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11-13_Martinez-Dossier-508 25/11/08 11:03 Page 11 DOSSIER INSECTES XYLOPHAGES E IS R LE TO CO I AU T T OR EN H E EM U G V E AR R H C HM LE P TE R PA Les insectes xylophages : qui sont-ils ? que mangent-ils ? Ravageurs primaires ou secondaires d'arbres ou d'arbustes sur pied, ou dangereux ennemis des bois ouvrés, les insectes xylophages comptent plusieurs milliers d'espèces en Europe. Portraits de familles. par Michel Martinez* L es insectes ravageurs de nos cultures, de nos forêts et de certains de nos produits stockés ou manufacturés appartiennent à divers ordres, familles, genres et espèces, et peuvent être réunis selon leur régime alimentaire, les dégâts occasionnés ou encore leur mode de vie. On rassemble sous le nom d'insectes xylophages tous les insectes qui consomment le bois. Il peut s'agir de feuillus ou de résineux, de bois vivant ou mort. Le terme saproxylophage qualifie les organismes qui vivent aux dépens du bois mort en décomposition. Les espèces qui se développent dans des jeunes rameaux ou dans la moelle des branches (sésie du groseillier, cèphe du poirier...), dans les pousses d'arbres feuillus ou de conifères (certaines tordeuses et des charançons) ne sont pas considérées ici comme xylophages (elles ne se développent pas dans les vaisseaux du bois) ; il en est de même pour les espèces qui vivent dans les écorces (certaines cécidomyies) ou dans l'assise cambiale (certains diptères Agromyzidae). Par ailleurs, ces xylophages n'ont pas tous le même niveau de relation avec leurs plantes hôtes. Les polyphages peuvent consommer une grande diversité d'espèces d'arbres, de diverses familles et parfois même appartenant à plusieurs ordres. Les oligophages s'alimentent d'arbres ou d'arbustes appartenant à une même famille (ou exceptionnellement à 2 familles très proches phylogénétiquement). Les monophages se développent aux dépens d'une seule espèce de plante (ou éventuellement de 2 ou 3 espèces appartenant à un même genre botanique). La majorité des insectes xylophages est incapable de digérer la cellulose et la lignine. Ces ravageurs hébergent dans leur tube digestif divers organismes symbiotes (bactéries, champignons), qui prédigèrent le bois (cas des termites). Ces organismes sont le plus souvent déjà présents dans le substrat, mais certains insectes peuvent, en quelque sorte, ensemencer leurs galeries avec ces derniers. Il est souvent difficile, sans connaître l'identité précise d'un insecte xylophage (en particulier d'un coléoptère), de savoir si c'est un ravageur primaire ou secondaire, et cette distinction est indispensable pour décider des mesures de lutte (préventives ou curatives) à mettre éventuellement en œuvre. En effet, les xylophages primaires sont des insectes qui sont capables de causer un dégât direct à un arbre ou un arbuste sain et en pleine sève. Les ravageurs secondaires, ou de faiblesse, sont au contraire incapables de vivre aux dépens d'un arbre sain et ne se développent que sur des arbres affaiblis par des maladies ou d'autres insectes, ou en mauvais état physiologique. Plusieurs insectes xylophages ont une grande importance économique, car ils s'attaquent aux bois ouvrés (char- L MANGEURS DE BOIS FRAIS OU SEC Les insectes ravageurs xylophages s'alimentent, aux stades larvaires ou adulte, du tronc, des branches et parfois même des racines. Ils sont le plus souvent étroitement spécialisés** ; ainsi, chaque espèce vit aux dépens d'un organe végétatif particulier, dans une zone précise (aubier, duramen...), et possède une biologie et un mode de vie particuliers (foreur ou boreur***, mineur...). *Inra-U.M.R. C.B.G.P., bâtiment 16, 2 place Pierre-Viala, 34060 Montpellier cedex 01. **certains insectes xylophages sont dits pyrophiles, car ils recherchent et se développent préférentiellement dans du bois brûlé. Grâce à des capteurs infrarouges très sensibles, le bupreste noir du pin (espèce nord-américaine) est capable de repérer des bois incendiés situés à plusieurs dizaines de kilomètres. ***insecte qui creuse des galeries. PHM-REVUE HORTICOLE 1 Larves de petite sésie du peuplier dans leurs galeries (photo S.R.P.V.-Pays de la Loire). 11 DÉCEMBRE 2008 • N° 508 11-13_Martinez-Dossier-508 25/11/08 11:03 Page 12 Les vrillettes : des ennemies des bois ouvrés E IS R LE TO CO I AU T T OR EN H E EM U G V E AR R H C HM LE P TE R PA Les Anobiidae comptent environ 108 espèces en France. Les larves de ces coléoptères sont essentiellement xylophages. Les Anobiidae se reconnaissent à leur tête enchâssée sous le thorax. Ces insectes mesurent de 2 à 6 mm de long. Ils ont, pour la plupart, des couleurs ternes et généralement foncées (variant du marron au noir). L'adulte a la particularité de "faire le mort" lorsqu'on le touche. Certaines espèces sont connues sous le nom de "vrillettes", car l'orifice de sortie très circulaire, foré par les adultes, fait penser à celui réalisé à l'aide d'une vrille. Les larves de ces insectes vivent dans toutes sortes de bois morts et sont de dangereux ennemis des bois ouvrés (charpentes, meubles, boiseries...). Quelques espèces sont très fréquentes dans les habitations (Anobium punctatum, Oligomerus ptilinoides, Xestobium rufovillosum - photo 1 -) et les lieux muséographiques. Certaines, tel A. punctatum, sont devenues pratiquement anthropophiles ; leurs dégâts sont souvent sérieux. 1. Xestobium rufovillosum (photo F. Fohrer). • Biologie et dégâts Ce sont les larves qui commettent les dégâts en digérant les constituants du bois. Les adultes ne s'alimentent pas et ne vivent que quelques semaines. Les femelles pondent leurs œufs dans les anfractuosités et les microfissures du bois (jamais sur une surface lisse). Dès leur éclosion, les larves pénètrent dans l'épaisseur du matériau, en créant de nombreuses galeries. Pour une même espèce, la durée du cycle larvaire varie généralement de 1 à 4 an(s), selon les conditions climatiques et le degré d'altération du bois (réduction de la durée du cycle lors d'une attaque de champignons lignivores par exemple). On repère l'activité des insectes grâce aux trous d'émergence des adultes à la surface du bois (trou d'envol circulaire de 1 à 4 mm de diamètre - photo 2 -) et par la présence de vermoulure ("poudre") au niveau des trous d'envols, résultant de la digestion du bois par les larves. La forme et la taille des vermoulures peuvent parfois permettre de caractériser l'espèce (X. rufovillosum induit une vermoulure caractéristique, dont chaque grain à la forme d'une lentille de 1 mm de diamètre environ). pentes, objets en bois...). Les noms de termites*, capricorne des maisons, vrillettes (voir encadré) sont connus de la plupart d'entre nous et sont les "bêtes noires" de nombreux particuliers ou de municipalités. Nous nous limitons ciaprès aux espèces nuisibles à nos arbres et arbustes sur pied. QUATRE ORDRES PRINCIPAUX L es insectes xylophages ravageurs primaires de nos arbres et arbustes sont peu nombreux par rapport aux insectes xylophages secondaires. Ils appartiennent principalement à 4 ordres : coléoptères, lépidoptères, hyménoptères et isoptères. *voir également dans ce numéro "Les termites à l’assaut des espaces verts ? " pp. 21-25. • Espèces les plus dangereuses A. punctatum (petite vrillette), espèce cosmopolite que l'on rencontre très souvent sur les meubles, retables, sculptures, cadres de tableaux, dans les charpentes..., préfère les bois tendres (de feuillus ou de résineux). Elle est considérée comme l'espèce la plus dangereuse. X. rufovillosum (grosse vrillette), espèce cosmopolite, de taille plus grande que la précédente, affectionne les bois durs (chêne, châtaignier, hêtre) et de préférence prédégradés par les champignons lignivores. Cette espèce se rencontre essentiellement sur les vieux éléments en bois, surtout lorsque ces derniers sont exposés aux intempéries. De par sa taille (c'est la plus grande des vrillettes françaises), elle est particulièrement nuisible et peut provoquer des dégâts considérables. O. ptilinoides (vrillette brune) est essentiellement présent dans le sud de la France et dans les pays du pourtour méditerranéen. Il occasionne de nombreux dégâts sur le mobilier et les objets. Nicobium castaneum (vrillette des bibliothèques) s'attaque essen- Parmi les coléoptères, 4 familles (Scolytidae*, Curculionidae, Cerambycidae et Buprestidae) regroupent la majorité des espèces xylophages, mais beaucoup sont des ravageurs de faiblesse. Les Scolytidae sont des coléoptères cylindriques, de couleur brune. Selon les espèces, leur taille varie de 2 à 9 mm. Ces insectes attaquent aussi bien les feuillus (scolytes des arbres fruitiers, scolyte de bouleau, xylébore disparate...) que les conifères (dendroctone, hylésines, Ips, scolytes du thuya...). Les larves apodes creusent de nombreuses galeries, souvent parallèles, qui se différencient des galeries simples produites par les adultes. Les Curculionidae (beaucoup sont mangeurs de *les coléoptères Scolytidae sont maintenant rattachés aux Curculionidae en tant que sous-famille (Scolytinae). Nous conservons volontairement ici le terme de Scolytidae pour rester dans la tradition de nos manuels d'entomologie appliquée. PHM-REVUE HORTICOLE 12 DÉCEMBRE 2008 • N° 508 feuilles, de pousses ou de bourgeons), insectes généralement trapus et caractérisés à l'avant par un rostre plus ou moins long selon les espèces, regroupent peu d'espèces strictement xylophages. Seuls les Pissodes et, dans une moindre mesure, les Magdalis sont nuisibles aux conifères. Les Cerambycidae, insectes élancés avec de longues antennes qui atteignent ou dépassent souvent la longueur du corps, comptent 242 espèces en France ; moins d'une dizaine sont réellement nuisibles. Les plus connus en tant que ravageurs primaires sont la petite saperde et la grande saperde du peuplier. En revanche, beaucoup de Cerambycidae sont des ravageurs de faiblesse (ils accélèrent les processus de dégradation des arbres) de nombreuses essences feuillues et de coni- 11-13_Martinez-Dossier-508 25/11/08 11:03 Page 13 E IS R LE TO CO I AU T T OR EN H E EM U G V E AR R H C HM LE P TE R PA tiellement aux livres et aux bois tendres (pin, sapin, peuplier, bouleau, aulne). Il se rencontre fréquemment sur le mobilier et les sculptures. C'est un hôte classique des boiseries présentes dans les églises. • Moyens de lutte Il est tout d'abord indispensable, d'une part, d'effectuer un diagnostic précis de la présence avérée d'une infestation par ces insectes et, d'autre part, de déterminer, si possible, l'espèce en cause. S'il s'agit d'éléments de construction (charpentes...) qui sont attaqués, il sera nécessaire, dans la plupart des cas, de faire appel à des sociétés spécialisées dans le traitement des bois. Plusieurs traitements existent (fumigation, traitement à la chaleur...), mais le traitement le plus courant reste l'utilisation de produits de préservation. Ce traitement consiste à injecter, à l'intérieur du bois et en profondeur, un insecticide rémanent, ce qui permet généralement une protection durable. De plus, un insecticide appliqué en surface évite toute réinfestation (on emploie de plus en plus des gels insecticides, dont le pouvoir pénétrant au sein du bois est bien plus grand que celui des produits liquides habituellement utilisés). Les traitements par fumigation, avec des gaz toxiques (phosphure d'hydrogène, fluorure de sulfuryle - le bromure de méthyle est maintenant totalement interdit -...), présentent l'inconvénient de n'avoir aucune rémanence : les bois traités peuvent être immédiatement réinfestés. De plus, des agréments particuliers sont nécessaires pour l'utilisation de ces gaz et peu d'entreprises les emploient. Pour le traitement des objets et du mobilier, on peut utiliser les techniques de fumigation en adaptant le type de gaz à la composition des matériaux des objets ou des meubles, afin d'éviter tout risque d'altération. Ce type de traitement est particulièrement recommandé dans les monuments historiques lorsque l'on ne peut pas démonter les œuvres ou lorsque l'on a à faire à une infestation de très grande ampleur. Les risques d'altération des matériaux lors de l'utilisation de ces gaz dans le domaine patrimonial font l'objet de recherche au Centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine, à Marseille (13). Les collections patrimoniales peuvent être traitées par les techniques de privation d'oxygène, qui ont l'avantage de ne pas être toxiques. Il s'agit de remplacer l'oxygène de l'air par de l'azote (anoxie dynamique) ou d'employer des sachets fères. Les Buprestidae, coléoptères élancés, plus ou moins aplatis dorsoventralement et à coloration souvent métallique verdâtre, comptent une dizaine d'espèces xylophages nuisibles (capnode des arbres fruitiers, agrile du poirier, bupreste vert, bupreste du thuya...). L eurs lar ves, qui font des galeries linéaires plus ou moins sinueuses, dans l'écorce, l'aubier, le bois... et même les racines, se reconnaissent facilement à leur pronotum transverse bien différencié du corps (larves marteaux). Les lépidoptères comptent quelques espèces xylophages, mais seuls les Cossidae et les Sesiidae sont économiquement importants. Les Cossidae regroupent le cossus gâte-bois et la zeuzère. Leurs chenilles sont polyphages et se développent sur un grand 2. Trous d'envol sur un rabot en chêne vert attaqué par Oligomerus ptilinoides (photo F. Fohrer). absorbeurs d'oxygène (anoxie statique). Cela implique souvent de nombreuses manipulations des œuvres. Les inconvénients majeurs de ces dernières techniques sont la durée du traitement (environ 1 mois) et son coût souvent très important. • Méthodes de prévention Après la réalisation d'un traitement, il faudra éviter impérativement l'entrée des insectes (donc une réinfestation) dans les locaux. Pour cela, il conviendra de : - vérifier l'étanchéité des bâtiments et placer des protections adaptées (moustiquaires aux fenêtres et balais anti-intrusion au bas des portes) si nécessaire ; - placer des systèmes de piégeage, tels que des pièges à lumière ultraviolette à fond englué, à l'intérieur des locaux afin de détecter la présence d'insectes et réduire leur population ; - recourir à des pièges à phéromone, spécifiques pour une espèce donnée (piège à phéromone pour l'A. punctatum par exemple) ; mais actuellement peu de phéromones ont été mises sur le marché pour le piégeage des insectes xylophages appartenant à cette famille. par Fabien Fohrer* *Centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine (C.I.C.R.P.). nombre de feuillus fruitiers ou forestiers. Les Sesiidae (ou sésies - photo 1 -) sont principalement nuisibles aux essences fruitières (sésie du pommier...), aux saules et peupliers (Synanthedon spp., Paranthrene tabaniformis...). Les hyménoptères sont surtout connus en tant que parasitoïdes (ichneumons, Braconidae, chalcidiens...) et pollinisateurs, mais quelques espèces, appartenant essentiellement au groupe des tenthrèdes ainsi qu'aux familles des Xiphydriidae et des Siricidae, sont strictement xylophages. L'espèce la plus nuisible est le sirex géant ou guêpe du bois (Urocerus gigas) : ses larves creusent des galeries profondes de 6 à 20 cm dans les résineux sur pied, mais aussi dans les bois abattus et les charpentes. PHM-REVUE HORTICOLE 13 DÉCEMBRE 2008 • N° 508 Les isoptères sont les termites, qui sont bien connus en tant que dangereux ravageurs des bois ouvrés (charpentes, cercueils...). En Europe, ces insectes peuvent également occasionner quelques dégâts aux arbres ou arbustes d'ornement et d'alignement (en ville principalement), mais ces cas sont plutôt rares. Enfin, il faut avoir à l'esprit que les insectes xylophages, qui sont représentés par plusieurs milliers d'espèces en Europe, jouent un rôle essentiel pour la résilience écologique* de l'écosystème forestier, la régénération naturelle et le maintien de la biodiversité. I *capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normaux après avoir subi une perturbation importante (incendie...).