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Traitement conservateur et chirurgical des
talalgies et aponévrosites plantaires
Dr Marino DELMI
Chirurgie orthopédique – Chirurgie du pied et de la cheville
Clinique des Grangettes – 1224 Chêne-Bougeries/Genève – Suisse
Médecin associé - Clinique d’Orthopédie – CHU Genève/ Suisse
Résumé
_______
Les talalgies représentent une entité mal définie, avec de très nombreuses étiologies,
certaines très rares et d’autres extrêmement fréquentes.
Leur traitement en est d’abord conservateur, amenant à un net soulagement ou à une
guérison chez 80 à 90% des patients. Il faut toutefois savoir que l’évolution peut être longue,
et tant le patient que son médecin doivent en être conscients, au risque d’aller vers le
découragement. Plusieurs modalités thérapeutiques sont présentées et discutées, la
chirurgie étant nécessaire chez environ 5 à 10% des patients, toutes étiologies confondues.
Si l’indication est soigneusement posée, la libération chirurgicale donne 90% de résultats
favorables dans les cas rebelles de compression de la première branche du nerf plantaire
externe et de fasciites plantaires.
Summary
_______
The heel pain syndrome is a poorly defined entity with numerous etiologies; some of them
are very rare while others are extremely frequent.
The treatment is first conservative and carries out good results in 80 to 90% of the patients.
It must however be stressed that the healing process can take a long time and both the
patient and his doctor must be aware of that. Several therapeutic modalities are presented
and discussed. Actually, surgery is necessary in some 5 to 10% of the patients, all etiologies
considered. If the diagnostic is carefully established, the surgical release gives favorable
results in 90% of the entrapment neuropathies and recalcitrant plantar fasciitis.
ETIOLOGIES et TRAITEMENT
Les étiologies sont multiples et certaines sont indéniablement rares, voire très rares, et
d’autres très fréquentes : atrophie du panicule adipeux, fasciite plantaire, compression de la
1ère branche du nerf plantaire externe, voire fracture de fatigue.
L’incidence de l’atrophie du panicule adipeux [17,24] augmente avec l’âge mais cette
pathologie peut également être la conséquence d’un traumatisme direct, comme la chute
d’une grande hauteur avec réception sur le talon ou des lésions de cisaillement. Le plus
fréquemment, il s’agit d’un état dégénératif chronique dû au vieillissement. Des microtraumatismes à répétition sont souvent retrouvés. Le traitement en est évidemment
strictement conservateur, avec des souliers à talons amortissants, comme c’est le cas de la
plupart des chaussures de sport, et des talonnettes amortissantes. Celles-ci existent en de
multiples variantes de forme, d’absorption, de qualité et d’efficacité [19]. Le thérapeute doit
en général se limiter à une ou deux marques qu’il connaît et dont l’efficacité a été prouvée.
Les talonnettes avec évidement pour « épine calcanéenne » sont plus chères mais
n’apportent strictement aucun avantage comme nous le verrons plus tard.
Les coalitions du tarse ne sont pas rares, touchant environ 5% de la population. La plupart
du temps, elles sont asymptomatiques mais peuvent parfois se décompenser, y compris
chez l’athlète, en raison de sollicitations exagérées. La synostose sous-astragalienne est la
plus fréquente et le diagnostic - s’il peut être soupçonné sur une radiographie de profil de
l’arrière-pied - est en général posé sur la base du CT-Scan, dans le contexte clinique d’un
pied plat rigide. Le traitement vise également à amortir les chocs et des anti-inflammatoires
non stéroïdiens peuvent être nécessaires pendant quelques jours. En cas de persistance
des douleurs, une immobilisation par botte plâtrée pendant 4 à 6 semaines se révèle
souvent décisive et permet d’éviter l’intervention chirurgicale. Celle-ci varie en fonction de la
localisation de la coalition. Une synostose sous-astragalienne chez l’adulte va pratiquement
toujours nécessiter une arthrodèse sous-astragalienne, l’excision simple étant souvent
décevante en dehors des enfants ou des adolescents [21,23]. Cette intervention entraîne
souvent une limitation des activités sportives, en tout cas chez l’athlète professionnel. En
cas de synostose calcanéo-scaphoïdienne, pratiquement aussi fréquente que la synostose
sous-astragalienne, il est par contre tout à fait indiqué d’en proposer la résection, même
chez l’adulte. Là, les résultats sont meilleurs et permettent très souvent la poursuite d’une
activité sportive, même intense [8,10].
2.
La fasciite (ou fascéite) ou aponévrosite plantaire est un diagnostic fréquent de douleurs
sous le talon, L’aponévrose ou fascia profond plantaire est une structure amortissant les
chocs lors de l’appui au sol puis du déroulement du pied. Des micro-traumatismes répétés, à
son origine sur la tubérosité calcanéenne médiane, entraînent des micro-déchirures de
l’aponévrose et des fractures de fatigue de son insertion [26,27]. La physiopathologie en est
comparable à celle de l’épicondylite. Les ruptures aiguës sont également possibles chez
l’athlète, mais très rares et souvent associées à un traitement antérieur aux corticostéroïdes
[1,29]. A l’examen histologique, on retrouve une augmentation de l’épaisseur de
l’aponévrose, avec des images de dégénérescence mucoïde et fibrinoïde. On retrouve
parfois des calcifications, une métaplasie cartilagineuse et une fibromatose. Le traitement,
toujours conservateur initialement, associe le repos et les anti-inflammatoires, voire
l’immobilisation plâtrée en décharge dans la phase aiguë. Par la suite, des massages
transverses profonds selon la technique Cyriax et des étirements du fascia plantaire et du
tendon d’Achille seront proposés, toujours en association à une semelle amortissant les
chocs.
Des travaux récents font état de l’intérêt des ondes de choc extracorporelles dans le
traitement de ces talalgies, avec des succès de l’ordre de 80%, néanmoins comparables aux
autres traitements conservateurs [13]. Par contre, les ultrasons n’ont pas fait la preuve de
leur efficacité [6].
Les compressions neurologiques se présentent surtout au détriment du nerf tibial
postérieur et de ses branches : nerf calcanéen médian, nerf plantaire interne, nerf plantaire
externe et sa 1ère branche, ou nerf pour le muscle abducteur du 5ème orteil. La
physiopathologie de ces compressions est la même que dans d’autres endroits du corps, la
compression menant à un bloc de conduction et à une rupture des axones. La pression
interstitielle augmente suite à la congestion vasculaire, même à de bas niveaux de
compression, ce qui explique l’apparition de douleurs, sans signes cliniques de déficit
neurologique. Pour la même raison, l’électromyographie peut rester muette dans les
compressions très distales. La récupération nerveuse va dépendre de la durée et de
l’intensité de la compression, la fibrose intra-neurale étant corrélée avec ces deux facteurs.
Une compression fréquente est celle de la 1ère branche du nerf plantaire externe ou nerf
pour le muscle abducteur du 5ème orteil [4, 22,27]. Celui-ci passe entre le muscle abducteur
de l’hallux et le muscle carré plantaire, puis horizontalement entre le muscle carré plantaire
et le muscle court fléchisseur des orteils [27]. Il comporte 3 branches principales, une
sensitive vers l’apophyse interne de la tubérosité calcanéenne, une motrice vers le muscle
ème
court fléchisseur des orteils et une branche mixte vers le muscle abducteur du 5
orteil et
3.
le ligament plantaire longitudinal. La compression se fait entre le muscle carré plantaire et le
muscle abducteur ou le muscle court fléchisseur des orteils, ceci particulièrement en cas de
valgus de l’arrière-pied, fréquent chez les patients hyper pronateurs. Cette compression est
présente chez 15% des patients avec talalgies chroniques et rebelles, plus souvent chez les
athlètes. Elle est souvent associée à une inflammation du panicule adipeux, à une fasciite
plantaire et, rarement, à des fractures de fatigue du calcanéum.
La symptomatologie est marquée par des douleurs du talon, mais surtout de la face interne
de celui-ci, avec comme caractéristique une exacerbation des douleurs lors de la pose du
pied au sol après une période prolongée de repos. Ceci est particulièrement noté le matin au
lever, les patients expliquant qu’ils doivent faire 10 ou 20 pas très douloureux avant que la
symptomatologie ne diminue. La raison de cette exacerbation des symptômes n’est pas
claire, mais le remplissage du plexus veineux calcanéen [11] et la contracture du fascia
plantaire pendant la nuit y participent certainement. La clinique révèle des douleurs à la
palpation de la face inféro-interne du talon, et pas du tout au niveau du tunnel tarsien
anatomique.
Il faut exclure néanmoins une compression plus proximale du nerf tibial postérieur au niveau
du tunnel tarsien, compression en fait extrêmement rare. La surcharge pondérale,
particulièrement chez les patients féminins, est également un facteur aggravant [15].
Le traitement, d’abord conservateur, nécessite l’utilisation d’une talonnette amortissante.
Celle-ci est beaucoup moins efficace que dans le cas des fasciites plantaires et il faut
souvent utiliser un support plantaire sur mesure avec coin postérieur varisant et appui sousscaphoïdien, afin de détendre les structures internes. La zone d’amortissement, nécessaire
sous le talon, doit être augmentée à la face inféro-interne de celui-ci, au niveau de la zone
de compression du nerf. Des massages transverses profonds et des stretching du fascia
plantaire, du tendon d’Achille et des ischio-jambiers sont associés.
En cas d’échec de ce traitement, l’utilisation d’un taping pendant l’activité sportive,
permettant de contrôler l’hyper-pronation du pied, devra être proposée, ainsi que le port
d’une orthèse d’extension dorsale (ou de talus) de la cheville, utilisée pendant la nuit. La
compliance dans l’utilisation de cette orthèse est limitée, mais des études ont montré que les
patients persévérant avec celle-ci augmentent leur chance de guérison [2].
En cas de persistance de la symptomatologie, une infiltration locale avec un anesthésique et
un dérivé cortisoné peut être proposé ; si elle se révèle efficace, une deuxième peut aider à
la résolution du problème. Si le problème persiste, de nouvelles infiltrations ne sont plus
indiquées, voire dangereuses pour le fascia plantaire et le panicule adipeux [1,29].
Ces diverses mesures amènent un taux de succès de 80 à 90%, avec une évolution prenant
parfois plus d’une année [3, 7, 26,32].
4.
Pour les cas rebelles, un traitement chirurgical pourra être proposé. Celui-ci comprend
une incision interne oblique ou curviligne, puis une section des aponévroses superficielles et
profondes du muscle abducteur de l’hallux et court fléchisseur des orteils. Une fasciotomie
plantaire des deux tiers médians doit y être associée. Ce traitement chirurgical, s’il respecte
des critères de sélection stricte, amène un taux de succès de 90% et un retour à la pratique
sportive [4, 26, 27,30].
Les récidives représentent une difficulté thérapeutique majeure et sont toujours un défi pour
le médecin. Néanmoins, quelques techniques chirurgicales peuvent être proposées dans
ces situations difficiles. Par exemple, l’implantation d’un électro-stimulateur du nerf ou
l’utilisation d’un enroulement d’un greffon veineux autour du nerf comprimé peut soulager, si
ce n’est guérir, 60 à 80% de ces patients.
Quelques mots concernant l’épine calcanéenne. Celle-ci est encore trop souvent
considérée, à tort, comme cause de beaucoup de talalgies. En fait, elle ne participe que de
façon tout à fait mineure à la symptomatologie. En effet, la plupart des patients avec
talalgies ne présentent aucune épine calcanéenne et seulement 50% des patients avec
épine calcanéenne ressentent des talalgies, et rarement à l’endroit de l’épine. Par ailleurs,
elle se reforme souvent après excision et la plupart du temps sans symptomatologie.
L’épine calcanéenne est située dorsalement au fascia plantaire, au niveau de la zone
d’insertion du muscle court fléchisseur des orteils, et traduit la plupart du temps un
processus chronique, soit de traction mécanique, soit inflammatoire ou dégénératif. En fait, il
s’agit plus de la traduction du problème que de sa cause [25,31].
CONCLUSION
Les talalgies représentent donc un défi diagnostique et thérapeutique en raison de leur
fréquence et de la durée souvent longue de l’évolution. Heureusement, le traitement
conservateur amène un soulagement fréquent et permet ainsi d’éviter la chirurgie. Bien
ciblée, celle-ci permet de guérir 9 patients sur 10.
Il est important de relever que ce tableau doit être modulé en fonction de divers critères :
diagnostic supposé ou établi, durée d’évolution de la symptomatologie, âge et activité du
patient, importance de l’activité sportive et expertise du thérapeute.
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