Amélioration génétique ovine au Maroc

Transcription

Amélioration génétique ovine au Maroc
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Amélioration génétique
d’amélioration
ovine
au
Maroc :
Contraintes
et
voies
I. Boujenane
Département des Productions Animales, IAV Hassan II, Rabat
Résumé
Les principales actions menées dans le domaine de l’amélioration génétique ovine au Maroc
ont été brièvement passées en revue et les plus importantes contraintes à son épanouissement
ont été relevées. Il ressort que certaines stratégies, notions et pensées qui étaient valables dans
le passé, se trouvent actuellement dépassées, et que leur application continue handicape le
développement de l’élevage ovin. Des propositions ont été faites dans ce sens afin d’améliorer
l’élevage ovin au Maroc.
Mots clés : ovins, sélection, croisement, amélioration génétique.
Introduction
Au Maroc, l’élevage ovin constitue une véritable richesse nationale pouvant être appréciée à
travers l’effectif élevé des ovins qui dépasse les 16 millions de têtes en année normale et par
la diversité des races qui constitue une bonne garantie pour l’avenir. Les ressources
génétiques ovines au Maroc sont composées de plusieurs races adaptées à leurs milieux, et
dont les performances sont différentes et souvent complémentaires. Elles peuvent être
classées en 4 groupes :
1) Sardi, Timahdite, Beni Guil et Boujaâd : Ces races sont toutes caractérisées par une
croissance avant sevrage similaire d’environ 170 g/j, une prolificité faible de l’ordre de
107%, une saison sexuelle limitée dans l’année, un âge à la puberté tardif, un poids de
toison de 2 kg et une laine de qualité moyenne.
2) D’man : C’est une race très réputée pour ses performances de reproduction
exceptionnelles : Puberté précoce, saison sexuelle longue, prolificité élevée de 200%. Par
contre, elle a une croissance faible d’environ 140 g/j, un taux de mortalité des agneaux
élevé et une toison très légère et jarreuse.
3) Beni Ahsen : C’est une race importante en nombre mais ignorée dans les programmes
d’amélioration. Certes, elle a une mauvaise conformation, mais elle est caractérisée par
une toison lourde et une laine de bonne qualité.
4) Races de montagne moins importantes mais adaptées à leurs milieux. Elles ont pu au
cours des temps fournir de la viande et du lait à une partie de la population. Elles sont là,
sans que personne ne s’y préoccupe.
Plusieurs actions ont été menées au niveau national dans le domaine de l’amélioration
génétique des ovins. Ces actions sont dans l’ensemble essentielles et primordiales à tout
travail de sélection. Toutefois, certaines ont duré plus qu’il n’en faut, d’autres se trouvent
dépassées. Il est donc essentiel de revoir ces stratégies afin de les adapter au nouveau contexte
de l’élevage ovin.
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Séminaire de l’ANPA sur « L’amélioration génétique au service de l’élevage ovin », 24-25
novembre 2000, Rabat.
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Principales actions dans le domaine de l’amélioration génétique ovine
L’histoire récente de l’amélioration génétique ovine à l’échelle nationale a été marquée par :
- La publication du Plan Moutonnier qui trace la politique à suivre dans le domaine de
l’amélioration ovine. Les principaux points de ce plan sont la définition du standard de
certaines races locales, l’organisation territoriale de l’élevage ovin (zones berceaux de
races, zones de croisement et zones d’élevage traditionnel) et l’organisation
professionnelle des éleveurs (groupements d’éleveurs).
- La création de l’ANOC dont les principaux objectifs sont le développement de la
production de viande ovine et l’organisation des éleveurs pour faciliter leur encadrement
dans différents domaines.
- La mise en place de la Commission Nationale de Sélection et de Marquage (CNSM) qui a
pour principaux objectifs la sélection des reproducteurs et leur inscription aux livres
généalogiques.
Contraintes à l’amélioration génétique ovine et voies d’amélioration
Berceaux des races
Les berceaux des races est une stratégie qui permet d’élever dans une zone bien délimitée une
race bien adaptée à ce milieu.
En génétique des populations, la valeur adaptative est l’adaptation d’un individu à un
milieu donné. Elle représente le nombre de ses descendants dans la génération qui suit. Elle
nous informe sur la fertilité de l’individu, sa résistance aux maladies, sa tolérance à la sous
alimentation, à la privation d’eau, etc. Toutefois, il ne suffit pas seulement qu’une race soit
résistante et tolérante pour la vénérer, il faut également qu’elle soit la plus productive dans
son berceau. Ainsi, l’adaptation ne doit pas se mesurer uniquement en termes de résistance et
de tolérance, mais également et surtout en termes de productivité. Une race très productive
dans un milieu donné est une race adaptée à ce milieu. Si ce n’est pas le cas, alors la race doit
être remplacée par une autre qui est plus productive.
Il est admis que la création de zones berceaux de races au Maroc a limité les brassages
génétiques tous azimuts et a assuré une certaine pureté des races. Mais, il a par la même
occasion limité l’ambition et la créativité de certains éleveurs localisés dans les zones
berceaux de races et qui auraient préféré élever une autre race que celle du berceau ou
pratiquer un croisement qui n’est pas officiellement permis dans ces zones. Ainsi, pour
continuer à profiter de l’aide et des subventions de l’état, l’éleveur continue à élever malgré
lui la race du berceau qui lui a été imposée en quelque sorte, sachant pertinemment qu’il
aurait beaucoup à gagner en élevant une autre race plus productive.
Par conséquent, l’organisation territoriale actuelle se trouve dépassée et ne rend
service qu’en partie à l’amélioration de la production de viande, parce qu’il existe des races
pures (locales ou étrangères) et des croisements qui peuvent produire plus de viande que ne le
fait la race du berceau dans certaines zones du berceau. Effectivement, il n’est pas normal que
la race Beni Guil soit élevée dans tout l’Oriental, la race Timahdite dans tout le Moyen Atlas,
etc. Il y a des zones de l’oriental, du Moyen Atlas, etc. où d’autres races peuvent produire plus
que la race du berceau. Ce sont ces zones qu’il faut ouvrir à d’autres races pures et aux
croisements, et préserver les races locales du berceau dans les zones où elles sont plus
compétitives.
Il est donc grand temps de revoir cette organisation territoriale et de laisser le choix à
l’éleveur pour choisir la race ou le croisement qu’il juge utile et rentable pour son élevage,
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tout en profitant de l’aide de l’état au même titre que les éleveurs de la race pure du berceau.
Ainsi, l’aide et les subventions de l’état doivent aller à l’éleveur qui réalise des productivités
élevées et qui contribue à l’augmentation effective de la production de viande à l’échelle
nationale, là où il se trouve, et non pas uniquement à celui qui élève quelques brebis de la race
du berceau.
Race pure et sélection phénotypique
La race pure et la conformité au standard de la race est une notion qui a énormément
contribué à l’homogénéisation des races locales, à la sensibilisation des éleveurs à la notion de
la pureté des races et à la compréhension de la sélection. C’est une étape préalable à tout
travail d’amélioration génétique.
La CNSM a fait du bon travail de sélection ovine à l’échelle nationale. L’expérience
marocaine dans ce domaine est peut être unique dans son genre à l’échelle des pays en voie de
développement. La sélection sur l’apparence externe de l’animal est un passage obligé pour
une homogénéisation des races qui sont souvent hétérogènes. Il a également permis une prise
de conscience et une sensibilisation des éleveurs aux notions de sélection et de race pure.
Mais, le fait d’accorder beaucoup d’importance et pendant longtemps au standard et à
l’apparence externe de l’animal et d’éliminer des individus exceptionnels parce qu’ils ont un
petit défaut crée beaucoup de remous, suscite des questions et mérite d’être revu. Nombreux
sont les éleveurs qui ne sont pas satisfaits lorsqu’un reproducteur de qualité est éliminé pour
un petit défaut de conformité au standard de la race. Ainsi, la CNSM doit revoir sa méthode
de sélection, ses critères de jugement et accorder de l’importance aux performances et aux
index de sélection plus qu’à l’apparence externe de l’animal. Il va de soi que le classement en
catégories (super, 1ère, 2ème et 3ème) des antenais sélectionnés sur la base de l’apparence
externe ne veut rien dire. Le meilleur classement devrait être fait sur la base des index de
sélection. En attendant que cela soit fait, les antenais pouvaient être répartis en deux
catégories ; ‘antenais sélectionnés’ ou ‘antenais non sélectionnés’. Le 1er groupe d’antenais
sera utilisé dans les troupeaux de sélection et le 2ème groupe dans les troupeaux de production.
Prolificité au service de la productivité
La productivité pondérale par agnelage chez les ovins est la résultante de plusieurs
composantes, en l’occurrence, la fertilité et la prolificité des brebis, la viabilité et le poids des
agneaux. Ainsi, pour augmenter la productivité du troupeau, il faut agir sur chacune de ces
composantes, et essentiellement sur la prolificité des brebis et/ou la croissance des agneaux.
Toutefois, il a été démontré (Large, 1970 ; Dickerson, 1978) que pour augmenter la
productivité des troupeaux, il est plus intéressant d’agir sur la prolificité des brebis que sur la
croissance des agneaux (Figure 1 & Tableau 1).
Ainsi, il est grand temps que les éleveurs marocains changent leur attitude envers la
prolificité. Il faut qu’ils comprennent que l’augmentation de la rentabilité du troupeau passe
par l’amélioration de la prolificité, qu’ils cessent de croire que le mode de conduite des races
prolifiques est difficile et qu’ils sachent qu’il est actuellement possible de produire des brebis
croisées avec des niveaux différents de prolificité (12,5%, 25%, 50%, 75%, etc.) qui
conviendraient à chaque milieu et à chaque mode de conduite.
À l’échelle nationale, la seule race prolifique est la race D’man. Toutefois, elle souffre
de défauts majeurs, en l’occurrence, sa faible croissance, sa mauvaise conformation et la
mortalité élevée de ses agneaux qui n’encouragent pas son utilisation en race pure, et qui ne
sont malheureusement pas complètement éliminés même par un croisement industriel. Par
conséquent, l’utilisation de la race D’man semble moins intéressante en race pure ou en
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croisement industriel, mais beaucoup plus appréciable dans d’autres types de croisements
comme le double étage ou la création de races synthétiques.
Les autres races locales ont une prolificité voisine de 105% et qui, à la lumière de ce
qui précède, devraient être améliorées pour rendre l’élevage ovin plus rentable. Du point de
vue génétique, deux méthodes peuvent être utilisées pour cette fin; la sélection et le
croisement avec une race prolifique. Or, en raison de la faible héritabilité du caractère, le
progrès génétique réalisé par sélection est faible et avoisine 0,018 agneau né/brebis/an
(Bradford, 1985). Par conséquent, le croisement des béliers de races prolifiques avec les
brebis de races locales pour produire des femelles croisées ayant une prolificité intermédiaire
semble être la méthode de choix.
En effet, il a été démontré au Maroc et ailleurs que les brebis croisées prolifiques ont
des productivités supérieures que celles des brebis de races locales. Il est donc plus intéressant
de tester différents groupes génétiques avec des niveaux différents de prolificité pour trouver
le niveau qui conviendrait le mieux à chaque biotope. Ces brebis croisées, avec des niveaux
différents de sang prolifique, sont accouplées aux béliers de races à viande pour améliorer la
croissance et la qualité des carcasses des agneaux ; c’est le croisement à double étage. Bien
entendu ce système est difficile à mettre en place, surtout chez les petits éleveurs, mais on
peut envisager différentes stratégies pour qu’il y ait une répartition des taches entre les
éleveurs (système anglais de croisement) ou des encouragements pour les éleveurs pratiquant
ce croisement.
L’autre méthode de croisement consiste à créer des races synthétiques, à partir des
races prolifiques et des races locales, pour répondre aux nouvelles demandes. Grosso modo,
53 souches synthétiques ont été créées dans le monde depuis 1950 (Maijala & Terril, 1991).
Les avantages de cette méthode est que le mode de conduite est simplifié et le problème du
renouvellement des brebis croisées ne se pose pas.
La 3ème méthode de croisement consiste à introduire dans une race un gène de
prolificité, le plus connu est le gène Booroola, sans changer ses caractéristiques
phénotypiques et zootechniques ; c’est la méthode d’introgression. Cette technique permet,
après un certain nombre de générations de croisement en retour, d’obtenir la même race de
départ mais qui en plus possède le gène de la prolificité.
Croisement industriel
Le croisement industriel consiste à améliorer la productivité en agissant sur la croissance et la
qualité des carcasses des agneaux. Dans les zones péri-urbaines favorables et chez les
éleveurs qui disposent d’un bon mode de conduite, la pratique du croisement industriel est
plus rentable que l’élevage en race locale pure. En effet, la majorité des résultats de
comparaison montrent que les performances de croissance pré sevrage, d’engraissement et les
caractéristiques de carcasses des agneaux croisés sont meilleures que celles des agneaux de
races locales pures (Tableau 2), alors que les performances de reproduction des brebis en
croisement ou en race pure ne sont pas différentes, sauf la fertilité qui est légèrement plus
faible chez les brebis saillies par les béliers de races à viande (Boujenane et al., 1996, 1998).
Toutefois, malgré les avantages du croisement, celui-ci n’a pas connu une grande extension à
l’échelle nationale. Plusieurs explications peuvent être avancées dont:
- Le manque de vulgarisation. Il y a des éleveurs qui ont les moyens mais qui ne sont pas au
courant de cette pratique et de ses avantages
- L’organisation territoriale qui limite la pratique du croisement uniquement aux zones de
croisement
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Figure 1. Effet de la vitesse de croissance des agneaux et la taille de la portée (N) sur
l’efficacité biologique (E) (Large, 1970).
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Tableau 1. Amélioration de l’efficacité biologique (E) en fonction de la taille de la portée et
la fréquence d’agnelage1 (Large, 1970)
Taille de la portée
Nombre d’agnelages/an
0,5 (1 agnelage en 2 ans)
1,0 (1 agnelage en 1 an)
1,5 (3 agnelages en 2 ans)
2,0 (2 agnelages en 1 an)
1
E=
1
2
3
4
5
2,2
3,9
5,3
6,5
3,9
6,4
8,2
9,5
5,3
8,2
10,0
11,2
6,5
9,5
11,3
12,5
7,4
10,5
12,3
13,3
Poids moyen de la carcasse de chaque agneau x nombre des agneaux x 100
A lim entation consommée par la brebis et ses agneaux
Tableau 2. Comparaison de la productivité issue de différents types d’accouplements
(Kansari & Boujenane, 2000)
Type
d’accouplement
Taille de la portée
à la naissance
Poids à 70 j
(kg)
Viabilité à 70 j
(%)
Productivité
pondérale à 70 j (kg)
1,89
1,08
1,46
14,8
15,6
15,8
83
86
88
23,4
19,1
22,2
DxD
LxT
LxDT
Tableau3. Comparaison des performances des agneaux issus du croisement industriel (béliers
de races à viande x brebis de races locales) et des brebis de races locales (Boujenane et al.,
1996, 1998)
Type
génétique de
l’agneau
Croisé
Race locale
Viabilité
à 90 j
(%)
93,5
93,9
Poids à la
naissance
(kg)
3,86
3,41
Poids à
90 j
(kg)
21,9
17,5
6
Poids de la
carcasse
(kg)
18,0
13,1
Rendement Conformation
(%)
(Note/6)
49,4
4,1
48,0
3,5
-
Le prix exorbitant des béliers de races pures d’origine importée qui varie de 3500 DH à
5000 DH selon la catégorie et qui décourage tout éleveur qui veut se lancer dans cette
pratique.
Ainsi, l’extension du croisement industriel passe par l’incitation et l’encouragement des
éleveurs de races pures d’origine importée afin d’augmenter la production de béliers destinés
au croisement industriel, une large vulgarisation de la technique du croisement, une révision
de l’organisation territoriale et une comparaison des races pures d’origine importée afin de
déterminer la race qui conviendrait le mieux à chaque race de brebis locale et à chaque région.
Schémas de sélection
Exceptée la race Timahdite qui a vécu, pendant une certaine période, un vrai schéma de
sélection à noyau ouvert, les autres races locales sujettes à la sélection n’ont pas de schémas
de sélection clairs et précis. C’est vrai qu’il y a des éleveurs sélectionneurs, parfois une ferme
de sélection qui joue le rôle du noyau, mais la circulation des animaux ne se fait pas comme il
faut. De plus, les critères de sélection sont tous les mêmes pour toutes les races (performances
de croissance, surtout GMQ10-30 et GMQ30-70), alors qu’il existe sûrement d’autres critères
de sélection plus intéressants pour la sélection et qui pourraient engendrer des progrès
génétiques notables.
Des recherches doivent être menées dans ce sens en se basant sur les données du
contrôle de performances disponibles à l’ANOC et dans les stations de sélection afin de
déterminer pour chaque race les critères de sélection à même d’aboutir à un progrès génétique
rapide. En outre, il est grand temps que des schémas de sélection clairs et précis, prenant en
considération les particularités de chaque race (région, effectif, potentialités, productions,
marché, etc.) soient établis et qu’un centre de traitement de l’information zootechnique, qui se
charge des opérations en relation avec la sélection : contrôle de performances, vérification des
données, évaluation génétique et diffusion de l’information, soit créé.
Races victimes de négligence
Parmi les races marocaines les plus connues, dont l’effectif est important et qui n’ont
bénéficié d’aucun appui de l’Etat, figurent la race Beni Ahsen et les races de montagne. Or, la
race Beni Ahsen a des performances de croissance et de reproduction similaires à celles des
autres races locales et que son seul défaut est sa mauvaise conformation qui est due en partie à
sa grande taille (Boujenane, 1999). En revanche, cette race jouit d’une toison abondante et
d’une laine de qualité. Il est donc possible, moyennant un programme de sélection pour
l’amélioration des caractères lainiers, de faire de la race Beni Ahsen, qui est en voie de
disparition, une race lainière par excellence, surtout que le pays importe une quantité
faramineuse de laine pour répondre aux besoins des unités de textile.
Les races de montagne, dites Berbères, qui ont fourni de la viande, du lait, de la laine,
du cuir et d’autres produits à une partie de la population au cours des temps, ont été
abandonnées à leur sort et non bénéficié d’aucune attention, alors que curieusement un intérêt
particulier leur a été accordé pendant le protectorat. Il est grand temps que les décideurs
s’intéressent à ces races, s’assurent auparavant qu’elles existent toujours, dressent leur
inventaire et caractérisent leurs performances en vue de leur préservation et amélioration,
parce qu’une chose est sûre la diversité génétique est une garantie pour l’avenir.
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Insémination artificielle ovine
L’insémination artificielle (IA) est la méthode de diffusion du progrès génétique par
excellence. À l’aide de l’IA, le progrès génétique est diffusé de façon rapide et à grande
échelle. L’utilisation de l’IA permet la connaissance de la paternité des produits et
l’augmentation des connexions entre les troupeaux, ce qui se répercute favorablement sur la
précision de l’évaluation génétique. Un autre avantage de l’IA est qu’elle permet de réaliser
des accouplements raisonnés chez les éleveurs sans faire appel au transfert d’animaux dans le
cas d’un schéma de sélection à noyau ouvert.
Or au niveau national, l’utilisation de l’IA ovine chez les éleveurs est inexistante ou à
l’état embryonnaire. Ce qui fait que l’amélioration génétique ovine souffre de ce retard, ce qui
explique le faible progrès génétique réalisé jusqu’à présent. Par conséquent, il est urgent de se
pencher sur la question de l’IA ovine afin de favoriser son développement et son utilisation
chez les éleveurs, surtout que l’infrastructure nécessaire n’est pas très coûteuse. Toutefois, il
ne faut pas diffuser n’importe quoi, mais uniquement la semence des béliers testés
positivement.
Conclusion
L’amélioration génétique ovine au Maroc est amorcée et d’énormes progrès ont été
enregistrés au niveau de la législation, de développement et de la recherche. Cependant,
quelques contraintes restent à lever et certaines stratégies méritent d’être revues pour aller de
l’avant. Certaines races sont marginalisées telles que les races D’man et Beni Ahsen, d’autres
sont complètement négligées comme les races de montagne. Il ne fait pas de doute que la race
D’man constitue la pierre angulaire à toute amélioration génétique ovine au Maroc. Les
décideurs et les professionnels sont interpellés afin de créer les conditions idéales pour un
développement effectif de l’élevage ovin.
Références
Boujenane, I., 1999 ; Les Ressources Génétiques Ovines au Maroc. Actes Editions, Rabat.
136 pages.
Boujenane, I., Berrada, D., Mihi, S. & Jamai, M., 1996 ; Performances d'engraissement et
caractéristiques des carcasses des agneaux issus du croisement des brebis de races
Timahdite, Sardi et Béni Guil avec les béliers de races à viande. Actes Inst. Agron. Vet.
(Maroc) 16 (4) :29-38.
Boujenane, I., Berrada, D., Mihi, S. & Jamai, M., 1996 ; Reproductive performance of ewes and
preweaning growth of lambs from three native Moroccan breeds mated to rams from
Moroccan and improved breeds. Small Ruminant research 27 :203-208.
Bradford, G.E., 1985 ; Selection for litter size. In : R.B. Land & D.W. Robinson (Eds.) Genetic
of Reproduction in Sheep. Butterworths, London, U.K. pp. 3-18.
Dickerson, G.E., 1978 ; Animal size and efficiency : Basic concepts. Anim. Prod. 27 :367379.
Kansari, J. & Boujenane I., 2000 ; Comparaison de différents types de croisements des ovins à
l’unité de Had Soualem. Journées de l’ANPA, Rabat.
Large, R.V., 1970 ; The biological efficiency of meat production in sheep. Anim. Prod.
12 :393-401.
8
Absence d’un centre de calcul et tout ce qui s’en suit.
Au niveau nationale, la production des viandes ovines est environ de 80000 tonnes, alors que
la demande est de plus en plus grande.
Par conséquent, la recherche de méthode d’augmentation de la productivité des troupeaux est
importante.
La limite biologique des ovins : 7 agneaux par agnelage à 6 mois d’intervalle.
La productivité pondérale chez les ovins est la résultante de plusieurs composantes en
l’occurrence la fertilité, la prolificité, la viabilité et le poids des agneaux à un âge donné. On
peut ajouter le nombre d’agnelage par an. Or, pour améliorer de façon notable la productivité,
il faut agir essentiellement sur la prolificité des brebis et/ou la croissance des agneaux. Il a été
démontré qu’il est plus intéressant d’agir sur la prolificité que sur la croissance.
Ainsi, Large (1970) a montré que l’efficience biologique (E) définie comme :
E=
Poids moyen de la carcasse de chaque agneau x nombre des agneaux x 100
A lim entation consommée par la brebis et ses agneaux
est plus élevée lorsque le nombre d’agneaux allaités augmente.
Moyenne de E
ET
Simples
5,1
± 0,19
Doubles
7,0
± 0,18
Triples
8,1
± 0,28
Il a également montré que l’efficience biologique est encore améliorée lorsque la fréquence
des agnelages par an est élevée.
Taille de portée
Fréquence d’agnelages/an
0,5 (1 agnelage en 2 ans)
1,0 (1 agnelage en 1 an)
1,5 (3 agnelages en 2 ans)
2,0 (2 agnelages en 1 an)
1
2
3
4
5
2,2
3,9
5,3
6,5
3,9
6,4
8,2
9,5
5,3
8,2
10,0
11,2
6,5
9,5
11,3
12,5
7,4
10,5
12,3
13,3
Il a également montré que le taux de croissance des agneaux à partir de faible portée n’est
relativement important, dans des limites raisonnables.
Un généticien très connu a fait cette observation : ‘Une race peut être effectivement morte
avant que personne ne réalise qu’elle est malade ‘. Ceci fait suite à l’observation selon
laquelle ‘ les races peuvent être modifiées de l’intérieur lentement seulement alors que les
acheteurs peuvent changer leurs avis très rapidement’ (Lerner et Donald, 1966).
Les changements dans la demande peuvent être rapides et nécessitent des réponses rapides. Si
le passé est un indicateur du futur, il suggère que plus les besoins apparaissent, plus les races
actuelles doivent répondre à ces besoins ou donner lieu à d’autres races qui peuvent le faire.
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Par conséquent, on n’est pas sûr que les décisions valables aujourd’hui le seront toujours dans
le futur. Il en découle deux conséquences :
1) L’association des éleveurs doit sauvegarder la variabilité génétique pour répondre à
d’éventuels demandes (besoins)
2) Lorsque la demande n’a pas été actuellement satisfaite par les races existantes, une race
synthétique nouvelle peut être formée pour satisfaire une telle demande, peut être plus
rapidement et peut être avec une faible perte de revenu à l’élevage que par attendre
longtemps pour la réponse lente des races existantes. Malgré que la création de races
synthétiques est coûteuse, elle devient une alternative viable.
Dans de nombreuses pays caractérisés par des variations considérables de l’environnement,
une race spécifique or type d’ovins semble dominer chaque location environnementale.
Néanmoins, une grande variabilité génétique existe parmi les nombreuses races avec de
nouveaux gènes valables pour des environnements spécifiques, les changements de mode de
conduite ou les changements du marché.
A type that could better realize potentials might be characterized as follows :
Maintenance costs minimized while production is maximized. Optimum efficiency
realized by producing many fast-growing lambs of desirable carcass quality from few
small ewes requiring minimum maintenance.
Malgré les bons résultats en station réalisés par les croisés D’man, on entend toujours des
critiques : Les produits croisés D’man ont des croissances faibles, ils ont un faible poids de
toison, une toison colorée, ne s’adaptent pas au parcours, susceptibles à la pneumonie. La
majorité de ces critiques ne sont pas fondées. Les croisées D’man accouplées à des béliers à
viande produisent une large portée qui sont rustiques, ont une croissance rapide et des
carcasses de bonne qualité.
et surtout le croisement à double étage. Celui-ci consiste à croiser, qui sont à leur tour croisées
aux béliers de races à viande pour améliorer la croissance et la qualité de carcasse des
produits. Les croisées D’man accouplées à des béliers à viande produisent une large portée
qui sont rustiques, ont une croissance rapide et des carcasses de bonne qualité.
Toutefois, l’utilisation de ce type de croisement est difficile à mettre en place, surtout chez les
petits éleveurs, puisqu’il y aura dans le même élevage deux types génétiques de brebis et
trois types génétiques d’agneaux. De plus, ce croisement pose le problème du
renouvellement des brebis croisées.
Maintenant qu’on démontré que la productivité des troupeaux dépend beaucoup plus du
nombre d’agneaux sevrés que de leur croissance, il faut voir est-ce que les races locales
actuelles répondent à ce critère. Boujenane (1999) a rapporté que toutes les races locales ne
sont pas prolifiques, exceptées la race D’man dont la prolificité est voisine de 200%.
Toutefois, l’utilisation de la race D’man en race pure n’est pas très encourageante à cause des
faibles poids et des fortes mortalités enregistrés par les agneaux.
Maintenant pour augmenter la productivité des troupeaux ovins, il est clair qu’il faut agir sur
la prolificité des brebis. La première technique serait de croiser les brebis de races locales
avec les béliers d’une race prolifique pour produire des femelles croisées à des niveaux
susceptibles (25%, 50%, 75%, etc. du sang prolifique) de s’adapter aux différents
environnements. La race prolifique de bélier peut être la race D’man comme il peut être une
race prolifique étrangère : Romanov, Finnoise, etc..
Pour éviter les problèmes liés à ce croisement, surtout de disponibilités des brebis croisées et
la présence au niveau de la ferme de deux types de brebis et de trois types d’agneaux, on peut
s’engager dans la création de races synthétiques nouvelles ayant des gènes de prolificité à
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partir uniquement de races locales ou également de races étrangères. A l'échelle
internationale, il y avait la création de 100 races nouvelles durant les 2 dernières décades. A
l’échelle nationale, il y a la création de deux races nouvelles et l’avortement d’une 3ème.
L’avantage de ces races synthétiques est d’avoir une race prolifique disponible pour le
croisement sans faire toujours appel au croisement de béliers prolifiques et la race locale.
Sélection phénotypique et sélection génétique
La CNSM a fait un bon travail de sélection ovine à l’échelle nationale. L’expérience
marocaine dans ce domaine est peut être unique dans son genre à l’échelle des pays en voie de
développement. La sélection sur l’apparence externe de l’animal est un passage obligé pour
une homogénéisation des races qui sont souvent hétérogènes. Il a également permis une prise
de conscience et une sensibilisation des éleveurs aux notions de sélection et de race pure. Le
seul reproche valable qui pourrait être fait est que cette étape a pris plus de temps qu’il n’en
faut. On devrait passer à la sélection sur valeurs génétiques ou index de sélection depuis
longtemps. Heureusement que depuis quelques années, des index de sélection sont calculés et
ils sont utilisés dans la sélection des animaux. La méthode d’évaluation actuellement utilisée
se base sur l’évaluation intra troupeaux avec toutes ses limites, mais c’est déjà un grand pas
dans la bonne direction, il suffit de l’améliorer.
Adaptation des races
Cela me pousse à soulever la question de la race Beni Guil et la race Ouled Jellal dans
l’oriental. Darwin (1859) dans son livre sur l’origine des espèces et la sélection naturelle a
montré qu’il n’y a de place ni aux mauvais ni aux faibles, mais plutôt aux meilleurs et aux
plus forts. Dans notre contexte sur les races, je dirai aux races les plus productives. Ainsi, si
dans l’oriental, berceau de la race Beni Guil, celle-ci n’arrive pas à prendre le dessus sur la
race Ouled Jellal, qui est étrangère à ce milieu, c’est à dire que si elle ne réalise pas des
productivités meilleures, elle n’a qu’à céder sa place. Notre objectif doit être la productivité et
la rentabilité du troupeau. Si la race Ouled Jellal a sa place dans l’échiquier marocain des
races, pourquoi ne pas la parrainer et l’adopter, quitte à lui changer de nom. L’histoire montre
qu’il y a des pays qui sont peuplés uniquement par des races étrangères et qui sont
actuellement de grands exportateurs de produits ovins. L’Australie est un exemple.
Néanmoins, il ne faut pas interpréter mes propos comme si je prône l’élimination des
races locales, ce n’est pas mon intention. Les races locales doivent être au contraire
préservées et améliorées dans le milieu où elles produisent le plus, parce que c’est notre
patrimoine.
Darwin, C., 1959 ; On the Origin of Species by Means of Natural Selection. Murray, London.
Ce que je reproche au travail de la CNSM est que cette étape de sélection sur l’apparence
externe et sur les valeurs phénotypiques brutes a pris plus de temps qu’il n’en faut, alors
qu’on devrait passer à la sélection sur les valeurs génétiques ou index de sélection depuis
longtemps.
L’exemple de la race Holstein est frappant. La race Pie Noire est divisée en deux
rameaux ayant la même origine: Holstein en Amérique du Nord et Frison en Europe.
Contrairement aux européens qui se sont beaucoup intéressés au standard de la race (la
fameuse ceinture noire au niveau des épaules), les américains ont accordé plus d’importance
aux productions et ont ignoré le standard. Actuellement, à l’échelle internationale, le
phénomène de la holsteinisation n’a presque épargné aucune race.
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