PLE - Sports extrêmes

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PLE - Sports extrêmes
Tentative de définition du sport extrême
La notion de sport extrême est relativement complexe à appréhender. Il s’agit
en effet d’un ensemble de pratiques sportives, le plus souvent en plein air et
individuelles, qui s’attache d’abord à la notion de performance esthétique
plutôt qu’à recherche d’un résultat. Cette caractéristique fait que les sports dits
extrêmes ne connaissent pas d’encadrement (club, fédération…) et ne sont pas
toujours, au moins dans un premier temps, sécurisés par des normes.
« Les sports extrêmes ou le plaisir de mourir jeune1 » se caractérisent également
par une recherche de sensations : vitesse, mise en danger, liberté. Ainsi ces
activités récentes comme le surf free ride, le skateboard, le base jump,
l’hydrospeed, le canyionning, le kite surf et bien d’autres s’exercent hors cadre
balisé et dans la recherche immédiate de la peur de se faire mal. Le sport
extrême est une attitude rebelle qui défie la norme accusée de brider les
sensations.
Dès lors qu’elle est connue, l’activité est néanmoins rattrapée par le droit et la
sécurité de sorte que par sport extrême on peut entendre la pratique spontanée
et sporadique d’une activité dangereuse par un groupe d’initiés puis les
pratiques extrêmes isolées en marge d’un système établi.
L’appréhension des Sports Extrêmes par le Droit
Compte tenu des caractéristiques des sports extrêmes, cette appréhension est
difficile ; chaque normalisation entraînant de nouvelle pratique à la marge.
L’INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS POUR ENCADRER UN
SPORT EXTREME
L’apparition d’une nouvelle pratique physique et sportive et la multiplication des
pratiquants conduisent nécessairement les pouvoirs publics à prendre en
considération cette nouvelle activité. Il en va bien évidemment de même dans le
cas particulier du sport extrême, le risque attaché à sa pratique ne faisant
qu’augmenter le besoin de réglementation de l’activité.
Par le biais de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la
promotion des activités physiques et sportives, les pouvoirs publics se sont dotés
d’instruments particuliers pour réglementer les activités physiques et sportives :
les fédérations sportives.
Ces fédérations qui peuvent être multisports ont tendance à revendiquer la
filiation d’un sport émergent et en particulier un sport extrême. La fédération
délégataire de l’organisation d’une discipline sportive proche du point de vue
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Titre d’un article internet de Maude Landreville – étudiante en sciences humaines
technique va très souvent tenter de rapprocher, voire d’assimiler, la pratique
émergente de celle dont elle gère l’organisation.
Cette tendance comporte diverses explications. La première est économique :
l’intégration d’un sport extrême aux activités dont la fédération sportive a la
gestion permet d’augmenter son nombre de licenciés.
Ensuite, la filiation du sport extrême par une fédération comporte également des
enjeux en terme de communication et de marketing : en intégrant un sport par
définition jeune et comportant des risques, la fédération va, de manière patente,
rajeunir son image.
Enfin, l’institutionnalisation de ce sport émergent permet d’assurer sa promotion,
et de fait d’augmenter le nombre de pratiquants, et donc de licenciés de cette
activité physique et sportive.
Pour illustration, on mentionnera l’exemple du kitesurf, pratique sportive
consistant en la traction d’une planche nautique par un cerf-volant.
La Fédération Française de Vol Libre, fondée en 1974, s’était vue accorder par
arrêté du 24 novembre 1997, le monopole d’organisation des compétitions
sportives prévues par la loi du 16 juillet 1984 concernant la pratique du cerfvolant.
Suite à l’émergence du kitesurf, pratiqué de manière spontanée dans divers
endroits du territoire, la Fédération Française de Vol Libre a sollicité le ministère
chargé des Sports, lequel a étendu sa délégation à la pratique du cerf-volant de
traction (sur terre, sur eau, sur neige) par l’arrêté du 19 décembre 2002.
On ajoutera néanmoins que les similitudes patentes du point de vue technique ou
du matériel avec une activité physique et sportive gérée par une fédération
agréée n’impliquent pas nécessairement l’affiliation de cette activité à ladite
fédération. En effet, le BASE JUMP, qui est une activité de saut en parachute de
parois rocheuses, n’entre pas dans le champ des activités gérées par la Fédération
de parachutisme.
En outre, il arrive qu’une activité physique et sportive soit dépourvue de tout lien
de parenté avec une activité institutionnalisée. L’administration n’interdit pas
l’enseignement ou l’encadrement rémunérés d’une activité qui ne présente aucun
lien de connexité avec une discipline reconnue sur le plan des formations. Il en
est ainsi par exemple du saut à l’élastique ou du Paint ball. En effet, le saut à
l’élastique est une activité physique, mais ne constitue pas un sport au sens des
articles 16 et 17 de la loi du 16 juillet 1984, aucune compétition n’étant organisée
pour des raisons de sécurité. Cette activité ou l’initiation à celle-ci est pourtant
réglementée en l’absence de toute formation reconnue par le biais d’une
circulaire interministérielle (circulaire 18 septembre 1989 portant réglementation du saut à
l’élastique).
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LA REGLEMENTATION D’UN SPORT
KITESURF
EXTREME :
L’EXEMPLE DU
Une fois que la fédération a reçu délégation du ministre chargé des Sports pour
l’organisation d’un sport extrême, la loi du 16 juillet 1984 précitée lui confie un
véritable pouvoir normateur pour édicter, d’une part, les règles techniques
propres à sa discipline et, d’autre part, les règlements relatifs à l’organisation de
toute manifestation ouverte à ses licenciés.
Ce pouvoir de réglementation va se concrétiser dans différents domaines : la
détermination des lieux de pratique réguliers de l’activité, la réglementation
relative à l’encadrement voire l’enseignement de l’activité, et enfin l’encadrement
des conditions d’organisation et de pratique du sport.
S’agissant du cas du kitesurf, la Fédération Française de Vol Libre a par exemple
fixé les règles relatives aux lieux de pratique de l’activité : choisir une aire de
décollage et d’atterrissage dégagée, c’est-à-dire dépourvue de lignes électriques,
de rochers, de voies de circulation ; éviter les endroits fréquentés, en particulier
ne jamais pratiquer dans les zones de baignade s’agissant du kitesurf en mer…
En plus de ces recommandations de bon sens, la Fédération Française de Vol
Libre a édicté de véritables règles concernant la zone de navigation s’agissant de
la pratique maritime. La planche de kitesurf doit ainsi être utilisée à l’intérieur de
la zone des 300 mètres du rivage avec précaution, et à une vitesse inférieure à
cinq nœuds. Au-delà de la zone des 300 mètres, les planches de kitesurf peuvent
naviguer jusqu’à un mile d’un rivage accessible. Au-delà, la navigation doit être
accompagnée et se faire sous réserve des prescriptions édictées par le préfet.
S’agissant de l’encadrement de l’activité, la Fédération Française de Vol Libre a
mis en place, depuis 1998, une qualification fédérale de moniteur de cerf-volant
de traction. Cette qualification est constituée d’une alternance de moments de
formation et de stages en écoles agréées Fédération Française de Vol Libre. Elle
est sanctionnée par la délivrance d’un monitorat fédéral.
Le danger potentiel que représente l’activité est naturellement pris en compte
pour la détermination des règles relatives à l’encadrement de pratiquants :
nombre de participants par moniteur en fonction des conditions de pratique et du
niveau des pratiquants.
D’une manière générale, la fédération chargée de l’organisation d’un sport
extrême peut intervenir dans les conditions mêmes de pratique technique du
sport, notamment en définissant les obligations du pratiquant, en déterminant les
équipements de base et en posant des recommandations relatives au matériel.
Dans le cas particulier du kitesurf en mer, les recommandations visent
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notamment à assurer la sécurité des pratiquants et des autres usagers de la mer.
La fédération impose quelques obligations élémentaires de sécurité aux
pratiquants : mise en garde les personnes se trouvant à proximité de l’espace de
pratique de la puissance des cerfs-volants, reconnaissance préalable des
conditions climatiques…
La Fédération Française de Vol Libre a également réglementé le matériel : port
d’un casque, d’un harnais et d’une combinaison isotherme lorsque la navigation
se fait au-delà d’un mile, normes propres à la planche de kitesurf.
D’une manière générale, la Fédération ayant reçu délégation pour l’organisation
et la promotion d’un sport est également chargée de l’organisation des
compétitions officielles propres à cette activité. La Fédération délivre ainsi les
titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, elle procède aux
sélections correspondantes et propose l’inscription sur les listes de sportifs,
d’entraîneurs, d’arbitres ou de juges de haut niveau.
L’institutionnalisation d’un sport extrême par le biais de l’encadrement
réglementaire de sa pratique conduit nécessairement à la perte de sa qualité de
sport extrême.
Beaucoup des pratiquants de la première heure, guidés par une soif de sensation
forte et/ou un désir de pratiquer une activité physique en marge de la
réglementation, seront amenés à innover et explorer de nouvelles formes
d’activités physiques et sportives, créant de fait un nouveau sport extrême, lequel
sera peut-être un jour suffisamment pratiqué pour être considéré par une
fédération sportive.
Ce qu’il faut retenir :
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Le sport extrême est une activité physique et sportive à risques dont la
pratique doit être réglementée.
La loi n°84-610 du 16 juillet 1984 permet aux fédérations sportives de
réglementer la pratique d’activités sportives, notamment celles à risques,
lorsqu’elles sont délégataires, par arrêté ministériel, de l’organisation de
ces activités.
Pierre-André LAMOUILLE
Avocat
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