L`AGRICULTURE EN INDE Cinq types d`agriculture On peut classer

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L`AGRICULTURE EN INDE Cinq types d`agriculture On peut classer
L’AGRICULTURE EN INDE
nourriture de base (sorgho, mil à chandelle (bajra), éleusine), pois et
oléagineux ; l'ensemble est parfois semé en cultures associées sur le
même champ. Même avec l'apport occasionnel de quelque engrais
chimique, les rendements sont bas, inférieurs à 10 q/ha, et ce n'est pas
une éventuelle culture commerciale comme l'arachide ou le coton qui
peut apporter d'importants revenus complémentaires. Sur les terres
non cultivées des plateaux, trop caillouteuses, paissent les bovins et
les buffles, ainsi que des troupeaux de chèvres ou de moutons qui
empêchent toute repousse arborée mais dont la vente permet de faire
la soudure, associée aux envois d’argent des migrants que leur
famille a envoyés en ville.
La riziculture inondée
Cinq types d'agriculture
On peut classer les types d'agriculture en Inde en fonction de leur
productivité par unité de surface. Des densités de population
proportionnelles leur correspondent grossièrement, mais non de façon
stricte.
L'agriculture sur brûlis
Les montagnes (Himalaya, certaines parties des Ghâts), mais aussi de
hauts plateaux sont encore exploités de cette façon, quand l'isolement
du milieu se double du caractère souvent non hindou de la
population1. Dans le sud du Bihar (G. Étienne, 1995), dans les hautes
collines du Chotanagpur arrosées par 1200 -1500 mm annuels, vivent
vers 800-1100 m d'altitude les aborigènes Pahariya. A une quinzaine
de kilomètres de la première route carrossable, ils habitent des
hameaux au milieu de la jungle qu'ils brûlent pour pratiquer le jhum
(culture itinérante sur brûlis) : au milieu des troncs calcinés, ils
sèment à l'aide d'un bâton à fouir du maïs, des pois et haricots, du
sorgho (jowar), parfois de la moutarde. Après trois années de culture,
la terre est laissée en jachère pour une dizaine d'années, et l'on va
défricher plus loin. Au total, environ 4 mois de nourriture sont ainsi
assurés. Le reste de l'année, il faut compter sur la chasse (avec arc et
flèches) et sur la cueillette en forêt. Mais le gibier se fait de plus en
plus rare, la croissance démographique oblige à réduire le cycle de la
jachère (qui atteignait 20 ans jadis), et seuls les villages à proximité
de vallées où peut être pratiquée la riziculture échappent à la sousnutrition. Pris en tenailles entre l'administration chargée de la
protection de la forêt et les influences du monde d'en-bas hindouisé
des riziculteurs, ce mode de mise en valeur extensif semble
condamné à brève échéance.
Au-delà de 1 200 mm annuels, on peut pratiquer la riziculture en se
contentant de collecter les eaux de mousson sur des champs en
terrasses horizontales, limitées par des diguettes. En ouvrant ou non
des brèches dans ces diguettes, on parvient à gérer tant bien que mal
le niveau de l'eau pour que le riz dispose de la lame d'eau adéquate
(environ 10 cm de profondeur). Aux premières pluies, on attelle
bovins ou buffles à l'araire pour labourer la rizière. On prépare aussi
la pépinière (sur environ 1/10e du champ) où sont semées, parfois
après fumure, des graines conservées sur la dernière récolte (ou plus
rarement achetées à un marchand de semences ou à la coopérative
locale). Trois semaines après les semailles, on arrache avec
précaution les plants pour les repiquer dans le champ préalablement
mis en eau. Six ou sept mois plus tard, c'est la moisson à la faucille
du riz tardif, cultivé dans les fonds de vallée les plus humides. Le riz
hâtif, qui lui n'a besoin que de 4 ou 5 mois pour arriver à maturation,
est plutôt semé à la volée, sans repiquage, sur les versants moins
inondables.
Dans le Chotanagpur déjà cité, les versants des plus hautes collines
peuvent en fait être mis en valeur selon les trois types de système de
culture : dans le fond de vallée, une riziculture inondée pour des
rendements en paddy2 de 15 q/ha. Sur les hauts de versant non
inondables, de l'agriculture pluviale « sèche » de millets (7 q/ha), riz
ou protéagineux. Sur les sommets enfin, l'agriculture sur brûlis.
Ainsi, sur un même terroir peuvent coexister différents systèmes de
culture. La variété n'en est que plus frappante quand en plus est
utilisée l'irrigation.
L'agriculture pluviale sédentaire
Elle se pratique sur des champs permanents, le plus souvent sans
autre jachère que celle de la saison sèche. La possession de bétail
permet en effet de maintenir un assez bon niveau de fertilité en
fumant les champs. Dans bien des régions d'Inde centrale, entre
environ 500 et 1 200 mm de précipitations, on ne peut sans irrigation
compter que sur les pluies pour faire pousser, après 3 ou 4 labours à
l'araire (de bois ou de plus en plus de métal), des millets qui sont la
1
82 % des Indiens sont de religion hindoue. Les Musulmans
représentent la plus forte minorité (12 %, soit 102 millions en 1991),
tandis que les populations aborigènes ne représentent que moins de 0,4 %
de la population : ces « tribaux » sont encore souvent de religion
animiste, bien que de plus en plus hindouisés.
L'agriculture irriguée
« L'irrigation proprement dite se définit par le déplacement de l'eau
dans le temps ou dans l'espace selon un ensemble de techniques
entièrement artificielles, qui n'ont pas les mêmes effets dans l'espace
2
« Paddy » : riz non encore décortiqué (cette opération lui fera perdre environ
un tiers de son poids).
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et dans le temps » (F. DurandDastès, 1995, p. 318). Les petits
réservoirs
villageois
(tanks)
formés par un barrage peu élevé «
assurent
des
corrections
temporelles et spatiales modestes
» (ibid.) étant donné qu'ils sont
souvent vides dès le milieu de la
saison sèche et que la surface
irriguée reste faible. A l'inverse,
un grand barrage comme le
Krishnarajasagar au Karnataka,
barrant depuis 1932 la Kaveri,
irrigue plus de 70 000 ha qui
peuvent supporter une culture de
saison sèche – pas toujours du riz
il est vrai. Les ouvrages plus
légers bâtis sur le piémont
himalayen ou dans les deltas
côtiers ont un rôle comparable,
puisqu'en partent d'immenses
canaux de dérivation qui peuvent
porter les eaux très loin dans des
zones jusque-là arides.
Tous ces équipements augmentent
la productivité de la terre sur deux
points : d'une part, ils augmentent
les rendements des cultures en
permettant une meilleure gestion
de l'eau, et l'utilisation de
nouvelles variétés gourmandes en
engrais chimiques (la réponse aux
engrais est en effet plus grande s'il
y a irrigation). D'autre part, une
deuxième culture peut souvent
être entreprise en saison sèche, ce
qui tend donc à doubler la
productivité annuelle de la terre3.
L'exemple le plus fameux est celui
de l'ouest de la plaine indogangétique, où l'irrigation permet
de cultiver du blé en hiver, et du
riz en saison des pluies – alors que
celle-ci ne représente même pas
700 mm de précipitations. Quelle
meilleure réponse à la croissance
démographique sur un terroir que
la suppression de la jachère de saison sèche grâce à l'irrigation ? La
production agricole augmente et les besoins en main-d'œuvre aussi.
Deux problèmes seront toutefois à résoudre : d'abord, l'alimentation
du bétail, s'il avait coutume de paître l'hiver sur les chaumes ; enfin,
la gestion de l'eau d'irrigation.
Les ouvrages d'irrigation que l'on a cités ont en effet pour
caractéristique de devoir être utilisés collectivement, avec un
minimum d'entente. Les réserves d'eau sont rarement inépuisables, et
les agriculteurs dont les parcelles sont situées en aval risquent
toujours d'être spoliés par ceux de l'amont, premiers servis. Aussi
maint programme de développement a-t-il échoué car les structures
sociales villageoises n'étaient pas prêtes à une gestion de l'eau
collective et encore moins égalitaire.
D'où l'intérêt de l'irrigation pratiquée de façon privée, par puits. Leur
pouvoir de « correction spatiale » est faible puisqu'ils ne peuvent le
plus souvent irriguer qu'une partie de l'exploitation, mais leur «
correction temporelle » est forte étant donné qu'ils sont alimentés par
une nappe d'eau souterraine. Avantage : l'agriculteur ne dépend pas
d'une organisation qui le domine. Inconvénient : le puits est par
essence un instrument de développement inégalitaire. I1 faut en effet
posséder une terre suffisamment proche, il faut disposer de l'argent
nécessaire au forage et à l'exhaure. Or, même si du crédit
relativement bon marché est disponible dans les banques agricoles, la
baisse de la nappe dans bien des régions oblige souvent à forer de
coûteux puits tubés et à utiliser des pompes submersibles. Cela n'est
pas une gêne pour les agriculteurs aisés. C'est un obstacle souvent
insurmontable pour les petits exploitants.
Les plantations
On classera à part ce dernier type d'agriculture parce qu'il est en
partie le domaine de sociétés capitalistes, publiques ou privées, pour
lesquelles les logiques de fonctionnement sont différentes de
l'agriculture paysanne. On rencontre ces grandes plantations surtout
dans la production de thé (Himalaya oriental), à un degré moindre
dans les fruits (manguiers, raisins). Mais les plantations indiennes ont
plutôt pour caractéristique d'offrir une grande hétérogénéité : la canne
à sucre d'Uttar Pradesh ou les vergers de pommiers des pentes de
l'Himachal Pradesh sont cultivés presque autant par des petits
exploitants que par de grands propriétaires. Dans les Ghâts, les
plantations de café de 150 ha jouxtent les carrés de café de quelques
ares, cultivés par de petits riziculteurs pour lesquels le robusta ne
représente qu'un « café d’autosubsistance ».
Sources des documents : Landy, F., (1996), « Le pari non gagné des
campagnes de l’Inde », in Bonnamour, J., Agricultures et campagnes
dans le monde, Dossier des Images économiques du monde, SEDES,
pp.193-218.
3
On peut également pratiquer une culture qui a besoin d'un an pour
venir à maturation, comme la canne à sucre.
2/4
LE «MIRACLE» PENDJABI
Le seuil qui commence à l'ouest de Delhi est occupé par deux États
de dimension moyenne, le Haryana et le Pendjab, qui se signalent
avant tout par leur poids économique, très supérieur à celui de leur
population. Le Pendjab est souvent pris comme référence, comme
exemple d'une réussite exceptionnelle. Celle-ci, en effet, est d'autant
plus remarquée qu'elle a été acquise en dépit des conflits qui ont agité
la région, en relation avec le problème sikh. Après avoir obtenu en
1966 la création d'un État où ils étaient majoritaires, par la séparation
du Pendjab et du Haryana, les sikhs ont repris depuis les années 1980
une politique de revendications radicales, allant jusqu'à demander
l'indépendance totale pour un État sikh qui s'appellerait le Kalistan.
Terrorisme et répression, phases de conflit ouvert alternant avec des
moments de répit et de négociations ont donc ballotté le Pendjab
pendant quinze ans. Le conflit semble traverser une phase d'accalmie
depuis 1990, mais on peut toujours craindre qu'il reprenne.
La réussite économique du Pendjab est d'abord celle de son
agriculture. Le système de culture. qui fait une large place à la culture
hivernale du blé, associée à une grande variété de cultures kharif et à
celle de la canne à sucre, atteint des niveaux de productivité élevés,
par comparaison avec le reste de l'Inde. La prospérité relative d'une
paysannerie moyenne lui a permis de développer ses achats de biens
d'équipement pour l'agriculture, et de biens de consommation
durables pour les ménages. La présence de cette clientèle a été un
facteur stimulant pour une industrie variée, d'un bon niveau
technologique, qui anime les villes de la région. La proximité de
Delhi et de son marché de capitaux et de consommation, l'électricité
des centrales hydrauliques au pied de l'Himalaya ont été des facteurs
adjuvants d'une industrialisation réalisée par de nombreuses firmes
petites et moyennes, où le secteur public intervient peu — la faiblesse
de cette intervention étant d'ailleurs considérée par les Pendjabi
comme une preuve supplémentaire des mauvais procédés de l'Union
à leur égard.
C'est donc bien le dynamisme de l'agriculture qui sert de base au
système pendjabi. Ce dynamisme tient à une série d'éléments
favorables, associés à des faits de position et d'écologie. En raison
d'une relative sécheresse et de quelques vicissitudes historiques, les
plaines du seuil étaient relativement peu peuplées au moment où les
ingénieurs britanniques conçurent des projets d'aménagements
hydrauliques de grande ampleur, à partir des rivières issues de
l'Himalaya. Ils choisirent de porter leurs efforts sur cette région, dans
la mesure où il leur apparaissait assez facile d'obtenir de bons
résultats pour la mise en valeur agricole par des techniques
relativement peu onéreuses: celle des canaux d'inondation, qui
distribuent les hautes eaux des cours d'eau, puis celle des canaux
pérennes qui ont à leur tête des ouvrages de dérivation plus puissants,
ce qui permet de les alimenter en eau même pendant les étiages
hivernaux, partiellement au moins.
La proximité de Delhi, le désir d'alléger les fortes densités de la
plaine du Gange voisine furent d'autres arguments en faveur de
travaux qui firent du seuil Indogangétique un espace pionnier
colonisé systématiquement, comme le montrent souvent les contours
réguliers des parcelles. Cette colonisation fut menée avec le souci
d'ajuster la population aux ressources, de limiter les densités
agricoles, ce qui explique que de nos jours encore les États du
Pendjab et du Haryana sont ceux où les exploitations moyennes
tiennent la plus grande place, tant en nombre qu'en superficie.
Minifundia et «grandes» propriétés y comptent moins qu'ailleurs en
Inde. Une' séquence historique assez particulière a donc doté ces
États d'une structure sociodémographique favorable à une nouvelle
expansion, grâce à la solidité d'une paysannerie moyenne capable
d'investir.
À cet héritage du front pionnier sont venus s'ajouter les effets d'une
politique d'aménagement efficace, menée depuis l'indépendance, qui
prolonge celle de la période antérieure et en accentue les effets. En
substituant aux simples barrages de dérivation des Britanniques des
barrages-réservoirs à la sortie de l'Himalaya, destinés à la fois à
produire de l'électricité et améliorer l'irrigation, on a pu rendre
pérennes tous les canaux existants et étendre la superficie des zones
irriguées, notamment en direction des régions les plus sèches,
éloignées de la montagne. Le complexe de Bakhra-Nangal comporte
des barrages-voûtes gigantesques, qui furent un temps considérés
comme des symboles majeurs de la politique d'industrialisation et de
modernisation de l'Inde indépendante.
Certains auteurs insistent également sur le fait que les populations du
Pendjab et du Haryana comportent des groupes qui font preuve
depuis longtemps d'un esprit d'entreprise remarquable. C'est la cas
des membres de la caste des jdt, et aussi des sikhs, dont beaucoup en
proviennent. Les sikhs ont émigré vers le reste de l'Inde et dans le
Monde entier, ce qui a d'ailleurs renforcé la paysannerie moyenne,
puisque le départ des cadets a évité le partage des terres. Le rôle des
minorités socioreligieuses dans la vie économique de l'Inde incite à
penser que cette explication ne manque pas d'intérêt. Il en existe
d'ailleurs d'autres exemples dans le Monde.
Les villes ont partout profité de la modernisation agricole de la
région.
Source des documents : Durand Dastès, F., (1995), Géographie Universelle :
Monde Indien, Belin, Reclus.
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LA REVOLUTION VERTE
La nouvelle politique céréalière repose sur la mise en oeuvre du
paquet technologique de la Révolution Verte mis au point dans les
Centres Internationaux de Recherche Agronomique (CIRA) et adapté
aux régions fertiles du bassin du Gange par les agronomes indiens,
sous la houlette du prestigieux M.S. Swaminathan. La combinaison
de variétés à haut rendement, d'engrais et pesticides et d'irrigation
exige une maîtrise des approvisionnements en intrants, assurée par
les Pouvoirs publics. Une industrie nationale des engrais est
développée dans le contexte global de la planification industrielle et
ramène progressivement la part des achats de produits industriels
importés à environ 20 % de la consommation en 1990/91. L'Inde
demeure, malgré tout, le premier importateur mondial d'engrais
phosphatés et potassiques. Produits dans le pays ou importés, les
engrais sont, à force de subventions publiques, mis à disposition à
bas prix à la porte de la ferme. De même, l'usage de l'eau bénéficie
d'un soutien par le biais de subsides à l'électricité ce qui favorise
l'utilisation de pompes individuelles.
Le dispositif assurant la croissance de la production est assorti de
mesures d'accompagnement relatives à la régulation du marché
intérieur et au régime extérieur. A l'intérieur, un prix de soutien est
garanti par l'État aux producteurs, pour la totalité de la production,
s'ils le souhaitent. Par ailleurs, les Pouvoirs publics procèdent à des
achats, à un prix au moins égal au prix de soutien et sans limites de
quantité. Les producteurs sont donc libres de leurs ventes, soit à
l'État, soit sur le marché libre, et fondent leurs décisions sur les
rapports des prix et la sécurité de livraison.
Les stocks publics ainsi constitués par une institution spécialisée
(Food Corporation of India) sont cédés aux fins de redistribution, sur
la base d'un prix inférieur au cours du marché libre de détail, la
différence entre les prix d'achat à la production et de cession à la
consommation étant couverte par le budget de l'État. La marchandise
est mise à la disposition des consommateurs à travers un réseau de «
Boutiques à Prix Correct » (Fair Price Shops), réparti sur l'ensemble
du territoire et géré par le Public Distribution System (PD S).
L'ensemble du dispositif de régulation interne suppose un régime
extérieur strictement contrôlé. En effet, les prix institutionnels
agricoles et alimentaires sont nettement inférieurs aux cours
mondiaux et supposent protection. Par ailleurs, les stocks publics
constitués par des achats internes sont, autant que nécessaire,
complétés par des achats sur le marché international, aux meilleures
conditions possibles, c'est-à-dire de préférence quand les cours sont
bas.
prise en compte de cette situation va, à la fin des années 8o, mener
les Pouvoirs publics indiens à concevoir une Révolution Jaune.
LA REVOLUTION JAUNE OLEAGINEUSE
Les matières grasses végétales tiennent une place considérable dans
la ration lipidique des Indiens. Certes, elles n'ont pas le prestige du
beurre clarifié (le « ghee ») à la fois aliment et médicament mais elles
sont moins coûteuses et sont essentielles pour la consommation de la
plus grande masse. Elles sont également attractives pour les
représentants d'une classe moyenne en constitution, tentée par des
standards de vie à l'occidentale.
Or, depuis le milieu des années 70, le bilan oléagineux de l'Inde est
de plus en plus déficitaire. La croissance de la production est très
faible, elle repose sur une gamme limitée d'espèces, principalement le
colza et l'arachide, cultivés dans de mauvaises conditions, loin des
schémas techniques modernes. La demande intérieure croissante est
d'autant plus satisfaite par les importations que les prix
internationaux sont bas. Il n'empêche que la satisfaction des besoins
est socialement très inégale, alors que la facture extérieure ne cesse
de s'alourdir. L'Inde devient d'ailleurs, dans le courant des années 8o,
le premier acheteur mondial d'huiles végétales.
On va alors penser que si la stratégie d'autonomie a réussi pour les
céréales, mais également pour le sucre, voire le lait, une politique
analogue peut répondre aux problèmes oléagineux. Le secteur est
inscrit au rang de priorité nationale en 1986/87 (avec l'eau potable,
les télécommunications, la vaccination et l'alphabétisation) et la
Mission Technologique Oléagineuse, chargée d'intervenir sur
l'ensemble de la filière, des semences au conditionnement de l'huile,
vise résolument l'autonomie.
La Mission est un programme de diversification et d'intensification
d'une assez vaste gamme d'espèces (arachide, sésame, colza,
moutarde, lin, ricin, niger, tournesol, carthame, soja), dans des zones
plus ou moins difficiles, avec appui financier et technique aux
producteurs, en particulier les plus pauvres. A la différence de la
politique céréalière, l'action n'est pas orientée vers les zones les plus
fertiles et la plus haute technicité, mais répond à un souci de
développement plus massif socialement. L'encadrement économique
est complété par une mobilisation d'expertise de tous les acteurs de la
filière sous le « contrôle » des Pouvoirs publics, plus « catalyseur
qu'acteur ».
Le bilan est notable. En cinq ans, la production s'accroît assez pour
que la facture importatrice soit divisée par cinq. Dans le même
temps, des exportations de tourteaux de soja et de graines de sésame
sont initiées, à telle enseigne que le solde d'ensemble du secteur
devient positif à partir de 1989/90, ce qui modifie considérablement
la place de l'Inde à l'international, même si le pays reste importateur
d'huile. Ces évolutions retiennent d'autant plus l'attention que, avec la
décennie 90 et la libéralisation de l'économie, vont prendre place les
premières exportations céréalières notables.
Source : Chominot, A., (1997), « L’Inde céréalière à l’international »,
in chambres d’agriculture, supplément au n° 861.
Le bilan de cette politique est remarquable du point de vue de la
progression de la production : 8o millions de tonnes de céréales au
début des années 60, 190 millions de tonnes en 1995 Le volume de
riz produit passe de 4o à 8o millions de tonnes, celui du blé de 20 à
65 millions. Dans le même temps, l'Inde disparaît du marché
international à l'importation. Compris entre 3 et 10 millions de tonnes
dans les années 60, les achats extérieurs cessent à la fin de la
décennie suivante ; seuls quelques millions de tonnes viendront
compléter les stocks tampons au début des années 80. La dépendance
extérieure a été rompue.
Toutefois, si l'Inde produit assez de blé et de riz vingt ans après le
lancement de la Révolution Verte, elle demeure largement déficitaire
en oléagineux pour assurer un apport lipidique satisfaisant à
l'ensemble de la population et ceci n'est pas indépendant de cela. La
(source : Durand Dastès, 1995)
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