Ludique Palette

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Ludique Palette
Ludique Palette
De ces jours où l’air est frais et les nuages courent par-dessus la Presqu’île ouvrant le ciel à de tièdes rayons
qui viennent effarer nos pupilles hivernales … un printemps, sans doute, qui rentre par les vitres baissées
de l’auto alors que je me rends à Saint-Julien, à la frontière de Camaret, pour rencontrer Eric Aerts, un des
artistes peintres dont on pourra voir quelques toiles lors de la prochaine Exposition de Printemps du Sillon
des Arts.
C’est une de ces rencontres qui réveillent l’envie de liberté créatrice tant ce jeune homme, grand-père
multirécidiviste, semble ne porter nullement ses années, habité par une joie et un sourire permanent. De
ses origines bruxelloises dans une famille d’artistes, un grand-père sculpteur, un père peintre et violoniste,
de ses quatre décennies vécues à New-York, il ne transpire qu’une envie renouvelée de création. Eric Aerts
a porté son regard sur le monde en utilisant plusieurs média, la photographie, la sculpture … même si
depuis toujours c’est le dessin qui est le compagnon sûr, et depuis quelques années, la peinture.
L’artiste me confie avoir surtout vendu ses œuvres pittoresques, cartes postales des natures vives de la
Presqu’île. Et c’est donc tout naturellement qu’il oriente sa recherche vers un tout autre domaine : des
scènes plus quotidiennes, des natures mortes, presque.
Mais l’homme ne manque ni d’esprit ni d’audace. Sur sa toile viennent se marier, se narguer, se toiser des
styles chaque fois différents. Des touches d’expressionisme, des angles cubistes, des volutes de réalisme,
l’inventivité du peintre est là vivante et vive. Une réelle liberté de ton et d’élaboration qui, composite,
agacera probablement les visionneurs de musée, mais ravira, sans l’ombre d’un doute, qui voudra bien
prendre le temps de se laisser happer par l’intention.
Eric Aerts ne rend pas au rectangle blanc de la toile ce que son œil lui a laissé voir mais plutôt ce que
l’empreinte instantanée d’un moment, si furtif soit-il, a fait vibrer et résonner dans son être. Et que ce soit
en se promenant dans les paysages à l’huile, à la gouache, au fusain ou au crayon, ou en se présentant face à
ses quelques autoportraits, ou même en appréciant les presque natures mortes, le spectateur silencieux
reçoit cette vibration, cet écho que l’artiste a formalisé ici.
Et s’il doit y avoir un processus, c’est possiblement celui-ci : le peintre se lève et se rend dans son atelier,
aux heures claires du matin (si, si ! cinq heures et demie, c’est une heure bleue, en miroir.) et c’est l’être
neuf qui vient brosser et tracer les œuvres. Il n’y a pas de support physique à la création en tant que telle,
pas de photo pour s’assurer d’une ressemblance. Tout part de l’inspiration et c’est le savoir-faire qui, de la
tête à la main, viendra accomplir ce que l’artiste a ressenti. Et le chemin est libre, alors.
Plutôt que faire le choix d’une définition, d’une case, voici que l’homme nous propose un infini des
possibles tant chaque œuvre est cohérente et ludique. C’est l’inspiration du peintre que nous découvrons,
son filtre intime, qui donne à voir, à reconnaitre, à s’émouvoir.
Eric Aerts, polytalentueux, revendique cependant une absence de technique académique, une liberté
supplémentaire, assurément. Une forme aigüe de modestie aussi.
Au tout début de notre entretien, l’artiste m’a tendu une page sur laquelle il avait mis en mots ses pensées.
Il y confiait, entre autres, sa crainte du désintérêt que nous portons de plus en plus à l’égard de la peinture,
ayant substitué depuis longtemps le rectangle blanc de la toile pour les écrans lumineux qui nous
accompagnent et nous sollicitent tout le jour durant, dans une forme de chaos bruyant où le temps de voir
a remplacé celui de regarder.
Venez, donc, prendre le temps de regarder les œuvres d’Eric Aerts et de ses partenaires du Sillon des Arts,
du 17 avril au 3 mai, à l’ancienne école de Kerloc’h. Un temps, ce joli temps de printemps, ce temps qui
n’a laissé à l’artiste qu’une envie toujours naissante, une sérénité joyeuse et une inspiration intacte face à
nos paysages et nos scènes de vie, dans notre magique portion de monde.