La Gruyere Online
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31 Mode & Bien-être La Gruyère / Jeudi 13 septembre 2012 / www.lagruyere.ch Les Fidji, Grandvillard, Miami, et un défilé Hermès à Paris PARCOURS. Un casting à Miami, où il étudie, et la vie d’Anthony Meyer prend une autre direction. Ce sera Milan, puis Paris, où l’ancien écolier de Grandvillard tente de se faire une place sur les podiums. KARINE ALLEMANN Autant le dire tout de suite: Anthony Meyer est beau à se pâmer. Grand, brun, des yeux verts et un sourire d’ange, le tout enrobé d’un look rock tendance classe. Mais quand on travaille comme mannequin à Paris, il paraît que la beauté n’a rien d’original. A Bulle par contre, où il revient de temps en temps voir sa sœur aînée – «mes deux sœurs sont les amours de ma vie» – le jeune homme de bientôt 24 ans fait son petit effet. Alors, si son métier laisse penser qu’on aura affaire à un prétentieux snobinard, dès la première poignée de main on découvre un jeune homme charmant et chaleureux. Tranquillement assis dans un bar bullois à siroter un coca – il n’a même pas besoin de boire du coca light, son corps est comme ça naturellement… – il raconte la vie de mannequin débutant dans un milieu où réalité, fantasmes et imageries populaires se côtoient. Au fait, d’où lui viennent les gènes qui, peut-être, en feront une vedette? «Je ressemble à 50% à ma mère, qui vient de Zinal, et à 50% à mon père, luimême à moitié français et à moitié salvadorien. Comme il est hôtelier, on a beaucoup voyagé étant petits.» D’où les quelques années passées aux Fidji, avant que la famille Meyer ne vienne s’installer à Bulle, puis à Grandvillard. Le jeune homme effectuera sa scolarité en Gruyère entre la cinquième primaire et la troisième du CO, avant de partir pour Zinal avec sa mère à la séparation de ses parents. Après un apprentissage de commerce dans le milieu du tourisme et une tentative à la HEG, il décide de rejoindre son père à Miami. «C’est la Mecque du tourisme, l’endroit était idéal pour passer mon bachelor.» Mais Miami et la mythique Ocean Drive est aussi la Mecque des mannequins en quête de reconnaissance. «Ce milieu ne m’intéressait pas. Par contre, ce que j’aimais, c’était le 7e Art. Une école de cinéma se trouvait juste à côté de mon école et j’ai tenté d’aller passer un casting pour un petit rôle de guitariste dans un film.» C’est ainsi que, l’été dernier, il rencontre Michelle Pommier, ancienne top model directrice de casting sur ce film. «Elle m’a dit que pour tenter ma chance dans le cinéma, j’avais tout le temps. Par contre, une carrière de mannequin est beaucoup plus éphémère.» Une discussion dans un café de Miami achève de le convaincre. «Elle m’a prévenu que c’était un milieu difficile, avec beaucoup de compétition. Mais, selon elle, j’avais toutes mes chances.» Sans visa de travail aux EtatsUnis, Anthony Meyer part pour Milan, puis Paris, une des capitales de la mode qu’il n’a pas choisie par hasard. «La mère de mon père était un modèle très connu là-bas. En fait, elle était l’égérie de Balenciaga, le grand couturier des années 1940 et 1960. Je me suis dit que ça allait me porter chance.» De quoi aller frapper aux portes de l’agence Success. «Ils m’ont engagé tout de suite. Mais je ne connaissais rien à rien. Alors, ils ont dû me reformater.» Cheveux, fringues, attitudes, tout est à revoir. «Les bookeurs m’ont dit “c’est toi qui veux entrer dans notre monde, pas le contraire”. Pour réussir, il faut accepter de mettre son orgueil de côté et suivre les conseils.» Au moment de poser pour la photo, Anthony Meyer s’excuse de sa dégaine. «Je suis venu comme je me suis levé ce matin.» Le jeune homme est tout pardonné… CLAUDE HAYMOZ “ Les bookeurs m’ont dit: “C’est toi qui veux entrer dans notre monde, pas le contraire”. ” ANTHONY MEYER Reste ensuite à définir le style d’Anthony Meyer. «Au départ, l’agence m’a envoyé sur plusieurs castings pour avoir un retour et, ainsi, cerner où je me situais. Résultats: ils me voient comme mannequin de défilé, catégorie classe plutôt que bad boy.» A Paris depuis le début de cette année, Anthony Meyer a déjà travaillé. Pour le catalogue d’une marque parisienne qui a lancé une gamme masculine et pour une campagne images d’Air France. «Ce genre de campagnes sont importantes, parce qu’elles paient assez bien et te donnent une certaine crédibilité au sein de l’agence.» Le must du must a eu lieu durant la fashion week, en juin dernier. «J’ai fait un casting pour Hermès et j’ai tout de suite eu un bon feeling. Les habits m’allaient superbien et j’ai pu rencontrer la directrice artistique d’Hermès. Des beaux garçons, il y en a à la pelle. Alors, il faut se démarquer des autres. On a parlé de cinéma, d’Alain Delon… Le courant est bien passé.» Le jeune homme est engagé pour le défilé presse et les trois défilés clients. «Là aussi, au niveau crédibilité, j’ai tout gagné! Hermès est la plus grande marque avec Dior. J’ai eu l’occasion de découvrir le monstre financier qu’est le milieu de la mode. Le jour du défilé, mon cœur battait à mille! Il y avait plein de caméras, 200 photo- graphes, 400 invités. Après, il faut bien se dire que les gens viennent voir les habits, pas les mannequins. Il n’y a donc pas de “crânage” à avoir.» La carrière du jeune homme est lancée. Jusqu’où comptet-il aller? «Chaque petit boulot décroché est une victoire. Je n’ai pas d’objectifs précis. La question est plutôt de savoir combien de temps je vais consacrer à ça. Si je peux mettre un peu d’argent de côté, tant mieux. Mais si ma carrière s’arrête maintenant, je serai supercontent d’avoir pu vivre l’expérience Hermès. Comme j’adore lire, je reprendrais des études en lettres avec grand plaisir. Je suis encore à un âge où on a l’impression qu’on peut tout faire…» ■ «Ils ne voient en toi que le ceintre qui va porter leurs vêtements» Quand il rentre à Zinal, Anthony Meyer va se promener dans cette montagne qu’il adore. Il coupe du bois devant la maison familiale et apprécie les soirées en petit comité. «Puis, quand je reprends le TGV pour Paris, je pars au travail.» Et là, tout change. «Poser pour une photo, c’est facile. Dans le métier, c’est l’arrière-plan qui est compliqué à gérer. A chaque fois que je sors, je ne sais jamais sur qui je vais tomber. Alors, il faut faire attention à ses fringues, sa coupe de cheveux. En fait, quand un employé va voir son patron, il tâche d’être bien mis. Moi, c’est pareil. Sauf que je croise plein de patrons potentiels, mais je ne sais pas lequel sera le prochain.» Dans les «soirées Veuve Clicquot», comme il les appelle, se croisent parmi le «Tout-Paris artistique» une multitude de mannequins bien décidés à se faire une place. Il s’agit dès lors de s’extraire de la mêlée. «On doit tout le temps être au top, savoir qui est qui, quel photographe a fait quoi, avoir de la conversation sur plein de sujets. En fait, il faut s’ouvrir aux autres, chercher à plaire, mais sans en faire trop. C’est une question d’intelligence sociale. Il faut se démarquer, sans lécher les bottes ou se prostituer.» Qu’en est-il de la maxime «coucher pour réussir»? «J’ai longuement discuté avec mes bookeurs pour savoir ce qui faisait un bon mannequin. Ils m’ont dit qu’il ne faut jamais avoir d’histoires avec des gens du milieu ou faire le mannequin trottoir. Des carrières ont été ruinées à cause de ça. Finalement, j’ai découvert un monde assez humain et je n’ai jamais été déstabilisé par une proposition. Il ne faut pas oublier que dans la mode, les gens sont surtout là pour faire carrière et gagner de l’argent. Et puis, il y a tellement de mannequins que tout le monde est blasé par la beauté… Ils ne voient en toi que le ceintre qui va porter leurs vêtements.» Quid des finances? «Pour l’instant, je suis plus à vivoter, si j’ose dire. J’ai la chance d’avoir le soutien financier et moral de mes parents. Mon agence ne veut pas que je fasse plein de petits bou- lots. Parce que plus on voit ta gueule, moins on a envie de la voir. Alors elle ne m’envoie que sur les gros castings. Après, quand je décroche un contrat, un tiers de l’argent va à l’agence, un tiers à la France pour les impôts et un tiers me revient.» Un petit shooting photo peut rapporter entre 500 et 1000 euros par jour. Ce qui rapporte le plus est une campagne publicitaire complète (spots TV, photos). Pour cela, le prix dépend évidemment de la renommée de la marque, et du mannequin… Modèle professionnel aujourd’hui, Anthony Meyer assure qu’il n’a pas toujours eu de succès avec la gent féminine. «Je n’ai grandi qu’à 17 ans, alors j’ai longtemps été le plus petit de la classe. Les filles me trouvaient mignon, mais elles ne me voyaient pas comme un copain potentiel.» Quand on lui demande s’il a plus de succès aujourd’hui, le jeune homme sourit. «Evidemment, j’ai pris de l’assurance.» Depuis huit mois, il file le parfait amour avec une jeune Neuchâteloise. Qui est bien loin du monde de la mode. «Elle veut devenir prof. C’est ma bouée de sauvetage! Parce que je ne me verrais pas sortir avec un mannequin.» Car, le modèle l’assure, la beauté n’est pas tout… Plus facile à dire quand on est beau, non? «Oui, mais j’ai rencontré plein de belles filles totalement fades. Le charisme et l’intelligence, ça vaut tous les maquillages du monde!» Un message d’espoir pour toutes les complexées… Au fait, comment le mannequin entretient-il son outil de travail qu’est son corps? «Ce qu’il y a de bien à Paris, c’est qu’ils te prennent comme tu es. Ou alors ils ne te prennent pas. Pas besoin d’aller au fitness ou de se faire vomir aux toilettes.» Sûr, aucun effort physique ni épilation douloureuse? «Non! Je marche beaucoup en ville d’un casting à l’autre et je me rase de temps en temps, c’est tout. Ah oui! Je me brosse les dents avant d’aller au lit (rires)! KA