été conçu pour déboucher sur une solution durable, mais les locataires ainsi que les bailleurs n’ont cessé d’en demander la modification. » 10 Plusieurs principes-clé le régissent : L’évolution des loyers est liée au taux hypothécaire. Cela veut dire que si le taux hypothécaire général fixé par la Banque Cantonale augmente, le bailleur a le droit de répercuter cette hausse sur les loyers. Inversement, si le taux hypothécaire baisse, le bailleur devrait en principe aussi répercuter cette baisse sur le loyer, mais on constate que tel n’est pas toujours le cas, en pratique . 9 10 http://www.bwo.admin.ch Explications du Conseil Fédéral, votation populaire du 8 février 2004. -4- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne Lorsque les taux hypothécaires (ou d’autres bases de calcul du loyer) varient fortement, le locataire est en droit d’exiger une baisse de loyer. Depuis une dizaine d’années, les taux ont sensiblement évolué avec une tendance marquée à la baisse. Or, les locataires n’usent souvent pas de leur droit, car comme il y a pénurie, ils craignent que les bailleurs ne les « sanctionnent » et ne portent préjudice à leur cadre de vie. De plus, d’après un article de la Tribune de Genève, M.Olivier Jornot, un partisan du contre-projet proposé le 8 février dernier, pense que « ce taux n’est pas approprié car il est influencé par les variations mondiales des capitaux ». Pour ce qui est de la détermination des loyers abusifs, le critère actuel est de se demander « si le loyer pratiqué rapporte un rendement excessif ou s’il se fonde sur un prix d’achat exagéré »11. Nous pouvons clairement constater que ces critères sont définis de manière relativement floue et qu’ils sont donc difficiles à mettre en application. Concernant les hausses de loyer après un transfert de propriété, actuellement le propriétaire a le droit de le faire mais encore une fois « si on peut juger que le prix d’achat n’est pas exagéré ». C’est à cause de cette complexité et de cette opacité de la loi, que depuis déjà quelques années, locataires et propriétaires se trouvent mécontents et cherchent des solutions de remplacement. Ainsi, Mme. Claudine Amstein nous appris que la CVI et l’ASLOCA s’étaient rencontrés pour réfléchir à une proposition d’initiative. Cette réflexion avait notamment pour objet de négocier un lissage des taux hypothécaires. Après avoir procédé à des simulations économiques, ils ont ensemble tiré les mêmes conclusions, soit que ce lissage n’était pas viable. Malgré cela, l’ASLOCA n’a pas hésité à lancer tout de même « l’initiative pour des loyers loyaux », abandonnant ainsi les tentatives de trouver un terrain commun avec la CVI. 2.2.2 Le « Nouveau Droit du bail » soumis aux votations le 8.02.04 Suite au rejet de l’initiative de l’ASLOCA à 67,3%, le Conseil Fédéral et le Parlement ont ensemble préparé un « contre-projet indirect » à celle -ci. Dans cette loi, plusieurs changements ont été proposés. Observons ci-dessous lesquels. L’évolution des loyers aurait été dorénavant basée sur l’Indice des Prix à la Consommation (IPC). D’après nous, cela fut mal interprété par certains locataires. En effet, ceux-ci craignirent une spirale ascendante des loyers, car ils comptent pour 20% dans l’indice. Le Prof. Thalmann nous a démontré mathématiquement qu’en acceptant la loi les loyers ne prendraient pas autant l’ascenseur que les médias le sous -entendaient. 11 Source : Brochure tout ménage, concernant les votations du 8 février 2004. -5- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne Supposons qu’en 2'000 tous les prix restent inchangés, sauf les loyers qui eux augmentent de 10%. Rappelons que si le nouveau Droit du bail avait passé, les loyers auraient été indexés à l’Indice des Prix à la Consommation. C’est pourquoi en l’année 2001, l’IPC aurait à son tour augmenté de 2% (à savoir 10%, l’augmentation des loyers * 20%, la proportion des loyers dans l’IPC). Cette hausse de l’IPC fera majorer les loyers 2002 de 2%, puisque l’indexation est de 100%. Etant donné que les loyers constituent 20% de l’IPC, ce dernier augmentera en 2002 de 0.4% (à savoir 2%*20%). L’indexation à 80% proposée par l’ASLOCA ne représente qu’une différence minime. Augmentation en % Augmentation de loyer 12 10 8 6 4 2 0 Augmentation de loyer 2000 2001 2002 Années Nous constatons donc que si les loyers étaient indexés à l’IPC, leur augmentation serait de plus en plus faible. C’est ce que nous pouvons voir dans le graphique cidessus. L’autre changement proposé par cette loi était le nouveau critère pour déterminer le caractère abusif d’un loyer. Plutôt que de devoir juger approximativement si les loyers fixés par les bailleurs étaient ou non le fruit de rendements exagérés, le Parlement proposait que l’Office Fédéral du Logement (OFL) mette en place un système de loyers comparatifs basé sur des calculs statistiques poussés. Sur cette base, on aurait qualifié d’abusif un loyer excédant 15% du loyer comparatif établi par l’OFL. Selon M.Hauri de l’OFL, « le manque de transparence de ce calcul était voulu par les autorités et constituait le problème de fond du contre-projet ». En terme de transfert de propriété, le nouveau droit proposait de limiter l’augmentation de loyers à hauteur de 10% maximum par an, par rapport à l’ancien loyer, ainsi que dans la limite des loyers comparatifs. Pour ce qui concerne les augmentations de loyer suite à des rénovations, ce contreprojet les plafonnait à 20% par an, au maximum, tandis que l’échelonnement n’est pas obligatoire dans le droit actuel. Ainsi, cette loi fut rejetée par le peuple et nous restons dans une situation de mécontentement général. Le manque de perspectives quant à l’évolution du cadre légal n’encourage bien évidemment pas à investir dans l’immobilier. -6- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 3 L’immobilier : un marché spécial ? Effectivement, l’immobilier est un marché « à part ». La raison principale de cette affirmation est la quasi-constance de pénurie qui s’étale sur plus d’un demi-siècle. 3.1 Qu’entend-on par pénurie ? Economiquement parlant, la pénurie se traduit par une insuffisance d’offre ou un excédent de demande. Comment jauger de cette pénurie ? Un des instruments économiques utilisés pour la mesurer est le « taux de logements vacants ». 3.1.1 Le taux de logements vacants Il s’agit du rapport entre le nombre de logements proposés sur le marché pour la vente ou la location et le nombre de logements existants. D’après l’Analyse Economique de l’Evolution des Loyers de l’Institut Créa, « En Suisse, on considère en principe que le marché est équilibré lorsque le taux de logements vides tourne aux environs de 1,5%. A ce niveau, l’offre est suffisante sans être exagérément abondante, et il n’y a pas non plus d’excès de la demande. » Nous pouvons voir à l’annexe 2 que, bien que la tendance nationale soit à la diminution du nombre de logements vacants en centres urbains, certains cantons comme Glaris, Argovie, Thurgovie ont un marché équilibré. D’autres cantons aimeraient se vanter d’une telle situation… 3.1.1.1 Genève en tête du palmarès Dans certains cantons, ce taux est préoccupant puisque bien en dessous du seuil d’équilibre. Le canton de Genève arrive en tête du palmarès des cantons aux plus faibles taux de vacance au 1 er juin 2003, avec un taux de seulement 0,17%. Fin 2003, le canton de Genève comptait quelque 38'700 bâtiments d'habitation, dont plus de la moitié (21'775) de villas, soit des bâtiments à un seul logement. Le parc des logements existants compte un peu plus de 210'000 unités. Au mois de juin de l’année passée, on a seulement recensé 355 logements vacants, contre plus de 3'000 quelques années auparavant (1997). 3.1.2 La pénurie : un phénomène connu en Suisse Comme nous l’avons mentionné précédemment, le marché immobilier helvétique « baigne » dans la pénurie depuis plus d’un demi siècle. Nous avons jugé pertinent de nous pencher sur l’historique de notre marché immobilier. -7- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 3.1.2.1 Historique des crises précédentes Jusqu’en 1917, le marché immobilier était libre, les suisses vivaient sans aucune prescription légale concernant la fixation ou l’évolution des loyers. Ceux-ci fluctuaient en fonction des principes de base d’une économie de marché, l’offre et la demande. Le taux de logements vides avoisinait alors les 1.5% 12 : l’offre était suffisante sans être exagérément abondante. Pendant la guerre, de nombreux étrangers ont dû retourner dans leur pays à cause de la mobilisation. Cela entraîna un surplus d’offre se traduisant par un taux de vacance de l’ordre de 2,5%. Ainsi, le prix des loyers baissa sensiblement ce qui n’encouragea pas la construction, à tel point qu’en 1917 la situation se retourna. De 1917 à 1924, « L’agitation sociale provoquée par une grave pénurie de logement obligea la Confédération à intervenir. Le 18 juin, le Conseil fédéral adopta un arrêté contre les hausses de loyer. (…) Le 15 juillet 1919 le gouvernement encouragea par un nouvel arrêté la construction de bâtiments résidentiels. » 13 De 1924 à 1936 Ces mesures furent supprimées en 1924 et l’on se retrouva à nouveau dans une situation de marché libre, avec comme conséquence immédiate l’essor de la construction. Les investisseurs regagnèrent confiance. Le taux de vacance passa de 0.4% en 1924 à 1.7% en 1931. La grande crise des années 30 provoqua un excédent d’offre sur le marché locatif. Le taux de vacance avoisina même les 5% entre 1931 et 1936 ! Par conséquent, les loyers chutèrent. Phénomène assez surprenant : les propriétaires couraient après les locataires. Cette période se solda par un ralentissement de la construction. De 1936 à 1962 En septembre 1936, le Franc Suisse fut dévalué. Le Conseil Fédéral craignit alors que les effets de cette mesure ne fussent neutralisés par une hausse générale des prix. Il instaura, à cet effet, un contrôle général de tous les prix. Lorsqu’une année plus tard cette mesure fut levée, les loyers continuèrent d’être sous contrôle afin de pouvoir garantir un logement à tout individu, dans des conditions supportables. Dès le début de la seconde guerre, les loyers ont été bloqués. Ainsi, bien que l’IPC ait augmenté de 53% 14 entre 1939 et 1945, les loyers n’augmentèrent que de 1,8%, ce qui veut dire en termes réels que le coût du logement baissa. Etant donné des loyers aussi bas, à nouveau cela n’encouragea pas la construction, et on se retrouva dans une période de pénurie. 12 Cf. Annexe 3 Cf. « La Politique du Logement », P. Thalmann, P. Favarger, S. Cuennet, 2002. 14 Cf. Annexe 4 13 -8- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne En 1954, on libéra du contrôle des loyers tous les logements construits après 1946. Cette mesure fit évidemment apparaître deux classes de logements, les anciens et les nouveaux, ces derniers pouvant être adaptés aux prix du marché. Il en résulta une augmentation des loyers. L’investissement réagit positivement à cette mesure, mais pas suffisamment pour que la situation de pénurie se résorbe. Globalement, la pénurie fut principalement due à l’important retard enregistré dans la construction pendant la période de contrôle, l’offre n’arrivant plus à satisfaire la forte croissance de la demande. De 1962 à 1980 Afin de redynamiser ce secteur en crise, le Conseil fédéral décida d’adopter un système plus souple de contrôle et de favoriser la transition vers la libéralisation des loyers. Deux années ont particulièrement marqué le marché immobilier. Entre décembre 1970 et mars 1972, tous les loyers étaient libres, à l’exception de ceux des logements subventionnés ou bénéficiant de la garantie de la confédération. On a donc pu constater une tendance à la hausse des loyers. La demande augmentant encore en raison de la prospérité économique, la pénurie est restée chronique. Cette hausse des loyers alarma les autorités qui prirent alors des mesures de contrôle urgentes. En 1972, la Suisse adopta un nouvel article constitutionnel protégeant les locataires contre les loyers abusifs 15. Sur cette base fut édicté un arrêté instituant des mesures dans le secteur locatif16.Son but n’était pas de réintroduire un contrôle des loyers, mais d’améliorer la position juridique du locataire en le protégeant contre les abus . Il érigeait un système de surveillance des loyers avec un mode de calcul des hausses maximales. C’est à partir de cette époque -là que le déclin dans la construction se produisit. Certains principes de cet arrêté sont encore en vigueur actuellement, bien qu’il ait été abrogé en 1990. Sa particularité est que les loyers peuvent être déterminés par rapport à leur coût antérieur et qu’ils évoluent en fonction du taux hypothécaire. Ce système reflète une optique plus éloignée du marché que la méthode d’indexation à l’IPC. Selon l’institut Créa, « c’est d’ailleurs bien ce lien entre loyer et taux hypothécaire qui semble avoir causé les plus graves dégâts ». De 1980 à aujourd’hui L’investissement immobilier a connu au milieu des années 80 une croissance fulgurante en raison des faibles taux hypothécaires en vigueur à cette époque. On devait logiquement s’attendre à une baisse des loyers vu le taux de vacance élevé. Or, c’est justement l’inverse qui se produisit. En effet, l’indice des prix à la consommation était dans un trend haussier. On assista à une hausse des loyers dans une situation d’offre excédentaire, car ceux-ci comptent pour 20% de l’IPC. Selon l’Institut Créa, « tout donne clairement à penser que la poussée plus forte des loyers au début des années 90 est due avant tout à l’évolution du taux hypothécaire et donc aux effets de la législation couplant le taux et les loyers. » 15 16 LCAP : Loi sur la construction et l’accession à la propriété de logements L’AMSL : arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif -9- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 3.1.2.2 Ce que l’historique nous révèle Au vu de l’historique, certaines années furent marquées par un interventionnisme poussé des autorités, sous forme de contrôle des loyers et d’ « aide à la pierre » notamment. A d’autres périodes par contre, l’Etat se fit discret dans ses interventions, laissant agir les forces du marché. Nous avons ainsi pu dégager cette notion d’alternance entre action et passivité de l’Etat. En outre, il nous a semblé que la majorité des interventions étatiques étaient davantage réactives que proactives. En effet, la période de la première guerre constitue un bel exemple. L’Etat a fait preuve d’un manque d’anticipation quant à la situation excédentaire de l’offre de logements et ce n’est qu’à partir de la détérioration constatée de la situation, qu’il décida de prendre des mesures là-contre. Peut-être qu’une vision plus orientée long terme, de même qu’une meilleure anticipation des éléments conjoncturels auraient abouti à une crise moins prononcée. Le décalage temporel propre à ce secteur n’a fait qu’amplifier la situation. 3.2 Autres spécificités de ce marché Mis à part la pénurie considérée comme la principale spécificité du marché immobilier suisse, nous allons succinctement relever d’autres caractéristiques propres au secteur. Ces critères ne revêtent aucune exhaustivité mais jouent néanmoins un rôle important que nous tenons à relever. Nous considérons que le besoin de se loger appartient à la catégorie des besoins fondamentaux de tout individu. D’ailleurs, selon le Bulletin du Logement n° 67 de l’OFL, « Habiter » est pour tout individu une nécessité fondamentale à laquelle il ne peut renoncer. Depuis 1948, le droit au logement fait partie des dispositions de la Convention universelle des Droits de l’Homme. Aujourd’hui, dans le monde entier, il est incontesté que les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ce besoin de protection puisse être satisfait. » M. Niels, Administrateur de la régie RILSA SA, a confirmé ce propos : « le premier besoin de toute personne est de pouvoir se loger ». Nous pouvons distinguer deux types d’aides des autorités : - L’ « aide à la pierre » : subventions accordées aux promoteurs ou à des propriétaires pour construire ou exploiter des immeubles. Cette aide soutient l’investissement dans le logement, lorsque l’offre est insuffisante, les investisseurs trop peu nombreux ou quand les conditions de financement ne sont pas encourageantes. Elle peut revêtir la forme d’un crédit avantageux ou d’un cautionnement. - L’ « aide à la personne » : les collectivités publiques ramènent la charge locative du ménage à un seuil considéré comme supportable. -10- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne Chacun de ces types d’aides présente des avantages et des inconvénients : Aide à la pierre Avantages Inconvénients - Les besoins financiers peuvent être limités - Le remboursement est assuré - L’offre peut être influencée qualitativement et spatialement - Les efforts administratifs peuvent être minimisés - Les objectifs sont contrôlables - Des occupations non souhaitées sont possibles - Les frais d’investissement sont peut-être plus élevés - Certains groupes de demandeurs risquent d’être avantagés - Entrave à la mobilité - Des personnes qui ne font pas partie des groupes cible peuvent en bénéficier - La formation de ghettos sociaux n’est pas exclue Aide à la personne - L’aide peut être ciblée - Il existe un droit général - La mobilité des habitants reste intacte - Frais administratifs relativement élevés - Besoins financiers incertains - Risque d’augmentation des prix en cas de marchés tendus Source : Bulletin du logement, Volume 67, Office fédéral du logement Une des autres particularités de l’immobilier est son caractère intransportable vers des zones à plus ou moins forte demande. De plus, le postulat stipulant que l’on manque d’espace semble illusoire. En effet, les terrains et la place ne manquent pas, mais leur statut de zones classées les rend inconstructibles. En outre, n’oublions pas que le temps de production est spécialement long dans ce secteur de l’économie. D’après M. Hauri de l’OFL, « le temps qui s’écoule entre l’idée du projet et sa réalisation oscille en moyenne entre quatre et cinq ans dans le meilleur des cas ». Il faut souligner le décalage temporel qui en découle : toute inaction en temps t aura des répercussions en temps t+1. De plus, il faut tabler sur des coûts de production très élevés qui impliquent une capacité financière solide et donc une prise de risque élevée. En Suisse, le régime de démocratie directe ainsi que la proportion conséquente de locataires engendre une surpolitisation du domaine immobilier. En d’autres termes, dès qu’une mesure étatique est perçue comme déstabilisatrice de la situation protégée du locataire, elle est sujette à des réticences se traduisant parfois en référendums de la part des helvètes. Le Professeur Thalmann rajoute que « le marché de l’immobilier est un bien à part de par sa nature car il représente à lui seul 20% du budget des ménages ». -11- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 4 Pourquoi cette pénurie actuelle de logements ? Les causes de cette situation sont diverses. Ici encore la liste est non exhaustive. Il nous a cependant paru intéressant d’en traiter les plus pertinentes. Certaines proviennent du côté de la demande mais la majorité d’entre elles semble provenir du côté de l’offre. Nous examinerons tout d’abord l’angle de la demande. 4.1 Du côté de la demande La plupart des causes provoquées par la demande sont dues principalement à l’évolution démographique. En effet, l’évolution démographique dans une région explique la croissance à long terme de la demande de logements et fournit de précieux renseignements sur les tendances futures. En Suisse, il faut noter que l’accroissement démographique est dû à l’immigration, qui vient compenser le faible taux de natalité de la population helvétique. A l’annexe 5, nous remarquons que la population du canton de Vaud a augmenté de plus de 40'000 habitants 17 ces dix dernières années, de même que le canton de Genève qui a vu, quant à lui, sa population croître de quelque 35'00018 habitants. Cette dernière augmentation est notamment due à l’implantation de nombreuses multinationales comme Ralph Lauren, Procter & Gamble ou encore Gillette. Cependant, cet accroissement démographique n’est de loin pas le seul facteur influençant la demande de logements. Il faut en relever certains qui tiennent à la sociologie et aux styles de vie. Ainsi, nombreux sont les individus qui bannissent les mouvements pendulaires et cherchent à habiter à proximité de leur lieu de travail, amplifiant la demande de logements dans les centres urbains. M. Hauri, anthropologue social de l'OFL, précise aussi que « l'attractivité des villes réside dans la multiplicité des activités qu'elles proposent ». De même, il ne faut pas omettre l’évolution des rapports familiaux qui se traduit notamment par un nombre croissant de familles monoparentales, l’augmentation du nombre de divorces, le phénomène de la décohabitation19, le souhait de chambres individuelles pour chaque enfant ainsi que par l’augmentation du nombre de mètres carrés par habitant. Le recensement 2000 de l’OFS révèle une surface par habitant de 44 m2, alors qu'en 1990 elle était de 39 m2. A titre de comparaison, en 2000, la Chine compte une surface de 12 m2 par habitant ! Nous remarquons donc une évolution des exigences relatives au cadre de vie, tant au niveau du confort que de l'espace, de la qualité ou des commodités. Cette évolution est d'ailleurs corrélée avec l'augmentation du revenu par habitant. 17 Cf. Annexe 5 Cf. Annexe 6 19 « Diminution au sein d’une population du taux de cohabitation des générations » Grand dictionnaire terminologique, Internet. 18 -12- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne D’ailleurs, selon Mme Amstein, une personne cherchant son premier appartement sera plutôt en quête d’un deux, voire deux pièces et demie, plutôt que d’un studio, comme ce fut le cas une génération auparavant. Certains impacts structurels plus lents comme le vieillissement de la population jouent un rôle dans le phénomène actuel de pénurie de logement. En effet, l’allongement de la durée de vie a pour conséquence logique une plus longue occupation du domicile. Ainsi s’opère un plus faible « turn-over », ce qui ne fait qu’empirer la situation. 4.2 Du côté de l’offre Dans cette section nous examinerons les différents facteurs qui ont influencé la pénurie du côté de l’offre. Il nous a semblé important de distinguer deux types de facteurs. En effet, comme nous l'avons vu, l’immobilier est un marché particulier en ce sens qu’il y a un décalage entre les décisions d’action des investisseurs et le déploiement des effets de ces décisions. Ainsi, la crise actuelle est essentiellement provoquée par des facteurs passés. Puisque les facteurs susceptibles de provoquer la pénurie sont encore présents aujourd’hui, nous pensons que celle -ci est loin d’être terminée et qu’elle risque de perdurer à l'avenir proche ! 4.2.1 Facteurs passés influençant la situation actuelle 4.2.1.1 Crise de confiance & diversité des alternatives d’investissement L'investissement immobilier a connu au milieu des années 80 une croissance spéculative fulgurante et sa décroissance, au début des années 90, fut tout aussi impressionnante et douloureuse pour de nombreux investisseurs du marché immobilier. La bulle immobilière qui éclata au début des années 90 provoqua une crise de confiance ainsi qu’une remise en question concernant ce secteur de l’économie. En effet, les détenteurs de capitaux se sont vite rendus compte que ce secteur n’était pas aussi sûr qu’il en avait l’air et que, même dans ce domaine, ils n’étaient pas à l’abri de subir des pertes financières substantielles. Les investisseurs institutionnels, comme les caisses de pensions et les assurances, tendirent à se retirer du marché en raison d’une perte de confiance. Ces derniers contrôlaient 48,5 % des logements locatifs en 1990 et 43 % 20 seulement dix ans plus tard. La variété grandissante d’alternatives d’investissement n’a pas pu empêcher ces détenteurs de capitaux rendus « frileux » par le crash de déserter le marché immobilier. En effet, les possibilités d’investir son argent sont très vastes de nos jours, notamment la bourse, « les commodities », les fonds de placement, les instruments dérivés, etc. L’investisseur du 21ème siècle a même la possibilité trouver du surmesure à ses besoins ! 20 Source : La Vie économique, n° 1, 2004. SECO, Berne -13- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne De plus, pourquoi l’investisseur devrait-il supporter d’éventuels conflits avec ses locataires, alors que d’autres domaines d’investissement se distinguent par un climat moins houleux et tout aussi rentable. Le crash immobilier des années nonante a donc laissé des traces durables dans l’esprit des investisseurs. Ajoutons que les pertes en bourse ont épongé les capacités financières des investisseurs et que les banques, échaudées elles aussi par le crash, deviennent plus prudentes dans leurs politiques de prêts. Cette tendance à la raréfaction n’eut évidemment pas des conséquences heureuses sur l’offre de logements, accentuant la stagnation des nouvelles constructions. En raison du décalage temporel spécifique au marché immobilier décrit précédemment, nous subissons actuellement pleinement ces conséquences. 4.2.1.2 Interdiction de la propriété par étage Avant d’évoquer l’interdiction de la PPE en tant que facteur explicatif de la pénurie de logement actuelle, il nous semble utile de clarifier ce concept au lecteur. En général, une personne est propriétaire de l’immeuble dans son intégralité. La PPE constitue une forme particulière de copropriété. Elle s’apparente à une société simple enregistrée au Registre Foncier, où chaque propriétaire acquiert une part déterminée de l'ensemble du terrain, ainsi que les droits sur un logement. Selon le Prof. Thalmann, « le principal inconvénient de la PPE est qu’elle est source de conflits entre propriétaires sur les parties communes, notamment quand il faut rénover ». De plus, si l’on est habitant et propriétaire de cette PPE, cela crée également des conflits de voisinage. D’un point de vue historique, la PPE n’a pas toujours connu un tel engouement, non pas en raison de son insuccès auprès de la population mais plutôt à cause de son interdiction par les autorités. En effet, la PPE fut interdite entre les années 1912 et 1965. Avant 1965, il n’était donc pas possible de devenir propriétaire dans un immeuble d’habitation excepté dans le canton du Valais. Malgré de nombreuses recherches, nous n’avons pas trouvé d’explications plausibles à cette interdiction. Il n’est pas difficile de comprendre l’influence négative de cette interdiction sur les investisseurs. Pour cela, replaçons-nous dans le contexte de l’époque et considérons un professionnel de l’immobilier dont le projet est d’investir dans la construction d’un nouvel immeuble. Cette interdiction joue un rôle de véritable frein à l’investissement, puisque celle-ci empêche de revendre son immeuble en le morcelant en différentes parts, sous forme de PPE. En conséquence, l’investisseur se fait de plus en plus rare, ce qui d’un point de vue plus global paralyse l’offre de logements, si l’on considère que les autres investisseurs réagissent de la même manière. Nous ne nous avancerons pas à dire que la pénurie actuelle est uniquement due à l’interdiction de la PPE, mais il faut bien avouer qu’elle occupe une certaine part de responsabilité tout de même. -14- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 4.2.2 Facteurs actuels influençant l’avenir 4.2.2.1 Les oppositions relatives aux permis de construire En premier lieu, il nous semble important de préciser que l’autorisation de bâtir remplit une fonction extrêmement importante puisqu’elle entre dans le cadre de l’aménagement du territoire. Chaque année, plusieurs milliers de demandes de permis de construire sont déposées. La procédure d’octroi d’une autorisation de bâtir est loin d’être simple. En tant que promoteur, il faut s’adresser au département des travaux publics pour l’obtenir. Si celui-ci, après avoir examiné de près la demande, l’accepte, l’autorisation est délivrée. Ensuite, les oppositions sont possibles et ces dernières viennent essentiellement de voisins et d’associations de quartier, ce qui retarde la construction et donc ne fait qu’accentuer la crise. D’un point de vue légal, le canton de Vaud, sur lequel nous avons choisi de porter notre attention, s’est doté d’une nouvelle loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (la LATC entrée en vigueur au 1 er janvier 1987) Selon la CCR21, « quiconque, propriétaire ou non, domicilié dans la commune ou ailleurs, particulier ou association quelle qu’elle soit, peut déposer une opposition », tout en respectant certains critères de forme et de fond sur lesquels nous n’avons pas jugé nécessaire de nous attarder. Tous les cantons ne voient pas cela du même œil : nous sommes d’avis que le citoyen suisse romand a tendance à faire opposition dès que le moindre projet de construction est susceptible de voir le jour. Ce comportement s’atténue en Suisse alémanique, où les citoyens semblent se plier davantage aux règles et n’usent pas de leurs droits à outrance. Le problème que nous retirons de cette « opposite aiguë » est qu’elle paralyse l’offre de logements. Il faut être conscient du fait que toute opposition nécessite du temps, des ressources financières, de l’énergie, etc. Le tribunal administratif requiert la présence d’avocats, de magistrats, des parties opposantes, des associations de protection, des régisseurs, etc. De plus, il s’écoule plusieurs années entre le moment où l’opposition est adressée aux autorités et celui où le tribunal rend son verdict. Ces oppositions freinent à proprement parler la motivation des investisseurs de la pierre. En effet, même si l’autorisation de construire a été délivrée, le promoteur immobilier ne peut commencer son projet tant qu’il y a des oppositions. Pendant tout ce temps, il possède tout de même le terrain et doit payer les intérêts du prêt. Il répercutera ces charges sur le coût de la construction, ce qui renchérira les futurs loyers. La crise est alors vouée à être perpétuelle. M. Niels estime notamment que « l’Etat devrait prendre ses responsabilités et faire preuve de plus de fermeté en la matière, sans interdire les oppositions mais peutêtre en les « filtrant » davantage ». Néanmoins, le droit d’opposition s’intègre dans le régime de démocratie directe suisse. 21 CCR : Commission cantonale de recours en matière de constructions -15- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 4.2.2.2 Instabilité du Droit de bail et manque de perspectives Suite aux récentes votations, dont la dernière massivement refusée, le sentiment général que nous avons pu déceler auprès des différents interlocuteurs rencontrés est un manque d’orientation quant aux perspectives d’avenir du marché immobilier et de la législation relative. En effet, l’instabilité ainsi que les tendances futures floues en matière de Droit de bail n’encouragent pas les investisseurs à se lancer dans de nouveaux projets de construction. En quelques mois, il a été question de remplacer le système du taux hypothécaire dans la méthode de détermination des loyers par un système dit d’indexation à l’IPC22. Ce contre-projet du Conseil Fédéral s’est vu rejeté massivement, tant par les locataires que par les propriétaires. A présent, que va-t-il se passer ? Vers quel système se dirige-t-on ? Cette absence de perspectives déconcerte les investisseurs qui deviennent sceptiques et attendent du concret. L’inaction qui en découle verra ses effets se déployer à moyen terme, c’est pourquoi nous partageons l’avis de Mme Amstein qui estime que « nous ne sommes qu’au début d’une longue période de pénurie ». 4.2.2.3 Taux hypothécaire au plus bas, mais pas d’investissements ! D’un point de vue historique, le taux hypothécaire n’a jamais atteint des niveaux aussi faibles. La Suisse est un pays qui, à la base, exhibe des taux relativement bas comparé à d’autres pays. Le graphique 1 de l'annexe 7 présente l'évolution des taux en Suisse au cours des vingt dernières années. A titre de comparaison, le taux hypothécaire en vigueur aux Etats-Unis23 oscille à des niveaux nettement supérieurs, de l’ordre de 7%. On remarque que la Suisse présente des conditions cadre très favorables mais qui, paradoxalement, ne semblent pas faire réagir le marché immobilier. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’année passée. Les estimations de 2003 prévoyaient que les récentes baisses des taux hypothécaires et l'amélioration de la situation financière de nombreux ménages devaient donner des impulsions positives aux marchés du logement. Or, force est de constater que le niveau des taux n’a pas provoqué, comme on était en droit de s’y attendre, les effets escomptés : 2003 n’a pas connu la reprise de la construction de logements locatifs espérée tandis que le boom des maisons individuelles s'est définitivement essoufflé. Seul le secteur de la propriété par étage a fait preuve d'un certain dynamisme. Nous ne pensons pas que la situation tend vers une amélioration, étant donné que les taux hypothécaires ne peuvent, à ces niveaux-là, que remonter. Encore une raison de penser que la pénurie n’en est qu’à ses débuts. 22 IPC : L'indice des prix à la consommation montre comment évolue le prix d'un panier type au cours du temps. Le calcul de l'indice se fait chaque mois. Le panier type comprend les biens de consommation d'un ménage privé. 23 Cf. Annexe 7, graphique 2. -16- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 5 Discussion et prise de position La récolte des avis divergents de nos interlocuteurs, ainsi que l’examen de nos sources nous ont permis de présenter les différents facteurs – aussi bien passés que présents – entretenant la pénurie. A présent, nous sommes en mesure de prendre position face à la question centrale de notre étude : « Un marché immobilier libre est-il envisageable en Suisse ? » Notre « prise de température » des différentes opinions nous a permis de dégager la tendance suivante : le théoricien paraît adhérer à la notion de libéralisation du marché, tandis que le praticien la considèrerait plutôt comme une utopie. Au vu de la complexité du sujet, de la pléthore d’acteurs en présence, du caractère systémique des facteurs économiques, politiques et sociaux, il s’avère difficile d’émettre un avis tranchant sur la question de la libéralisation du marché de l’immobilier. Néanmoins, nous tendons à croire qu’une libéralisation partielle de ce marché, avec encadrement de l’Etat est une solution envisageable. 5.1 Notre avis : Libéralisation avec encadrement de l’Etat Comme nous l’avons vu dans l’historique des précédentes crises, la libéralisation totale du marché immobilier tend en général à la hausse des loyers. Certains pourraient s’imaginer que le fruit de cette augmentation encourage les promoteurs à la construction, contribuant ainsi à l’équilibre naturel de marché et maintenant ce dernier en « bonne santé ». Or, ces loyers à la hausse poseraient problème aux individus à revenu limité. La Confédération se devrait d’intervenir, vu la notion de « supportabilité » figurant à l’art. 41, al. 1, lettre e, de la Constitution Fédérale 24 : « La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que (…) toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables » En outre, son intervention viendrait compenser le manque de diversité de l’offre. Seules les autorités sont en mesure d’identifier les besoins de la population, à savoir la création de logements sociaux, de logements pour les personnes âgées, pour les handicapés…On peut mettre en doute que les offreurs d’un marché libre se soucient de ces mêmes besoins. Puisque l’Etat porte la responsabilité d’assurer un toit à tout individu, il est clair que dans la situation actuelle son aide est pleinement justifiée. 24 Nouvelle Constitution Fédérale, selon arrêté fédéral du 18.12.98, art. 41 (Buts sociaux) -17- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne Une fois ce constat admis, la question est de savoir à quel degré et sous quelle forme il pourrait le faire. 5.2 Sous quelle forme l’Etat doit-il intervenir aujourd’hui ? Comme nous l’avons vu précédemment, il existe deux types d’aide, à savoir « l’aide à la personne » et « l’aide à la pierre ». A nouveau, nous ne sommes pas en mesure de trancher entre ces deux types d’aide, puisqu’ils comprennent chacun leurs avantages et inconvénients, tout deux difficilement quantifiables en termes de coûts. Néanmoins, notre bagage d’étudiants nous amène à préférer l’aide à la pierre. En effet, la Confédération ne dispose que de moyens limités, étant donné l’état actuel de ses finances. Il s’avère donc mieux pour elle d’aider de manière sélective les projets de construction d’utilité publique, contribuant ainsi à subventionner par le haut les plus démunis. Nous sommes conscients que « l’aide à la pierre » risque de favoriser la création de ghettos. Cependant, en agissant de la sorte, elle engendre non seulement une augmentation de l’offre, mais remplit aussi son rôle social. M. Feller et Mme Amstein soutiennent qu’il serait judicieux que les différentes parties prenantes entament des négociations afin d’adopter des bases légales plus appropriées. Une évolution du Droit de bail au travers d’une convention cadre ou d’une modification du Code des Obligations serait souhaitable. En effet, sur le plan économique, le système du taux hypothécaire est déconnecté de la réalité. Puisqu’il faut trouver un lien avec un instrument économique, la question qui se pose alors est sur quelle base indexer ces loyers ? M. Hauri a évoqué l’exemple de la France qui indexa les loyers à l’indice des prix à la construction. Bien que le contre-projet fédéral de l’indexation à l’IPC fut massivement rejeté, M. Hauri persiste à dire que l’IPC reste l’instrument le plus adéquat. En sus de ces négociations, l’implémentation par les autorités d’une cellule unique avec à sa tête un seul interlocuteur serait souhaitable, comme le précise M. Feller. Ce dernier aurait pour tâche de rassembler la multitude d’informations détenues par l’Etat, ce qui rassurerait les détenteurs de capitaux jusqu’ici en manque de repères. Cette « frilosité » due à l’instabilité du Droit de bail rend opaques les perspectives d’avenir du marché immobilier. -18- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 6 Conclusion « Une fois de plus, e l s faits n'ont pas suivi la théorie », constate avec désarroi le Prof. Thalmann. En bonne logique du marché, avec des taux hypothécaires aussi faibles, les promoteurs devraient actuellement construire à tour de bras. Ils répondraient ainsi à la demande grandissante des locataires et offriraient du travail dans la construction qui ne demande que cela. Malheureusement, cela est loin d’être aussi simple et l’on se doit d’admettre la nécessité d’une intervention étatique. En effet, une libéralisation risquerait de mettre en péril la cohésion sociale, du fait d’une trop forte politisation. Ainsi, le Droit de bail ne doit pas rester sur l’échec des récentes votations, mais doit aller de l’avant et trouver d’autres solutions plus adaptées autant aux locataires qu’aux propriétaires. Ce ne sera qu’après négociation entre tous les acteurs du marché immobilier que l’on pour ra trouver une solution satisfaisante, à défaut d’un système idéal illusoire. Tant qu’il n’y aura pas de volonté de transparence de la part des autorités, la crise restera d’actualité. -19- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 7 Bibliographie 7.1 Etudes • Analyse économique de l’évolution des loyers, Eléments en faveur d’une libéralisation du marché du logement, Institut Créa de macroéconomie appliquée de l’université de Lausanne. • Chambre Vaudoise Immobilière, Mai 2003 (Statistiques). • Chambre Vaudoise Immobilière, lettre d’information de la Chambre Vaudoise Immobilière, numéro 1 – 2004. • Concevoir, évaluer et comparer des logements, Système d’évaluation de logements SEL Edition 2000, Bulletin du logement, volume 69. • Contrôle des états financiers des membres de la Société des Régisseurs de Genève, Règlement, Edition du 29 novembre 2001, Etat au 1er janvier 2003, SR Société des Régisseurs de Genève. • Encouragement à la construction de logements et à l’accession à la propriété – Quel avenir ? 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Paper presented at ENHR – Housing Economics Working Group Meeting, Vienna, February 5-6 2004, Philippe Thalmann, Swiss federal institute of technology, Lausanne, Switzerland, 31.01.2004. • Le marché suisse de l’immobilier – faits et tendances, Credit Suisse, Economic & Policy Consulting, Avril 2000. • Le marché suisse de l’immobilier – faits et tendances, Credit Suisse, Economic & Policy Consulting, Février 2003. • Loi sur le logement LOG, Aide-mémoire 1 : Aperçu des objectifs et moyens d’encouragements, OFL , Février 2004. • Marché du logement : les principaux changements depuis économiqe, Revue de politique économique 1 – 2004. -20- 1990, La Vie La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne • Structure des loyers LUV pour les logements locatifs déjà loués, Rapport final, Martin Geiger, septembre 2000. • Office Fédéral du Logement, Rapport annuel, Ernst Hauri, 2003 7.2 Ouvrages de référence • Droit au logement ou économie de marché ? Une analyse de l’immobilier en Suisse, Jean-Christian Lambelet & Christian Zimmermann, Collection Hic & Nunc, Editions Payot Lausanne, 1991. • La politique du logement, Stéphane Cuennet, Philippe Favarger et Philippe Thalmann, Collection Le savoir suisse, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2002. • Le permis de construire en droit vaudois, CJR, Deuxième édition revue et augmentée, Benoît Bovey, Payot Lausanne, 1988. • Locataire ou propriétaire ? Enjeux et mythes de l’accession à la propriété en Suisse, Philippe Thalmann et Philippe Favarger, Science, Technique, Société, 2002. 7.3 Webographie • www.tsr.ch Nouveau droit du bail : ABE se demande si nos loyers vont prendre l’ascenseur ? Emission ABE, mardi 20 janvier 2004 Cherche appartement désespérément, Emission Temps Présent, jeudi 12 février 2004 • www.tdg.ch Votations fédérales du 18 mai, Tribune de Genève Votations fédérales du 8 février, Tribune de Genève • www.domainepublic.ch Nouveau droit du bail : La boule de neige des hausses de loyers Article paru dans Domaine Public No 1586 du 9 janvier 2004 • www.gauchebdo.ch Les locataires se rebiffent, No 7 • www.bwo.admin.ch Office Fédéral du Logement -21- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne • www.statistik.admin.ch Office Fédéral de la Statique • www.ocde.org Organisation pour le développement économique • www.vaud.ch • www.geneve.ch • www.statistik.ch • www.cvi.ch Chambre Vaudoise Immobilière • www.svr.ch Société Vaudoise des Régisseurs et Courtiers en Immeubles et en Fonds de Commerce • http://pthalmann.epfl.ch -22- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8 Annexes 8.1 Annexe 1 : La Suisse, un peuple de locataires ! La part de propriétaires dans les pays de l'Europe de l'Ouest aux alentours de 2000 Suisse Allemagne Danemark Pays-Bas France Autriche Suède Norvège Finlande Portugal Royaume-Uni Luxembourg Italie Belgique Norvège (1) Irlande Grèce Espagne 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 Source : Document fourni par le Prof. Thalmann -23- 75 80 85 90 95 100 La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8.2 Annexe 2 : Logements vacants en Suisse en % au 1er juin 2003 Source : Office Fédéral du Logement, Rapport annuel, Ernst Hauri, 2003 -24- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8.3 Annexe 3 : Taux de vacance en Suisse, entre 1900 et 1995 Source : Analyse économique de l’évolution des loyers, Eléments en faveur d’une libéralisation du marché du logement, Institut Créa de macroéconomie appliquée de l’Université de Lausanne. 8.4 Annexe 4 : Indice des l oyers et IPC entre 1900 et 1995 Source : Analyse économique de l’évolution des loyers, Eléments en faveur d’une libéralisation du marché du logement, Institut Créa de macroéconomie appliquée de l’Université de Lausanne. -25- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8.5 Annexe 5 : Evolution de la population résidante de Vaud 1920 1930 1941 1950 1960 1970 1980 1990 2000 0–4 23 996 22 293 20 128 27 807 27 699 34 100 27 347 35 030 36 493 5–9 27 078 25 845 21 638 28 090 26 918 35 501 31 565 31 073 39 341 10 – 14 30 165 24 863 23 311 21 352 31 095 32 313 33 879 31 665 37 596 15 – 19 35 002 34 398 30 473 29 138 38 290 36 930 40 339 37 773 36 019 20 – 24 28 927 31 538 26 473 27 502 30 742 43 797 39 408 47 687 41 328 25 – 29 24 433 28 232 26 778 28 829 31 004 44 160 38 464 53 743 45 135 30 – 34 22 660 25 457 29 353 25 894 30 110 36 906 43 834 50 491 50 779 35 – 39 22 408 22 889 27 989 28 224 30 893 35 504 41 841 44 840 54 530 40 – 44 21 355 21 472 25 915 29 571 26 726 33 066 33 961 46 653 48 777 45 – 49 19 028 20 858 22 885 27 531 28 514 32 621 33 202 42 808 42 928 50 – 54 16 484 19 354 20 320 24 571 29 167 27 190 30 925 33 284 43 950 55 – 59 14 638 16 573 19 032 20 786 26 236 28 109 30 354 30 934 39 223 60 – 64 11 377 13 483 16 881 18 047 22 434 27 180 24 468 27 653 29 013 65 – 69 8 160 10 791 13 398 15 604 17 973 23 207 24 180 26 191 25 759 70 – 74 5 901 7 158 9 197 11 930 13 930 17 932 21 973 20 194 22 999 75 – 79 3 648 3 993 5 964 7 386 9 796 12 273 16 654 18 017 20 333 80 – 84 1 617 1 917 2 640 3 694 5 394 7 045 10 133 13 568 13 405 85 – 89 512 596 856 1 357 2 044 3 036 4 549 7 287 8 593 90 et + 109 143 167 272 547 981 1 671 2 925 4 456 Ensemble (hommes + femmes) 0 – 19 116 241 107 399 20 – 64 181 310 199 856 215 626 230 955 255 826 308 533 316 457 378 093 395 663 65 et + Total 19 947 24 598 95 550 106 387 124 002 138 844 133 130 135 541 149 449 32 222 40 243 49 684 64 474 79 160 88 182 95 545 317 498 331 853 343 398 377 585 429 512 511 851 528 747 601 816 640 657 Source : Office fédéral de la statistique -26- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8.6 Annexe 6 : Population résidante du canton de Genève Evolution de la population résidante selon l'origine, depuis 1850 Canton de Genève Effectif Suisses Etrangers Total Etrangers, en % Variation intercensitaire due au solde absolue en % migratoire, en % 1850 49 004 15 142 64 146 23,6 1860 54 176 28 700 82 876 34,6 1850-1860 18 730 29,2 … 1870 53 227 35 564 88 791 40,1 1860-1870 5 915 7,1 … 1880 61 805 37 907 99 712 38,0 1870-1880 10 921 12,3 … 1888 65 599 39 910 105 509 37,8 1880-1888 5 797 5,8 … 1900 79 965 52 644 132 609 39,7 1888-1900 27 100 25,7 … 1910 92 295 62 611 154 906 40,4 1900-1910 22 297 16,8 … 1920 119 279 51 721 171 000 30,2 1910-1920 16 094 10,4 … 1930 130 478 40 888 171 366 23,9 1920-1930 366 0,2 … 1941 147 583 27 272 174 855 15,6 1930-1941 3 489 2,0 … 1950 167 726 35 192 202 918 17,3 1941-1950 28 063 16,0 … 1960 197 808 61 426 259 234 23,7 1950-1960 56 316 27,8 … 1970 219 780 111 819 331 599 33,7 1960-1970 72 365 27,9 21,3 1980 236 401 112 639 349 040 32,3 1970-1980 17 441 5,3 2,5 1990 240 534 138 656 379 190 36,6 1980-1990 30 150 8,6 6,5 2000 256 179 157 494 413 673 38,1 1990-2000 34 483 9,1 5,1 Source : OCSTAT / OFS - Recensements fédéraux de la population -27- La Crise Immobilière Prof. Lambelet Ecole des HEC, Lausanne 8.7 Annexe 7 : Taux hypothécaires en Suisse et aux Etats-Unis 8.7.1 Graphique 1 : En Suisse 25 8.7.2 Graphique 2 : Aux Etats-Unis26 25 26 Source : www.snb.ch Source : www.bis.org -28-