LEXIQUE DE LA PASSION D`AUVERGNE

Transcription

LEXIQUE DE LA PASSION D`AUVERGNE
1
LEXIQUE DE LA PASSION D'AUVERGNE
Jean-Loup RINGENBACH
Un Mystère de la Passion fut représenté à Montferrand en Auvergne en 1477. Des sept
journées qu’il comprenait, seules deux ont été conservées dans le manuscrit Paris, B.N., nouv.
acq. fr. 462, publié par Graham A. Runnalls en 1982 sous le titre La Passion d’Auvergne.
Comme presque tous les mystères, celui-ci présente dans une cohabitation surprenante deux
types de discours : celui de l’édification des spectateurs (prières, prédications, exhortations,
sermons moralisateurs, développements théologiques et mystiques, lamentations) et celui du
divertissement (diableries, intermèdes musicaux, danses, jeux, tirades cruelles des bourreaux,
boniments des marchands, etc.). Quant à la langue du mystère, elle se caractérise par l’emploi
d’un bon nombre de termes régionaux de Basse-Auvergne (Clermont-Ferrand et ses
environs). Ce texte de 4588 vers a fait l’objet d’une saisie intégrale, effectuée par les services
de l’Institut National de la Langue Française (INaLF), en vue de la rédaction du Dictionnaire
du Moyen Français (DMF). Le lexique que nous présentons, de même que les autres lexiques
de moyen français déjà publiés ou en cours d’élaboration, était à l’origine destiné à fournir
des données aux rédacteurs du DMF. À la suite d’un changement d’orientation, il a été décidé
que ces lexiques feraient l’objet d’une publication à part entière, sur supports papier et
électronique.
Le lexique de la Passion d’Auvergne prend en compte tous les mots du texte, à
l’exception des noms propres, des mots grammaticaux (articles, pronoms, prépositions,
conjonctions) et des mots étrangers : mots latins (figurant essentiellement dans les indications
scéniques), auvergnats (dans un intermède comique d’environ 70 vers), hébreux et araméens.
Dans ce lexique, qui contient environ 1850 entrées, on a essayé de rendre compte du plus
grand nombre possible de faits linguistiques en signalant les termes techniques relevant de
différents domaines (théologie, philosophie, droit, théâtre, chasse, pêche, jeu, etc.), les termes
et emplois régionaux (alloger, cacabus, greuse, lipeux, neuse, poli, repaire, revenir, semener,
terretremble...), les mots rares et les hapax (appetible, artumiste, desfarde, impermanable,
roser...), les prédatations de mots ou de sens (gars, hemorroïsse, inurbain, mal-jugé, oublier,
patac, preparer, prince, sentir, sucré, troublis...), les éléments phraséologiques (formules
d’affirmation, de serment, de salutation, de souhait, de menace ; jurons, insultes), les
interjections, onomatopées, expressions de valeur minimale, superlatifs, comparaisons,
proverbes, expressions populaires, etc. Quelques constantes apparaissent dans le texte, comme
par exemple l’emploi au sens figuré de noms d’aliments ou de monnaies pour désigner des
coups (figue, gasteau, noix, oeuf, poire ; blanc, patac), ou le glissement sémantique du champ
de l’habitation à celui de la compagnie (heberger, loger, logis, maison, repaire). Parmi les
traits distinctifs de la Passion d’Auvergne que mentionne l’éditeur en introduction, p. 18-21,
on pourrait ajouter un procédé stylistique récurrent, l’emploi de «répétitions paronymiques à
lien sémantique et étymologique» (formule empruntée à Madeleine Frédéric, La Répétition.
Étude linguistique et rhétorique, Tübingen, 1985, p. 138) ; faute de pouvoir figurer dans le
corps du lexique, la liste en est donnée ici : courir et decourir, finer et definer, gouster et
degouster, jeter et dejeter, prier et deprier, clamer et reclamer, assené et dessené, mespriser
et despriser, diffamer et infamer, le nom et le renom. Au-delà de l’aspect purement
linguistique, de nombreux termes ont été accompagnés de remarques de caractère historique,
encyclopédique ou littéraire. Pour beaucoup d’exemples, on a jugé utile de mentionner la
référence au passage biblique auxquels ils se rapportent.
2
Dans un souci d’exigence philologique, il a été tenu compte des lectures et des
définitions proposées dans des éditions partielles antérieures (Albert Dauzat, Morphologie du
patois de Vinzelles, Paris, 1900, p. 243-264 ; Émile Roy, Le Mystère de la Passion en France
du XIVe au XVIe siècle, Dijon-Paris, 1905, p. 359-377 ; Giovanna Angeli, «Un esempio di
bilinguismo nel teatro francese del Quattrocento» in Testi e interpretazioni, Milano-Napoli,
1978, p. 3-35) et dans quelques-uns des comptes rendus sur la Passion d’Auvergne (Gilles
Roques, Zeitschrift für romanische Philologie 99, 1983, p.519-521 ; Helmut Stimm,
Zeitschrift für französische Sprache und Literatur 94, 1984, p. 193-197 ; R. Anthony Lodge,
Revue de Linguistique romane 47, 1983, p. 503-506 ; Albert Gier, Vox romanica 42, 1983,
p. 331-332). En outre, un collationnement avec le manuscrit, consulté sur microfilm, a permis
à l’auteur du lexique de corriger les erreurs de l’édition et de restituer un vers oublié entre les
vers 2960 et 2961, à la p. 215 : «Or veez cy le tiltre Jhesus». On ne signalera ici que les
erreurs les plus importantes :
Édition Runnalls
page vers
92
110
113
128
146
156
163
164
166
169
171
172
194
205
216
219
232
232
240
252
253
256
257
275
122
575
661
1025
1463
1700
1840
1847
1910
1979
2013
2029
2535
2764
2983
3073
3390
3409
3561
3858
3876
3977
3994
4428
fault
nobles, vilains
foschera
de mon enfant
avec
la bien
de rans
de remercie
mes cas
et contre moy
sur sang
nous nous
en ton advis
guaigné
ton bonté
precieux sang
ta pance
ce n’est
malencolie
le croix
permission
en bien
vostre ami
vous deffendre
Manuscrit
fait
nobles et vilains
preschera
a mon enfant
aver
le bien
te rans
te remercie
mes cris
contre moy
son sang
nous vous
a ton advis
guaignhee
ta bonté
precieux sain
ta presance
ce m’est
malenconie
la croix
promission
au bien
vostre ame (?)
nous deffendre
Les normes retenues pour la rédaction de ce lexique sont celles du DMF. La
lemmatisation a été opérée en vue de la commodité du lecteur : on s’est rapproché de la
graphie moderne des mots. Dans les exemples, les coupures sont marquées par des points de
suspension entre parenthèses, et des crochets droits permettent d’introduire un commentaire
ou une traduction, de mentionner un antécédent en cas d’anaphore ou d’indiquer une lecture
différente. Les corrections proposées à la ponctuation de l’édition sont signalées ainsi : signes
3
supprimés entre parenthèses, signes ajoutés ou substitués entre crochets droits. Pour plusieurs
mots de grande fréquence, on a utilisé, en les adaptant, les canevas d’articles élaborés par
Robert Martin et d’autres rédacteurs (aller, avoir, bien, bon, cuider, Dieu, dire, estre, faire,
gens, grand, pouvoir, savoir, tenir, venir, voir, vouloir).
Jean-Loup RINGENBACH