Philip Bastarache (PDF - 283 Ko)
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Mémoire déposé dans le cadre des consultations publiques pour l’Énoncé de vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social du territoire. Par Philip Bastarache En collaboration avec Michel Gagnon Benoit Gagnon Ken-Erik Saint-Louis Jasmin Grenier 13 juin 2011 1 Table des matières 1. Introduction…………………………………………………………………………. 3 2. L'énoncé……………………………………………………………………………...3 3. Sherbrooke, attractive auprès de qui ?..............................................................3 4. Pourquoi les jeunes quittent après leurs études ?.............................................4 5. Quelles sont les caractéristiques de la génération «Y» ?..................................4 6. Que pensent les jeunes «Y» de la ville de Sherbrooke ?...................................6 7. Comment adapter l'énoncé en regard de la réalité des «Y» ?...........................8 8. Comment faire de Sherbrooke une vraie ville étudiante? Un regard vers l'étranger peut nous offrir des pistes de solutions. (courte analyse de Michel Gagnon - étudiant à la maîtrise en urbanisme et projet urbain à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble – et sherbrookois d'origine)……………………………………………………….…10 9. Conclusion…………………………………………………………………………..13 2 1. Introduction Membres de la commission, c'est en mon nom personnel, mais aussi au nom de plusieurs jeunes de mon âge appuyant ma démarche que je vous présente ce mémoire. Le but de l'exercice est de vous dresser un portrait de la génération «Y» (née entre 1980 et 1995), de vous démontrer ce que recherchent les gens de cette cohorte générationnelle et ce qu’est pour eux la vie à Sherbrooke. Qu'est-ce qui est favorable à l'épanouissement de cette génération et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Je considère cet exercice très pertinent, dans la mesure où l'on observe que la rétention des jeunes diplômés demeure difficile à Sherbrooke et soutien que la révision du schéma d’aménagement est une occasion particulièrement bien choisi pour remettre ce défi en perspective. J'estime que le point de vue que je vous partagerai ici n'est qu'un diagnostic partiel de la situation, puisqu'il est impossible de parler d'un sujet si complexe et nuancé en quelques pages. Néanmoins, il reflète tout de même une réalité quotidienne à ne pas négliger. En dernier lieu, je vous invite a jeter un regard sur la courte analyse de Michel Gagnon étudiant à la maîtrise en urbanisme et projet urbain à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble - intitulé «Sherbrooke, fausse ville étudiante?». Ce dernier compare Grenoble, ville étudiante ou la rétention des diplômés semble être un plus grand succès qu'ici à Sherbrooke et lance quelques pistes de réflexion sur le sujet en élaborant notamment sur le Parc Innovation et le centre-ville de Sherbrooke. 2. L'énoncé L’énoncé proposé par la ville: «Sherbrooke, ville universitaire, à échelle humaine, respectueuse de l’environnement dont le dynamisme économique en fait une capitale régionale de référence. » En lisant l’énoncé proposé, il est aisé de constater sur quelles forces la ville désire bâtir son avenir. On y parle d’une ville universitaire, à échelle humaine, respectueuse de l’environnement et performante au niveau économique. Rien de nouveau la dedans, puisque la ville correspond déjà à cette définition à bien des égards. Il s'agit donc ici davantage d'une continuité que d'un véritable virage et c’est tout aussi bien ainsi, puisque le succès de notre municipalité est basé sur cette recette depuis plusieurs années déjà. Mais ce succès, auprès de qui a-t-il un réel impact ? Qui désir s’établir à Sherbrooke afin de bénéficier de cette vision d’avenir que vous proposez ? Est-ce que cet énoncé est bonifiable et tient réellement compte des besoins et valeurs de tous, particulièrement des jeunes de la génération «Y» dans ce cas-ci? 3. Sherbrooke, attractive auprès de qui ? Le 29 septembre 2008, un article de la Tribune signé par Albert Bérubé dont le titre est «Exode des jeunes: Sherbrooke attire les 15-24 ans», faisait état de la migration à Sherbrooke. On y lit que «Sherbrooke [était] la seule ville [de l’Estrie] à avoir un solde 3 migratoire interne positif dans la catégorie d'âge des 15 à 24 ans». On y lit plus loin «qu’en revanche, il semble bien que le chef-lieu estrien [exerçait] moins d'attrait après l'âge des études, puisque la ville [enregistrait] plus de départs que de nouveaux arrivants dans les couches d'âge allant de 25 à 29 ans et des suivantes jusqu'à 59 ans.». En somme, on peut conclure que les institutions d’enseignement supérieur attirent de nombreux jeunes étudiants, mais qu’une fois leur diplôme complété, une forte majorité part s’installer ailleurs. Par contre, plusieurs reviennent une fois l’âge de la retraite arrivé. Comment expliquer ce phénomène ? 4. Pourquoi les jeunes quittent après leurs études ? Il y a bien sur les possibilités d'emploi, qui constitue une variable évidente. En ce sens, ce qui est observable, c’est que la plupart des intervenants un peu partout au Québec, y compris à Sherbrooke, misent actuellement sur la création d'emplois afin de faire de la rétention des jeunes un souhait exaucé. Ici d’ailleurs, Sherbrooke Innopole fait un travail colossal afin de développer nos filières industrielles et il est fort à parier que le succès sera au rendez-vous dans les prochaines années. Nous aurons probablement davantage de bons emplois bien rémunérés à Sherbrooke qui attireront les meilleurs professionnels. Par contre, je crois que si on ne s’en tenait qu’à cet élément, l’effort ne serait pas vain, mais incomplet, surtout si on considère que tout le Québec travail en ce sens : la compétition sera vive entre les villes. Il est donc important que Sherbrooke aille plus loin si elle désire avoir un véritable succès chez les 25 ans et plus, particulièrement au sein de la cohorte de la génération «Y», qui seront les leaders de demain. Comment peut-on aller plus loin ? Selon moi, la réponse s'articule autour de la notion de qualité de vie. Il faut offrir aux jeunes de la génération «Y» un environnement qui correspond aux caractéristiques bien particulières de leur besoins. 5. Quels sont les caractéristiques de la génération «Y» ? Ici, je n’entrerai nullement dans les détails. Plusieurs ouvrages complets existent sur le sujet et expliquent de long en large ce qui définit la génération «Y». Néanmoins, l’erreur serait de ne pas tenir compte de ces ouvrages et d'imaginer les besoins des «Y» comme étant semblables aux besoins des «boomers» par exemple. Donc à vous les élus, qui êtes pour la plupart issu d’une autre cohorte générationnelle, attention de ne pas appréhender les besoins des «Y» selon vos critères. Soyez plutôt disposés à vous mettre au niveau des critères des «Y» afin de bien en saisir la nature de leur besoins. Le 13 janvier 2011, le «Wall Street Journal» publiait un article très intéressant écrit par S. Mitra Kalita et Robbie Whelan dont le titre était «No McMansion for Millennials» (Pas de maison-château pour les Millénaires). Cet article décrivait la génération «Y» comme étant une génération dont la grande majorité souhaitait un style de vie urbain, alors que les «boomers», en contre-exemple, étaient davantage porté sur le mode de vie «banlieusard». Voici l’article dans sa version intégrale. 4 «No McMansion for Millennials Here’s what Generation Y doesn’t want: formal living rooms, soaker bathtubs, dependence on a car. In other words, they don’t want their parents’ homes. Much of this week’s National Association of Home Builders conference has dwelled on the housing needs of an aging baby boomer population. But their children actually represent an even larger demographic. An estimated 80 million people comprise the category known as “Gen Y,” youth born roughly between 1980 and the early 2000s. The boomers, meanwhile, boast 76 million. Gen Y housing preferences are the subject of at least two panels at this week’s convention. A key finding: They want to walk everywhere. Surveys show that 13% carpool to work, while 7% walk, said Melina Duggal, a principal with Orlando-based real estate adviser RCLCO. A whopping 88% want to be in an urban setting, but since cities themselves can be so expensive, places with shopping, dining and transit such as Bethesda and Arlington in the Washington suburbs will do just fine. “One-third are willing to pay for the ability to walk,” Ms. Duggal said. “They don’t want to be in a cookie-cutter type of development. …The suburbs will need to evolve to be attractive to Gen Y.” Outdoor space is important—but please, just a place to put the grill and have some friends over. Lawn-mowing not desired. Amenities such as fitness centers, game rooms and party rooms are important (“Is the room big enough to host a baby shower?” a millennial might think). “Outdoor fire pits,” suggested Tony Weremeichik of Canin Associates, an architecture firm in Orlando. “Consider designing outdoor spaces as if they were living rooms.” Smaller rooms and fewer cavernous hallways to get everywhere, a bigger shower stall and skip the tub, he said. Oh, but don’t forget space in front of the television for the Wii, and space to eat meals while glued to the tube, because dinner parties and families gathered around the table are so last-Gen. And maybe a little nook in the laundry room for Rover’s bed? In his presentation, KTGY Group residential designer David Senden showed slide after slide of dwellings that looked like a cross between a hotel lobby and the set of “Melrose Place.” He christened the subset of the generation delaying marriage and family as “dawdlers.” “A house in the suburbs is not for them,” Mr. Senden said. “At least not yet.” Places to congregate are more important than a big apartment, he cautioned. He showed one layout of a studio apartment—350 square feet, as big as Mom and Dad’s Great Room. Common space has migrated to “club rooms,” he said, where Gen-Y residents can host meals and hang out before heading to a common movie5 screening room or rooftop swimming pool that they share with the building’s other tenants. The Great Recession and its effects on young people’s wages will affect how much home they can buy or rent for years to come. “Not too many college grads can afford a lot of space in the city,” he said. “Think lots of amenities with little tiny units—and a lot of them to keep (fees) down. …The things these places are doing is constantly coordinating activities. The residents get to know each other and it makes for a much livelier and friendlier environment.” Mitra Kalita et Robbie Whelan» En résumé, l’article dit que 88% des jeunes «Y» américains (nées entre 1980 et 2000) désirent un mode de vie urbain. Ils ne souhaitent pas habiter dans des quartiers pavillonnaires (banlieue) comme leurs parents. Ils sont d’ailleurs contre la dépendance à l’automobile. Ils ont pris l’habitude d’avoir plus de contacts avec les gens autour d’eux, ce qui crée des environnements de vie plus animés et amicaux. Ils aiment le dynamisme de la vie urbaine. En ce sens, pour la plupart des «Y», la maison n’est pas une finalité, du moins pas selon les tendances actuelles. Le choix de vivre en appartement en ville relève ici davantage d’un mode de vie que d’une transition entre le foyer familiale d’origine et l’accession à la propriété. Cette thèse est d’ailleurs corroborée par d’autres spécialistes de la question selon mes recherches. 6. Que pensent les jeunes «Y» de la ville de Sherbrooke ? Histoire de valider les propos cités dans l’article «No McMansion for Millennials», j’ai demandé à trois jeunes adultes de la cohorte «Y» de me révéler ce qu’ils pensent de la vie à Sherbrooke. Aucun d’entre eux n’a lu l’article en question antérieurement, mais il est intéressant de constater que plusieurs parlent des avantages que sont les attraits naturels de Sherbrooke, mais considèrent aussi le centre-ville comme un potentiel milieu de vie qui gagnerait à être dynamisé. L’un d’entre eux parle aussi de transports en commun, ce qui appuie les propos de Kalita et Whelan concernant l’aversion des jeunes en regard de la dépendance à l’automobile. Ken-Erik St-Louis, 22 ans, arrondissement du mont-Bellevue «Étant natif de Sherbrooke et étudiant à l'Université, j'ai acquis un sentiment d'appartenance envers ma ville au fil des années. C'est en partie grâce à ses atouts naturels et ses paysages exceptionnels. Une cité riche en histoire ou il fait bon vivre. Cependant, ce sentiment d'appartenance requiert avoir vécu ici plus longuement que le temps d'études universitaires. C'est pour cette raison qu'il faut vendre aux étudiants l'idée de s'installer à Sherbrooke après avoir obtenu leur diplôme. Une campagne de séduction annuelle devrait être faite pour garder ces futurs médecins, ingénieurs ou enseignants ici, à Sherbrooke. Je me plais souvent à offrir une visite guidée de la ville à mes collègues d'études. Ils sont toujours surpris de découvrir des 6 endroits merveilleux un peu partout et me disent souvent: on ne savait pas que y'avait ça ici, c'est super! J'opte donc pour un programme municipal visant à promouvoir les avantages de s'établir à Sherbrooke et s'adressant aux étudiants de l'Université et du Cégep. De plus, un effort pour rendre le centre-ville plus dynamique et plus attrayant doit être également fait pour attirer cette population vers le cœur de Sherbrooke, car après tout, c'est avec le cœur qu'on tombe en amour! » Jasmin Grenier, 24 ans, arrondissement du mont-Bellevue «Étant natif de l’ancienne ville de Rock Forest et, à l’époque, étant fervent opposant aux fusions municipales, j’ai appris à apprécier la ville de Sherbrooke, non pas pour ses qualités et attraits, mais pour le potentiel que cette ville a à offrir. On n’a qu’à penser au parc du Mont-Bellevue, aux abords de la rivière St-François, au quartier de la Rand, aux innombrables points de vue dans le quartier est, à l’architecture de la rue Wellington Sud et sans oublier la gorge de la rivière Magog, dont peu de Sherbrookois en profitent. Ces trouvailles, jumelées à la détermination de certains promoteurs, ont incité un Forestois dans l’âme à déménager au centre-ville qui auparavant, détestait tant. » Benoît Gagnon, 21 ans, arrondissement de Jacques-Cartier «Je suis en amour avec ma ville natale et tout ce qui fait d’elle une métropole unique au Canada : une âme québécoise dans une ambiance urbaine digne des villes de la Nouvelle-Angleterre. Sherbrooke a tous les atouts pour devenir attrayante : paysages variés, jeunesse innovante, potentiel foncier énorme, patrimoine urbain particulier, etc. Malheureusement, les élus ne lui rendent pas cette unicité et rares sont les aménagements actuels qui mettent en valeur ces atouts. Je pense que pour réveiller son attractivité en sommeil, Sherbrooke devrait d’abord se doter de projets urbains recentrant la ville au sein de la région estrienne tout en mettant impérativement en place un système de transport en commun efficace et unique; à son image. » 7. Comment adapter l’énoncé en regard de la réalité des «Y» ? Ici, je plancherai sur chaque stratégie de l’énoncé de vision de développement que vous avez présenté à la population. Selon moi, il ne s'agit pas de faire des changements majeurs, mais de les mettre en relation avec les besoins des «Y», afin d’avoir une compréhension plus approfondi de l’impact qu’auront ces stratégies sur ces derniers et peut-être les bonifier. Afin de s'y retrouver, les stratégies seront présentées dans le même ordre que dans votre document, mais seront énuméré de a) à h). 7 a) Offrir des milieux de vie de qualité J'observe qu'en lien avec cette stratégie, il n'y a aucune définition clairement identifiée de ce qu'est un milieu de vie de qualité. En ce sens, je ne crois pas que cette définition soit la même pour une personne de 20, 50 ou 70 ans. Entant que «Y», je remarque que pour vous, la densification des zones urbaines n’y est pas vue comme une variable essentielle d’une bonne qualité de vie, mais plutôt comme une simple optimisation de l’occupation du territoire urbanisé (stratégie d). Il en va de même pour la mixité des usages, qui n’est mentionné que dans la stratégie c) (privilégier les modes de transport actifs). En réalité, la densification des milieux résidentiels et la mixité des usages permettent une vie urbaine beaucoup plus florissante. En effet, plus de logements à l’hectare et plus de mixité entre les classes sociales et les usages permettent plus de services, donc plus d’activité, ce qui engendre une vie urbaine dynamique, très prisée les «Y». À ce titre, la définition de milieux de vie de qualité diffère des «boomers» par exemple, pour qui le bungalow et la voiture semblent se trouver au cœur de la qualité du milieu de vie. Actuellement à Sherbrooke, peu de secteurs sont adapté à ce que recherchent les «Y». Le centre-ville représente notre meilleur atout, mais les logements sont souvent désuets et les secteurs plus ghettoïsé repoussent les autres catégories d'habitants, ce qui contribue à faire tourner la roue de la marginalisation de ces secteurs. Par contre, les nouveaux appartements de Roger Labonté semblent avoir la cote auprès des «Y». C’est un bel exemple de ce que recherche cette génération comme milieu de vie: des appartements de qualité, a prix abordable, au cœur d'un pôle d'activité important. Ce genre de projet devrait être plus fréquent à Sherbrooke. La ville et les promoteurs doivent être davantage sensibles à cette réalité et comprendre qu'il y a un réel potentiel, mais beaucoup d'énergie à déployer en contrepartie, ce qui semble trop peu être le cas actuellement si j'en juge les actions entreprises. b) Protéger l’environnement et les milieux naturels. Au sein des trois témoignages cités plus haut, la qualité des milieux naturels à Sherbrooke y a été nommée par deux fois. Il semble que ce soit effectivement une priorité importante pour les «Y» et fait intéressant ; les milieux naturels qu’ils ont cité en exemple (le parc du Mont-Bellevue, la gorge de la rivière Magog) sont au cœur de la zone urbanisé où ils résident et sont donc facilement accessibles à pied et via le transport en commun. Il serait donc avantageux, en regard des préoccupations des «Y», de prioriser les milieux qui leur sont le plus facilement accessibles et qui sont pour l'instant parfois négligé, tel les rives de la Saint-François par exemple. Ces milieux naturels uniques à Sherbrooke enchérissent grandement la qualité de vie et attirent les «Y». c) Privilégier les transports actifs et collectifs. Comme mentionné en a), cette stratégie aura un impact direct sur la qualité de vie des «Y». En ce sens, la ville devrait davantage miser sur celle-ci, non seulement dans l’optique de fluidifier la circulation et diminuer la pollution, mais aussi afin d'améliorer la qualité de vie des «Y», pour qui se déplacer facilement en ville sans voiture est un 8 aspect très positif. Regardez à Montréal combien le BIXI est populaire auprès des jeunes professionnels, ainsi que le transport en commun en général. Ce dernier est adapté à leur besoins et beaucoup sont fiers de pouvoir en bénéficier pour la plupart de leurs déplacements. À Sherbrooke, nous avons la chance d'avoir un réseau de transport en commun bien développé, mais son évolution est entravé par la trop grande place que prend l'automobile et les infrastructures qu'elle demande, ce qui peut être perçu par certain «Y» comme un effet diminuant la qualité de vie et les dissuade de s'installer ici. d) Optimiser l’occupation du territoire urbanisé. Depuis quelques années, le périmètre d'urbanisation a considérablement été resserré. Des zones prioritaires de développement et des zones de réserve ont été délimité. On nous dit ici que ces zones seront suffisantes pour répondre à la demande en logement pour des décennies. Mais est-ce que ce calcul considère la tendance des «Y» a vouloir habiter dans des zones plus denses et près des secteurs urbains les plus dynamiques, ou l'on retrouve davantage de services? La revitalisation du secteur de «l'ancienne Rand», du centre-ville et la densification du territoire bâti aura sans doute un franc succès chez les «Y», qui verront très peu d'intérêt à s’installer dans un nouveau développement à l’autre bout de la ville, loin des secteurs centraux. Je pose donc ici la question : le périmètre urbain est-il encore trop vaste malgré son resserrement ? Est-il adapté aux besoins des citoyens ou des promoteurs immobiliers ? e) Valoriser le territoire rural et agricole. Le territoire agricole sherbrookois est un atout considérable et il est effectivement essentiel de le protéger. D’ailleurs, beaucoup de «Y» prônent l’achat local et l’élimination des intermédiaires inutiles entre eux et les cultivateurs. Avec l'avènement des «Y», certains observateurs vont même jusqu'à prédire le déclin des grandes surfaces et l'achat en gros au profit des petits commerçants offrant des produits locaux et le marché de l'alimentation ne fait pas exception. f) Consolider la base économique et développer l’économie du savoir À ce chapitre, le diagnostic que vous amenez semble très adapté à la réalité sherbrookoise et l’amélioration de notre base économique et des infrastructures de transport auront sans nul doute un effet très attractif auprès de la génération «Y». Par contre, au niveau de la forme concrète que prendront ces orientations, je vous propose de considérer l'analyse de Michel Gagnon - étudiant à la maîtrise en urbanisme et projet urbain à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble - intitulé «Sherbrooke, fausse ville étudiante?» qui se trouve à la fin de ce mémoire. g) Faire de Sherbrooke une destination touristique urbaine J'observe que les secteurs que vous identifiez comme étant des destinations à vocations urbaine et culturelle (le vieux-nord et le centre-ville) n'ont de particularités qu'une architecture intéressante pour l'un et l'autre et une ébauche d'animation pour le 9 dernier. L’amélioration du cadre urbain (densification, mixité des usages) dynamisera indubitablement ces secteurs et bien d'autres, ce qui créera, à ce juste titre, une véritable expérience urbaine, qui fait un peu défaut à Sherbrooke. Actuellement, sauf les timides exceptions des rues Wellington Nord, King Est, Alexandre et du Marché de la Gare lors de certaines périodes de l'année et du jour, aucun secteur de la ville n’offre une atmosphère urbaine intéressante et intense par son animation et sa diversité, tel que peut l’être le plateau Mont-Royal à Montréal, le centre-ville de Trois-Rivières, le quartier Saint-Roch à Québec, ou le centre-ville de Burlington au Vermont. Il est d'ailleurs ironique que l'on envisage de revitaliser le cœur commercial de Saint-Élie (route 220), qui n'a absolument aucun charme, alors que la rue Wellington Sud est loin d'être sortie de sa torpeur. Non pas que je trouve le projet de Saint-Élie inutile ou que je sois contre, mais je pose ici la question : les efforts de la ville sont-ils trop dilués un peu partout sur le territoire, de sorte qu'il n'y a aucun secteur véritablement urbain fort à Sherbrooke (urbain n'incluant pas ici banlieue) ? h) Favoriser la participation citoyenne et la vie communautaire. Un milieu de vie considérant concrètement les besoins des «Y» attisera certainement leur attachement à Sherbrooke, ce qui stimulera probablement leur envie de participer à la vie communautaire et citoyenne de la ville. 8. Comment faire de Sherbrooke une vraie ville étudiante? Un regard vers l'étranger peut nous offrir des pistes de solutions Analyse de Michel Gagnon - étudiant à la maîtrise en urbanisme et projet urbain à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble – et sherbrookois d'origine. Comment faire de Sherbrooke une vraie ville étudiante? Un regard vers l'étranger peut nous offrir des pistes de solutions Sherbrooke, ville étudiante "par excellence au Canada" comme on l'entend parfois de la bouche de certains acteurs politiques. Sherbrooke est certes, sur papier, une "ville étudiante" dans la mesure où sa population est en bonne partie composée d'étudiants - cégépiens et universitaires. Mais là où Sherbrooke échoue le test, c'est dans sa propension à être véritablement et viscéralement une ville étudiante. Qu'estce qu'une "véritable" ville étudiante, une ville qui respire l'académie et qui en fait un élément majeur de sa personnalité? Nous verrons, à titre de comparaison, ce que la ville de Grenoble en France a réussi à faire. Grenoble est au centre d'une agglomération de 500 000 habitants qui a réussi à se faire connaitre pour son industrie de nanotechnologie et son économie du savoir. La Presqu'île scientifique est l'élément de jonction principal entre les universités grenobloises et le marché du travail. Une synergie s'est développée entre les universités et les entreprises de la Presqu'île - quartier concentrant les institutions consacrées au développement et à la recherche et qui est comparable à la nouvelle technopôle sherbrookoise située sur le boulevard de l'Université - de telle sorte que les étudiants, épaulés par leur université, trouvent sans trop d'efforts des débouchés professionnels à Grenoble et y restent. L'étudiant est ainsi accompagné et dirigé de 10 son entrée jusqu'à sa sortie du monde universitaire où il entre sur le marché du travail, et ce dans un contexte de symbiose parfaite entre les institutions universitaires et les entreprises. Des efforts semblent être faits en ce sens à Sherbrooke avec cette nouvelle technopôle axée sur l'ingénierie et l'innovation qui crée un lien direct entre recherche, études et emploi. Cette technopôle se centre sur l'innovation dans le secteur de l'ingénierie, soit l'une des composantes les plus connues de l'Université de Sherbrooke, ce qui augure bien pour la renommée à venir de cette branche. Sherbrooke tient en ses mains un développement qui pourrait être appelé à être un projet-phare, à condition qu'elle le développe bien. Cette technopôle, tout comme le campus universitaire de l'UdeS, sont localisés à la frange de la ville. Il faudra faire attention pour ne pas en faire un développement exclusivement axé sur l'automobile faute de quoi elle pourrait passer pour un vulgaire parc industriel. Il ne faut pas perdre de vue que ce genre de développement est le lien principal entre le marché de l'emploi et les facultés, donc par conséquent l'élément principal pour favoriser la rétention des universitaires à Sherbrooke. Les jeunes travailleurs du secteur de l'ingénierie sont proches de ce que l'on qualifie de "travailleurs créatifs" (voir plus bas pour l'explicitation de ce concept) et sont plus exigeants que les travailleurs d'autres générations. Ceux-ci sont plus regardants vis à vis une éventuelle ville d'accueil, ce qui fait que l'emploi n'est qu'un facteur parmi d'autres. Un lieu de travail dynamique et urbain est un gros plus pour cette catégorie de travailleurs. Même si l'enjeu n'est aussi fort que pour les travailleurs créatifs et que la technopôle se trouve en un lieu dépourvu d'urbanité, des efforts devraient être néanmoins apportés pour relier la technopôle au reste du campus universitaire. Une desserte en transport en commun et une accessibilité par les moyens de transport doux seraient également à préconiser. Enfin, la mixité des entreprises et des facultés devrait être renforcée de quelque façon que ce soit - par l'implantation de nouveaux bâtiments de la faculté d'ingénierie dans la technopôle par exemple. Un ensemble cohérent entre le campus universitaire et la technopôle serait ainsi mis de l'avant et l'endroit deviendrait plus propice aux flux de circulation en mode doux des étudiants et des travailleurs. Le lieu pourrait être en mesure d'accueillir des cafés étudiants et des casse-croûtes afin de le rendre plus convivial. Une certaine mixité des fonctions est ainsi préconisée, mais celle-ci demeurerait modeste et uniquement orientée vers les besoins des utilisateurs de la technopôle - il serait vain et inutile de tenter d'en faire une nouvelle centralité. Toutefois, à l'image de la Presqu'île scientifique grenobloise, les pourtours de la technopôle pourraient aussi accueillir certains équipements de quartier afin de briser la monofonctionnalité des alentours et de vraiment faire de ce lieu un quartier résolument urbain et non pas une zone industrielle oubliée en frange de la ville. On parlerait ici de quelques îlots d'urbanisation dédiés à l'habitat intermédiaire et de quelques services mis à la disponibilité des travailleurs désireux d'être à quelques minutes à pied ou à vélo de leur lieu de travail, chose qui est pratiquement impossible à l'heure actuelle dans la technopôle. L'exemple de l'ingénierie et de l'innovation est certes important dans le contexte sherbrookois, mais ce n'est pas ce qui fera véritablement revivre le centre-ville. Celui-ci doit aussi compter sur les étudiants pour sortir définitivement de sa torpeur et cet aspect est trop mis de côté par les dirigeants politiques municipaux. La Ville doit favoriser l'essor des "activités créatives". Celles-ci sont représentées par les 11 métiers contemporains et en vogue reliés à la technologie, à la communication, aux jeux vidéo. Sherbrooke est d'autant plus bien placée dans cette dernière catégorie qu'elle prend part au programme de Campus Ubisoft. Les activités créatives sont en pleine explosion et Sherbrooke doit faire en sorte d'attirer ces jeunes travailleurs modernes et urbains. Elle peut les former avec les nombreux programmes collégiens et universitaires, qui sont mis à la disposition des jeunes étudiants, que ce soit le Campus Ubisoft, le design graphique, l'informatique, mais elle ne possède pas l'attrait nécessaire pour retenir ces jeunes une fois diplômés. La bonne nouvelle est qu'en concentrant des efforts sur cette catégorie de travailleurs l'économie du centre-ville de Sherbrooke récoltera d'avantageuses retombées. Les activités créatives profitent du phénomène d'agglomération des entreprises en profitant mutuellement du service des autres. Ces entreprises créatives ne s'installent que dans les lieux dynamiques et urbains, à l'image d'Ubi Soft dans le Mile-End. Pourquoi? Parce que c'est ce que les jeunes travailleurs veulent, un environnement urbain attractif. Ces travailleurs dans l'air du temps affectionnent les services de qualité, les bons cafés et restaurants, les interactions et aiment venir au boulot en transport en commun. Le centre-ville de Sherbrooke devrait faire en sorte d'avoir cette masse critique d'entreprises créatives; dès lors l'animation urbaine et la vivacité économique seraient assurées. Comme ces entreprises ne viennent pas si elles sont confinées seules à une rue moribonde, il faut favoriser leur implantation par quelque moyen que ce soit. La coopération entre centres de formation, Ubisoft (ou d'autres acteurs, à condition qu'ils soient influents dans le domaine) et les différents paliers gouvernementaux pourrait être nécessaire pour la venue des ces 2 ou 3 premiers acteurs cruciaux. Le reste suivrait sans trop de problème. L'aménagement actuel de la rue Wellington Nord et le type de commerces présent est déjà relativement adéquat. Le problème se trouve surtout au niveau de la population résidant au centre: les jeunes doivent s'approprier le centre-ville et y habiter. Des dispositions visant à encourager la construction de lofts urbains, d'établissements scolaires à vocation créative (déménagement de facultés d'art et lettres et de design, tant des cégeps que de l'Université Bishop's ou l'UdeS, vers le centre-ville?), de même que la rénovation devraient être entreprises. Un exemple à prendre en compte est celui d'Ubisoft à Lyon, à proximité de la gare de Vaise. Cette entreprise a certes bénéficié de crédits gouvernementaux pour s'installer dans une vaste zone inoccupée, mais l'aménagement urbain et la redynamisation du quartier qui s'en sont suivis ont fait office de récompense. L'espace sur Wellington étant limité, le plateau Marquette, vaste zone parsemée d'espaces vides située au coeur du quartier des affaires, pourrait être un lieu d'accueil important pour d'éventuelles nouvelles constructions à vocation créative. Sherbrooke joue mal sa carte de ville étudiante. À elle de devenir une véritable ville étudiante en mettant en place de nouvelles orientations qui feront en sorte de capitaliser sur ses potentiels actuels. Michel Gagnon Étudiant à la maîtrise en urbanisme et projet urbain à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble» 12 9. Conclusion Dans un contexte ou Sherbrooke est victime de l'exode de ses jeunes diplômés, il importe d'identifier les besoins réels de cette population qui représente l'avenir. L'emploi est certes un critère de rétention, mais la qualité de vie en est également un majeur sur lequel Sherbrooke a beaucoup de travail a faire, la ville n'étant pas adapté au mode de vie urbain que recherchent 88% des jeunes. Par contre, elle est situé dans une région au caractère bucolique très alléchant, grâce à la nature à proximité et sa culture francophone teinté d'une histoire et d'une architecture unique. Si Sherbrooke réussissait a créer un environnement véritablement urbain et qu'elle l'associait a ce cadre unique et a un dynamisme économique axé sur l'économie du savoir, elle deviendrait assurément «une capitale régionale de référence» pour les personnes âgées, les «boomers», les «X» ainsi que pour les «Y». Je suggère aux élus d'aller à la rencontre des jeunes, d'apprendre à les connaître, de prendre exemple sur les villes qui les attirent et de faire preuve de davantage de vision et d'audace afin de faire de Sherbrooke un véritablement environnement urbain. Philip Bastarache __________________________ 13