Inceste fraternel - AP-HM
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Inceste fraternel - AP-HM
Juin 2011 1 L’INCESTE FRATERNEL Aurélie MAQUIGNEAU L’inceste fraternel est une problématique encore bien peu explorée. Lorsque le sujet de l’inceste est abordé, il l’est le plus souvent sous le versant du père incestueux, quelques fois du côté maternel et plus rarement dans la relation fraternelle. Longtemps la société a tenté de garder sous silence ces relations entre frère et sœur, prétextant le plus souvent une « curiosité sexuelle » ou une « exploration mutuelle ». Les données de la justice ne permettent pas non plus d’aborder cette problématique au niveau statistique de façon probante. Et les chiffres que nous pouvons trouver dans la littérature nous semblent bien loin de représenter la réalité des faits. Mireille Cyr (professeur au département de psychologie a l’Université de Montréal) s’est particulièrement attachée à la réflexion sur cette problématique. D’après elle, 23% des incestes seraient commis au sein de la fratrie. Les résultats de ses recherches semblent montrer que l’inceste commis par les frères ne se distinguerait pas de celui commis des pères ou beaux-pères en ce qui concerne l’usage de la violence, le toucher sexuel ou l’âge de la victime. L’âge moyen de la victime serait de 8 ans au moment ou les gestes incestueux commencent. La durée moyenne des agressions serait du même ordre que celles agies par les pères, soit un peu plus de 2 ans contre 1 an et demi lorsqu’elles sont agies par les beaux-pères. Toutefois Mireille Cyr tend à prouver que l’inceste fraternel se caractériserait par plus de gestes envahissants que dans les autres types d’inceste. Alors que 35% des pères et 27% des beauxpères incestueux pratiqueraient la pénétration, ce serait les cas pour 71% des frères incestueux. Il semble toutefois qu’il existe des situations différentes ou l’inceste fraternel prend forme. Ces situations se différentient notamment selon l’âge ou le niveau de maturation psychique des protagonistes. Le plus souvent les deux protagonistes sont d’âges proches et leur «relation » prend effectivement la forme de « jeux sexuels ». Alors que vers 3 ou 4 ans, l’enfant découvre son sexe et parfois celui de son frère ou sa sœur. Ils se comparent, s’observent le plus souvent dans un contexte d’indifférenciation psychique. Ce processus fait partie intégrante de leur développement. La position de l’adulte face à ces gestes entre enfants allant le plus souvent de la banalisation excessive à la répression rigide pouvant amener à une « stigmatisation culpabilisatrice ». Plusieurs éléments semblent étayer cette situation à un âge plus avancé : tout d’abord l’accessibilité du fait que les deux sujets se connaissant bien, ce qui permet d’éviter le risque d’être confronté au refus, qui facilite cette voie et répond à la curiosité. De ce fait le rapprochement, la complicité se lient, ainsi que l’attirance pour celui que l’on connait. « La relation se tient dans le registre d’un passionnel intensifié par le jeu entre le proche et le différent, un très proche à peine différent, dans la logique amoureuse adolescente de la découverte de soi à travers un autres qui est un autre soi-même » (Helène Parat) Mais il ne s’agit plus de curiosité sexuelle dès lors que les gestes sont répétés, insistants, intrusifs...qu’une relation de « couple » se crée. Les enjeux de pouvoir peuvent prendre forme également dans la relation comme la rivalité, la haine... Cette relation amoureuse incestueuse ne serait à confondre avec l’acte sexuel entre un ainé et son cadet lorsque la différence d’âge et/ou de maturation psychique entre les Juin 2011 2 protagonistes est plus importante. L’acte incestueux prenant ici le plus souvent la forme d’un acte initiateur de l’ainé sur sa sœur plus jeune. Les niveaux de sexuation et de maturation des sujets sont ici différents. Ce qui sera génitalisé pour l’un ne le sera pas encore pour l’autre. Cette situation nous amenant à réfléchir sur la dimension pédophilique de l’acte incestueux.