Geneviève Brisac, Moi, j`attends de voir passer un pingouin

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Geneviève Brisac, Moi, j`attends de voir passer un pingouin
EXTRAITS DE PRESSE
Geneviève Brisac, Moi, j’attends de voir passer un
pingouin
Presse écrite
Mediapart, 23 décembre 2012
Ce pourrait être un conte de Noël, avec pingouins, lapins, « armée de chats », un rat sauvé
de l'institut Curie, Flush l'épagneul auquel Virginia Woolf consacra un livre et même une
« poule qui marchait à reculons ». Un roman, une fable, de ces textes magiques qui échappent
aux catégories. Il est signé Geneviève Brisac qui attend de voir passer un pingouin, image
pour dire « la lutte épuisante contre l'effacement de tout ». Invitation à une double rencontre :
un livre, son auteur.
« La littérature, ce sont des ragots sublimés », disait Marcel Proust que cite Geneviève Brisac
— des récits de soi comme des autres dont l’écriture sait extraire l'essence. Moi, j’attends de
voir passer un pingouin, ce sont des tranches de vie, mêlant anecdotes et souvenirs de
lectures, un concentré quotidien. La vie d’une femme écrivain, de son fils Nelson, du grandpère, de Céleste, « concierge et femme de ménage. On encourage aujourd’hui des expressions
plus modernes telles que : gardienne et aide ménagère ou technicienne de surface et soutien à la
personne, mais Céleste préfère que je dise concierge et femme de ménage. Et même elle
argumente.
— Excusez-moi, mais la surface chez vous, ça se discute, c’est pas le point fort, et technicienne
pour moi, c’est plutôt exagéré ».
La galerie de personnages du Pingouin est haute en couleurs, Céleste — échappée du
temps perdu (et retrouvé) de Proust —, Nelson (« prénom à risques ») qui voudrait
transformer l’appartement maternel en arche de Noé, recueillant lapins nains éclopés, rats
de laboratoire, chats : « Nelson ne peut s’empêcher de sauver des êtres, de jeter tout son poids
dans le plateau de la balance où sont pesées les bonnes et les mauvaises actions. La lutte contre la
misère, la cruauté envers les animaux et les expulsions en tout genre est son rayon ». Sa
spécialité ? recueillir des Philippe : Philippe, le rat de laboratoire miraculeusement sauvé
que Jean-Pierre, clochard qui lit Faut-il manger les animaux ? ne peut garder — Philippe,
petite chatte blanche aveugle.
Les animaux sont le fil rouge du récit, lui-même arche de Noé. Leur place dans nos
vies urbaines révèle notre rapport à la nature, à la compassion mais aussi notre volonté de
puissance (ces animaux esclaves, cobayes dans les labos), notre cruauté (l’astrakan), ils
incarnent l’absurdité de nos systèmes de valeurs lorsque Grateful, le lapin nain, a la patte
sectionnée par la fenêtre de la terrasse : une fortune passe en vétérinaire, opérations,
rééducation. « Un civet de un kilo a un milliard de fois plus de chances de survie qu’une petite
fille née en Somalie ».
Comme toute fable, Moi, j’attends de voir passer un pingouin est un récit de révoltes, un
texte politique. Qui refuse que l’on confisque leur parole aux plus faibles (l’animal,
l’enfant), s’énerve contre les « mots épidémiques » ("souci", "c’est sympa"), ces termes
« paresseux qui font écran, poisseux » que l’écrivain doit refuser comme il donne un sens
nouveau à tout ce que l’on oublie de regarder : ainsi les poireaux, que vous ne verrez plus
jamais de la même manière. La narratrice du récit offre « des crèmes hydratantes pour le
corps, et des poireaux » à Céleste. « Les poireaux, ces légumes légèrement démodés, unissent les
concierges et les écrivains. À cause de leurs queues vertes et gênantes qui dépassent du cabas (le
cabas, l’histoire, c’est tout comme) ». On pense à la soupe de poireaux de Marguerite Duras.
Geneviève Brisac à Doris Lessing : « Quand des paparazzi se jetèrent sur Doris Lessing, qui
revenait du marché avec ses poireaux dépassant du caddie et qu’ils lui annoncèrent qu’elle avait
le prix Nobel, elle sut que c’était vrai à cause de son embarras ».
Tel est ce livre : inclassable, tout dépasse. Le réel si beau ou si dur qu’il est fiction.
L’imaginaire, les textes, lus, relus, cités qui entrent dans la vie et résonnent (« J’aime penser
que ce qu’écrit un écrivain que j’adore est encore plus vrai pour moi »). Svevo, Kafka, Woolf,
tant d’autres. Et Rosa Luxembourg,
« son nom, si
beau »,
et cette image,
lorsqu’emprisonnée en décembre 1917, elle pleure en voyant passer des buffles battus par
des soldats. Tout le livre de Geneviève Brisac est là : unir animaux et révolte, littérature et
insolite, rires et larmes, apparente simplicité et profondeur. Comme elle nous le confie dans
un sourire, elle veut « raconter des histoires qui restent fraîches, vibrantes, garder la vibration.
Ce sont donc des éléments assez complexes mis au service d’un résultat qui doit sembler simple. Il
ne faut pas aller trop vite quand on lit mes livres, sinon on rate le fait que c’est — exactement
comme dans la vie — un peu plus subtil, contradictoire, violent, profond qu’on en a d’abord
l’impression. Il ne faut jamais se fier aux apparences : l’histoire d’un lapin nain est tout aussi
importante et grave que celle de l’assassinat de l’archiduc d’Autriche ».
Moi, j’attends de voir passer un pingouin est un texte qui obéit à une double
contrainte : une première version fut diffusée dans les Microfictions de France-Culture.
Puis il entre dans la collection « Pabloïd » des éditions Alma, qui recueille des titres entrant
en écho avec les thèmes fondamentaux de l’art selon Picasso, « la naissance, la grossesse, la
souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut-être le baiser ». Le Pingouin —
version moderne de l’Albatros baudelairien, l’homme dans sa fragilité, sa gaucherie
chaloupée, l’artiste — répond à la révolte. « C’est une collection qui se crée et j’aime essuyer les
plâtres. J’aime la contrainte », explique Geneviève Brisac, « elle permet de prendre des chemins
de traverse. Ce qu’est la littérature ».
« Il s’agit d’attraper la vie. On raconte avec le langage d’aujourd’hui mais aussi avec la culture
qui est la sienne et dans cette manière de raconter, on ne sait plus ce qui est fiction et ce qui est
réel, et d’ailleurs quelle importance ? Ce qui importe c’est que cela reste ».
Moi j’attends un pingouin est un récit mémoriel : la vie, les livres, des instants qui passent
comme un pingouin attendu. Une existence romancée, entre réalité et fiction. « C’est mon
lieu », nous confirme Geneviève Brisac. L’écrivain aime la vie telle que Virginia Woolf l’a
définie, « si semblable à une bordure de trottoir au-dessus du gouffre ». Une vie qui (se) joue des
frontières, rassemble le plus disparate. Où l’on garde une âme d’enfant, mais pas l’enfant
des images d’Épinal — l’enfant qui refuse les phrases toutes faites, les "c’est la vie". Qui est
ailleurs, dans les béances, les interstices, les rencontres sidérantes.
Alors que nous parlons du Pingouin, Geneviève Brisac nous dit aimer les cartes
postales, leur « modestie », au point de presque les préférer aux tableaux quand elle se rend
dans un musée. Elle les collectionne, mais, confie-t-elle dans un grand rire, « une
collectionneuse un peu particulière : je les envoie ». Ce serait une superbe définition Moi,
j’attends de voir passer un pingouin. Un recueil de cartes postales que l’écrivain nous
envoie, une collection de moments, d’instants, de trouées dans le réel, comme ces
photographies qu’elle demande au lecteur d’imaginer. Ainsi un pingouin ou un portrait de
Rosa Luxembourg dont la légende donne une des clés du récit : « Immer das laut zu sagen,
was ist », « dire fort ce qui est », écrire contre l’ordre du monde, contre l’amnésie, se révolter
mais aussi savoir reconnaître les moments uniques.
Drôle de titre pour un livre d’une sensibilité extrême, drôle et aigu, renversant. « Moi,
j’attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m’habite et semble dépourvue de sens est un
mantra pour desserrer l’étau », refuser l’esprit de sérieux, privilégier le surréalisme qui dit
tant de nos quotidiens. Le livre est d’ailleurs dédié à un « Olivier, ami des pingouins belges ».
On s’étonne, Geneviève Brisac nous explique : (podcast)
Nous allons tous devenir amis des pingouins belges.
http://blogs.mediapart.fr/edition/bookclub/article/231212/moi-j-attends-de-voir-passerun-pingouin
Christine Marcandier
Le Soir, 22 juin 2012
L’arche de Noé de Geneviève Brisac
On devinerait sans peine la réponse si on posait la question. Sachant que Pablo Picasso a
défini comme thèmes fondamentaux de l’art, « la naissance, la grossesse, la souffrance, le
meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut-être le baiser», lequel de ces « emblèmes » a-t-il été
choisi par Geneviève Brisac
(Une année avec mon père, L’Olivier) ? La révolte, bien entendu ! Son Moi, j’attends de voir
passer un pingouin étoffe la collection « Pabloïd », où Belinda Cannone et François
Bégaudeau ont déjà publié (sur le baiser et sur la grossesse).
Dans les treize chapitres de ce roman, à la fois graves et légers, on retrouve le style
inimitable et tellement réjouissant de Geneviève Brisac. Elle n’est jamais où on l’attend,
détaillant une liste de noms pour lapin nain ou expliquant en détail Rosa Luxemburg à
Berlin. Pour pourfendre l’idiotie, le pouvoir, la cruauté, la violence, s’il ne devait en rester
qu’une, elle serait celle-là. Révoltée mais polie, rebelle mais douce, récalcitrante mais drôle.
Sa narratrice est une femme dotée d’un fils prénommé Nelson, amateur d’animaux comme
elle, confrontée régulièrement à Céleste, la concierge aux rêves d’aspirateur. Elle raconte
leur vie, entre humains et arche de Noé. Elle aligne ses pensées comme elles lui viennent.
Les auteurs qu’elle aime et qu’on va rechercher dans sa bibliothèque. Des anecdotes à
propos de ces résistants : Doris Lessing et ses poireaux ramenés du marché quand on lui
annonce qu’elle a le prix Nobel, ou l’histoire du livre Flush de Virginia Woolf, etc. Elle
propose des photos sans les insérer dans les pages, et s’en explique au lecteur.
Les phrases coulent, nettes, musicales, évocatrices, pleines de surprises. Les idées
s’enchaînent, souvent dans des dialogues, convoquant des pingouins, mais aussi plein
d’autres espèces urbaines.
On rit et on pleure, comme dans tous les livres de Geneviève Brisac.
Lucie Cauwe
Le Point, 14 juin 2012
Alice au pays de la révolte
Un rat. Voilà ce que son fils lui rapporte à la maison avec pour mission d'en prendre soin :
c'est tout de même le clochard du coin qui le lui a confié... À sa place, « qu'aurait fait
Walter ?» (Benjamin, évidemment) s'interroge aussitôt la mère...
Précisons que la narratrice de ce livre est écrivain, d'où cette propension à invoquer à tout
instant du jour son panthéon littéraire. « Un livre, ce sont des images et des conversations»,
disait Lewis Carroll de son «Alice ». Ainsi va celui de Geneviève Brisac au pays de la
révolte, avec ses délicieuses scènes dialoguées entre la narratrice et son fils Nelson, sa femme
de ménage, la terrienne Céleste, et sa propre conversation avec Rosa Luxemburg, pour une
conférence en cours. Derrière les barreaux de sa prison, voyant un «pauvre buffle» frappé
par un soldat, la révolutionnaire allemande s'était mise à pleurer, devant leur même
impuissance. Voilà où se situe le ferment de la révolte en chacun, dit l'écrivain, qui se sent
si proche de Rosa : dans cette « conscience particulière de la vulnérabilité». On ne s'étonne
donc pas de voir défiler ici un joyeux bestiaire, pingouin, lapin, chien, hamster, poule,
prétextes à interroger son rapport au monde, aux autres, à l'écriture. Pleine de fantaisie, la «
patte » Brisac avance en coq-à-1'âne, mais avec l'art expérimenté d'un funambule sur le fil
de la vie moderne.
V.M.L.M
Lire, juin 2012
Un grand ménage
Un recueil de treize histoires courtes pour défendre l'idée de révolte. Rafraîchissant.
Il y a les grands révolutionnaires qui usent de mots lourds, de belles phrases conséquentes,
de brassées métaphoriques pour faire avancer leurs idéaux. Geneviève Brisac n'est pas de ce
bois-là. Quand elle se rebelle, c'est contre les détails de la vie qui finissent par encombrer le
quotidien, étouffer l'instant suivant. Moi, j'attends de voir passer un pingouin est un livre aux
apparences légères, porté par des situations qui font sourire, des animaux bizarres, des
expressions populaires agaçantes comme une vieille rengaine. Mais derrière les anecdotes et
l'humour pétillant, l'écrivain se révèle une sacrée courageuse qui se bat contre les idées
reçues en disant par exemple : « toute artiste est habitée par l'échec » avant d'ajouter « mais
les termes de son échec sont secrets ».
Ce livre est né d'un pari. La collection Pabloïd des éditions Alma s'inspire d'une
affirmation de Pablo Picasso. Selon le peintre, les thèmes fondamentaux de l'art sont et
seront toujours : « la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la
révolte et peut-être le baiser », dit-il. Geneviève Brisac a choisi la révolte pour mieux
conquérir sa liberté. La route est parfois tortueuse. Elle commence par les expressions qui
méritent un grand coup de balai : les « c'est sympa », les « pas de souci » mis et remis à
toutes les sauces. Puis, elle s'attaque aux pingouins, chats, chiens, hamsters, lapins nains et
autres bestioles qui empoisonnent la vie des mères de famille, les souvenirs d'enfance et tous
ces romans à succès où les animaux ont la vedette. Dans sa résistance, Geneviève Brisac
donne la parole aux silencieux : les SDF qui logent devant l'Hippopotamus, les femmes de
ménage qui rêvent d'un nouvel aspirateur plus puissant, les fils qui adorent les chats mais y
sont allergiques. Puis, brusquement, apparaissent Rosa Luxemburg, Paul Gauguin ou
Virginia Woolf pour une bouffée d'air frais et de littérature. Dans les treize histoires
courtes qui composent ce recueil, Geneviève Brisac ne parle finalement que de courage :
celui qu'il faut pour perdre un chat dans une forêt mais également cet instant où l'on
transforme une ambition par une autre. « Au moment de son arrestation », rappelle
l'auteur de ce livre exfoliant et libérateur, « le dernier geste de Rosa Luxemburg a été de
sortir une aiguille et un fil et de repriser le bas de sa robe sans trembler. » La révolte se
niche aussi dans les détails.
C.F
24 heures, 19 mai 2012
Sur un ton ironique et décalé, Geneviève Brisac s’élève contre la bêtise et la cruauté. En
attendant de voir un pingouin.
Une liste de petits noms de lapins longue comme le bras… Cette bêtise, parmi des millions
d’autres, gît sur internet. Tombée sous les yeux critiques de Geneviève Brisac, elle devient
preuve de l’idiotie ambiante. Alliant humour, sérieux et dérision, l’auteur du Prix Femina
1996 (Week-end de chasse à la mère) livre un récit chapitré interpellant. En attendant de
voir passer un pingouin sur son balcon (les pies portent malheur), la narratrice partage ses
agacements sur la vie, dont ces petites phrases comme « pas de souci », qui ont envahi le
quotidien et perdu tout leur sens. À découvrir vite.
Croc
La Vie, 10 mai 2012
Dans cette variation singulière sur le thème de la révolte, la romancière Geneviève Brisac
s'adonne à un irrésistible vagabondage, de coq-à-l'âne saugrenus et légers en digressions
empreintes d'une douce gravité. Sa narratrice lui ressemble, écrivaine arrimée à sa table de
travail, sentinelle qui observe le monde depuis l'avant-poste de sa vie de femme, de mère,
d'amoureuse, d'intellectuelle, de maîtresse de maison qui doit songer – sur l'insistance de
Céleste, la femme de ménage – à remplacer l'aspirateur… Grignotée par le quotidien et ses
pesanteurs. Mais délestée par ses lectures, sa fantaisie, ses rêves, sa réflexion, son
imagination. Son jeune fils Nelson, un bon Samaritain qui recueille les animaux en
perdition – lapin nabot, rat SDF, chat aveugle, etc. – l'amène à considérer la fragilité de
l'existence sous un autre angle. Surgissent ainsi des pages remarquables sur cette grande
figure de la révolte qu'est Rosa Luxemburg. On rejoint la pasionaria dans sa prison à Berlin,
en 1917, grâce à une lettre qu'elle avait écrite alors. Elle n'y parle pas de sa propre
souffrance mais d'une scène vue à travers les barreaux de sa geôle : un soldat ivre qui frappe
un malheureux buffle, trophée de guerre venu de Roumanie.
Brisac écrit : « Quelle est cette force qui pousse vers la révolution, vers les gens et vers les bêtes ?
Un même moteur. Une conscience particulière de la vulnérabilité. Une écorchure
inguérissable. » La narratrice nous entraîne ensuite vers Flush, l'épagneul dont Virginia
Woolf a fait un livre – en fait « un manifeste en faveur des faibles et des sans-voix » –, puis vers
Kiki la doucette, la chatte philosophe de Colette, ou vers les poules bizarres de Flannery
O'Connor. Et puis, en toute fin de récit, il y a la mémoire de cette scène glaçante sortie de
l'enfance de la narratrice, qui montre comment le métier d'artisan des mots peut naître
d'une révolte solitaire contre l'arrogance et le chacun pour soi. Geneviève Brisac, en
gracieuse funambule, dit qu'elle écrit pour ne pas tomber. Et ça nous bouleverse.
Marie Chaudey
Elle, 27 avril 2012
Un Brisac au poil ! Si j’avais un chien, je l’aimerais comme j’aime ce livre.
Sans retenue et peut-être même sans trop savoir pourquoi… Dans ce livre grave et loufoque,
Geneviève Brisac convoque des pies, des rats, des pingouins, un lapin nain, une ménagerie
de ménagère. À la manière des hamsters, elle tourne ensuite sa plume. En cage, elle râle, elle
peste. Ah, ces bestioles ! Elle aimerait les aimer, mais ça coince, les couinements, les puces !
Les enfants, eux, aiment les caniches, les poissons d'aquarium, ils ne savent pas que, à
l'image de la vie, ils sont plaisir au début et bien vite une charge. Si Brisac s'invite au bal des
animaux c'est pour mieux avouer sa difficulté d'être femme, d'être tout simplement. « Ne
vivons pas comme des grenouilles apeurées », écrit-elle. Se tenir debout sur ses deux pattes,
voilà son ambition ; mais comme c'est fatigant ! À quatre pattes, vivre serait plus facile.
Brisac se souvient alors de la révolutionnaire Rosa Luxemburg qui prit le temps de
recoudre l'ourlet de sa robe avant d'être assassinée. Digne, oui, il faut rester digne, aussi
digne qu'un pingouin. L'existence est une glissade. Brisac dérape avec élégance. Son écriture
a du chien.
Philippe Trétiack
Gré City Local News, 2 mai 2012
Moi, j’attends de voir…
Derrière la couverture colorée et lumineuse du livre, on entre dans une véritable arche de
Noé, de personnages décadents, bornés, mais aussi un peu sensibles. La narratrice s’y fait
intime, légère et très grave à la fois, pour décrire, en plusieurs textes courts, l’univers qui
l’entoure. Sa femme de ménage. Son fils. Les pies. Ce qu’on retiendra : l’humour et la
pertinence des mots de Geneviève Brisac.
Internet
France5.fr, 18 avril 2012
Au début, il y a les animaux. Comme dans la chanson du film de Kubrick, 2001, l’odyssée
de l’espace, qui compte tant pour Geneviève Brisac, une chanson du Déluge et de l’Arche :
the Animals Went Into by to, ah ah ! C’est eux qui ont fait naître son désir d’écrire ce
roman sur la révolte. Comment, que l’on soit bête ou homme, s’arme-t-on contre l’idiotie,
les pouvoirs, la cruauté, la violence ?
Voilà donc, par ordre d’apparition : Céleste, la femme de ménage qui veut un aspirateur, un
peu de raison dans la maison et envoyer l’auteur à la campagne ; une pie qui volète un peu
seule sur le balcon ; Nelson, le fils rebelle qui ne peut pas saquer Colette et recueille le rat
de laboratoire frileux de son ami Jean-Pierre installé à demeure devant l’Hippopotamus. À
qui et à quoi s’ajoutent des tas d’autres personnages, hommes ou bestioles, familiers ou
légendaires.
Tout un monde de liberté à conquérir, d’ourlets défaits, de buffles qui pleurent, de chats
aveugles, de filles cruelles et inconscientes. Toute une arche de Noé, urbaine,
contemporaine, joyeuse, courageuse, décidée à habiter notre humaine condition envers et
contre les saboteurs de tous poils.
Écrit avec cet alliage de légèreté et de gravité qui fait sa patte, Moi, j’attends de voir passer un
pingouin illustre merveilleusement la devise de l’auteur : "mélanger ce qui fait rire et ce qui
fait pleurer".
Télévision
France 5, La Grande Librairie, François Busnel, 19 avril 2012
http://www.france5.fr/la-grande-librairie/?page=emission&id_article=6508
Radio
France Inter « La librairie francophone », 24 avril 2012
France inter, « L’humeur vagabonde », 23 avril 2012
Une femme, assise à son bureau, écrit, rêve, écoute philosopher Céleste, sa femme de
ménage, et regarde voleter une pie sur son balcon. C’est un écrivain. Si elle ouvre la radio,
elle entend des discours préfabriqués. Si elle marche dans les rues, elle voit des solitudes, des
douleurs, de l’indifférence. Et cela la fait sans cesse trébucher. Pleine de bonne volonté, elle
tente de transmettre à son fils, Nelson, ce qu’une bonne mère est supposée transmettre.
Mais lui, ce qu’il aime, c’est vivre des aventures. Du genre, justement, de celles qu’adore
écrire un écrivain. Alors elle met de côté, courageusement, ses doutes, ses angoisses, et,
oubliant, une fois de plus d’aller acheter un aspirateur à Céleste, elle part à la recherche du
mode d’emploi de la vie, la main dans celle de son fils.
C’est gai et triste tout à la fois, plein de tendresse et de cruauté, d’optimisme et de
mélancolie, on y croise Kafka, Perec, Virginia et Rosa, des chats de toutes les couleurs, des
photos à imaginer, Didon et Jonathan Safran Foer, Gauguin, Van Gogh et un rat blanc.
Moi, j’attends de voir passer un pingouin, […] avec une belle couverture signée Nadja, […] est
croyez moi, exactement le livre qu’il vous faut pour vous remettre de cette étrange soirée
d’hier, entre pluie et soleil, et pour affronter avec courage les quinze jours à venir.
Geneviève Brisac, étonnante raconteuse d’histoires, sait mettre les mots qui font mouche
sur ces choses de la vie que nous n’osons plus nommer.
Kathleen Evin
France culture, « Un autre jour est possible », le 19 avril 2012
France culture, « Pas la peine de crier », 18 avril 2012
Elle attend de voir passer un pingouin. Autrement dit, pour les latitudes qui la concernent,
la météo, la faune et la flore qui semblent êtres celles de son quotidien, elle attend quelque
chose qui risque de ne pas arriver. Un petit climat de désolation plane malgré l’espoir de
cette apparition, sur les textes courts réunis autour d’une narratrice dont le fils s’appelle
Nelson, et dont la femme de ménage s’appelle Céleste. Deux grandiloquents qui s’ignorent
à peine. C’est le roman d’une difficulté de passation. D’une petite panne d’élan.
L’illustration du constat kafkaïen qui ouvre les pages « La vie est une diversion permanente
qui ne conduit pas même à une réflexion sur ce dont elle distrait ». Assise à son bureau en
compagnie des pies, ou devant un parterre de fidèles à la maison des peuples, la narratrice
semble se livrer à un monologue pas si joyeux que ne le sous-entend la quatrième de
couverture. Des figures de haut vol, il y en a pourtant dans son cœur et dans son panthéon,
Rosa Luxembourg, Virginia Woolf. Que peut-elle inscrire de nouveau sur sa page sinon les
raconter, elles et leurs révoltes ?
Blog
Paperblog, 9 juin 2012
De facture avenante, fraîche et (apparemment) candide, le nouveau roman de Geneviève
Brisac crie ces révoltes répétées du quotidien, qui sous la plume de l'écrivain prennent
subtilement un tour existentiel.
Entamant avec le lecteur une conversation à bâtons rompus pétrie de références livresques,
d'observations linguistiques, psychologiques, philosophiques, zoologiques… la narratrice
prend à témoin une galerie de personnages courageux et marquants, tels Walter Benjamin,
Rosa Luxembourg, Rosa Bonheur, Doris Lessing, Virginia Woolf… et s'interroge sur les
lignes directrices de nos existences terrestres.
La conversation est coupée de dialogues terre-à-terre avec Céleste, la femme de ménage et de
requêtes de Nelson, son fils, qui manifeste 'la sagesse inquiétante des enfants qui ont pris tôt
l'habitude de veiller sur des grandes personnes fragiles."
Conclu d'un autoportrait poignant, ce petit livre sincère et charmant et charmant propose
plusieurs niveaux de lecture, nous invitant, si bon nous semble, à suivre l'écrivain en son
émouvante fragilité.
Généreuse Geneviève Brisac.
Apollinee

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