Télévision sans frontières - Rencontres Cinématographiques de Dijon

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Télévision sans frontières - Rencontres Cinématographiques de Dijon
Rencontres Cinématographiques de Beaune
Samedi 22 octobre 2005, 10h-12h30
De la télévision sans frontières à l’audiovisuel sans frontières
Note préparatoire réalisée par le service Etudes de l’ARP en collaboration avec NPA conseil.
Nous remercions pour leur concours M. Philippe Bailly, Directeur associé de NPA conseil, Mme
Cécile Despringue, chargée des affaires européennes de la SACD, et M. Yvon Thiec, Délégué Général
d’Eurocinema.
«La construction européenne qui s’est faite tout d’abord dans une logique de marché, a besoin de
la culture et de ses symboles pour progresser »1
Le traité instituant la Communauté européenne prévoit que l’action de la Communauté vise à
encourager la coopération entre les Etats membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action
dans le domaine de la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel.
Les deux grands principes de la politique audiovisuelle et cinématographique au niveau européen sont
ainsi :
-
-
d’une part, un socle de dispositions communes permettant la mise en place d’un marché
unifié des services et favorisant la circulation des programmes, et son corollaire le principe
du pays d’origine (une chaîne autorisée dans l’un des Etats peut être librement diffusée dans
les autres Etats membres).
d’autre part, le droit pour chaque Etat de continuer à prendre des dispositions particulières
pour les services qui relèvent de son autorité, et la capacité à mener une politique de soutien
aux œuvres, avec la possibilité de nouer des accords bilatéraux sur la scène internationale ;
Les deux principaux véhicules de cette politique audiovisuelle et cinématographiques sont :
-
la directive dite « Télévision sans frontières », adoptée en 1989 et révisée une première fois
en 19972 qui constitue le cadre juridique de la politique audiovisuelle,
1
FARCHY, Joëlle, “Exception culturelle”, Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, p.
268.
2
Directive 89/552/CEE modifiée par la directive 97/36/CE.
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et, d’autre part, le Plan MEDIA qui est un soutien financier au développement, à la
distribution et à la promotion du cinéma européen.
Ces politiques communautaires d’aide à la culture et à l’audiovisuel constituent aujourd’hui des outils
de protection et de promotion concrets au niveau européen et international.
Face aux nombreuses évolutions technologiques qui bouleversent actuellement le paysage
cinématographique et audiovisuel (TNT, Vidéo à la demande, Télévision mobile), la Commission
européenne a lancé en 2003 un processus de révision de la directive « Télévision sans frontières » afin
d’élargir notamment son champ d’application aux nouveaux contenus en ligne (dits « services non
linéaires »).
L’enjeu ici est d’aboutir à une régulation des nouveaux supports de distribution numériques – non
seulement en terme d’encadrement juridique (des pratiques en matière de publicité, de protection des
mineurs, etc.) mais également en terme de régulation économique afin de préserver la diversité
culturelle en Europe. En effet, la révolution numérique qui bouleverse dès à présent les équilibres
établis entre les acteurs de la filière audiovisuelle et cinématographique, pourrait refondre
radicalement et durablement son paysage au profit des nouveaux opérateurs. Ignorer ainsi aujourd’hui
le rôle que les services en ligne vont être amenés à jouer dans l’économie des œuvres
cinématographiques et audiovisuelles risque de compromettre gravement l’avenir même de ces
dernières.
I)
La directive « Télévision sans frontières »
A) Les principes de la directive
La directive « Télévision sans frontières » (TVSF) institue un socle juridique harmonisé qui vise à
créer des conditions propices à la libre circulation des programmes télévisés européens au sein du
marché intérieur. De plus, elle assure indirectement la protection du cinéma européen grâce à un
système de quotas visant à promouvoir la diffusion et la production d’œuvres européennes.
La directive ne s’applique aujourd’hui qu’aux activités télévisuelles, la radio étant exclue de son
champ d’application. Lors de la révision de 1997, il avait été question d’y intégrer les « nouveaux
services » (services en ligne, vidéo à la demande, etc.), mais cette proposition avait finalement été
rejetée.
La directive impose des règles minimales, ce qui signifie que les États restent libres de prévoir des
mesures plus strictes ou plus détaillées, comme plusieurs Etats membres en ont fait le choix tels que
l’Italie ou la France.
La directive TVSF se fonde sur les quelques grands principes suivants :
1. Principe du contrôle par le pays d’origine : un « radiodiffuseur » ne relève de la compétence
que d’un seul État membre.
Celui-ci est déterminé en fonction du lieu d’établissement du diffuseur selon plusieurs critères
juridiques et économiques (lieu du siège social, de la prise de décision éditoriale, des effectifs
employés) et/ou techniques (notamment État accordant la fréquence ou liaison satellitaire).
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2. Principe de la liberté de réception : les États ne peuvent empêcher la réception sur leur
territoire des programmes émis par les diffuseurs relevant de la compétence d’un autre État
membre, sauf dans un cas très restrictif : lorsque le programme enfreint, d’une manière manifeste,
sérieuse et grave, les règles relatives à la protection des mineurs et/ou au respect de l’ordre public.
3. Les événements d’une importance majeure pour la société doivent être diffusés sur des
chaînes en clair gratuites (en pratique, il s’agit quasi-exclusivement d’événements sportifs).
4. Des quotas de diffusion et de production s’appliquent :
- les diffuseurs doivent réserver une proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des
œuvres européennes « chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés » ;
- les diffuseurs doivent consacrer au moins 10% de leur temps de diffusion ou 10% de leur budget
de programmation à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants.
? Cette dernière disposition est importante dans la mesure où elle incite les chaînes de
télévision à investir directement dans la production de contenus et de contribuer ainsi à la
production d’œuvres diversifiées en Europe.
5. Des règles relatives à la publicité, au téléachat et au parrainage :
- qualitatives : identification de la publicité qui doit être nettement séparée du reste du programme,
encadrement de la publicité pour l’alcool et les médicaments, interdiction de la publicité pour le tabac.
- quantitatives : le temps de transmission des spots publicitaires et de télé-achat est soumis à une
double limite :
? Quotidienne : 20% du temps d’antenne pour la publicité et le télé-achat avec
une limite de 15% du temps d’antenne pour la publicité (9 minutes) ;
? Horaire : 20% de publicité et téléachat, soit 12 minutes par heure d’horloge.
Le nombre de coupures publicitaires autorisées est lui aussi limité :
?
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pour les œuvres audiovisuelles (telles que les longs métrages et les films
conçus pour la télévision) à une coupure toutes les 45 minutes,
pour les autres programmes, toutes les 20 minutes.
6. Protection envers les mineurs (extrême violence et pornographie interdites ou encadrées)
7. Un droit de réponse est instauré.
B) Un bilan jugé globalement positif
Le premier point positif pour le secteur audiovisuel instauré par la directive TVSF est d’avoir
institué une base juridique communautaire au mécanisme de quotas de diffusion. A défaut, un tel
système aurait probablement été assimilé à des mesures de restriction à l’accès au marché, et à ce titre,
interdits par le droit européen de la concurrence.
Les articles 4 et 5 de la directive ont donné la possibilité aux Etats membres de mener des politiques
publiques de promotion des œuvres européennes, tout en leur laissant une très grande marge de
manœuvre quant à leur application. Ces mesures ont permis dans la plupart des cas de promouvoir la
diversité culturelle et la promotion des œuvres indépendantes européennes.
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Ainsi, la programmation des œuvres européennes représente aujourd’hui 2/3 du temps total de
diffusion. Une étude d’impact sur les quotas réalisée par le cabinet britannique David Graham &
Associates Limited et publiée le 25 mai 20053 confirme l’efficacité de la politique de quotas.
Son succès est toutefois à nuancer dans la mesure où tous les types de programmes sont pris en
compte dans ce calcul, programmes de stock (ces derniers s’approchant du concept « d’œuvres »)
mais également programmes de flux (talk-shows, jeux télévisés, etc).
Le fait que la moyenne des programmes européens non-nationaux n’atteigne que 11% des
diffusions n’est certainement pas étranger au fait que les programmes de flux, essentiellement
nationaux, soient pris en compte dans « l’assiette » de quotas.
Il en ressort par conséquent une programmation étroitement tournée vers une expression
nationale, qui n’a pas réellement amélioré la circulation des œuvres européennes.
Par ailleurs, la directive Télévision sans frontières n’a pas empêché des situations de délocalisations
abusives. RTL9 constitue ainsi l’archétype de cette version télévisuelle du fameux plombier polonais :
son statut luxembourgeois – un cadre réglementaire limité aux seules dispositions de la directive qui
lui permet par exemple de diffuser un film chaque soir et plus de 500 dans l’année, soit deux à trois
fois plus que les totaux autorisés pour une chaîne française – représente de l’aveu même de ses
dirigeants une « distorsion de concurrence4 » qui l’a aidé à défendre sa position de leader en audience
parmi les chaînes thématiques françaises.
De telles chaînes dites à statut déclaratif tendent à déferler en nombre croissants sur les écrans français
avec, le plus souvent, un passeport anglais mais un fort accent américain : De Fox Life (groupe
Murdoch) à Discovery Real Time (Liberty Media) ou Sci Fi (NBC Universal), leur nombre a doublé
en cette rentrée avec pas moins de 10 nouveaux lancements…
II)
Les principaux enjeux de la révision de la directive TVSF
A l’issue de quatre réunions d’experts organisées par la Commission européenne entre octobre
2004 et mai 2005, celle-ci a publié le 12 juillet 2005 six documents de synthèse sur la révision de la
directive TVSF. Ces documents ont fait l’objet d’une consultation ouverte à l’ensemble des acteurs
intéressés (États membres, régulateurs, professionnels) et ont été discutés à la conférence européenne
de Liverpool du 20 au 22 septembre 2005. Les principaux thèmes discutés sont : le champ
d’application de la directive, la territorialité, la diversité culturelle et la promotion de la production
européenne et indépendante, la publicité et le droit à l’information. Un autre enjeu moins polémique a
été abordé : le pluralisme des médias.
A) Le champ d’application
Le développement des nouvelles technologies numériques et la « convergence des médias »
ont ouvert la voie à une éventuelle extension du champ d’application de la directive TVSF. C’est
3
Disponible à l’adresse http://europa.eu.int/comm/avpolicy/stat/2003/4-5/27-03-finalreport.pdf
Pour exemple, RTL9 a diffusé au cours de la semaine du 27 août au 2 septembre 12 films dont 0 film français 5
interdits aux moins de 12 ou de 16 ans, plus de 10 heures de fictions érotiques interdites aux moins de 16 ans,
plus de 55 heures de télé achat, et seulement 7 heures de fictions françaises non érotiques… programmées à
raison d’une heure par jour entre 5 h et 6 h du matin.
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de fait l’un des principaux enjeux de cette réforme. Dans le projet de révision, la Commission
européenne définit tout d’abord les services de contenu audiovisuel :
« Services définis par le traité, pour la fourniture d’images animées, combinées ou non à du son, au
grand public (donc excluant les formes de correspondance privée) par des réseaux électroniques
(supposant alors une neutralité technologique qui semble aujourd’hui réunir la majorité des
suffrages) ».
Puis la Commission propose de différencier deux types de services :
?
linéaires : « les services programmés qui comportent une succession de programmes
organisés sur l’ensemble de la journée par l’éditeur responsable et sur lesquels le
téléspectateur n’exerce aucun contrôle sur le temps de transmission. ». Autrement dit, la
télévision, quel que soit son support de diffusion (hertzien terrestre, câble, satellite, réseau
ADSL, Internet), pay per view compris.
?
non-linéaires : « les services «à la demande», dont les utilisateurs/téléspectateurs sont en
mesure de choisir le contenu qu’ils souhaitent à tout moment, par exemple la vidéo à la
demande, les services d’information basés sur le Web, etc., indépendamment de la plateforme
utilisée pour la fourniture du service. ».
Une fois donnée cette définition globale, la Commission envisage de mettre en place une
réglementation à deux niveaux :
?
Un socle de « règles fondamentales » communes à tous les services audiovisuels, linéaires
comme non-linéaires :
- Protection des mineurs et de la dignité humaine
- Identification des communications commerciales
- Obligations minimales d’ordre qualitatif imposées aux communications
commerciales (sur le tabac, l’alcool, etc.)
- Droit de réponse
- Identification de base des fournisseurs de service
?
Des règles dérivées de la directive actuelle (en matière de quotas et de soutien à la
production par exemple), allégées et modernisées, ne s’appliquant qu’aux services dits
« linéaires ». Il s’agirait toujours de règles a minima qui laisserait le droit aux Etats
d’appliquer des règles plus strictes sur leur territoire.
La France a proposé d’inclure un sixième objectif, de diversité culturelle et de promotion
audiovisuelle européenne et indépendante, dans le socle commun.
La question de soumettre les services audiovisuels non-linéaires à des obligations en matière de
production audiovisuelle (sous une forme contraignante ou sous la forme d’une recommandation) reste
ouverte.
Le principe de promotion de la diversité culturelle devrait pourtant être indissociable d’une régulation
des nouveaux acteurs de la distribution de contenus en ligne. Ne serait ce que parce que l’arrivée sur le
marché de l’audiovisuel des opérateurs télécoms risque de bouleverser les équilibres économiques
actuels et que des distorsions de concurrence pourraient s’instaurer si tous les acteurs n’étaient pas
soumis aux même règles. Ces distorsions seraient d’autant plus importantes que les nouveaux entrants
n’ont pas le même « poids » économique que les acteurs traditionnels. Une comparaison des chiffres
d’affaires 2004 de certains diffuseurs et opérateurs télécoms est assez éloquente :
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TF1 : 1 470 M€
BSkyB (opérateur satellite britannique) : 5 954 M€
France Telecom : 23 700 M€
Deutsch Telekom : 29 100 M€
Par ailleurs, si les services « non-linéaires » n’en sont encore qu’à une phase de développement, il
s’agit dès à présent de tenir compte des évolutions technologiques prévisibles (notamment compte
tenu du délai de mise en application de la directive), en faisant tout d’abord le choix d’une définition
extensive des services non-linéaires et en instaurant, d’autre part, des principes régulateurs de la
promotion des contenus en ligne. Les supports numériques sont appelés en effet à se substituer
progressivement aux modes de diffusion traditionnels des films et des programmes audiovisuels, et ce
basculement de la filière cinématographique au numérique entraînera un bouleversement de
l’économie de l’ensemble de la filière, notamment en ce qui concerne le financement des œuvres.
Soumettre les services audiovisuels non-linéaires à une régulation économique apparaît d’autant plus
souhaitable qu’il serait possible de prévoir des règles flexibles et progressives, susceptibles de
s’adapter à l’évolution économique du secteur, encore incertaine.
B) La compétence territoriale
L’actuelle directive prévoit de soumettre un radiodiffuseur à la réglementation d’un seul Etat
membre où il a choisi de s’établir. Ce système permet à des radiodiffuseurs de se soustraire à la
législation d’un Etat qu’ils jugent trop stricte tout en diffusant majoritairement dans ce même pays.
L’exemple de la chaîne RTL9, établie au Luxembourg mais dont l’audience est
majoritairement française, est révélateur de la nécessité de clarifier les critères de détermination de
l’Etat compétent pour exercer le contrôle sur le radiodiffuseur. La programmation de RTL 9 s’illustre
par le non respect de toutes les obligations auxquelles sont soumises les chaînes hertziennes
françaises : programmation de 8 heures de télé-achat par jour contre un plafond de trois heures ;
diffusion d’un nombre de fils sans commune mesure avec les possibilités légales des chaînes
françaises, dont une large proportion durant les plages horaires interdites ; part des fictions françaises
inférieure à 30% sur l’ensemble de la semaine et programmation de plus de 40% d’œuvres non
européennes ; etc.
Afin de lutter contre ces « délocalisations » abusives, plusieurs aménagements des critères de
détermination de l’Etat membre compétent sont envisagés (pour les chaînes extra-communautaires
émettant dans l’Union européenne par satellite) :
?
?
?
?
?
Inversion des critères techniques : faire prévaloir la liaison montante vers un satellite situé
dans un Etat plutôt que l’utilisation d’une capacité satellitaire qui en dépend ;
Prise en compte du lieu où sont prises les décisions éditoriales et du lieu où travaille une
partie importante des effectifs de la société ;
Inclusion dans la directive de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés
européennes qui permet aujourd’hui à un Etat membre compétent de prendre des mesures
contre un radiodiffuseur ne respectant pas sa législation (cas des chaînes Al Manar et
Sahar1) ;
Recours au critère de la langue des programmes diffusés ;
Prise en compte proposée par la France de l’origine des ressources publicitaires et/ou
d’abonnement.
Concernant les services non-linéaires, une liste de critères pertinents est également à l’étude, dont le
lieu où sont prises les décisions éditoriales et l’origine des ressources publicitaires et/ou
d’abonnement.
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C) Publicité et communications commerciales
Deux questions relatives aux communications commerciales sont abordées dans les
propositions de révision de la directive.
La première concerne l’élargissement de la définition des « communications commerciales
audiovisuelles » afin que les nouvelles formes de publicité télévisées (placement de produit, écrans
partagés, publicité interactive…) puissent entrer dans le champ d’application de la directive. Mais
les modalités précises d’encadrement de ces publicités restent à définir.
La seconde concerne la durée et les modalités d’insertion de la publicité dans les programmes. Il
ne s’agit pas de réviser l’aspect qualitatif (inscrit dans le socle commun) des règles relatives à la
publicité, mais plutôt l’aspect quantitatif.
La Commission propose ainsi :
?
d’une part, de supprimer la limite quotidienne de publicité (établie à 15% du temps
d’antenne (9 minutes) i.e. de publicité en moyenne par heure et par jour) et de téléachat (3h
par jour actuellement), au profit d’une seule limitation horaire (12 minutes de publicité par
5
heure autorisées). Selon une étude Carat , l’assouplissement de ces règles devrait se traduire
par une augmentation de 30% du volume publicitaire sur les plus importantes des recettes
publicitaires par les radiodiffuseurs dominants.
?
et, d’autre part, de modifier les règles relatives aux coupures publicitaires dans les
émissions. Il serait ainsi envisagé de remplacer la règle des 20 minutes entre deux
interruptions publicitaires par un nombre d’interruptions maximum au cours d’une heure
donnée (nombre limité à trois interruptions par heure d’un programme donné, ce nombre de
coupures maximum étant calculé au prorata de la durée éditoriale du programme considéré).
Toutefois, pour les œuvres cinématographiques et les œuvres de fiction, la directive autorise une
coupure toutes les 45 minutes. La France propose que soit maintenue cette règle, jugée
équilibrée, et que le traitement reste le même pour l’ensemble des œuvres, afin de ne pas rendre
certaines (les fictions télévisuelles) plus attractives que les autres (les longs-métrages). La volonté
exprimée par la Commission va bien au-delà dans le sens de l’allègement des limitations aux coupures
publicitaires : le schéma exposé dans la consultation publique consiste à « maintenir l'interdiction de
communication commerciale pendant les services religieux » et à ne « limiter le nombre des
interruptions à des fins de communication commerciale (que) pour les films de cinéma, les journaux
d’information et les émissions pour enfants »
Enfin, la technique du placement de produit dans les émissions jusqu’alors interdite en France serait
autorisée avec des modalités d’encadrement qui restent à définir.
Ces règles ne concerneraient que les services « linéaires », et la publicité resterait interdite dans les
journaux télévisés, les émissions d’information politique, les documentaires, les émissions religieuses
et les émissions pour enfants.
5
Etude sur le développement des nouvelles techniques publicitaires, Carat Crystal, Bird & Bird, Avril 2002,
disponible sur http://europa.eu.int/comm/avpolicy/stat/bird_bird/pub_rapportfinal_fr.pdf
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D) Diversité culturelle et promotion de la production audiovisuelle européenne et
indépendante
La Commission européenne envisage de maintenir en l’état l’essentiel des mesures destinées à
promouvoir la diversité culturelle et la production européenne et indépendante (articles 4 et 5 de la
directive). Elle étudie néanmoins la possibilité d’améliorer les mesures de contrôle et de clarifier la
notion de producteur indépendant (notamment vis-à-vis des distributeurs).
Cependant, certains, notamment les producteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ont
soulevé la question de « l’assiette » prise en compte dans la comptabilité des œuvres européennes
diffusées. S’appuyant sur l’existence de règles plus strictes en Italie ou en France, qui ne prennent en
compte que les programmes de « stock », ils demandent que ces règles soient étendues à l’ensemble
des Etats membres. Cette mesure devrait permettre d’accroître la circulation des œuvres
européennes non-nationales (en majorité des films, fictions et documentaires), qui ne représentent
pour l’instant que 11% (cf supra) de la diffusion en moyenne en Europe.
Le principal objet de la réforme de la TVSF, et celui qui suscite le plus de débats, concerne, comme
mentionné plus haut, l’incorporation des services non-linéaires et ses conséquences sur la diversité
culturelle et la promotion des œuvres européennes indépendantes.
Selon la France, le soutien à la production audiovisuelle européenne ou indépendante pour les services
non-linéaires pourrait prendre plusieurs formes :
?
?
?
Une contribution des opérateurs au financement des œuvres (avec des obligations
d’investissement dans les productions européennes / indépendantes en proportion du chiffre
d’affaires) ;
Une garantie d’une présence d’œuvres européennes dans les catalogues (avec une
proportion minimale de productions européennes / indépendantes au sein des catalogues de
vidéo à la demande (VoD)) ;
Un accès privilégié aux productions européennes dans les guides électroniques de
programmes (avec l’obligation de privilégier la présentation des productions européennes /
indépendantes au sein de ces grilles d’accès).
Ces mesures devraient, selon la France, revêtir un caractère obligatoire de façon à incorporer un
objectif de diversité culturelle et de développement harmonieux du marché intérieur.
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III) Actualité européenne
A) Le projet de directive sur les services (Bolkestein)
La directive sur la libéralisation du marché des services du 13 janvier 2004, dite Bolkestein,
qui fit couler tant d’encre durant la campagne française du référendum sur la Constitution européenne,
n’a pas été retirée par la Commission européenne et poursuit son parcours institutionnel d’adoption.
Elle actuellement en cours d’examen devant le Parlement européen.
Cette directive est fondée sur le principe du pays d’origine, qui permet à un prestataire de services
établi dans un Etat membre d’opérer sur l’ensemble du territoire européen en étant soumis à la seule
législation de son pays d’origine. Cette directive dite « horizontale », s’applique à l’ensemble des
services, sans différence de traitement (à l’exception des services financiers, des services de
communication électronique, des services de transport et de la fiscalité) et comprendrait ainsi dans son
champ d’application l’audiovisuel.
La directive Bolkestein pourrait ainsi « entrer en contradiction » avec la directive Télévision
sans frontières (TVSF), directive « sectorielle », chargée de réguler le marché de l’audiovisuel en
Europe. En effet, si la directive Bolkestein était maintenue en l’état, les prestataires de services
audiovisuels pourraient s’établir dans les Etats les « moins-disant » en matière culturelle et diffuser
leurs programmes sans contrainte dans l’ensemble de l’Europe.
Une clarification sur l’audiovisuel (qui ferait primer juridiquement la directive TVSF) est
indispensable afin d’éviter notamment des situations de dumping et de délocalisations abusives.
B) Plan MEDIA 2007
Prenant acte du rôle moteur du secteur audiovisuel dans la constitution d’une identité culturelle
européenne, ainsi que de son potentiel économique, la Commission européenne a prolongé le
programme MEDIA d’un an dans sa forme actuelle (jusqu’au 31 décembre 2006) afin de proposer
ensuite un nouveau programme en phase avec les nouvelles perspectives financières (du 1er janvier
2007 et jusqu’au 31 décembre 2013). Les deux parties du programme, MEDIA Plus et MEDIA
Formation, seraient fusionnées, et le budget serait doublé, passant de 513M€ à 1055M€.
Comme ses prédécesseurs, MEDIA 2007 soutiendra les phases de développement de projets de
production, la distribution (qui reste le volet le plus important avec plus de la moitié des ressources
totales) et la promotion des œuvres audiovisuelles européennes à l’intérieur et hors de l’Europe.
L’augmentation du budget du programme MEDIA doit être cependant relativisée, avec
l’élargissement de l’Europe à dix nouveaux pays qui bénéficieront ainsi du dispositif. En outre,
l’adoption du programme MEDIA 2007 dépend de l’accord sur le budget général, que plusieurs pays,
dont la France, se sont refusés à voir augmenter. Pour rappel, en 2004, les dépenses totales de l’Europe
élargie à 25 pour la culture représentaient environ 0,1% du budget communautaire.
C) Conférence de Liverpool et pistes de travail suivies par la Commission
européenne
La conférence de Liverpool, co-organisée du 20 au 22 septembre par la présidence britannique
de l’Union Européenne et la Commission européenne, a vu les 400 participants faire part à la
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Commissaire européen en charge de la Société de l’Information et des Médias, Viviane Reding, de
leur vision de la nouvelle mouture de la directive Télévision sans frontières.
Cette confrontation entre les autorités européennes et l’ensemble des acteurs du marché audiovisuel
européen, dernier round d’échange public sur la révision de la directive, ne semble pas avoir permis
d’inflexions majeures des positions en présence.
Face aux inquiétudes et polémiques, Viviane Reding a réaffirmé l’objectif de mise en place d’un
socle juridique commun limité à quelques grandes règles de portée générale applicables à tous
les services audiovisuels – linéaires ou non-linéaires – comme une position d’équilibre par rapport
aux demandes d’interventions plus marquées défendues, notamment, par le gouvernement français.
La Commissaire pose comme règles de base, d’une part l’attachement au principe du pays
d’origine, et d’autre part la nécessité pour la directive de se limiter aux règles et principes
généraux, sans prétendre à se substituer aux modalités d’implémentation nationale arrêtées par les
gouvernements et les régulateurs nationaux.
Dans le cadre de cette « light touch approach », la Commissaire préconise donc que les nouveaux
services audiovisuels (VOD, TV sur Internet…) ne soient soumis qu’à un corps de règles minimales
(protection des mineurs et de la dignité humaine, indentification des communications commerciales,
obligations minimales d’ordre qualitatif en ce qui concerne les communications commerciales, droit
de réponse et l’identification de base des fournisseurs de services) à charge ensuite pour chaque Etats
membres de déterminer s’ils seront soumis à d’autres obligations légales ou si l’autorégulation
primera.
S’agissant des orientations au fond, il semble que la conférence de Liverpool ait seulement permis de
dresser l’état des divergences entre les acteurs de l’audiovisuel européen. En effet, à l’exception
des débats relatifs au placement de produit, aucun compromis ne semble avoir été trouvé à l’occasion
des différents débats thématiques.
De son coté, Viviane Reding a confirmé les orientations énoncées au sein des 6 documents de
synthèse de la consultation publique qui a pris fin le 5 septembre dernier.
La publication du projet de Directive – approuvé par les 25 commissaires européens – reste prévue
pour la fin 2005.
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Annexes :
Position des autorités françaises / Position de Viviane Reding
Champ d’application
Position des autorités françaises
(exprimée lors de la Consultation publique)
Position de Viviane Reding
(exprimée dans le discours de Liverpool)
Notion de services de contenus audiovisuels :
Notion de services de contenus audiovisuels :
- Soutien à la proposition de la Commission visant à étendre le
champ d’application de la future directive à toute forme de
fourniture électronique de contenu audiovisuel ;
- Maintien de l’adoption d’une définition globale des « services de
contenu
audiovisuel » ;
- Attachement au principe de « neutralité technologique » dans
l’optique d’éviter tout « distorsions de concurrence » ;
- Attachement au principe de « neutralité technologique ;
- Nécessité de distinguer services linéaires (« ensemble des
services de télévision, quel que soit leur support de diffusion
(hertzien terrestre, câble, satellite, réseau ADSL, Internet) ») et
services non linéaires (« services fournis à la demande de
l’utilisateur, les programmes étant accessibles dans leur
intégralité à tout moment ») en intégrant notamment les termes de
la jurisprudence Mediakabel ;
- distinction services linéaires/ services non linéaires
Règles fondamentales
- Soutien à « la proposition consistant à appliquer à l’ensemble
des services audiovisuels un socle de règles communes
constitué par les cinq objectifs fondamentaux identifiés par la
Commission (protection des mineurs, identification des
communications commerciales, obligations minimales d’ordre
qualitatif en matière de communications commerciales, droit de
réponse, identification de base / exigences en matière de
cartouches de titre ») et par un sixième « objectif fondamental » :
« la promotion de la diversité culturelle » ;
- La France considère d’ailleurs que « la plupart des volets
réglementaires envisagés par la Commission pour (assurer le
respect des 5 premiers objectifs par) les services non linéaires
sont déjà couverts par des instruments existants ou en cours
d’adoption et que la seule valeur ajoutée substantielle qui
pourrait être apportée (…) résiderait donc dans des mesures
de soutien à la production audiovisuelle européenne ou
indépendante » ;
Base de règles fondamentales :
-protection des mineurs et de la dignité humaine ;
- indentification des communications commerciales ;
- obligations minimales d’ordre qualitatif en ce qui concerne les
communications commerciales ;
- droit de réponse ;
- et l’identification de base des fournisseurs de services.
Services non linéaires :
- « Light touch approach »
- La France confirme son attachement « à l’article 3 de la
directive TSF, qui laisse aux États membres la possibilité de
prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les
domaines couverts par la directive pour les radiodiffuseurs
relevant de leur compétence ».
- Chaque Etat membre détermine si ces services seront soumis a des
obligation légales ou simplement laissé à l’autorégulation ou la
corégulation.
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Publicité
Position des autorités françaises
Placement de produit :
Position de Viviane Reding
Placement de produit :
La France propose de poursuivre une « réflexion approfondie » sur les
« modalités d’encadrement », allant au delà de « celles suggérées par la
Commission (l’obligation d’identification claire au début du programme, le
respect des règles déontologiques actuelles (notamment celles poursuivant un
objectif de santé publique) et l’interdiction du recours au placement de produit
dans les programmes religieux, les émissions d’information et les programmes
pour enfants »
Le Commissaire européen affirme que cette technique
commerciale est déjà une réalité qui n’est pas réglementée
dans les faits.
Il est donc nécessaire de l’autoriser et de l’encadrer.
Les règles posées doivent aider :
- à accroître l’information des consommateurs et de les
informer que le placement de produit est une forme de
publicité ;
- à permettre le développement d’une nouvelle source de
revenus pour l’industrie audiovisuelle
- à garantir l’absence d’interférence avec l’indépendance
éditoriale du programme.
Recours à la corégulation et à l’autorégulation
Recours à la corégulation et à l’autorégulation
« Les autorités françaises estiment que (les) États ne sauraient être incités à
avoir recours à ces techniques qui, bien qu’intéressantes dans certains
domaines, ne devraient pas, pour des raisons de sécurité juridique, remplacer
la réglementation. » ;
Corégulation et autorégulation présentent certains avantages, mais en
complément de la régulation. Il ne peut s’agir d’une substitution à la
réglementation ;
Le développement du sens des responsabilités des
opérateurs justifie la dérégulation des règles relatives à la
publicité et le recours à la corégulation ou l’autorégulation
Déréglementation de la publicité :
Appel à « l’échange des bonnes pratiques » entre Etats ;
Déréglementation de la publicité :
La France soutient la suppression de la limite quotidienne de publicité et de
télé-achat, mais revendique le maintien de la limite horaire « dans les
termes de l’actuel article 18 paragraphe 2 de la directive TSF. » (plafond de
20% « de temps de transmission consacré aux spots publicitaires et aux spots
de télé-achat à l’intérieur d’une période donnée d’une heure d’horloge »)
Modification des limites de durées quotidiennes et des
limites à l’insertion des publicité (« the increasing sense
of responsibility of the industry could in my view lead to
deregulation in the field of advertising. One possibility is
a relaxation of the rules concerning insertion and daily
advertising limits”)
Confirmation des principes fondamentaux « énoncés aux paragraphes 1 et 2 de
l’article 11 de la directive TSF, selon lesquels la publicité et les spots de téléachat sont insérés entre les émissions, voire entre les parties autonomes de
certaines émissions ou pendant leurs interruptions naturelles
Diversité culturelle
Position des autorités françaises
Services linéaires :
Position de Viviane Reding
Services linéaires :
La France soutient la conclusion de la Commission selon laquelle, «
il n’existe pas de nécessité de modifier sur le fond les articles 4 et
5 de la directive TSF et que les proportions indiquées dans ces
articles restent valables pour l’essentiel. » ;
Soutient le maintient des règles en vigueur et met en avant un
large consensus autour d’un tel maintient
Services non linéaires :
Services non linéaires :
Les autorités françaises « demandent la prise de mesures concrètes
pour la promotion de la diversité culturelle s’appliquant aux services
non linéaires. » ;
-Le commissaire européen fait état de la controverse sur ce
point.
-Soutient l’impossibilité d’appliquer tout quotas de diffusion
(« time quotas are not an option »)
Copyright ARP
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Protection des mineurs et incitation à la haine
Position des autorités françaises
Position de Viviane Reding
Services linéaires
Services linéaires
- Les dispositions de l’actuelle directive (art. 22) sont
« suffisantes ».
Maintient des dispositions actuelles
Services non linéaires :
Services non linéaires :
- Nécessité d’une simple adaptation de l’article 22 aux services non
linéaires ;
Application et adaptation aux services non linéaires.
Possibilité de pour chaque Etats membres de mettre en place un
système de corégulation
Incitation à la haine :
- Les dispositions à ce propos « devraient faire partie du socle de
règles communes à ces deux catégories de services » ;
- La France propose que « les formes d’incitation à la haine visées »
« soient les mêmes que celles de la proposition de recommandation
sur la protection des mineurs et de la dignité humaine formulée par
la Commission en 2004 et en cours d’adoption en codécision. »
-« L’article 22 bis de la directive TSF devrait donc être complété
afin de n’omettre aucune forme d’incitation à la haine contraire aux
valeurs de l’Union européenne : « aucune incitation à la haine
fondée sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les
convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle »
Copyright ARP
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