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LUC BABA FRAGMENTS Découvrez plus avant l’univers de Luc Baba, auteur liégeois aux multiples facettes. Il aurait pu se présenter sous la forme d’un ensemble suivi, continu. C’est le parti inverse qui a été choisi. Plutôt qu’une présentation rétrospective et artificielle, notre club de lecture a souhaité le livrer sous forme de fragments de natures diverses. C’est écrit près de chez vous… C’est le thème choisi par la bibliothèque de la Province de Liège pour l’édition 2015 de la Fureur de Lire. Durant l’été, ce fut l'occasion de mettre en avant les écrivains, journalistes et illustrateurs liégeois. Mais aussi de valoriser la créativité des lecteurs. Ensemble, professionnels et amateurs, ont inventé leur propre journal. Sur les conseils d'un auteur local, ils ont rédigé brèves et nouvelles ou ont illustré l'actualité ou la fiction à l'aide de différentes techniques picturales. Retrouvez-les sur : cestecritpresdechezvous.tumblr.com Olne s’ associe, à la thématique en invitant le liégeois Luc Baba Deux temps forts : une rencontre avec l’auteur le dimanche 11 octobre à 14 h et un atelier d’écriture le samedi 7 novembre de 14h à 17h, autour du rire et de la poésie. Luc Baba, quadragénaire, il est né en 1970, a toujours vécu à Liège où il enseignait jusqu’il y a peu, l’anglais dans une école de promotion sociale. Il a signé une douzaine de romans, quelques pièces de théâtre, des nouvelles, de la poésie, des chansons, un carnet de notes et d’images. Comédien (plus de vingt rôles à son actif), slameur (finaliste à Paris d’un tournoi international), chanteur (Brassens, Ferré et Brel), il anime également des ateliers d’écriture. Couronné en 2001 dès son premier roman, Luc Baba est un romancier affirmé y compris auprès des jeunes pour qui il écrit et qu’il rencontre régulièrement. Son troisième recueil de poésie est paru cette année aux éditions Tétras Lyre. Le petit monde de Luc "A la petite école Sainte-Rouge”, “Monsieur l'Ours” apprend que “Les aigles ne tuent pas les mouches" que “L'eau claire de la lune” arrose “Le marchand de parapluies” et que le commissaire Chantraîne résout “le mystère Curtius” en arrêtant “Les sept meurtrières du visage” et ce, “Comme sur des roulettes” sans passer par la case “La cage aux cris”. Dans son univers, “if”ou si ...“Les écrivains n'existent pas”, comment les “clandestins” se nourriraient-ils “De la terre et du vent”. Si les écrivains n’existent pas, ... alors... “Tout le monde me manque” !! Ce qu’il en dit… Sur sa vocation : C’est suite à la perte de mes crayons de couleur que j’ai commencé à écrire vers l’âge de 7 ans et découvert que les mots étaient de nature à nous faire voyager. Sur Liège : Les Liégeois ont une façon de vivre l’été qui me plaît, on s’invente l’été à Liège. S’il y a un peu de soleil en février, les gens sont en terrasse, ils tremblent un peu, mais on célèbre le demi-rayon de soleil en rêvant déjà de melon et de pastèque… Sur sa passion de l’écriture : À 16 ans j’ai écrit mon premier petit roman, intitulé La tenderie (jeu de mots avec « l’attendri »), l’histoire d’un enfant qui tue son papa. Je l’ai offert à mon père pour Noël. L’écriture est restée pour moi une forme de révolte douce. La quête de la liberté est l’un des thèmes récurrents de mes romans, lié à mon chemin. Comme la fuite, le voyage, l’exil aussi. " Ce que nous en pensons … Luc Baba n’est pas un garçon facile. Il n’écrirait jamais ce que des éditeurs, soucieux de plaire au public lui dicteraient. Ah non, Madaaame, on ne l’achète pas, comme cela ! Alors, forcément, ses histoires ne se terminent pas souvent « bien ». Il y a des morts, des blessés de la vie, des écorchés, des inadaptés, des malades ou des fous qui toujours poursuivent une quête désespérée d’eux-mêmes. Enoncé comme cela, l’ensemble paraît indigeste… pourtant, comme le dit l’auteur, le style raconte l’histoire ; cela fait toute la différence et la richesse des récits, car aucune des figures de style employée n’est superflue ; elles transforment un quotidien trivial en quête existentielle. Son style qualifié de « nouveau roman poétique » contribue à toucher le lecteur au cœur. Le genre relève en effet du roman introspectif. Ainsi peut-il nous « dire des choses que seule la poésie peut faire entendre ». Le lecteur pourra lire et relire de jolis calembours, des métaphores surréalistes et autres figures allégoriques. Jusqu’à présent, ce poète qui a bien d’autres cordes à son arc a écrit onze romans qui ne dépassent jamais les 150 pages rythmées en courts chapitres … lui-même s’avoue « pas très bon lecteur » ! … Il nous promet cependant un roman plus long pour 2016. il y abordera l’esclavage. "Non, je ne me laisserai pas devenir une vague forme humaine où quelques-uns viennent pleurnicher leur compassion". Voici posé le tempo de "Les sept meurtrières du visage": c'est le Cri de désespoir d'un homme dont tous les sens sauf le toucher se perdent. Mais l'espoir existe-t-il? Laissons Luc Baba nous donner la réponse... "Les vieux de mon village font exprès d'être plus laids qu'ailleurs, je le sais. Surtout les vieilles, surtout la vieille madame Jars, qui pousse le zèle jusqu'à sentir mauvais même quand elle vient acheter son pain... Elle sent la graisse de friture et le chien, ses yeux ne sont plus que des morceaux de verre froid, on s'y couperait le regard en la saluant. Et ce qu'elle dit, c'est de la bêtise." "Et tout le monde me manque" débute par ces mots, ceux de John, grand môme de 25 ans qui s'est créé un monde sous la forme d'un théâtre de personnages sans tête. Il se plaît dans sa solitude. Cette fois-ci, c'est un Cri de douleur... Soyez sans crainte, Luc Baba en a fini avec cette part de douleur qui l'habitait. Il tourne la page...! Gene Caink Ce qu’en dit Thierry Detienne dans les Carnets de l’instant... Luc Baba a le sens du détail qui fait mouche et qui supplante le malaise, l'incongru déboule en renfort qui permet d'échapper au pire et clôt le récit en demi-teinte, laissant le lecteur en suspens. (à propos de La petite école sainte rouge) Ce que dit Eric Brucher du Mystère Curtius... Et puis une écriture surtout, un peu gouailleuse et truculente, d’une poésie joviale tout à fait heureuse dans ces ambiances de quartier populaire où courent les enfants sales ... Ce qu’en dit Aliénor Debrocq… un très beau portrait pour « Les Muses » Ça pourrait être dans un café, un jour de pluie. Liège ou Bruxelles, ou ailleurs, plus loin, un lieu indéterminé. Mais c’est ici, au milieu de la foire, du brouhaha de la foule, dans la fièvre d’un samedi après-midi, sous la tôle et les néons de Tours et Taxis. L’obligation de faire du chiffre – une chaîne aux pieds de chacun. Survivre en tant qu’auteur, en tant qu’éditeur, au milieu de cette anarchie commerciale. Des mondes si différents qui se côtoient. Au centre de cette cohue, un canapé de velours (quelle couleur, déjà ?) où nous nous sommes assis à quinze heures tapantes. Une bulle de deux mètres carré dans laquelle nous chuchotons pour nous apprivoiser. On n’a qu’une heure, juste une heure, pour se découvrir, se raconter. Les yeux dans les yeux (quelle couleur, les siens, déjà ?), parfois baissés chacun sur son carnet. Je pourrais me contenter d’une mansarde, il dit. L’essentiel, c’est la liberté. Avoir du temps pour écrire. Avoir du temps, comme les enfants et les vieux. C’est ça, la vraie sagesse, le seul luxe. Les hommes se sont trompés, mais un jour ils vont s’en rendre compte. Albert Jacquard dit que le travail aura duré dix mille ans. Pas plus. Ça va finir par péter. Je gribouille sur mon carnet en souriant. Ça va finir par péter. L’étymologie du travail, c’est la torture. Celle du chômage ? Se reposer quand il fait chaud. Invincible. Un mot entendu à sept ans, en classe. L’histoire d’un petit garçon et d’un château de sable. Un mot, un poème. Le premier. Depuis lors – presque trente ans – il n’a jamais arrêté. Des textes qui collent à l’enfance, à son parcours entre blessures, fuite et résilience. Son premier roman, c’était chez Luce Wilquin, il avait trente ans. Prix, presse, avoir tout, tout de suite. Chaleur humaine et panier de crabes. Faire attention, apprendre à ne rien attendre, pour ne pas s’exposer à la déception. Que chaque chose qui arrive soit une bonne nouvelle. Une fête. Parfois ça pose problème. L’insécurité matérielle, les attentes des autres, des femmes. Tant pis. Il garde sa ligne, sa voie, il écrit d’abord pour lui, à la main, dans des carnets multiples qu’il trimballe partout. Tailles, couleurs, épaisseurs, souvent un détail de la couverture qui fait écho au manuscrit encore secret qui s’y déploie d’une petite écriture serrée, difficile à déchiffrer. Il me montre le carnet du roman en cours (quelle couleur, déjà ?), une histoire d’esclavage inspirée de l’autobiographie de Mark Twain. La nécessité de se retourner sur le passé, de le scruter – que ce soit l’histoire afro-américaine ou la sienne. La liberté, encore elle. Luc Baba, aussi un auteur « jeunesse » que les adultes peuvent lire ! « La révolution des mandarines », Première page ... ...Et c’était vrai. Lui, ce qu’il aimait bien, c’était les Rois Mages. D’abord, c’est eux qui apportent les cadeaux, et une galette avec une fève en petite formule un. Et même si cela reste des cadeaux pourris, ils sont venus d’Afrique pour les apporter, ça mérite bien qu’on se souvienne de leur bête nom. Et ça valait toujours mieux que ce qu’il avait reçu de ses parents : un livre avec des contes de pays lointains. Les livres, il s’en fout, les contes, il s’en fout aussi, et les pays lointains, alors là ! On ne sait jamais où ça se trouve. Ça se trouve justement où on s’en fout. ... Petites annonces imaginaires Cherche ours bienveillant pour enfant rêveur à la recherche d’un papa sans faux fuyant. Vend théâtre d’ombres ayant servi de cage aux cris. S’adresser à la mère de John. Prof cours de rien donnerait leçon de chimère à élève motivé. Méduses s’abstenir. A remettre magasin de parapluies. S’adresser au marchand. Urgent ! Recherche clé ouvrant le coffre des Curtius. Bonne récompense. Contacter commissaire Chantraîne Quelques extraits : « Un orage a défiguré le ciel au même instant, trois coups de tonnerre sur l’école, des éclairs en cheveux fourchus, et la pluie aussitôt en baguettes de tambour » La petite école sainte rouge « J’ai pensé à la nostalgie. C’est pas rien comme sentiment.ca vous ballote entre deux souvenirs, à se demander si on est mieux que jamais, ou si on va mourir de chagrin dans la seconde. Sans mémoire, on n’a jamais que des mirages, un brouillard où des choses existent et ne le disent pas » (If) A propos des mains de Monsieur Shaf, le boucher : “elles dansent quand on le paye, elles font voler les pièces et les envoie dans la caisse comme on lance des dés” (Tout le monde me manque) « il existe un plus tard jusqu’à la seconde qui précède la mort… un spécialiste a décrété que l’instant a une durée de vie de 3 à 5 secondes. Au-delà de 5 secondes, ce n’est plus un instant mais un moment. Sous les trois secondes, c’est un soupçon de temps. Et il souhaite, ce spécialiste, que ses données soient admises par souci de clarté. Dans ses notes, il a omis de préciser quand le moment prend fin. Peut-être parce qu’il n’est pas de taille à lutter contre les nuances entre longs moments, petits moments, moments interminables, ou parce qu’il est mort avant d’avoir achevé son ouvrage » (Les sept meurtirières…) « il parait que l’artiste est élu pour incarner la souffrance des hommes. J’ai tant à faire avec la mienne » (Les écrivains n’existent pas) « Peut-être que j’écris pour exister malgré ce que savent les kakos de la terre ; peut-être que si j’existais, je ne servirais plus à personne » dit-il ; pas de doute, l’ange, c’est lui. (L’eau claire de la lune) « le soleil fondait comme un sucre sur l’acier rouge de l’horizon » (L’eau claire de la lune) « ce qu’il aimait surtout, c’était les poèmes pleins de glycine et coulant de miel, de complaintes et de liqueurs, parce qu’il devinait au revers des mots la douleur formidable d’un homme debout au milieu de sa solitude , pleurant par plaisir, fragile à souhait. Voilà comment doivent être les poètes : ils doivent pleurer, pour qu’on ne soit pas seul quand on lit ce qu’ils savent » (le marchand de parapluie) « il y a des choses qui se mangent au fond du ciel, c’est sûr. Les étoiles ont des racines qu’on ne voit pas. C’est un peu comme le regard des hommes. J’aimerais bien regarder quelqu’un dans les yeux, très longtemps, pour voir » (De la terre et du vent) Et puis, il y a cette façon si juste de décrire les instantanés de la vie ou simplement une rue, un paysage ou une rencontre sur un boulevard. P120 : « Elle est là en effet, vêtue d’un jeans bleu trop grand de deux tailles au moins. Ses souliers plats n’ont plus beaucoup de semelle. Son chemisier n’a plus de couleur. Il tremble sur ses épaules, avec une tache au col, un châle en tricot par-dessus. Debout au milieu de trottoir, elle dit bonjour à tout le monde, sourit aux hommes ou se fache s’ils ne répondent rien. -Bonjour dit-il en s’arrêtant à deux metres d’elle. Ses yeux sont beaux de ne rien demander, de regarder droit sans inquiétude, sans savoir à quel point ils sont limpides et bleus. Elle ne bouge pas, elle reste là au milieu de tout avec ses regards déserteurs qu’elle met au monde comme ça, pour qui veut bien sourire en même temps qu’elle. -Bonjour, répond-elle en portant une main à ses cheveux légers. Les doigts enserrent une mèche, en coiffent une autre, s’ouvrent, se referment sur l’air pendant qu’elle se retourne vers la vitrine. C’est un magasin de parapluies. Elle y voit bien son reflet, bouge doucement, pour se voir tout à fait, se sourire aussi »