La pause des hospitaliers 09-2014

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La pause des hospitaliers 09-2014
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REPORTAGE
À l’hôpital de Contamine-sur-Arve, les jeunes
patients bénéficient de soins sur mesure. Jeux,
décorations, maquettes, tout est fait pour que
les enfants appréhendent le monde médical sans
angoisse. L’enjeu : rendre leur séjour hospitalier
le moins traumatisant possible.
Prévention
Des soins
Tout le service est mobilisé autour du projet.
à hauteur
Le jeu permet
de déstresser
l’enfant.
L’hôpital de Contamine-sur-Arve.
C
«
’est l’histoire de Sacha, le premier
patient à avoir séjourné dans notre
service », lit Florence Kabut, infirmière puéricultrice en pédiatrie-néonatologie au Centre hospitalier Alpes-Léman.
Depuis plus de deux ans, c’est en contant la
légende de Sacha qu’elle accueille chaque
petit patient. Ce jour-là, Arthur, huit ans,
écoute attentivement, assis sur son lit.
En mettant en scène un ourson venu se
faire opérer, le livre permet de lui expliquer, de manière simple, toutes les étapes
de l’hospitalisation : de l’accueil à la salle
de réveil en passant par l’anesthésie, etc.
« Cette histoire vise à rassurer les enfants
qui viennent pour la première fois à l’hôpital.
C’est un monde qui leur est inconnu et qui
peut les effrayer », explique l’infirmière.
C’est lors d’une formation sur la gestion
de la douleur que Florence Kabut a découvert comment certains établissements
adaptaient la prise en charge aux enfants.
« Je me suis dit que ce serait génial de
travailler comme ça ! » se souvient-elle.
Alors, avec une dizaine de collègues et son
cadre de santé, elle suit la formation intitulée : « Informer par le jeu ». L’objectif est
simple : humaniser les soins, en les rendant
LA PAUSE DES HOSPITALIERS N° 67 - SEPTEMBRE 2014
le moins invasifs possible pour que l’enfant
ne vive pas l’hospitalisation comme une
expérience traumatisante.
RENDRE L’HÔPITAL MOINS
EFFRAYANT
Grâce à la mobilisation de
Florence et de ses collègues, de
nouvelles méthodes ont rapidement
été adoptées dans le service. Pour divertir les jeunes patients pendant les soins,
des boîtes de jeu, adaptées à chaque âge,
ont d’abord fait leur apparition dans la
salle de soins. « Le jeu est un vecteur qui
permet d’accéder à l’enfant, de lui donner
confiance et de prendre conscience de ce
qui va lui arriver. Cela va aider
les médecins et les soignants
à trouver une place dans l’univers de l’enfant », souligne
le Dr Hervé Testard,
chef de service.
Progressivement,
des hiboux, des
éléphants, des
souris et beaucoup
d’autres animaux multicolores sont venus décorer les murs
blancs et austères du service. Tout
a été pensé pour créer un univers
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Une maquette du service
aide les enfants
à mieux se repérer.
d’enfants
Les traces de pas
matérialisent
le chemin jusqu’au bloc.
L’ENFANT AU CENTRE DES SOINS
magique rassurant pour les enfants, du
sol… au plafond.
En effet, dans la continuité de la légende
de Sacha, des dalles avec les empreintes de
pas de l’ourson Sacha ont été installées au
plafond pour matérialiser le chemin de la
chambre des enfants jusqu’au bloc.
« Sacha constitue un repère pour eux : à
leur arrivée [via le livre], quand ils vont au
bloc [avec les empreintes de pas], à l’entrée du bloc [il est dessiné sur le mur] et,
enfin, en salle de réveil. Ainsi, ils appréhendent mieux les étapes de l’hospitalisation, ils sont plus rassurés », explique
Florence Kabut.
Au-delà de la légende de Sacha, les
soignants se sont également appuyés sur
des jeux pour créer de nombreux outils
pédagogiques permettant aux enfants
de mieux comprendre les soins qui
leur sont prodigués. Pour expliquer ce
qu’est un cathéter, ils utilisent un poupon
sur lequel ils ont posé le dispositif. Une
maquette en bois a été créée pour présenter la pathologie du diabète, une autre
construite avec des Playmobil® représente
le service et le bloc opératoire. Tout est
pensé à hauteur d’enfant, jusqu’au tableau
de service, qui prend la forme d’un puzzle.
Ainsi, enfants et parents savent qui sont
les soignants en poste, de nuit comme
de jour.
Replacé au centre des soins, l’enfant est
moins stressé, moins anxieux. « Notre
approche des soins apaise autant les
parents que les enfants. C’est important car s’ils sont stressés, leur enfant
aussi aura peur. Nous les encourageons
donc à participer aux soins, à prendre
notre suite, en jouant avec leur enfant,
en le calmant », avance Stéphane Tapié,
cadre de santé.
Pour rassurer
les enfants, l’équipe
a inventé l’histoire
de Sacha.
DE NOUVELLES MÉTHODES
DE TRAVAIL
Ces pratiques ont amené les soignants
à revoir certaines de leurs habitudes.
« Nous n’utilisons plus systématiquement
le Kalinox® [gaz analgésique, NDLR] par
exemple. Le stress, l’anxiété, l’inconnu
peuvent amplifier la douleur. S’il est
détendu, l’enfant a moins mal », souligne
Florence Kabut, qui reconnaît toutefois
que tous les patients ne sont pas réceptifs à cette nouvelle méthode. « Dans ce
cas, la gestion de la douleur prime. Le jeu
n’a absolument pas vocation à remplacer
les médicaments. C’est un complément »,
enchaîne la cadre de santé.
Autre changement notable : l’ambiance
de travail. Aujourd’hui, les sourires
ont remplacé les pleurs. « Avant, beaucoup de collègues quittaient le service
car elles ne supportaient plus les cris et
les larmes pendant les soins. Cette lassitude est moins présente désormais.
Il y a une forme de magie quand le soin
se déroule de manière sereine. Quand
l’enfant sourit à la fin. Je fais d’abord ce
métier pour ça », s’enthousiasme Florence
Kabut.
SEPTEMBRE 2014 - LA PAUSE DES HOSPITALIERS N° 67