utilisation de matériaux absorbants dans la lutte contre la pollution

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utilisation de matériaux absorbants dans la lutte contre la pollution
UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS
DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION
PAR LES HYDROCARBURES
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES
8
Introduction
Dans le cadre d’une lutte antipollution suite à un déversement d’hydrocarbures, les absorbants peuvent
être une ressource utile lorsque les autres méthodes de récupération sont inappropriées. Ils doivent
toutefois être employés avec modération afin de minimiser les problèmes secondaires, notamment
la production de quantités excessives de déchets susceptibles d’accroître considérablement le coût
de la dépollution.
Ce document traite des types d’absorbants disponibles et des moyens de les utiliser efficacement
dans le cadre d’une lutte antipollution. Il est conseillé de le lire en conjonction avec d’autres Guides
d’Informations Techniques de cette série publiée par l’ITOPF, notamment ceux consacrés à l’utilisation de
barrages, aux techniques de nettoyage des littoraux et à l’élimination des hydrocarbures et des débris.
Généralités
Les absorbants d’hydrocarbures sont des produits d’origine
végétale, animale, minérale ou synthétique très divers, conçus
pour une récupération sélective des hydrocarbures et non de l’eau.
Leur composition et leur configuration dépendent de la matière
employée et de l’usage prévu dans le cadre de l’opération de
lutte antipollution.
Bien que les absorbants soient couramment employés en cas
de déversement, il convient de veiller à minimiser les usages
inappropriés et excessifs pouvant causer d’importantes difficultés
logistiques au niveau du risque de contamination secondaire,
de la collecte, du stockage et de l’élimination. Chacun de ces
aspects représente une proportion considérable du coût global
des opérations de nettoyage. Les absorbants synthétiques, en
particulier, doivent être employés avec modération, en veillant à en
exploiter pleinement les capacités afin de minimiser les problèmes
ultérieurs d’élimination des déchets.
En règle générale, l’emploi d’absorbants est plus efficace aux
derniers stades d’une opération de nettoyage du littoral (Figure 1) et
dans le cas de petites flaques d’hydrocarbure difficiles à récupérer
au moyen d’autres techniques de dépollution. Les absorbants ne
sont pas appropriés en haute mer et sont généralement moins
efficaces en présence d’hydrocarbures à plus forte viscosité, tels
que le fioul lourd, et d’hydrocarbures vieillis et émulsionnés. Certains
ont toutefois été conçus spécifiquement pour les hydrocarbures
visqueux.
Principe d’action des absorbants
Un absorbant est une matière qui attire les hydrocarbures de
préférence à l’eau : elle doit être à la fois oléophile et hydrophobe.
Elle agit soit par adsorption soit, plus rarement, par absorption. Dans
le cas de l’adsorption, l’hydrocarbure ou autre liquide à récupérer
est retenu à la surface de la matière et non pas à l’intérieur, comme
dans le cas de l’absorption. La majorité des produits disponibles
pour la lutte antipollution agissent par adsorption ; peu agissent
vraiment par absorption.
Absorption
Le liquide se diffuse à l’intérieur de la matrice d’une matière
absorbante solide selon un processus analogue à l’action
capillaire, la faisant ainsi gonfler et se combinant avec elle de
telle sorte qu’il ne pourra ni fuir ni être expulsé sous l’effet d’une
pression ou d’une torsion quelconque. Les produits disponibles
2
5Figure 1 : Barrage absorbant en polypropylène utilisé pour récupérer
les hydrocarbures libérés pendant les opérations de lavage par jets
d’eau (flushing).
pour la lutte antipollution sont en polymères techniques avec
une surface de contact importante pour favoriser une absorption
rapide. Étant donné qu’ils peuvent réduire la surface de contact
du liquide, les produits d’absorption conviennent à la récupération
d’hydrocarbures volatils. Bien que les matières absorbantes
soient, en théorie, capables de récupérer les fiouls légers et
certains pétroles bruts, l’absorption peut nécessiter beaucoup
plus de temps qu’il n’est réalisable ou souhaitable en pratique.
Par conséquent, elles conviennent davantage à la récupération
de liquides à faible viscosité et de produits chimiques déversés,
notamment de substances nocives et potentiellement dangereuses.
Voir, à ce sujet, le Guide d’Informations Techniques : Intervention
en cas d’accident chimique en mer. Ainsi, les produits agissant
par absorption sont moins fréquents que les produits agissant par
adsorption dans les opérations de lutte antipollution.
Adsorption
Bien que ce Guide d’Informations Techniques soit principalement
consacré aux produits agissant par adsorption, le terme générique
« absorbant » est adopté pour minimiser les risques de confusion.
Les divers mécanismes qui permettent à une matière d’adsorber
les hydrocarbures sont décrits ci-dessous.
Mouillabilité
Une bonne adsorption demande que l’hydrocarbure mouille la
matière et donc s’étale à sa surface de préférence à l’eau. Un
liquide mouille un solide si sa tension de surface est inférieure à
la tension de surface critique (ƴc) du solide. Par conséquent, pour
UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
remplir les critères requis, un absorbant doit avoir une valeur ƴc
inférieure à celle de l’eau et supérieure à celle de l’hydrocarbure.
La tension de surface de l’eau de mer est de l’ordre de 60 à
65 mN/m. Pour les hydrocarbures, cette valeur varie en fonction
de la composition mais se situe généralement aux alentours de
20 mN/m. Ainsi, par exemple, un PTFE (polytétrafluoroéthylène,
type Téflon®) d’une valeur ƴc de 18 mN/m n’adsorbe ni les
hydrocarbures ni l’eau tandis qu’un polypropylène avec une valeur
ƴc de 29 mN/m est un absorbant idéal pour les hydrocarbures.
Un grand nombre de solides naturels et synthétiques ont des valeurs
ƴc appropriées. Les solides d’origine minérale qui ne possèdent pas
la valeur requise peuvent être modifiés au moyen de traitements de
surface divers, y compris chauffés, pour produire l’état désiré. La
vermiculite exfoliée en est un exemple. Les propriétés oléophiles
de plusieurs matières, notamment les mousses absorbantes et
les fibres en vrac, peuvent être améliorées après un mouillage ou
une imprégnation préalable à l’huile.
Action capillaire
Avec certaines matières, l’adsorption se produit par action capillaire.
Bien que cela dépende également des tensions de surface
relatives du solide et du liquide, la viscosité de l’hydrocarbure
influe considérablement sur la vitesse de pénétration dans la
structure de l’absorbant. La pénétration peut être rapide (quelques
secondes) pour les hydrocarbures à faible viscosité, tels que les
pétroles bruts légers, ou lente (plusieurs heures) à négligeable
pour les hydrocarbures à viscosité forte, tels que le fioul lourd ou
les hydrocarbures vieillis.
L’action capillaire est particulièrement importante dans le cas
des absorbants à base de mousse. Les mousses à pores fins
récupèrent facilement les hydrocarbures à faible viscosité, mais
les pores sont rapidement bouchés par les hydrocarbures plus
épais. Inversement, les mousses à structure cellulaire grossière
sont efficaces avec les hydrocarbures visqueux mais incapables
de bien retenir les hydrocarbures à faible viscosité.
Cohésion / adhésion
La cohésion est l’attraction d’une matière vers elle-même,
l’empêchant ainsi de s’étaler sur une surface solide, tandis que
l’adhésion est l’attraction d’une matière vers une autre. Les
absorbants dépendent à la fois de l’adhésion de l’hydrocarbure à la
5Figure 2 : Barrages absorbants de fortune, en paille et filet. Peu
coûteux et faciles à confectionner, ces barrages peuvent procurer
une protection efficace à court terme lorsqu’ils sont déployés dans
des zones appropriées.
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES 8
surface de l’absorbant et des propriétés cohésives de l’hydrocarbure
qui permettent la rétention de plus grandes quantités de polluant.
Si l’absorbant se présente sous forme d’écheveaux lâches, la
cohésion de l’hydrocarbure parmi les éléments absorbants peut
servir à produire une masse solidifiée qui retarde l’étalement du
polluant et facilite ainsi la récupération du mélange hydrocarbure +
absorbant. La cohésion est plus importante pour les hydrocarbures
plus visqueux.
Surface de contact
En plus des caractéristiques de mouillabilité, d’étalement et de
capillarité d’un absorbant particulier, son taux et sa capacité
d’absorption sont directement liés à la surface de contact exposée.
Un absorbant efficace doit avoir un ratio surface de contact/volume
élevé, surfaces externes et surfaces internes disponibles comprises.
Pour les hydrocarbures visqueux incapables de s’écouler
rapidement dans un absorbant, la performance sera déterminée par
la surface de contact externe disponible. Par exemple, la surface
de contact externe relative disponible de brins d’absorbant en
vrac est supérieure à celle d’un barrage de confinement, d’où la
probabilité d’un taux d’adsorption supérieur et d’une plus grande
efficacité avec les hydrocarbures visqueux.
Contrairement aux produits absorbants, les produits adsorbants
doivent être utilisés avec prudence en présence de liquides volatils.
L’étalement du liquide sur la surface de contact interne et externe
d’un produit adsorbant peut accroître les émissions de vapeurs,
avec les risques d’incendie et/ou de danger pour la santé humaine
que cela représente.
Matières et formes des absorbants
Matières
Des matières très diverses peuvent être utilisées comme absorbant.
Parmi elles, les matières d’origine végétale ou animale, dont
l’écorce, la tourbe, la sciure de bois, la pâte à papier, la bagasse
(déchets du traitement de la canne à sucre), le liège, les plumes
de poulet, la paille (Figure 2), la laine et le cheveu ; les matières
d’origine minérale, telles que la vermiculite et la pierre ponce ; et
les matières synthétiques, comme que le polypropylène (Figures
3, 4 et 5) et autres polymères.
5Figure 3 : Lanières de polypropylène enveloppées dans un filet.
La structure hétérogène et lâche du barrage peut permettre à
l’hydrocarbure d’y pénétrer facilement ; les surfaces internes
peuvent ainsi adsorber le polluant mais l’enveloppe en filet risque
d’être facilement endommagée.
3
5Figure 4 : Entaille pratiquée à la surface d’un barrage absorbant
continu et homogène pour en révéler l’usage partiel. Le volume
interne reste non souillé, soit parce que le barrage n’a pas été
déployé suffisamment longtemps, soit parce que l’hydrocarbure
est trop visqueux pour pénétrer dans la structure.
5Figure 5 : Les absorbants continus plats, tels que ce tapis posé
sur un littoral, sont caractérisés par un ratio surface de contact/
volume élevé. L’emploi massif d’absorbants de cette manière doit
être mis en balance avec la production de volumes considérables
de déchets potentiellement non pollués.
Les absorbants synthétiques sont généralement les plus efficaces
pour la récupération d’hydrocarbures. Dans certains cas, un ratio
poids d’hydrocarbure/absorbant de 40:1 peut être obtenu, comparé
à 10:1 pour les produits d’origine végétale et animale. Ce ratio
peut descendre jusqu’à 2:1 pour les matières d’origine minérale.
En dépit de leur capacité adsorptive limitée, les matières d’origine
végétale, animale et minérale peuvent être intéressantes du fait
qu’il s’agit souvent soit de matières abondantes dans la nature,
soit de déchets dérivés de procédés industriels. Elles peuvent être
facilement achetées à bas prix ou très faciles à trouver.
Matières
Vrac
• Végétales ou animales – y
compris écorce, tourbe, sciure
de bois, pâte à papier, liège,
plumes de poulet, paille, laine
et cheveux
• Minérales – vermiculite et
pierre ponce
• Synthétiques – principalement
le polypropylène
L’efficacité relative des différents absorbants a été testée par
Avantages
Inconvénients
• Souvent naturellement
abondantes ou largement
disponibles sous forme de
déchets dérivés des procédés
industriels
• Peuvent être peu coûteuses
• Peuvent servir à protéger la
faune sur les reposoirs
• Difficiles à contrôler, peuvent
être dispersées par le vent
• Difficiles à récupérer
• Le mélange hydrocarbure +
absorbant peut être difficile à
pomper
• L’élimination du mélange
hydrocarbure + absorbant
est plus limitée que celle de
l’hydrocarbure seul
Enveloppées
• Toutes les matières ci-dessus
peuvent être enveloppées
dans des mailles fines ou des
filets
• Plus faciles à déployer et à
récupérer que les absorbants
en vrac
• Un barrage enveloppé a
une plus grande surface de
contact qu’un barrage continu
• La résistance de la structure
est limitée à celle du filet ou
de la maille fine
• Les barrages en matière
d’origine animale ou végétale
peuvent vite devenir saturés,
s’alourdir et couler. La
rétention des hydrocarbures
est limitée
Continues
• Synthétiques – principalement
le polypropylène
• Stockage au long terme
• Relativement faciles à
déployer et à récupérer
• Taux élevé de récupération
d’hydrocarbures à condition
d’être utilisées à pleine
capacité
• Efficacité limitée pour les
hydrocarbures vieillis ou plus
visqueux
• Ne se décomposent pas
facilement, ce qui limite les
options d’élimination
Fibres
• Synthétiques – principalement
le polypropylène
• Efficaces sur les
hydrocarbures vieillis et plus
visqueux
• Moins efficaces sur les
hydrocarbures frais légers et
moyens
5Tableau 1 : Les avantages et les inconvénients des diverses matières absorbantes disponibles
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UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
5Figure 6 : Des villageois confectionnent des écheveaux avec des
brins de polypropylène. La fabrication d’absorbants à partir de
matériaux disponibles localement peut être rentable en termes de
prix ainsi que d’efficacité du transport.
5Figure 7 : Écheveaux tendus en travers d’un estuaire pour capter
les hydrocarbures flottants. La structure ouverte et la grande
surface de contact du matériau sont particulièrement adaptées à
la récupération des hydrocarbures visqueux.
plusieurs organisations en vue d’évaluer la quantité d’hydrocarbures
pouvant être retenue par un poids donné de telle ou telle
matière. Bien que les résultats de ces tests puissent être utiles
pour le classement comparatif de l’efficacité d’un absorbant par
rapport à un autre, ils sont effectués en laboratoire ou dans des
conditions de terrain contrôlées et peuvent donc être trompeurs.
Dans des conditions naturelles, les absorbants subissent les
effets imprévisibles des vents, des vagues et des courants, d’où
l’improbabilité de performances égales à celles obtenues en
laboratoire.
Absorbants continus
Formes
Commercialisés sous diverses formes, en fonction de leur
composition et de l’usage prévu, les absorbants peuvent néanmoins
être divisés en quatre types principaux : les matières en vrac,
souvent sous forme de particules ; les matières enveloppées,
sous forme de coussins ou de boudins ; les matières continues,
sous forme de tapis, de feuilles, de barrages ou de rouleaux ;
et les fibres en vrac combinées pour former des écheveaux ou
des balais (Tableau 1). D’autres types d’absorbants peuvent être
disponibles pour des applications spécifiques.
Absorbants en vrac
La plupart des matières citées ci-dessus sont commercialisées
en tant qu’absorbant en vrac et sont utiles pour la récupération
d’hydrocarbures dans le cas de déversements de petite ampleur à
terre. Principalement en raison des difficultés de contrôle de leur
application et de leur collecte, leur utilisation dans l’environnement
marin doit être limitée aux situations spécifiques décrites dans la
section ci-dessous consacrée à l’emploi d’absorbants sur les littoraux.
Absorbants enveloppés
Les matières absorbantes en vrac sont souvent enveloppées dans
un textile, une grille ou un filet pour former un boudin, un coussin
ou une chaussette, plus facile à déployer, à contrôler et à collecter
par la suite que la matière en vrac seule. Les produits absorbants
enveloppés varient en forme et en volume, bien que les boudins
soient la forme la plus courante (à ne pas confondre avec le
barrage continu décrit ci-dessous). Un absorbant enveloppé est
généralement réalisé à partir de matières d’origine végétale, animale
ou minérale facilement disponibles, comme la paille (Figure 2), mais
peut également être composé d’éléments individuels en matière
synthétique, comme le polypropylène (Figure 3).
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES 8
Un absorbant cylindrique continu, ou barrage absorbant, diffère
du boudin en matière en vrac enveloppée décrit à la section
précédente en ce qu’il est plus homogène, avec un ratio surface
de contact/volume inférieur, signifiant que l’hydrocarbure peut
moins facilement pénétrer à l’intérieur du barrage (Figure 4). Les
absorbants continus plats, tels que les feuilles, les rouleaux et les
tapis, sont caractérisés par leur ratio surface de contact/volume
élevé (Figure 5).
Les absorbants continus sont principalement fabriqués à partir
de matières synthétiques, le polypropylène extrudé-soufflé tissé
étant l’une des matières les plus couramment utilisées dans
les opérations de lutte antipollution. Des absorbants réalisés à
partir d’autres matières, telles que le polyuréthane, le nylon et le
polyéthylène, sont toutefois utilisés occasionnellement.
Fibres absorbantes en vrac
Bien qu’efficaces sur une large gamme d’hydrocarbures, les
absorbants en vrac, enveloppés et continus, le sont moins pour
la récupération des hydrocarbures davantage vieillis et à forte
viscosité. Des pelotes de fibres absorbantes en vrac permettent
la récupération de ces hydrocarbures par une combinaison
d’adhésion à une grande surface de contact et de cohésion à
l’intérieur de l’hydrocarbure lui-même. Il s’agit principalement
de brins de polypropylène attachés ensemble pour former des
écheveaux, également appelés pompons (Figure 6). Plusieurs
écheveaux individuels peuvent être reliés les uns aux autres le
long d’une corde pour former des pièges à hydrocarbures visqueux,
ou des « barrages en écheveaux » (Figure 7). Les récupérateurs
à cordes utilisent une forme de ruban en bande continue faisant
souvent plusieurs mètres de longueur pour récupérer et collecter
les hydrocarbures. Le Guide d’Informations Techniques : Utilisation
des barrages dans la lutte contre la pollution par les hydrocarbures
contient de plus amples informations à ce sujet.
Les écheveaux pour hydrocarbures visqueux ont également été
utilisés avec succès pour détecter les hydrocarbures coulés et
sous la surface, soit par suspension dans la colonne d’eau à partir
de flotteurs et d’ancres, soit par balayage ou chalutage du fond
marin, fixés à un châssis métallique. La présence d’hydrocarbures
dans la mer est indiquée par la souillure de l’absorbant, ce qui
permet ensuite aux méthodes plus quantitatives de se concentrer
5
sur les zones identifiées. Le Guide d’Informations Techniques :
Échantillonnage et suivi des déversements d’hydrocarbures en
mer traite de ce sujet plus en détail.
ce qui réduit le volume de matière inutilisée au centre du barrage
tout en maintenant son efficacité. Une autre solution consiste à
employer des écheveaux.
Critères de sélection des
absorbants
Les feuilles d’absorbant peuvent devenir rapidement saturées
lorsqu’elles sont mises en contact avec des quantités même
faibles d’hydrocarbure. Par conséquent, leur utilisation doit être
limitée aux accidents de petite ampleur avec quantité limitée
d’hydrocarbure à récupérer.
D’autres facteurs, en plus de la forme et de la sélectivité, influent
sur l’efficacité des absorbants.
Flottabilité
Pour être efficaces en présence d’hydrocarbures flottants, les
absorbants doivent posséder et conserver une haute flottabilité,
c’est-à-dire continuer de flotter même lorsqu’ils sont saturés
d’hydrocarbure et d’eau. Plusieurs matières d’origine naturelle,
comme la paille et la sciure de bois, ont une bonne flottabilité
initiale mais finissent par se saturer et par couler. Dans certains cas,
cependant, la flottabilité peut nuire à l’efficacité d’un absorbant. Par
exemple, certaines matières plus légères et moins denses peuvent
rester au-dessus d’hydrocarbures lourds et visqueux. Dans de tels
cas, il peut être nécessaire de procéder au brassage manuel de
l’absorbant et de l’hydrocarbure afin de favoriser la saturation et
de permettre une récupération efficace.
La flottabilité des absorbants en mousse est directement liée au
ratio de cellules enveloppées/cellules ouvertes ; plus les cellules
ouvertes sont nombreuses, plus la capacité d’ad-/absorption est
élevée aux dépens de la flottabilité.
Saturation
Les absorbants peuvent devenir rapidement saturés d’hydrocarbures.
Même un déversement de relativement faible ampleur peut vite
dépasser les capacités d’un barrage absorbant, qui finit par
libérer de l’hydrocarbure et contaminer la ressource qu’il est
sensé protéger. Une fois saturés, les absorbants ne peuvent plus
récupérer d’hydrocarbures et doivent être collectés aussi rapidement
que possible pour éviter tout risque ultérieur d’écoulement dû à
la saturation. Le niveau de saturation peut être difficile à établir et
nécessite souvent que le barrage soit ouvert. Les cas de saturation
incomplète sont fréquents avec les hydrocarbures visqueux ; les
barrages sont collectés et jetés précocement, laissant les couches
intérieures inutilisées (Figure 4). Un tel gaspillage inutile peut être
évité ou réduit en utilisant un barrage absorbant de petit diamètre,
Rétention des hydrocarbures
L’un des aspects cruciaux de la performance générale d’un
absorbant réside dans sa capacité de rétention des hydrocarbures.
Certaines matières absorbent rapidement les hydrocarbures mais, à
défaut d’être récupérées à temps, risquent d’en libérer une grande
partie sous l’effet du vent, des vagues et des courants. De même,
certains absorbants libèrent des hydrocarbures lorsqu’ils sont
soulevés de l’eau, en raison de la déformation causée par le poids du
liquide récupéré, qui entraîne à son tour l’expulsion d’hydrocarbure
de l’intérieur des pores ou des surfaces internes. La rétention des
hydrocarbures peut être particulièrement problématique avec les
absorbants à faible résistance inhérente, notamment ceux réalisés
à partir de matières végétales ou animales.
Les absorbants à pores fins, tels que la vermiculite et certaines
mousses, possèdent généralement de bonnes caractéristiques
de rétention des hydrocarbures. Ils ont pour inconvénient d’être
peu performants au niveau de la récupération des hydrocarbures
visqueux. Les écheveaux peuvent devenir rapidement saturés
d’hydrocarbures, principalement en raison de leur grande surface
de contact. Ils peuvent cependant libérer de l’hydrocarbure
au moment d’être soulevés de la surface de l’eau. Le taux de
libération de l’hydrocarbure dépend directement de sa viscosité :
les hydrocarbures plus légers et moins visqueux s’écoulant plus
rapidement.
Résistance et durabilité
La durabilité d’un absorbant est importante dans les situations
où il peut être laissé en place longtemps avant d’être collecté.
Les barrages absorbants peuvent commencer à se dégrader et
à se décomposer en quelques heures seulement sous l’effet de
divers facteurs environnementaux, tels que l’action des vagues
ou l’abrasion sur les rochers. La résistance de certains barrages
absorbants, particulièrement ceux composés de matière en vrac
enveloppée, dépend de la durabilité de l’enveloppe, qui risque de
se briser et de s’ouvrir par mauvais temps. Lorsque ces barrages
sont endommagés, leur contenu se perd facilement et peut devenir
une source secondaire de contamination.
Fermentation
Certains absorbants d’origine végétale ou animale peuvent
fermenter lorsqu’ils sont laissés en contact prolongé avec l’eau.
En plus d’altérer leur composition et leur efficacité en matière de
récupération sélective des hydrocarbures, ce phénomène peut
causer des problèmes de récupération, de stockage et d’élimination
du mélange absorbant + liquide résultant.
Coût
5Figure 8 : Les matériaux absorbants sont, de par leur nature, des
produits encombrants. Le stockage et le transport avant, pendant
et après une lutte antipollution à la suite d’un déversement peuvent
poser des problèmes de logistique et de coût.
6
Le coût des produits absorbants varie considérablement et dépend
principalement de la matière employée. Les matières d’origine
végétale, animale et minérale sont comparativement moins
coûteuses que les produits synthétiques. Il convient cependant de
trouver un compromis entre ce faible coût unitaire et les quantités
supplémentaires requises en raison de leur faible efficacité relative.
UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
Les coûts supplémentaires occasionnés par l’élimination de plus
grandes quantités de matière doivent également être pris en
compte dans la sélection du produit le plus approprié. En dépit du
coût élevé des produits synthétiques, ils sont souvent nettement
plus efficaces et, dans certains cas, réutilisables.
Disponibilité, stockage et transport
Bien qu’intéressants de par leur performance, les absorbants
synthétiques ne sont pas toujours immédiatement disponibles
sur le lieu du déversement. S’ils sont parfois moins efficaces,
les absorbants d’origine végétale, animale et minérale sont plus
largement disponibles et peuvent s’imposer en tant que solution
pragmatique. La nécessité de prétraiter certains produits d’origine
animale ou végétale avant de pouvoir les utiliser efficacement comme
absorbants peut toutefois limiter leur disponibilité en cas d’urgence.
Les absorbants sont encombrants par nature (Figure 8) et
l’espace requis pour leur stockage en grandes quantités peut être
considérable. Lorsque l’espace est limité et que d’importantes
quantités d’absorbants sont requises, le stockage n’est parfois
possible qu’en extérieur. Il est alors nécessaire de prévoir une
protection contre la lumière du soleil afin de prévenir la dégradation
par les UV, notamment dans le cas des absorbants synthétiques.
Le stockage d’absorbants d’origine animale ou végétale doit tenir
compte du potentiel de détérioration par conditions humides, ainsi
que du risque d’endommagement dû à la moisissure, aux rongeurs
ou aux insectes.
À l’instar du stockage, le transport d’importantes quantités
d’absorbants peut causer des problèmes de logistique, à la fois entre
l’entrepôt et un centre de distribution dans le voisinage général du
déversement et entre le centre de distribution et le lieu d’utilisation
des absorbants. Le transport de cargaisons entières d’absorbants
par avion jusqu’au lieu d’un déversement est particulièrement peu
susceptible d’être rentable.
Utilisation d’absorbants en frange
littorale
autant que possible afin de minimiser les problèmes secondaires
liés à l’élimination (Figure 9). Par conséquent, l’utilisation massive
d’absorbants sur les littoraux doit être limitée aux situations dans
lesquelles d’autres techniques seront probablement inefficaces
ou impossibles à mettre en œuvre. Les hydrocarbures présents
sur les plages de sable, par exemple, peuvent généralement être
récupérés sans utiliser trop d’absorbants, par des travailleurs munis
de pelles ou au moyen de tranchées. En revanche, lorsque les
hydrocarbures sont retenus contre la côte, inaccessibles autrement
qu’à pied, et qu’il est impossible de déployer des écrémeurs et des
pompes, il est très difficile de récupérer les hydrocarbures fluides
sans l’aide d’absorbants. Un grand nombre des problèmes de
disponibilité, de transport et de stockage des absorbants, avant
et après leur utilisation, restent néanmoins valables.
Ancré près du littoral, un barrage absorbant peut être efficace
pour capter le ruissellement des opérations de lavage à terre, par
exemple pendant le lavage haute pression de rochers pollués (voir la
page de couverture) ou dans la zone intertidale, pour récupérer les
hydrocarbures remis à flot/remobilisés. Parfois appelé « nettoyage
passif », l’usage de barrages absorbants et à écheveaux peut
être très efficace pour piéger les hydrocarbures mobilisés marée
après marée dans les zones très sensibles, notamment les marais
maritimes et les mangroves, où d’autres techniques de dépollution
risquent de causer des dommages supplémentaires inacceptables.
Cette technique peut également être employée pour récupérer les
hydrocarbures libérés des enrochements au fur et à mesure des
marées successives. Les filets à mailles fines utilisés comme parepoussière pour les échafaudages ont également été utilisés de la
sorte pour capter les hydrocarbures visqueux libérés des littoraux
comprenant blocs, galets et sable grossier. Une extrémité du filet
est fixée au littoral tandis que l’autre est laissée libre de bouger au
gré des mouvements de la mer. Si les conditions environnementales
sont adéquates, et plus particulièrement si la vitesse d’écoulement
de l’eau à travers le barrage n’est pas trop élevée, un barrage
à écheveaux peut également être efficace tendu en travers de
prises d’eau, pour restreindre l’entrée d’hydrocarbures flottants
très visqueux (Figure 7).
Les absorbants peuvent jouer plusieurs rôles utiles dans
les opérations de nettoyage en frange littorale. L’utilisation
d’importantes quantités d’absorbants doit toutefois être évitée
En règle générale, l’utilisation d’absorbants en conjonction avec
les techniques de lavage du littoral pendant la phase de nettoyage
fin est préférable à l’emploi d’absorbants pour essuyer les rochers
dès le départ, étant donné que cette dernière technique génère
de grandes quantités de déchets à éliminer. Les absorbants
5Figure 9 : Emploi massif d’absorbants pour récupérer des
hydrocarbures sur une plage de sable dur. L’utilisation d’absorbants
doit être proportionnée à l’échelle de la contamination, présenter
un avantage appréciable pour la lutte antipollution et ne pas ajouter
une quantité de déchets excessive nécessitant d’être éliminée.
5Figure 10 : Les matières particulaires absorbantes d’origine animale
et végétale, telles que la tourbe ou l’écorce, peuvent être appliquées
sur les littoraux rocheux d’importance pour la faune sauvage (par
ex. les manchots et les phoques), afin de minimiser la contamination
des pelages et des plumages lorsqu’ils viennent à terre.
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES 8
7
5Figure 11 : Feuilles absorbantes en mer. Un effort considérable
sera nécessaire pour les récupérer ultérieurement et éliminer la
contamination secondaire. L’utilisation d’un barrage de confinement
et d’écrémeurs peut être un moyen plus efficace de récupérer les
hydrocarbures que l’utilisation d’absorbants.
5Figure 12 : Barrage absorbant remorqué en U derrière deux navires,
dans le but de récupérer une irisation (film d’hydrocarbures très
mince) en mer. La saturation du barrage en eau de mer limite son
efficacité et l’absence de jupe limite la capacité de confinement de
la pollution. On voit ici l’hydrocarbure s’échapper du barrage.
peuvent néanmoins être utiles pour collecter de petites quantités
d’hydrocarbures résiduels qui seraient autrement difficiles à
récupérer moyennant un coût et un effort raisonnables. Les mares
intertidales contaminées sont, quant à elles, particulièrement
adaptées au nettoyage au moyen d’absorbants, par exemple
d’écheveaux de polypropylène capables de récupérer des
hydrocarbures à la fois visqueux et vieillis. L’emploi d’absorbants
pour récupérer une irisation n’est généralement pas nécessaire
dans la plupart des climats étant donné la tendance des irisations
à se dissiper naturellement.
contrôler que le déversement d’origine.
L’utilisation massive d’absorbants en vrac en frange littoral n’est
généralement pas préconisée, notamment en raison des difficultés
de contrôle de l’application du produit et de sa récupération
ultérieure. Certaines situations peuvent toutefois se présenter,
dans lesquelles la récupération n’est pas envisagée, rendant
cette méthode avantageuse. Par exemple, les produits d’origine
végétale, tels que la tourbe ou l’écorce, peuvent être étalés sur des
littoraux pollués pour adsorber les accumulations d’hydrocarbures.
Ils procurent également une mesure de protection de la faune
locale, particulièrement les mammifères et les oiseaux marins
vulnérables, dont les phoques ou les manchots, sur leurs reposoirs
(Figure 10). Dans certains pays, des absorbants en vrac d’origine
végétale, animale et minérale sont utilisés pour la phase de
nettoyage fin, sachant que même s’ils ne sont pas récupérés, le
mélange absorbant + hydrocarbure sera éliminé dans le temps par
les processus naturels, qui entraînent également sa distribution
sur une zone importante, ainsi que la décomposition graduelle
de l’hydrocarbure.
Utilisation des absorbants en mer
L’utilisation d’absorbants en premier recours lors d’un
déversement d’hydrocarbures de grande ampleur doit être
découragée. En plus des problèmes de contrôle du produit à
la surface de l’eau et de volumes accrus de déchets pollués
nécessitant d’être éliminés (Figure 11), l’application d’absorbants
sur une nappe d’hydrocarbures n’atténue pas les problèmes
inhérents aux opérations de confinement et de récupération en
mer. Le mélange hydrocarbure + absorbant résultant entravera
probablement le fonctionnement des récupérateurs et continuera
de subir les effets du vent, des courants et des vagues, provoquant
la fragmentation des nappes qui ne seront pas plus faciles à
8
Application
L’utilisation d’absorbants en vrac en mer soulève plusieurs
problèmes d’efficacité et de sécurité en raison des inconvénients
inhérents à l’épandage de produits pulvérulents ou particulaires.
Le moindre vent est susceptible d’éloigner le produit de la nappe,
causant ainsi gaspillage et pollution supplémentaire. Des soufflantes
sont parfois utilisées pour épandre des absorbants en vrac sur un
déversement ; le personnel chargé de ces activités doit alors se
protéger les yeux contre la poussière et prendre des précautions
contre toute inhalation ou ingestion accidentelle. Sans brassage
adéquat de l’absorbant dans l’hydrocarbure, l’absorbant risque de
tout simplement flotter au-dessus de l’hydrocarbure et de n’avoir
que très peu d’efficacité. Pour surmonter ces obstacles, plusieurs
dispositifs spéciaux ont été conçus permettant de décharger les
absorbants pulvérulents et particulaires par-dessus bord d’une
manière contrôlée. Pour être avantageux, ces dispositifs doivent
être facilement accessibles depuis le site d’un déversement. Ils
ne sont cependant pas largement disponibles.
Un barrage absorbant est beaucoup plus facile à déployer qu’un
absorbant en vrac. Or, les limitations imposées sur l’utilisation des
barrages de confinement par les courants, les vents et l’état de la
mer s’appliquent encore davantage aux barrages absorbants. Étant
donné qu’ils sont relativement légers, surtout immédiatement après
le déploiement, ils peuvent être soulevés par le vent et nécessitent
donc d’être arrimés ou ancrés. Certains modèles sont disponibles
avec points d’arrimage. Afin de combiner les avantages des
absorbants avec ceux d’un barrage de confinement conventionnel,
certains fabricants ont réalisé des barrages absorbants avec jupe
lestée. Pour les déversements de moindre ampleur, par exemple
dans les ports de plaisance ou de pêche, ils peuvent faciliter à
la fois le confinement et la récupération. Ce type de barrage est
commercialisé comme un produit jetable ne pouvant pas être
réutilisé et entraînant donc des frais d’élimination.
Le remorquage d’un barrage absorbant pour la récupération de
films d’hydrocarbures minces ou d’irisation à la surface de l’eau
(Figure 12) est généralement considéré comme une utilisation
inefficace de ressources puisque l’irisation tend à s’évaporer
ou à se disperser facilement. En outre, les effets des vagues et
de la turbulence aboutissent souvent à la saturation du barrage
UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
absorbant par l’eau, limitant ainsi sérieusement la récupération
d’hydrocarbure. La saturation est davantage visible dans le cas
des barrages composés de matière absorbante en vrac et moins
lorsque le barrage contient une matière homogène continue. Par
ailleurs, les forces imposées par le remorquage sont susceptibles
d’être trop importantes pour la plupart des barrages et de causer
leur déchirement, avec libération de la matière absorbante et perte
de tout hydrocarbure confiné.
Les feuilles et les coussins absorbants sont encore plus susceptibles
d’être emportés par le vent que les barrages absorbants car ils ne
sont pas conçus pour être arrimés ou ancrés et ne pourraient pas
l’être sans grandes difficultés. L’utilisation massive de feuilles ou de
coussins absorbants en mer n’est pas une technique recommandée
en raison du risque d’étalement sur une grande surface. Par ailleurs,
bien que leur collecte soit plus facile que celle des absorbants en
vrac, elle nécessite une récupération manuelle lente et inefficace.
Les feuilles, coussins et autres formes d’absorbants flottants
échoués sur les plages peuvent rapidement être enfouis par les
mouvements du substrat sous l’effet des marées successives et
être difficiles à localiser ultérieurement (Figure 13).
Utilisation en conjonction avec
d’autres techniques de nettoyage
Une bonne gestion de la lutte antipollution et du personnel
d’intervention est nécessaire pour veiller à ce que les techniques
de nettoyage employées ne se neutralisent pas les unes les autres.
Il est important de ne pas oublier, lors de l’utilisation d’absorbants,
que la tension superficielle de l’hydrocarbure et de l’eau peut être
considérablement altérée par les agents tensioactifs présents dans
les dispersants. Par conséquent, l’emploi de dispersants ou d’autres
produits chimiques de dépollution peut empêcher les absorbants
de fonctionner comme prévu. En effet, ils peuvent diminuer à la
fois leurs propriétés oléophiles et hydrophobes, ce qui aurait pour
effet une augmentation de la quantité d’eau et une réduction de
la quantité d’hydrocarbure récupéré considérables. Ainsi, pour
être efficaces, les absorbants ne doivent pas être employés en
conjonction avec des dispersants au cours d’opérations de lutte
antipollution.
De même, les absorbants ne sont pas compatibles avec la
récupération mécanique d’hydrocarbures au moyen d’écrémeurs.
Les absorbants en vrac et feuilles absorbantes peuvent bloquer ou
sérieusement restreindre les seuils et les pompes. Les barrages
absorbants peuvent, quant à eux, restreindre l’écoulement de
l’hydrocarbure vers un écrémeur.
Récupération
À moins d’être récupéré à la surface de l’eau, un absorbant devient
un polluant au même titre que l’hydrocarbure proprement dit. Des
particules d’absorbant en vrac peuvent être emportées sur de
grandes distances et nuire à la faune, principalement par ingestion.
Leur utilisation est tout particulièrement déconseillée à proximité
des installations de mariculture en raison de leur ressemblance
avec les aliments pour poissons.
La récupération de tout mélange hydrocarbure + absorbant à la
surface de la mer présente plusieurs difficultés. Le mélange peut
être plus visqueux et encombrant que l’hydrocarbure seul, et seuls
certains appareils (pompes et écrémeurs) puissants sont adaptés.
Si le produit ne peut pas être pompé, les réservoirs de stockage
à bord des navires antipollution deviennent superflus et un plus
grand dispositif de stockage sur le pont est nécessaire.
L’utilisation de filets de pêche de type senne a été tentée pour
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES 8
5Figure 13 : Feuilles absorbantes échouées sur le littoral à marée
haute, après déploiement en mer. À moins qu’elles ne soient
collectées rapidement, le mouvement du sable lors des marées
successives couvrira les feuilles et compliquera leur récupération.
la récupération de mélanges absorbant en vrac + hydrocarbure.
Or, les problèmes rencontrés au niveau de la récupération
de l’hydrocarbure seul, notamment le colmatage et les ondes
réfléchissantes, sont les mêmes avec cette méthode. Les filets
pollués doivent également être récupérés, stockés et nettoyés ou
éliminés. Dans ces situations, les options de récupération peuvent
être limitées à une collecte a l’aide d’outils manuels ou de grappins
mécaniques, peu efficaces et intensive en main-d’œuvre.
La récupération des barrages et des feuilles d’absorbants à la
surface de l’eau est tout aussi chronophage et intensive en maind’œuvre. En particulier, l’accroissement du poids d’un barrage
absorbant saturé peut rendre le halage difficile.
Autres utilisation des absorbants
Bien qu’ils servent surtout à éponger les petits déversements
d’hydrocarbures à terre et à bord des navires, les absorbants sont
aussi très utilisés dans des fonctions auxiliaires, par exemple pour
améliorer la sécurité des travailleurs et limiter la contamination.
Les tapis absorbants peuvent être utilisés pour minimiser le
risque de glissade à bord des navires antipollution et aux points
de décontamination de l’équipement, ainsi que pour séparer les
secteurs souillés des secteurs propres aux postes de nettoyage.
Des tapis absorbants sont également souvent placés sur le seuil
des cabines des navires ou des centres de commande à terre,
pour décontaminer les chaussures. Comme pour tous les scénarios
exposés ci-dessus, l’absorbant doit être utilisé à sa pleine capacité
avant d’être jeté afin d’éviter le gaspillage.
Dans le secteur de la mariculture, des feuilles d’absorbant ont
été employées avec succès pour récupérer des hydrocarbures
flottants et des films d’hydrocarbure à la surface de l’eau à l’intérieur
de cages à poissons, où les feuilles polluées sont confinées et
donc faciles à récupérer. Par conditions relativement calmes,
les barrages absorbants peuvent être employés pour entourer
l’extérieur d’une cage à poissons ou autre ressource vulnérable
dans le but de réduire les risques de contamination. Diverses
matières absorbantes, des fibres aux matières minérales en vrac,
ont également été employées dans la réalisation de filtres conçus
pour empêcher les hydrocarbures d’être entraînés dans les prises
d’eau de mer qui alimentent diverses installations à terre, telles
que les écloseries et les salines des marais salants.
9
Stockage, transport et élimination
des absorbants usés
Stockage temporaire et transport des
produits pollués
Une fois récupérés, les absorbants employés en mer doivent
être stockés à bord d’un navire antipollution, puis stockés à terre
avant l’élimination finale. Étant donné qu’un absorbant saturé, et
plus particulièrement un barrage, est comprimé par le poids du
matériau qui repose dessus, l’hydrocarbure adsorbé risque de
fuir sous l’effet de la compression. Par conséquent, le stockage
à bord doit être confiné pour veiller à ce que ce polluant échappé
ne contamine pas les ponts ou les passerelles, les rendant
dangereux, ou ne s’écoule pas par-dessus bord, entraînant une
recontamination. Les absorbants pollués doivent également être
déchargés avec soin pour minimiser la contamination des quais
et des jetées (Figure 14).
5Figure 14 : Les hydrocarbures s’échappant d’un barrage absorbant
sont une source de contamination secondaire.
Les débris et les produits pollués, y compris les absorbants,
débarqués à terre et récupérés sur le littoral doivent normalement
être temporairement stockés pendant que la logistique de transport
et d’élimination est organisée. Dans les cas d’un déversement de
grande ampleur, la quantité de produit collecté peut dépasser la
capacité des installations de traitement ou d’élimination disponibles
dans la région. L’usage excessif d’absorbants aggrave le problème
(Figure 15), nécessitant un plus grand site de stockage temporaire
qui, dans de nombreux pays, doit être agréé. Préalablement au
transport des absorbants souillés, autant d’hydrocarbure libre que
possible est généralement collecté (Figure 16) et, dans l’idéal, les
absorbants sont comprimés pour minimiser le volume et optimiser
la logistique de transport. Les hydrocarbures et l’eau libérés par
la compression des absorbants doivent être récupérés et les sites
de stockage temporaires doivent être entourés d’un dispositif de
confinement pour empêcher la fuite de tout liquide.
Voies d’élimination
5Figure 15 : Absorbants usés empilés sur un site de stockage
temporaire. La compression causera l’essorage du barrage et
l’écoulement de l’hydrocarbure récupéré. Il sera dès lors nécessaire
de veiller à éviter une contamination secondaire.
Les options d’élimination disponibles pour les absorbants pollués
sont relativement limitées par rapport à celles des hydrocarbures
liquides récupérés. Même les petites quantités d’absorbant
présentes dans le flux de déchets peuvent exclure l’élimination
par certaines voies, par exemple en tant que stock d’alimentation
dans les raffineries.
Réutilisation
En théorie, certains types d’absorbant peuvent être réutilisés à
condition de pouvoir en extraire l’hydrocarbure. Cela peut être
accompli par compression au moyen d’une essoreuse à rouleaux
(comme dans les systèmes de récupérateur à cordes), par
extraction centrifuge ou par extraction par solvant. La compression
est généralement l’option la plus pratique et convient à certains
produits synthétiques. Le nombre de cycles de réutilisation
possibles avant que l’absorbant ne devienne inutilisable parce
qu’il est déchiré, écrasé ou généralement détérioré doit toutefois
être pris en compte.
5Figure 16 : Étendage d’un écheveau absorbant pour permettre
à l’hydrocarbure de s’écouler dans un bac afin de minimiser la
quantité d’hydrocarbure libre dans les déchets.
10
Les autres facteurs à prendre en considération en ce qui concerne
la réutilisation des absorbants sont la contamination des déchets
d’hydrocarbure par les particules d’absorbant détachées pendant
la compression, le taux de réduction de la capacité d’adsorption
et le pourcentage d’hydrocarbure pouvant être collecté avec des
niveaux raisonnables de main-d’œuvre et de matériel. Cela dit,
certains absorbants gagnent en efficacité lorsqu’ils sont employés
plusieurs fois, notamment sur les hydrocarbures plus visqueux.
UTILISATION DE MATÉRIAUX ABSORBANTS DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
Incinération
L’incinération des absorbants contaminés peut être une option
viable à condition qu’ils soient en matière combustible et ne
contiennent pas des quantités excessives d’eau. Ce dernier critère
exclut souvent l’incinération des absorbants usés d’origine animale
et végétale car ils ont tendance à être moins sélectifs en termes
de récupération des hydrocarbures vis-à-vis de l’eau, et peuvent
donc contenir trop d’eau. Bien que des incinérateurs soient parfois
disponibles dans le pays où un accident se produit, leur capacité
est généralement fonction de la demande intérieure et ils risquent
d’être dépassés par l’afflux soudain de grandes quantités de
déchets pollués typique d’un déversement de grande ampleur.
Parmi les différents types d’incinérateurs disponibles, les fours
tournants et les fours à creuset ouvert sont les plus appropriés
pour d’importantes quantités de macro-déchets solides. Les plus
gros macro-déchets, tels que les barrages absorbants pollués,
doivent être retirés du flux de déchets et réduits en taille avant
d’être incinérés.
La valeur calorifique élevée des absorbants synthétiques peut
rendre le contrôle de la température du four difficile ; il convient
parfois de brasser les absorbants souillés dans un flux de déchets
contenant des matières moins combustibles pour stabiliser
la vitesse d’alimentation. La combustion totale d’absorbants
synthétiques et d’origine animale et végétale permet d’obtenir
une réduction importante du volume de produits à enfouir. En
revanche, l’incinération de produits d’origine minérale élimine le
contenu d’hydrocarbures mais ne réduit pas considérablement le
volume pour l’élimination finale.
L’incinération est normalement strictement contrôlée et une
température de combustion élevée ainsi qu’une surveillance étroite
des gaz d’échappement sont nécessaires pour éviter de libérer des
dioxines toxiques, des hydrocarbures polycycliques aromatiques et
de l’acide chlorhydrique dans l’atmosphère, particulièrement dans
le cas des absorbants synthétiques. Le coût de l’incinération est
souvent considérablement plus élevé que celui d’autres techniques
d’élimination, facteur qui doit être pris en considération si cette
méthode est sélectionnée.
Enfouissement
L’élimination des absorbants par enfouissement est elle aussi, en
règle générale, strictement contrôlée par des règlements locaux
ou nationaux. Dans certains pays, les absorbants souillés sont
traités en tant que déchets dangereux et l’utilisation de décharges
dédiées aux matières dangereuses peut être nécessaire, avec
les hausses de coût du transport et de l’élimination que cela
entraîne. Les décharges modernes sont généralement entourées
d’une membrane imperméable pour empêcher le ruissellement.
Néanmoins, dans certains pays où ce type de protection n’est
pas régulièrement employé, il convient de prendre des mesures
de prévention contre la contamination des eaux souterraines et
de surface voisines.
Biodégradation
Les absorbants d’origine animale et végétale ont généralement
l’avantage d’être biodégradables. Selon les règlements locaux
régissant l’élimination des déchets et en présumant une teneur
en hydrocarbures relativement faible, l’élimination de ces
types d’absorbants par épandage agricole peut être autorisée.
L’absorbant souillé est épandu sur une grande superficie de terre et
se dégrade naturellement. La dégradation peut prendre plusieurs
années, bien qu’il soit possible de l’accélérer par aération, au moyen
d’outils agricoles, et par application d’engrais. Le compostage de
certains absorbants d’origine animale ou végétale peut également
être une voie d’élimination viable.
L’essentiel
• L’emploi massif d’absorbants doit être vivement découragé à la fois à terre et en mer car il génère
des volumes excessifs de déchets pollués à éliminer.
• L’emploi d’absorbants peut néanmoins être approprié et efficace dans certaines situations,
principalement lors des opérations de nettoyage du littoral ou lorsque les autres techniques sont
exclues.
• L’emploi d’absorbants en haute mer pour récupérer les hydrocarbures sur l’eau est considéré comme
un usage très inefficace de ressources en raison des difficultés d’épandage précis du produit sur
l’hydrocarbure et, plus important encore, des difficultés de collecte du produit souillé.
• Les opérations utilisant des techniques de lutte telles que les dispersants et les écrémeurs sont
incompatibles avec les absorbants ; une gestion soignée de la lutte antipollution est nécessaire
pour éviter que les différentes techniques ne s’entravent les unes les autres.
• Les absorbants sont encombrants à stocker et à transporter. Les dispositions de stockage doivent
être soigneusement étudiées pour prévenir les dommages dus aux rongeurs, aux insectes, à la
moisissure, à l’humidité, aux rayons ultraviolets ou au feu.
• Des matériaux d’origine animale, végétale ou minérale à faible coût, disponibles localement, peuvent
être une option plus rentable que les absorbants synthétiques en réserve, en dépit d’une efficacité
de récupération inférieure pour le même poids d’absorbant.
• Un usage excessif et inefficace d’absorbants peut causer une contamination secondaire et créer
d’importants problèmes logistiques et financiers pendant le stockage temporaire, le transport et
l’élimination du produit pollué. Par conséquent, la mobilisation d’absorbants des réserves doit être
contrôlée et la main-d’œuvre attentivement supervisée pour éviter ces problèmes.
GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES 8
11
1 Observation aérienne des déversements
d’hydrocarbures en mer
2 Devenir des déversements d’hydrocarbures en mer
3 Utilisation des barrages dans la lutte contre la
pollution par les hydrocarbures
4 Utilisation des dispersants dans le traitement des
déversements d’hydrocarbures
5 Utilisation des récupérateurs dans la lutte contre
la pollution par les hydrocarbures
6 Reconnaissance des hydrocarbures sur les
littoraux
7 Nettoyage des hydrocarbures sur les littoraux
8 Utilisation de matériaux absorbants dans la lutte
contre la pollution par les hydrocarbures
9 Traitement et élimination des hydrocarbures et
des débris
10 Direction, commandement et gestion des
déversements d’hydrocarbures
11 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur les
pêches et la mariculture
12 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur les
activités sociales et économiques
13 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur
l’environnement
14 Échantillonnage et suivi des déversements
d’hydrocarbures en mer
15 Préparation et soumission des demandes
d’indemnisation pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures
16 Planification d’urgence en cas de déversement
d’hydrocarbures en mer
17 Intervention en cas d’accident chimique en mer
L’ITOPF est une organisation à but non lucratif, fondée au nom des armateurs du monde entier et de leurs assureurs. Sa
mission : contribuer à l’efficacité des interventions de lutte contre la pollution en cas de déversements en mer d’hydrocarbures, de
produits chimiques et autres substances dangereuses. De l’intervention d’urgence à la formation, l’éventail de services proposés
comprend également l’apport de conseils techniques en matière de nettoyage, l’évaluation des dommages causés par la pollution
et l’aide à la préparation de plans d’intervention en cas de déversement. Source d’informations exhaustives sur la pollution marine
par les hydrocarbures, l’ITOPF publie ce document dans le cadre d’une série de guides basés sur l’expérience de son personnel
technique. L’information qu’il contient peut être reproduite avec la permission expresse préalable de l’ITOPF. Pour tout renseignement
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GUIDES D’INFORMATIONS TECHNIQUES

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