Partie 2 - Ministère de la culture

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Partie 2 - Ministère de la culture
Partie II
L’ÉDITION, LA PRESSE JEUNESSE
CHAPITRE I
L’édition jeunesse
On étudiera successivement le marché, les acteurs sur ce marché et leurs stratégies.
Le marché
Avec un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros en 2001 (+ 2,9 % par rapport
à l’année précédente), près de 55 000 titres publiés et plus de 350 millions
d’exemplaires vendus, le secteur de l’édition a conforté sa place de deuxième
industrie culturelle en France après la presse. Au sein de ce secteur, l’édition
pour la jeunesse prend sa part dans ce succès avec un chiffre d’affaires de
211 millions d’euros, 8 500 titres publiés et 64 millions d’exemplaires vendus
pour cette même année1.
Longtemps, l’édition pour la jeunesse a été considérée comme un secteur artisanal, mais dès les années 1990, les éditeurs commencent à percevoir que ce secteur se rapproche dans son fonctionnement du secteur adulte. « Le livre de jeunesse obéit de plus en plus aux mêmes règles que la littérature générale, avec des
retours plus rapides et moins de travail sur le fonds », souligne Christine Ferrand
dans un article de Livres Hebdo de 19932.
Les techniques de management et les choix économiques des deux marchés se
rapprochent : le nombre d’exemplaires imprimés augmente, les tirages baissent
et le nombre de nouveaux titres ne cesse de progresser. En revanche, en ce qui
concerne la réception des ouvrages par le public, le parallèle n’est pas si évident :
le succès de certains titres ou séries témoigne du développement de techniques
marketing utilisées auparavant uniquement dans le secteur adulte, mais l’existence, entre autres, de long-sellers3 montre que le livre jeunesse a aussi des
mécanismes propres.
1. Statistiques 2001, Syndicat national de l’édition (SNE).
2. Christine FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », Livres Hebdo, no 94, 26 novembre 1993, p. 59-73.
3. Certains titres se vendent sur plusieurs années et continuent à avoir du succès. On pense notamment à des titres édités dans les années 1950 et 1960, comme le Petit Nicolas, ou Éloïse, Paris, Gallimard Jeunesse et Les trois brigands
ou Max et les Maximonstres, Paris, L’école des loisirs.
65
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Un marché en croissance
Le chiffre d’affaires de l’édition jeunesse est en augmentation : multiplié par 5
en 25 ans4, il continue de progresser et atteignait en 2001, d’après le Syndicat
national de l’édition (SNE5), plus de 211 millions d’euros. C’est le 5e meilleur
chiffre d’affaires derrière les sous-catégories « littérature », « sciences, techniques, professionnel/sciences humaines et sociales », « enseignement », « livres
pratiques », et « encyclopédies et dictionnaires ».
La part de l’édition jeunesse dans l’ensemble de l’édition française reste cependant relativement constante depuis trente ans, et oscille entre un peu moins de
8 % et un peu plus de 10 % : elle est passée de 8,2 % en 1976 à 10,5 % en 1984
(sa part la plus élevée) pour redescendre à 9,3 % en 20016.
Le chiffre d’affaires a connu dix ans de progression régulière durant les années
1980, puis une période de stagnation au début des années 1990, avec notamment
des résultats décevants en 1992 : – 2,7 % en francs courants par rapport à 19917.
L’arrivée d’Harry Potter, puis celle de Titeuf, relancent le secteur et provoquent
une progression rapide du chiffre d’affaires : + 9,7% entre 1999 et 20008.
Graphique 2 – Évolution du chiffre d’affaires global de l’édition jeunesse
(1975-2001)
Source : Dep/SNE
4. La comparaison a été faite en euros courants et ne tient donc pas compte de l’inflation.
5. L’enquête annuelle sur l’activité des éditeurs de livres effectuée par le Syndicat national de l’édition est réalisée
auprès de l’ensemble des maisons d’édition, qu’elles soient membres ou non du SNE. Les maisons retenues sont celles
dont le chiffre d’affaires était supérieur à 100 000 F avant 1976 et supérieur à 200 000 F depuis cette date. À partir de
1986 une enquête auprès des diffuseurs a permis d’estimer les ventes de livres en prix public hors taxes par canaux
de distribution.
6. Source : statistiques du SNE.
7. C. FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », art. cité.
8. Cependant, comme le note Jean Delas, directeur de L’école des loisirs, « ce n’est pas parce que quelques titres vendent beaucoup et font progresser les chiffres du secteur que le secteur se porte bien ».
66
L’édition jeunesse
Tableau 28 – Évolution du chiffre d’affaires de l’édition jeunesse
par catégorie de livres (1975-2001)
Année
en milliers d’euros
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
CA Livre jeunesse
Albums
Livres
Non ventilé
37 366
9 836
23 347
4 183
37 561
12 463
18 766
6 332
41 044
17 960
20 312
2 772
49 192
22 681
26 148
363
54 052
22 805
29 737
1 510
58 257
25 474
32 757
26
60 053
23 376
36 677
0
70 441
24 462
45 979
0
74 313
25 015
47 469
1 829
CA global
de l’édition
% du CA global
535 628
8,67 %
596 134
8,28 %
674 123
8,41 %
737 202
9,42 %
819 614
9,72 %
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
88 167
29 260
58 907
0
94 243
29 052
65 191
0
109 226
29 471
79 755
0
122 582
46 027
76 555
0
128 715
42 295
86 421
0
155 648
36 799
118 849
0
154 910
47 952
106 958
0
143 931
49 248
94 683
0
Année
CA Livre jeunesse
Albums
Livres
Non ventilé
CA global
de l’édition
% du CA global
Année
CA Livre jeunesse
Albums
Livres
Non ventilé
CA global
de l’édition
% du CA global
113 971
38 399
75 572
0
911 500 1 001 211 1 138 962 1 225 947
9,22 %
9,41 %
9,72 %
9,36 %
1 305 558 1 381 100 1 462 988 1 574 999 1 718 439 1 900 340 1 985 211 1 955 583 2 005 537
10,59 %
10,54 %
9,35 %
9,42 %
9,01 %
8,35 %
9,22 %
9,32 %
8,85 %
1993
146 705
57 952
88 753
0
1994
1995
152 102
60 250
91 852
146 829
77 719
69 110
1996
154 602
74 766
79 836
1997
1998
1999
2000
2001
169 825
76 864
92 961
179 557
71 374
108 183
185 011
60 642
124 369
203 515
63 070
140 445
211 292
66 835
144 457
2 096 177 2 144 497 2 078 684 2 069 296 2 049 098 2 079 509 2 094 879 2 184 310 2 254 193
8,42 %
8,46 %
8,30 %
7,47 %
8,29 %
8,63 %
8,83 %
9,32 %
9,37 %
Vente de livres hors taxes, sur le marché intérieur et à l’exportation.
Source : Dep/SNE.
Les ventes des ouvrages pour la jeunesse restent par ailleurs soumises à une forte
saisonnalité. En 1996, près de 60 % du chiffre d’affaires du secteur étaient réalisés entre le 15 novembre et le 25 décembre, contre 40 et 50 % aujourd’hui9.
Chez Chantelivre, librairie spécialisée jeunesse, le dernier trimestre représente
50 % du chiffre d’affaires annuel. Le livre, et cela se révèle particulièrement vrai
pour l’album et le beau livre, est pour beaucoup d’adultes un objet culturel que
l’on offre lors d’une occasion – notamment les fêtes de fin d’année.
Évolution de la production et des ventes en nombre d’exemplaires
Comme le chiffre d’affaires, la production en nombre d’exemplaires est en augmentation depuis 1995 après être restée constante (+ 55% entre 1995 et 2001).
9. C. FERRAND, « Jeunesse : les projets 1997 se concentrent sur la fiction », Livres Hebdo, no 226, 22 novembre 1996,
p. 57-60.
67
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Tableau 29 – Évolution du nombre de titres produits, d’exemplaires produits
et vendus en édition jeunesse (1974-2001)
Année
1974
1975
1976
1977
1 449
1 814
3 263
1 934
1 992
3 926
1978
1979
1980
1981
1982
Titres de livres produits
Albums
Livres
Total Jeunesse
1 035
1 677
2 712
1 209
1 877
3 086
2 315
1 902
4 217
2 204
2 083
4 287
1 752
2 116
3 868
1 606
2 102
3 708
1 666
2 127
3 793
Nombre d’exemplaires de livres produits (en milliers d’exemplaires)
Albums
Livres
Total
16 727
27 058
43 785
18 386
30 295
48 681
18 244
30 836
49 080
21 307
29 508
50 815
26 072
30 106
56 178
29 259
28 063
57 322
25 800
27 974
53 774
19 623
25 833
45 456
20 160
27 057
47 217
0
0
0
0
0
0
0
Nombre d’exemplaires de livres vendus
Albums
Livres
Total
0
Année
1984
0
1985
1986
1987
1 475
2 588
4 063
1 638
2 653
4 291
1988
1989
1990
1991
1992
Titres de livres produits
Albums
Livres
Total Jeunesse
1 681
2 581
4 262
1 418
2 575
3 993
1 565
2 694
4 259
1 717
3 424
5 141
2 624
4 155
6 779
1177
2 886
4 063
1 960
3 440
5 400
Nombre d’exemplaires de livres produits (en milliers d’exemplaires)
Albums
Livres
Total
19 208
30 682
49 890
15 987
34 666
50 653
15 630
33 194
48 824
16 108
35 244
51 352
14 761
30 583
45 344
16 645
38 207
54 852
25 389
44 193
69 582
34 976
30 722
65 698
18 096
31 976
50 072
10 091
34 038
44 129
16 199
29 300
45 499
16 175
28 913
45 088
12 957
33 864
46 821
16 097
34 641
50 738
15 600
31 302
46 902
13 903
26 969
40 872
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2 737
3 292
6 029
3 178
3 478
6 656
Nombre d’exemplaires de livres vendus
Albums
Livres
Total
0
Année
1993
0
1994
Titres de livres produits
Albums
Livres
Total Jeunesse
2 327
3 252
5 579
1 976
3 323
5 299
3 012
3 781
6 793
2 571
4 716
7 287
2 624
5 073
7 697
2 764
5 586
8 350
3 078
5 357
8 435
Nombre d’exemplaires de livres produits (en milliers d’exemplaires)
Albums
Livres
Total
17 920
34 445
52 365
13 749
29 725
43 474
22 246
32 323
54 569
26 596
35 372
61 968
27 690
39 325
67 015
19 684
51 125
70 809
19 624
50 846
70 470
22 318
55 947
78 265
24 793
59 650
84 443
22 095
22 133
44 228
22 477
29 522
51 999
29 708
34 039
63 747
18 572
41 040
59 612
16 043
42 590
58 633
18 213
43 026
61 239
19 529
43 996
63 525
Nombre d’exemplaires de livres vendus
Albums
Livres
Total
17 734
25 416
43 150
14 975
27 238
42 213
Source : Dep/SNE.
68
L’édition jeunesse
En 2001, 84,4 millions d’exemplaires ont été produits, 63,5 millions d’exemplaires vendus, soit 44 millions de livres, et 19,5 millions d’albums10.
Évolution de la production en nombre de titres
La production en nombre de titres est en constante augmentation depuis 30 ans
(moins de 3 000 titres en 1974, 6 000 en 1995, 8 400 environ en 2001) et cette
progression s’accélère surtout depuis la moitié des années 199011.
Cette production croissante est signe de dynamisme éditorial, mais l’augmentation du nombre de titres ne se fait pas toujours dans le sens d’une offre de plus
en plus diversifiée. Certains se contentent d’éditer des succès internationaux et
de proposer des produits copiant des ouvrages à succès, que ce soit au niveau
des thèmes, du contenu éditorial ou de la maquette.
Cette forte croissance peut être également un danger pour les livres eux-mêmes :
l’abondance des nouveautés réduit leur durée de vie en librairie. Alors qu’à la
fin des années 1980, le livre jeunesse semblait encore suivre des logiques
propres, il est aujourd’hui soumis aux mêmes règles en librairie que le reste de
la production, notamment à des rotations rapides et une durée de vie limitée12.
Graphique 3 – Évolution de la production en nombre de titres (1974-2001)
Source : Dep/SNE
10. Source : statistiques SNE, 2001. Il n’existe que deux catégories d’ouvrages dans l’enquête du SNE 2001, pour les
livres pour la jeunesse. La catégorie 251 – Livres pour enfants, dont la définition donnée par le SNE est la suivante :
ouvrages spécialement conçus pour les jeunes de moins de 15 ans, dans lesquels le texte domine à l’exclusion des
ouvrages scolaires ; et la catégorie 252 – Albums ou livres d’images et albums à dessiner ou à colorier pour enfants.
11. Cette spirale « inflationniste » des nouveautés était déjà soulignée par Jean-Marie Bouvaist. Voir Jean-Marie
BOUVAIST, « Tendances contradictoires dans l’édition jeunesse », Le livre en question, Médias pouvoirs, no 27, 3e trimestre 1992, p. 105-115.
12. Jean-Marie Bouvaist soutenait en 1992 que : « La durée de vie moyenne d’un livre pour la jeunesse est plus longue
que celle d’un livre de littérature générale. Les nouveautés ont besoin de temps pour s’imposer, les best-sellers à succès rapide et éphémère sont rares et les long-sellers sont en revanche nombreux. » Mais aujourd’hui, avec l’émergence
69
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Les nouveautés, sans cesse remplacées par d’autres afin de cultiver une image
dynamique et d’occuper les linéaires, n’ont pas le temps de s’implanter sur le
marché. C’est une évolution qui est déplorée par tous les professionnels de la
chaîne du livre – auteurs, éditeurs, libraires ou bibliothécaires – mais qui n’est
pas pour autant enrayée.
De plus, l’offre très vaste (plus de 8 000 titres – nouveautés, nouvelles éditions
et réimpressions chaque année, soit plus de 20 000 titres disponibles) ne permet
évidemment pas aux libraires de proposer tous les ouvrages : une sélection doit
donc être faite, qui s’opère souvent au détriment du fonds13.
Une tendance à la surproduction ?
Sur les trente dernières années, le ratio livres vendus/livres produits s’établit en
moyenne14 à 85 %15.
Dans l’édition jeunesse, comme dans le reste de l’édition, ce ratio est le signe
d’une tendance à la surproduction. Cette tendance correspond à des stratégies
« d’inondation du marché » des principaux concurrents16. Notons par ailleurs
que de manière générale, comme pour l’édition adulte, le tirage moyen diminue.
Cette tendance, amorcée dans les années 1980 (15 000 exemplaires en 1980,
13 667 en 1985, 10 677 en 199017), s’est stabilisée depuis 5 ans autour des
10 000 exemplaires (9 865 en 1997, 9 373 en 2000, 10 011 en 2001).
Cette diminution a pour résultat d’augmenter le prix de vente au public, malgré
les progrès réalisés par les industries graphiques et les économies rendues possibles par les coéditions internationales.
La structuration de l’offre
Les éditeurs ont l’habitude de structurer l’offre jeunesse en trois secteurs : la
petite enfance, la fiction et les documentaires18.
Petite enfance (du premier âge jusqu’à 5-6 ans)
– albums Petite enfance : les albums illustrés sous toutes leurs formes, en édition brochée ou cartonnée ;
des séries à succès telles que Chair de Poule et l’arrivée d’Harry Potter, on peut s’interroger, les best-sellers ne sont
plus si rares et ne sont pas non plus si éphémères. Voir J.-M. BOUVAIST, « Tendances contradictoires dans l’édition jeunesse », art. cité, p. 106.
13. Le fonds est l’ensemble des ouvrages qui ne sont pas des nouveautés.
14. Moyenne calculée à partir des données du tableau 31.
15. La production annuelle ne peut pas toujours être comparée avec les ventes puisque les ventes de l’année n écoulent des stocks des années précédentes et une partie de la production annuelle. La production de l’année n sera en partie vendue en n mais également en n + 1, n + 2, etc. Cependant ce ratio donne tout de même une approximation des
invendus.
16. J.-M. BOUVAIST, « Tendances contradictoires dans l’édition jeunesse », art. cité, p. 107.
17. Ibid.
18. Une structuration de ces secteurs, où les formats et supports utilisés sont multiples, a été proposée lors de l’étude
de la production dans l’édition jeunesse faite en 2001 par des étudiants du mastère de l’ESCP-Asfored. Nous l’avons
reprise ci-dessus.
70
L’édition jeunesse
– cartonnés : les « tout cartonnés », y compris les pages intérieures ;
– éveil et documentaires : livres d’éveil, d’activités, documentaires ou imagiers ;
– livres objets ou animés : livres avec dépliages, tirettes, flaps, ou livres utilisant
des matériaux autres que le papier.
Fiction (toutes histoires pour plus de 5-6 ans)
– albums fiction : les albums illustrés sous toutes leurs formes, en édition brochée ou cartonnée ;
– poches : ouvrages de fiction au format de poche, appartenant généralement à
une collection ;
– semi-poches : se distinguent des poches par la qualité de leur finition (un format plus grand, une qualité de papier et d’impression supérieure). C’est une
offre qui se positionne plus « haut de gamme » et qui se vend en moyenne plus
cher que les poches ;
– grands formats : ouvrages de fiction au format des nouveautés de la littérature
générale pour adultes.
Documentaires (tous ouvrages d’apprentissage pour plus de 5-6 ans)
– ouvrages généralistes : encyclopédies et dictionnaires généraux ;
– ouvrages thématiques : sciences, arts, nature, animaux… ;
– livres pratiques ou d’activités : thèmes pratiques (sports…) ou activités (peinture, découpage…).
Autres ouvrages (tous âges confondus)
– livres-CD et livres-cassettes : livres accompagnés de CD (ou de cassettes), ou
CD seul proposant un texte lu ;
– imagerie et autres : carterie, autocollants, coloriages et autres produits « en
marge ».
À défaut de pouvoir utiliser quantitativement cette segmentation fine pour repérer des évolutions par segment, on se contentera de mettre en exergue deux sousmarchés spécifiques – les poches et les albums –, sachant qu’une bonne partie
des livres jeunesse (au sens de livre-album) sont en format de poche.
Les poches
Apparu dans le domaine du livre jeunesse en 1977-1978 avec le lancement de
Folio Junior qui suivait de peu Renard poche de L’École des loisirs, le poche a
connu une grande expansion en édition jeunesse. La quasi-totalité des éditeurs se
sont lancés sur ce marché et notamment Pocket, troisième grand éditeur de poches
pour adultes, au début 1994 avec deux collections : Kid Pocket et Pocket Junior.
En 2001, ce marché représente 19,7 % du chiffre d’affaires et 20 % du nombre
d’exemplaires vendus, et constitue plus de 40 % de la production de livres jeunesse (réimpressions, nouveautés et nouvelles éditions incluses19). Durant la
19. Source : statistiques SNE, 2001.
71
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
crise du début des années 1990, le poche a réussi à s’imposer en édition jeunesse,
comme en édition adulte20.
Le marché des poches en édition jeunesse est marqué par une forte évolution,
avec une croissance du chiffre d’affaires de plus de 30 % entre 2000 et 200121,
notamment due à la progression spectaculaire des ventes d’Harry Potter. Et le
marché continue son expansion : 20,2 millions d’exemplaires vendus en 2001 et
21,8 millions d’exemplaires en 200222.
Les livres au format de poche se diffusent très largement et sont présents sur tous
les canaux de distribution : les librairies, les petits points de vente, les grandes
et moyennes surfaces. Le prix de vente bas, le format standard et le taux de rotation élevé expliquent cette large diffusion.
Pour les éditeurs, les collections de poche possèdent de réels enjeux économiques. D’un point de vue communication, la collection de poche reflète l’image
de l’éditeur, sa qualité, sa créativité et son dynamisme. D’un point de vue économique, les collections de poche sont des ressources importantes pour les éditeurs car ces ouvrages, avec un prix de revient faible, une large diffusion et des
ventes nombreuses, permettent de dégager d’importantes marges.
Le marché du poche jeunesse est très concentré. Les trois plus importants éditeurs – Gallimard, Hachette et Bayard – détiennent plus de 60 % du marché.
Ce sont souvent quelques titres forts qui permettent d’occuper le marché. Ainsi,
les séries permettent de conquérir des parts de marché de manière significative.
C’est le cas de Bayard avec Chair de Poule, d’Hachette avec Titeuf (grâce à ce
titre, Hachette a pris 22,3 % de part de marché en 2002 contre 16,3 % en 2001)
ou de Gallimard avec Harry Potter.
Tableau 30 – Part de marché des éditeurs (2001-2002)
Gallimard Jeunesse
Hachette Jeunesse
Bayard édition jeunesse
Pocket Jeunesse
École des loisirs
Père Castor, Flammarion
Rageot
Milan
Nathan
Hatier
2001
2002
29,20
16,30
16,40
–
–
–
–
–
–
–
24,70
22,30
14,00
11,70
6,70
4,80
3,50
3,40
2,90
1,50
en %
Source : Estimations Ipsos, sorties caisse. Chiffres en volume pour 2001 et 2002.
20. C. FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », art. cité.
21. Chiffre d’affaires des livres pour la jeunesse en format de poche en 2000 : 45,1 millions d’euros contre 58,7 millions d’euros en 2001. Chiffres SNE/Dep.
22. Source : Estimations Ipsos, sorties caisse pour 2001 et 2002.
72
L’édition jeunesse
Le marché des collections de poche est concentré sur quelques marques à image
forte qui appartiennent aux éditeurs dominant ce secteur en volume : Gallimard
Jeunesse, Hachette et Bayard. Il existe, en termes d’âge, trois sous-marchés :
benjamin, cadet, junior, le dernier étant le plus développé car il touche des lecteurs à la fois plus confirmés et qui se tourneront facilement vers des ouvrages
publiés dans ce format.
Tableau 31 – Part de marché des marques (2001-2002)*
Marque
Éditeur
Folio Junior (sauf Club des Baby-sitters,
Animorphs, Livre dont vous êtes le héros)
normal et édition spéciale
Bibliothèque Rose
Livre de poche jeunesse
Pocket Junior
Lutin Poche
Tom-Tom et Nana
Petit ours brun
Reste du marché
Gallimard Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Univers Poches
L’École des loisirs
Bayard Édition Jeunesse
Bayard Édition Jeunesse
en %
Âge
9/12
7/10
9/12
9/12
5/7
7/12
1/7
ans
ans
ans
ans
ans
ans
ans
2001
2002
25,60
5,30
6,20
2,60
3,50
4,10
2,90
49,80
20,90
10,40
7,50
4,60
3,50
3,30
2,70
47,10
* En ce qui concerne l’analyse des parts de marché des collections, la perte de parts de marché de Folio Junior en 2002 (moins
5 points entre 2001 et 2002) est à mettre en relation avec l’augmentation des parts de marché de la Bibliothèque rose qui s’explique par le succès de Titeuf (plus de 1,3 million d’exemplaires vendus en 2002) et la diminution des ventes de Harry Potter. Cette
série reste toutefois la plus vendue du marché (plus de 3,3 millions d’exemplaires en format de poche vendus en 2001, contre
1,8 million d’exemplaires en 2002). Les chiffres de vente ont pour source : Estimations Ipsos, sorties caisse pour 2001 et 2002.
Source : Estimations Ipsos, sorties caisse. Chiffres en volume pour 2001 et 2002.
Enfin, la jeunesse occupe un pourcentage important du marché des poches en
France : elle se trouve juste derrière le roman en deuxième position. Cela s’explique à la fois par le succès des titres jeunesse depuis une dizaine d’année, par
le phénomène Harry Potter et par l’engouement pour l’Heroic fantasy de
manière générale chez les enfants et les adultes.
Tableau 32 – Composition du marché des livres de poche
selon le genre (2001-2002)
en %
Roman
Jeunesse
Policier
Documents, essais
Classique littérature
Science-fiction
Parascolaire
Pratique
2001
2002
23,5
21,6
12,5
7,8
5,9
5,2
4,8
3,5
23,7
21,9
12,0
8,1
5,8
5,1
4,4
3,6
Remarque : il existe d’autres catégories dont les pourcentages de parts de marché sont inférieurs.
Source : Estimations Ipsos, sorties caisse. Chiffres en volume pour 2001 et 2002.
73
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Les albums
De manière générale, le chiffre d’affaires de l’album est bien inférieur à celui du
livre, alors que son prix de vente est souvent plus élevé. Le nombre de livres vendus, notamment des poches, est beaucoup plus important : en moyenne deux à
trois fois plus de livres jeunesse sont vendus que d’albums. À l’exception de la
période de crise des années 1990 où le chiffre d’affaires des livres a chuté tandis que celui des albums n’a cessé d’augmenter pour atteindre son plus haut
niveau en 1995 : 78 millions d’euros environ.
Graphique 4 – Évolution comparée du chiffre d’affaires du livre
et de l’album jeunesse (1975-2001)
Source : Dep/SNE.
Le nombre de livres vendus, en revanche, n’est jamais inférieur à celui des
albums vendus (sauf en 1995 où pour 22,09 millions d’albums vendus, il y eut
22,13 millions de livres vendus).
En période de crise, le livre jeunesse reste une « valeur sûre », un objet estimé.
L’album, considéré comme un « beau livre » comparé à un ouvrage au format de
poche, est un cadeau que l’on continue d’acheter et d’offrir : c’est un instrument
de sociabilité, ce qui explique que les albums aient moins souffert de la récession23.
23. Il en est de même dans le secteur adulte, pour les beaux livres.
74
L’édition jeunesse
Graphique 5 – Évolution comparée du nombre de titres vendus du livre
et de l’album jeunesse (1986-2001)
Source : Dep/SNE.
De ce fait, les éditeurs positionnent l’album en haut de gamme. Les nouveautés
sont peu nombreuses, réalisées par des illustrateurs connus ou très prometteurs,
et ont un faible tirage. Leur prix de vente au public est élevé, mais ne permet de
dégager que de très faibles marges. Certains titres connaissent de réels succès
éditoriaux comme, par exemple, Les derniers géants de François Place publié
chez Casterman, vendu à plus de 20 000 exemplaires en 1994.
Toutefois, certains éditeurs proposent des albums d’excellente qualité à des prix
plus abordables. Ainsi L’École des loisirs publie ses albums en broché et en cartonné afin de proposer des gammes de prix différentes : les albums brochés, au
même format que les cartonnés, sont proposés à des prix plus accessibles. Ce
choix s’intègre à la fois dans la politique de démocratisation du livre pour enfant
prônée par la maison (tous les enfants doivent avoir la possibilité de lire des
livres de qualité) et dans une stratégie commerciale qui permet à l’éditeur d’occuper deux créneaux de prix.
Les albums sont moins diffusés que les poches : on les retrouve dans les librairies de premier niveau24 mais rarement dans les petits points de vente ou dans
les grandes ou moyennes surfaces. Intégrer un album dans son fonds présente un
24. Les librairies de premier niveau ont vocation à recevoir, à présenter et à vendre l’essentiel de la production des
éditeurs et vivent essentiellement, voire exclusivement, de la vente de livres. Entre 700 et 1 000 librairies environ sont
considérées par les éditeurs comme de premier niveau.
75
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
risque pour le libraire, les albums se vendant moins facilement que les poches,
leur prix plus élevé obligeant le libraire à faire des sorties de trésorerie plus
importantes. D’autre part, leur format, en lequel on peut voir de la créativité,
n’est pas standard, ce qui provoque des difficultés de rangement.
Les éditeurs, acteurs du secteur
Mouvements de concentration et émergence de petits éditeurs
L’édition pour la jeunesse est un secteur que l’on peut considérer à la fois comme
encore assez peu concentré puisqu’une centaine d’acteurs se partagent le secteur, et très concentré puisque ce sont toujours les mêmes éditeurs – Gallimard
Jeunesse et Hachette Jeunesse en tête –, qui réalisent depuis une vingtaine d’années la moitié du chiffre d’affaires.
Ainsi la structure du marché peut être décrite comme celle d’un oligopole à
frange25. En effet, Hachette et Gallimard, assurant leur propre distribution26,
dominent le marché et sont entourés de maisons de toutes tailles, de L’École des
loisirs (qui possède plus de 4 000 titres à son catalogue) à de tout petits éditeurs.
Le marché de l’édition jeunesse est passé d’un paysage plutôt « familial » à un
paysage industriel et concurrentiel27. En effet, les rachats et les restructurations
au sein des groupes se multiplient. En 1998, les éditions du Sorbier sont rachetées par le groupe La Martinière, mais avec le souci de garder la même ligne éditoriale. De même en 1999, Flammarion rachète Casterman. Rageot, après avoir
été racheté en 1955 par Hatier, tombe dans l’escarcelle d’Hachette à la suite du
rachat du groupe Hatier. La concentration des entreprises se poursuit donc dans
l’édition jeunesse comme dans le reste de l’édition. Cependant, en parallèle de
ce mouvement de concentration, on observe une effervescence du côté de la
création de jeunes maisons. Alors même que de nombreuses maisons sont rachetées, intègrent des groupes et acceptent de perdre une partie de leur indépendance
éditoriale pour perdurer sur ce marché, nombre de petits éditeurs apparaissent et
maintiennent l’équilibre de la structure d’oligopole à frange.
Enfin, la création de Gallimard-Bayard Jeunesse témoigne des tentatives d’industrialisation d’une partie du secteur, avec la recherche d’une position de leader sur le marché. Cette « coentreprise », créée en octobre 1999, était leader avec
25. Françoise Benhamou en donne cette définition : « Quelques grandes entreprises dominantes, parfois implantées
de longue date, maîtrisant les réseaux de distribution, constituent le noyau de l’oligopole ; à sa périphérie, une nébuleuse de petites ou de moyennes sociétés, dépendantes des plus grandes en matière de distribution, en forment la frange
concurrentielle. » Françoise BENHAMOU, L’économie de la culture, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2001, p. 71.
26. Hachette pour Hachette et la Sodis pour Gallimard Jeunesse.
27. Pierre Marchand quitte Gallimard Jeunesse – qu’il a fondé au début des années 1970 – pour Hachette ; Jean-Claude
Dubost part de Bayard pour intégrer l’équipe de Pocket ; Franck Girard, directeur de Nathan et Larousse Jeunesse,
rejoint le comité éditorial de la « coentreprise » Gallimard-Bayard.
76
L’édition jeunesse
22,3 % de parts de marché en valeur (et 23,8 % en volume28), mais disparaît en
2002. Cet échec montre, peut-être, que l’édition pour la jeunesse est encore un
domaine où les rapprochements rapides ne sont pas si simples et ne peuvent
s’imposer en proposant uniquement d’ambitieux objectifs commerciaux.
Cette période voit également l’émergence de nouvelles techniques de management. François Faucher, chez Père Castor/Flammarion, souligne d’ailleurs en
1993 :
« Nous nous orientons vers de nouvelles conceptions de rentabilité. Il faut maintenant travailler avec des impératifs de réductions des stocks et des tirages, quitte
à réimprimer deux fois dans l’année29. »
De nouveaux acteurs apparaissent sur le marché utilisant les techniques de la
grande distribution, comme Hemma dans les années 1990. Multinationale spécialisée présente en Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Hemma utilise un marketing s’inspirant des méthodes du secteur des hypermarchés. Le groupe, apparu
en 1989, a vendu dès sa première année près de 12 millions d’exemplaires au
prix moyen de 18 francs, en utilisant de nouvelles méthodes de diffusion : il n’y
a que deux mises en place par an (sur le modèle allemand) où la multinationale
vend un catalogue de nouveautés identiques d’un pays à l’autre, ce qui permet
des réductions des coûts de production puisque les films de photogravure et les
dessins servent pour tous les pays comme dans le système des coéditions. Il n’y
a pas d’office, de retours ou de réassorts, ce qui séduit principalement les grandes
et moyennes surfaces non spécialisées et permet ainsi de placer ses ouvrages sur
des linéaires difficilement accessibles pour la majorité des éditeurs. Le produit
culturel est ainsi traité comme un produit de grande consommation. Ce succès
commercial – le succès éditorial reste à l’appréciation de chacun – se base sur
la mise en œuvre d’une logique industrielle : fabrication en séries, vente à bas
prix, frais éditoriaux et de commercialisation réduits.
Panorama des acteurs dans les années 2000
Réaliser un état des lieux des éditeurs jeunesse en France en 2002 ou 2003 est
difficile. En effet, les chiffres concernant les éditeurs jeunesse sont rares et le
contour de ces groupes a un avenir incertain et risque de se modifier.
La liste des meilleures ventes permet de comprendre le poids économique des
leaders du marché. Toutefois, on notera que ce classement retient des titres de
séries.
28. Claude COMBET et Laurence SANTANTONIOS, « L’édition jeunesse en pleine crise de regroupement », Livres Hebdo,
no 359, 26 novembre 1999, p. 67-77.
29. Cité par C. FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », art. cité.
77
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Le classement quantitatif
Selon le classement des ventes jeunesse 2002, les deux éditeurs les plus importants sont Hachette Jeunesse et Gallimard Jeunesse qui occupent le marché avec
leurs séries à succès : Titeuf et Harry Potter. Ce sont des ouvrages de poche que
l’on retrouve dans cette liste. En effet, rares sont les albums qui arrivent à
atteindre des niveaux de vente en volume aussi importants. En 2002, l’album jeunesse le mieux vendu – La terre racontée aux enfants, publié à La Martinière
Jeunesse – s’est vendu à 83 000 exemplaires, ce qui le met à la 20e place au classement des meilleures ventes jeunesse. Ainsi les éditeurs qui proposent en majorité des albums ne seront que rarement présents dans ce classement, même si par
ailleurs ils réalisent un important chiffre d’affaires.
Tableau 33 – Classement des meilleures ventes jeunesse en 2002
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
Titre
Éditeur
Parution
Ventes
Harry Potter et la coupe de feu
Harry Potter et la chambre des secrets
Harry Potter à l’école des sorciers
Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban
Les filles, c’est nul ! (Titeuf)
Tchô la planète ! (Titeuf)
Même pô mal (Titeuf)
C’est pô croyable (Titeuf)
Pourquoi moi ? (Titeuf)
C’est pô une vie ! (Titeuf)
C’est pô malin… (Titeuf)
Les seigneur des anneaux, tome 1
Harry Potter (coffret 4 volumes)
Trop c’est trop ! (Tom-Tom et Nana)
Le petit prince (en format poche)
À la croisée des mondes, tome 1
(en format poche)
Le seigneur des anneaux, tome 2
(en format poche)
À la croisée des mondes, tome 2
(en format poche)
Les Pilleurs de sarcophages
Inconnu à cette adresse (en format poche)
Gallimard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Bayard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Gallimard Jeunesse
14/11/01
23/03/99
09/10/98
19/10/99
14/11/01
06/03/02
24/05/00
24/05/00
18/04/01
27/05/00
11/10/00
17/03/00
07/11/01
27/03/02
25/01/99
14/03/00
383 000
350 000
329 000
328 000
233 000
202 000
193 000
181 000
180 000
175 000
170 000
140 500
109 000
103 000
101 000
100 000
Gallimard Jeunesse
17/03/00
99 000
Gallimard Jeunesse
13/03/02
96 000
Hachette Jeunesse
Hachette Jeunesse
03/09/01
21/08/02
84 500
83 000
Source : Livres Hebdo, supplément au no 506, 21 mars 2003.
L’édition jeunesse en France est donc dominée par quelques leaders. En 2001,
alors que la coentreprise Gallimard-Bayard Jeunesse existait encore, le magazine LSA30 annonçait que les trois leaders du marché se partageaient 58 % de
30. Véronique CALON, « L’édition jeunesse fait sa révolution », LSA, no 1747, 29 octobre 2001, p. 34-35.
78
L’édition jeunesse
parts de marché : 25 % pour Gallimard-Bayard Jeunesse, 20 % pour Hachette
Jeunesse et 13 % pour Vivendi Universal Publishing31.
Le nombre de titres au catalogue est également un indicateur de la place de
chaque maison sur le marché. Le tableau 34 propose un panorama des 45 premiers éditeurs en nombre de titres présents dans le catalogue. Si Hachette
Jeunesse et Gallimard Jeunesse conservent une position dominante, d’autres
éditeurs prennent également place dans le peloton de tête. Ainsi, L’École des
loisirs – qui est d’ailleurs l’éditeur proposant le plus de titres, preuve d’un réel
travail pour l’entretien de son fonds –, Casterman et Glénat possèdent des catalogues conséquents. Ce classement n’a que peu évolué depuis une vingtaine
d’années.
Les jeunes éditeurs des années 1990 ont cependant bien réussi leur intégration
sur le marché en constituant un catalogue significatif : Actes Sud Junior, créée
en 1995, publie plus de 300 titres et Autrement Jeunesse créée deux ans plus tard
en compte 180 à son catalogue.
Il faut également souligner l’abondance des tout petits éditeurs, pour la plupart
apparus entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Leur situation
précaire les oblige souvent à se diffuser et à se distribuer eux-mêmes ou à se
regrouper. Le tableau 35 propose un classement des éditeurs, présents au Salon
du livre de jeunesse de Montreuil 2002, possédant moins de 70 titres à leur catalogue.
Essai de classement qualitatif
L’analyse de l’organisation du secteur de l’édition jeunesse ne peut être basée
seulement sur une analyse quantitative. Pour une approche qualitative, nous nous
appuyons sur une enquête menée auprès de 40 professionnels, libraires et bibliothécaires, en vue de déterminer leur appréciation des éditeurs jeunesse32.
L’auteur s’attache à cerner les critères qui permettent aux prescripteurs de définir
ce qu’est un « bon éditeur jeunesse » : prime avant tout la qualité, en termes
d’images et de textes comme de mise en page et de fabrication, et viennent
ensuite l’originalité, la créativité, enfin l’adéquation du livre avec son public. Il
est très intéressant de noter que le classement qui ressort de cette étude est très
différent des précédents.
Ce classement prend en compte l’éditeur de façon globale, c’est-à-dire tout type
de production confondu. L’École des loisirs est en tête, suivie par Gallimard qui
est à la fois leader en termes de ventes et dont la production éditoriale est appréciée par les prescripteurs. Suivent des éditeurs de taille moyenne, voire des petits
31. Les marques de Gallimard-Bayard Jeunesse sont Gallimard Jeunesse et Bayard Jeunesse, celles d’Hachette
Jeunesse sont Hachette Jeunesse, Gautier-Languereau, Deux Coqs d’Or, et celles de Vivendi Universal Publishing sont
Nathan Jeunesse, Pocket Jeunesse, Larousse Jeunesse, Hemma et Syros.
32. Isabelle THEILLET, Analyse du marché 2002 du livre de jeunesse, mémoire de DESS Pratique commerciale et marketing, Institut d’administration des entreprises de Paris, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 2003.
79
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Tableau 34 – Classement des éditeurs jeunesse
selon le nombre de titres proposés dans leur catalogue en 2002
Éditeur
Année
de création
Titres au
catalogue
Diffuseur
Distributeur
L’École des loisirs
Gallimard Jeunesse
Hachette Jeunesse
et Deux Coqs d’Or
Casterman
Éditions Glénat
Éditions Lito
Milan Presse
Nathan Jeunesse
Bayard Jeunesse
Père Castor-Flammarion
Albin Michel
Seuil Jeunesse
Hemma éditions
Mango
Pocket Jeunesse
Guy Delcourt Production
Gautier-Languereau
Éditions Nord-Sud
MFG Éducation
Éditions Gründ
Éditions Hatier
Retz
Éditions Usborne
Magnard Jeunesse
Rageot
Actes Sud Junior*
Grasset-jeunesse
Syros Jeunesse
Kaleidoscope
Circonflexe/Millepages
1965
1972
1850
4 000
3 000
3 000
L’École des loisirs
Gallimard
Hachette
Le Seuil
Sodis
Hachette
1780
1969
1951
1981
1881
1873
1931
1981
1992
1954
1990
1994
1985
1905
1981
1985
1880
1880
1974
1983
1933
1941
1995
1973
1984
1988
1989
2 500
2 500
1 300
1 200
1 040
1 000
1 000
800
800
750
700
610
600
500
500
450
400
400
400
370
350
350
300
300
300
272
250
Flammarion
Illiade
Éditions Lito
Le Seuil
Nathan
Sofedis
Union Distribution
Hachette
Le Seuil
VUP Services
CDE
VUP Services
Flammarion
Hachette
Sofedis
MFG Éducation
Gründ
Hatier Diffusion
VUP Services
VUP Services
Magnard Vuibert Diffusion
Hatier
Union Distribution
Hachette
Éditions Lito
Le Seuil
VUP Services
Sodis
Union Distribution
Hachette
Le Seuil
VUP Services
Sodis
VUP Services
Union Distribution
Hachette
Sodis
MFG Éducation
Gründ
Hachette
VUP Services
VUP Services
Dilisco
Hachette
Hachette
VUP Services
Le Seuil
Dilisco
Mijade
Le Rouergue
Éditions du Sorbier
Play-Bac/Petit Musc
1993
1986
1979
1986
250
240
215
185
Hachette
Nathan
L’École des loisirs
Magnard Vuibert
Diffusion
Sofedis
Actes Sud
Diff-édit
Hatier/Flammarion
Éditions de la Martinière Jeunesse
Éditions Autrement Jeunesse
Thierry Magnier
Éditions Scala
Bilboquet
Fanlac éditions
Quatre Fleuves
Mila éditions
Didier Jeunesse
1995
1997
1998
1980
1994
1943
1995
1984
1988
182
180
180
180
160
160
160
150
135
Sodis
Union Distribution
Diff-édit
Hachette/
Union Distribution
Diff-édit
Diff-édit
Le Seuil
Le Seuil
Harmonia Mundi
Harmonia Mundi
CDE
Sodis
Bilboquet
Bilboquet
Fanlac
Fanlac
Magnard Vuibert Diffusion Dilisco
Magnard Vuibert Diffusion Dilisco
Hatier
Hachette
* Pour Actes Sud Junior, la source est le catalogue 2003.
Source : Catalogue du 18e Salon du livre de Montreuil 2002.
80
L’édition jeunesse
Tableau 35 – Classement des petits éditeurs jeunesse
selon le nombre de titres proposés dans leur catalogue en 2002
Éditeur
Année
de création
Titres au
catalogue
Éditions Petit à Petit
Rue du monde
Lo Pais d’enfance
Alain Beaulet Editeur
2000
1996
1992
1984
62
62
61
60
Éditions Atlas Livres
Éditions Frimousse
Éditions J’ai lu Jeunesse
Le Sablier
Les éditions de l’œil
Les éditions du ricochet
Le Dé bleu
Les livres du dragon d’or
Éditions du Jasmin
Éditions MeMo
Centre Georges Pompidou
Éditions Degliame
Esperluète éditions
Alice éditions
Bragelonne
Donner à voir
Éditions être
Éditions du Gulf Stream
Le Patio éditeur
Desclée de Brouwer
L’atelier du poisson soluble
Emmanuel Proust éditions
Passage piétons
Éditions Tourbillon
Au bord des continents
Benoit Jacques
Éditions Points de suspension
Éditions de la
Renarde Rouge
Éditions du Chat
Flies
Zoom éditions
Rouge Safran
L’Atelier
Éditions Lipokil
Quiquandquoi
Grr… Art éditions
Le Buveur d’encre
Les enfants de la Baleine
Les amis de Dodova
Poulailler production
Éditions Tartamundo
Les enfants terribles
Les oiseaux de passage
Le Nénuphar
Pêcheur de lune éditions
1999
1996
2001
1997
1997
1995
1974
1989
1997
1993
1976
1999
1994
1995
2000
1984
1997
1989
2000
1989
2002
1998
2002
1993
1989
1997
1994
50
50
50
47
46
42
40
40
40
40
35
33
33
30
30
30
30
30
26
23
22
22
21
21
20
20
20
20
1999
1995
2001
1999
1990
2002
2001
1999
2001
2001
1998
1996
1999
1982
2000
2001
2002
19
18
17
16
12
12
12
9
7
7
6
6
6
5
5
3
3
Diffuseur
Distributeur
Le Seuil
Harmonia Mundi
Harmonia Mundi
Le comptoir
des indépendants
Illiade
Diff-édit
Flammarion
Le Sablier
Les éditions de l’œil
Le Seuil
Harmonia Mundi
Harmonia Mundi
Le comptoir
des indépendants
Hachette
Diff-édit
Union Distribution
Diff-édit
Les éditions de l’œil
CED/Collines
Gründ
Éditions du Jasmin
Némo diffusion
Union Distribution
Harmonia Mundi
CED
Desclée de Brouwer
Harmonia Mundi
Donner à voir
Harmonia Mundi
Éditions du Gulf Stream
Le Patio éditeur
Desclée de Brouwer
Atelier du poisson soluble
Diff-édit
Passage piétons
Éditions Tourbillon
La Diff
Benoit Jacques
Vilo
Collines/Lirabelle
Casteilla
Gründ
Éditions du Jasmin
Alterdis
Union Distribution
Harmonia Mundi
Alterdis
Desclée de Brouwer
Harmonia Mundi
Donner à voir
Harmonia Mundi
Éditions du Gulf Stream
Le Patio éditeur
Desclée de Brouwer
Atelier du poisson soluble
Diff-édit
Passage piétons
Éditions Tourbillon
Hachette
Benoit Jacques
Vilo
Éditions de la
Renarde Rouge
Éditions du Chat
Casteilla
Le Passevent
Rouge Safran
L’Atelier
VUP Services
Alterdis
Le Passevent
Alterdis
Les enfants de la Baleine
Les amis de Dodova
Lirabelle
Le Passevent
Littéral
Les oiseaux de passage
Joker
Bibliodif/Alterdis
Éditions du Chat
CED
Le Passevent
Rouge Safran
L’Atelier
VUP Services
Nemo
Le Passevent
CED
Les enfants de la Baleine
Les amis de Dodova
Lirabelle
Le Passevent
Littéral
Les oiseaux de passage
Joker
CED
Source : Catalogue du 18e Salon du livre de Montreuil 2002.
81
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
comme Actes Sud Junior et Thierry Magnier. Hachette Jeunesse et Bayard
Jeunesse, pourtant fortement investis sur ce marché, ne figurent qu’en fin de classement.
Tableau 36 – Classement des éditeurs préférés des
professionnels (libraires et bibliothécaires)
Éditeur
en %
Ratio de nombre de citations
L’École des loisirs
Gallimard Jeunesse
Seuil Jeunesse
Actes Sud Junior
Thierry Magnier
Albin Michel Jeunesse
Nathan Jeunesse
Milan
Rue du monde
Bayard Jeunesse
Casterman
Hachette Jeunesse
Le Rouergue
Syros Jeunesse
Divers
Sans réponses
18,0
13,5
9,5
7,0
6,0
5,0
5,0
4,5
4,0
2,0
1,5
1,5
1,5
1,5
15,0
4,5
Source : Isabelle THEILLET, Analyse du marché 2002 du livre de jeunesse,
mémoire de DESS Pratique commerciale et marketing, Institut d’administration des entreprises de Paris,
Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 2003.
Un autre classement est proposé par l’auteur de cette enquête : celui des éditeurs
les plus appréciés en fonction du type de production dont le tableau présente les
résultats de façon synthétique.
Tableau 37 – Classement des éditeurs jeunesse en fonction du type de production
Rang Tout type
de production
1
2
3
4
5
6
7
8
L’École des loisirs
Gallimard Jeunesse
Seuil Jeunesse
Actes Sud Junior
Thierry Magnier
Albin Michel
Nathan Jeunesse
Milan
Tout petits
Albums
Romans
Documentaires
Contes
L’École des loisirs
Albin Michel
Gallimard Jeunesse
Nathan Jeunesse
Thierry Magnier
Bayard Jeunesse
Didier Jeunesse
Quatre Fleuves
L’École des loisirs
Seuil Jeunesse
Gallimard Jeunesse
Albin Michel
Gautier-Languereau
Casterman-Duculot
Milan
Nord-Sud
Gallimard Jeunesse
L’École des loisirs
Hachette Jeunesse
Castor Poche
Rageot
Nathan Jeunesse
Syros Jeunesse
Thierry Magnier
Gallimard Jeunesse
Nathan Jeunesse
Milan
Larousse Jeunesse
Casterman
Hachette Jeunesse
La Martinière
Mango Jeunesse
Milan
Nathan Jeunesse
Syros Jeunesse
Gründ
Albin Michel
L’École des loisirs
Seuil Jeunesse
Actes Sud Junior
Source : I. THEILLET, Analyse du marché 2002 du livre de jeunesse, op. cit.
82
L’édition jeunesse
À travers ce nouveau classement, apparaissent dans les premières places les
mêmes éditeurs, comme L’École des loisirs, Gallimard Jeunesse, puis Seuil
Jeunesse et Nathan Jeunesse, etc. L’auteur souligne que L’École des loisirs
occupe une place tout à fait à part :
« La référence. Restée fidèle à son nom et à son engagement de départ “apprendre
dans le plaisir”. L’image de L’École des loisirs auprès des prescripteurs est très
bonne. Certains d’entre eux retiennent “la proposition complète de l’album au
roman, avec une politique d’auteurs et d’illustrateurs français et étrangers de qualité”, d’autres la définissent comme “un spécialiste de jeunesse très pointu alliant
qualité, diversité et originalité”. Il n’en reste pas moins que d’autres éditeurs jeunesse sont également très appréciés, tels Gallimard Jeunesse, pour “l’ampleur et
la richesse de leur catalogue, avec des grands noms de la littérature, notamment
étrangère, la qualité des choix éditoriaux et de la présentation, pour les documentaires tout particulièrement” ; Le Seuil Jeunesse pour “l’originalité de son
catalogue actuel et son renouvellement au niveau esthétique et en fiction : une
production éclectique avec un style qui lui est propre” ; Actes Sud Junior, qui présente “un bel objet accompagné d’une exigence éditoriale, de beaux livres de qualité, des créations qui sortent de l’ordinaire” ; Thierry Magnier enfin, pour “son
côté artisanal, innovant, audacieux et créatif […] : une prise de risque éditoriale
poussant à la réflexion pédagogique et au questionnement”. »
À l’inverse, les critiques peuvent également être acerbes de la part des libraires
et bibliothécaires. À cet égard, l’auteur remarque qu’ils n’apprécient pas un certain type de production dite de « supermarché », comme les Disney, les séries,
les dérivés de la télévision33.
Les stratégies des acteurs du secteur
Les stratégies éditoriales
Pour tenter de définir ce que peuvent être les stratégies des éditeurs, citons
Françoise Balanger, rédactrice en chef de La Joie par les livres34 :
« Les éditeurs ont à la fois besoin de se démarquer les uns des autres, en trouvant
quelque chose d’original, et à la fois de se copier les uns les autres pour profiter
d’un succès35. »
L’importance de la créativité
Dans le climat de vive concurrence qui s’est développé lors de la crise des années
1990, chaque éditeur s’oblige à affirmer son identité pour deux raisons : avoir
33. Extrait de l’étude d’I. Theillet : ce sont les raisons majeures exprimées par les prescripteurs pour justifier leurs préférences.
34. La Joie par les livres est une association de bibliothécaires, créée en 1965, rattachée au Ministère de la culture
(Direction du livre et de la lecture). Elle a pour vocation de soutenir toute action favorisant l’accès de l’enfant au livre
et à la lecture.
35. Entretien avec Françoise Balanger, La Joie par les livres, 22 mai 2003.
83
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
une meilleure visibilité sur le marché et renforcer son fonds. Cette volonté favorise la création et encourage les jeunes auteurs et illustrateurs. En 1993, 68 %
des nouveautés à L’École des loisirs étaient des créations de jeunes auteurs. De
même, chez Nathan la création représente 70 % de la production36. Quand l’objectif est de recréer un fonds pour la collection, la présence (ou l’embauche si
nécessaire) d’un directeur artistique est indispensable afin d’espérer attirer les
meilleurs illustrateurs. Le défi d’un éditeur n’est alors pas uniquement de trouver et de fidéliser des lecteurs mais également de trouver et de fidéliser des
auteurs et des illustrateurs pour entretenir un fonds de qualité. Le travail de prospection et de fidélisation de l’éditeur se fait donc à la fois en amont et en aval du
livre.
Le positionnement sur des créneaux et la recherche d’une spécialité ou d’une
spécificité peuvent être des atouts pour trouver une place sur le marché. Dès les
années 1980, de nombreux éditeurs s’attachent à développer ce type de positionnement. Hatier se spécialise par exemple sur les aspects cachés de la vie animale avec la microphotographie pour la collection l’« Œil vert », Bayard propose des livres animés, Père Castor-Flammarion se spécialise avec une collection
sur l’astronomie « La bibliothèque de l’Univers37 ».
La tentation de copier
Quand des concepts sont développés par des éditeurs avec succès sur le marché,
la tentation de copier est grande. Le style Disney, par exemple, a été particulièrement imité : dans les années 1994-1995, la marque PML (Profrance Maxi Livre)
a diffusé des « faux Disney » et Nathan a utilisé la marque Mélodia pour vendre
des ouvrages proches graphiquement des « Disney » du packager américain
Twinbooks, après que Disney lui ait retiré sa licence d’exploitation38.
Dans le domaine des livres d’initiation à l’art par exemple, il y a eu des tentatives dispersées, et à force de tâtonnements de divers éditeurs petits et grands, ce
type de livres s’est implanté durablement dans le paysage éditorial. Autre
exemple, quand Bayard a lancé Chair de Poule, peu d’éditeurs publiaient des
ouvrages sur le thème du « frisson » en jeunesse. Chair de Poule a eu un succès
phénoménal et de nombreuses maisons d’édition se sont mises à créer des collections similaires. De même, à partir du succès de Vu, le dictionnaire visuel dont
Gallimard a vendu près de 80 000 exemplaires en 1996, Hachette a développé
un produit similaire, Zoom.
Le clonage des techniques marketing existe également : le succès d’Harry Potter
auprès d’un public adulte a facilité le développement de publications en grand
36. C. FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », art. cité.
37. Claude COMBET, « Le Boom des documentaires », Livres Hebdo, no 41, 12 octobre 1990, p. 71-73.
38. La rédactrice en chef de La Joie par les livres remarque que « ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont les innovateurs, cela dépend des domaines : cela peut être des tâtonnements de création ou un gros coup commercial ». Voir
Entretien avec Françoise Balanger, le 22 mai 2003.
84
L’édition jeunesse
format, hors collection d’ouvrages normalement à destination des enfants.
D’autres éditeurs, en particulier Hachette, se sont mis à publier ce type de livres,
qui n’ont pas une apparence de livres pour enfant39 : ce ne sont plus des poches,
ils sont publiés hors collection et ciblent un lectorat mixte adulte/enfant.
La création d’un univers autour des personnages
Que ce soit chez Hachette, Bayard, Gallimard ou même de plus petits éditeurs,
on retrouve de plus en plus souvent des personnages de collections qui perdurent. Ces personnages rencontrent un certain succès, notamment auprès des
jeunes enfants. D’ailleurs ils s’adressent souvent aux tout petits – on pense par
exemple à Petit Ours Brun –, mais parfois aussi à des tranches d’âge plus élevées : Max et Lili chez Calligram s’adresse aux 7-10 ans.
Il y a désormais pléthore de personnages dans l’édition jeunesse : Babar, OuiOui, Caroline, Mini-Loup (Hachette Jeunesse), T’choupi (Nathan), Petibou,
Juliette (Lito), Plume, Arc-en-ciel (Nord-Sud), Didou, Mimi (Albin Michel
Jeunesse), Popi, Petit Ours Brun (Bayard), Oscar, Tom et Tim, Max et Lili
(Calligram), Martine, Zoé et Théo (Casterman), Caillou (Chouette), Franklin
(Deux Coqs d’or), etc.
Pour un éditeur, choisir d’éditer une collection avec un « héros » peut être une
stratégie éditoriale. La maison Flammarion, par exemple, consciente de l’avantage qu’apporte ce type de personnage, a lancé Bali pour pallier ses lacunes en
ce domaine. En effet, un personnage référence permet de créer un lien particulier avec l’enfant : le héros et son univers imaginaire deviennent pour lui des
repères, le rassurent et éveillent son goût de la collection40. L’éditeur peut alors
décliner le héros sur différents supports (cartonné, broché, petit ou grand format…) et avec différents contenus (fictions, jeux ludo-éducatifs…). Le relais
peut être pris par la presse, à moins que ce ne soit le personnage lancé par la
presse qui est repris en édition comme Petit Ours Brun chez Bayard. Enfin, les
produits dérivés peuvent être également télévisuels. Ils entretiennent ainsi l’attachement de l’enfant pour le personnage qu’il retrouve alors dans tout son environnement. Ainsi, des collections – Tom-tom et Nana, Tchoupi, Les catastrophes
de Gaspard et Lisa, par exemple – se déclinent sous toutes formes de produits
dérivés : peluches, poupées, jeux, matériel scolaire et même, pour certaines, dessin animé.
39. Chez Gallimard, le logo apposé au grand format hors collection peut être « Gallimard » et non « Gallimard
Jeunesse » pour séduire le public adulte. C’est notamment le cas pour l’ouvrage de Bruno Maurer, Le dernier voyage
d’Ulysse.
40. En 1994, Jean-Claude Dubost, alors responsable de Bayard éditions, expliquait ainsi le succès de Petit Ours Brun :
« Il faut des collections très ciblées, très homogènes, des concepts très forts qui puissent être séduisants à la fois pour
l’international et pour le monde des médias. » Voir C. FERRAND, « Les éditeurs consolident leurs positions », art. cité,
p. 72.
85
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Pierre Marchand insistait en 1999 sur la nécessité de créer un univers autour du
livre :
« Nous travaillons sur des univers. Le livre ne peut plus vivre tout seul, il est
concurrencé, il doit se défendre. Nous nous devons de créer des environnements
du livre, qui peuvent aller jusqu’à la télévision. Rappelons que Canal J appartient
à Hachette41. »
Les stratégies marketing
La démarche marketing est de plus en plus prise en compte pour réaliser un
ouvrage ou lancer une collection. Dans la majorité des maisons apparaissent des
secteurs ou départements marketing qui viennent souvent remplacer le secteur
autrefois dénommé « promotion » (c’est le cas par exemple chez Gallimard
Jeunesse). Pour Claire Pallet, chef de produit Folio Junior, « ce mouvement est
naturel et nécessaire puisque la promotion est une des composantes du marketing ». Le département marketing s’attache à mener une réflexion globale sur les
différents éléments du mix-marketing – le produit, le prix, la promotion, la distribution – en utilisant les outils habituels : la veille concurrentielle, les études
de concurrence, les études de marché…, souvent avant même la création d’une
collection. Ce changement de dénomination témoigne d’une évolution dans le
domaine : auparavant, le département promotion se chargeait de promouvoir un
produit fini, aujourd’hui le département marketing participe en outre à l’élaboration des caractéristiques physiques de l’ouvrage en menant une réflexion sur
le choix du format, du prix, de la couverture, etc. lors d’un réel travail d’équipe
entre les départements d’édition et de marketing. Toutefois, ce ne sont pas les
chefs de produits qui déterminent la création de l’ouvrage, l’éditeur restant, dans
le secteur jeunesse, le principal « accoucheur du livre ». Chez Flammarion les
chefs de produits soulignent qu’ils font avant tout un travail de marketing opérationnel. C’est-à-dire qu’ils doivent mettre en place la politique de promotion
et de valorisation de l’ouvrage en aval du produit : campagne de promotion, mise
en place de la PLV42, démarchage et mailings des prescripteurs. Ils n’ont donc
que peu de poids sur la création du livre en tant que tel.
Encore qu’en édition jeunesse certaines stratégies puissent être nommées « éditoriales » par les uns et qualifiées de « marketing » par les autres. En effet, le
choix de développer une collection sur le thème du « frisson » peut être considéré comme une orientation éditoriale, avec un choix de contenu, d’auteurs et
d’illustrateurs précis, mais peut aussi être considéré comme la volonté d’occuper un créneau et de segmenter une collection en thèmes. Nous avons choisi de
traiter ces enjeux de segmentation et de positionnement dans la partie consacrée
au développement du marketing en édition jeunesse. Toutefois nous savons bien
que les évolutions de l’offre éditoriale ne sont pas uniquement le résultat de
41. Cité par C. COMBET et L. SANTANTONIOS, « L’édition jeunesse en pleine crise de regroupement », art. cité.
42. PLV : Promotion sur lieu de vente. Ce sont par exemple les affiches, les présentoirs, etc.
86
L’édition jeunesse
réflexion marketing, mais d’une alchimie entre réflexion éditoriale et marketing,
variable en fonction des maisons d’édition. Nous passons en revue différentes
techniques utilisées en édition jeunesse : segmentation, relookage, best-sellers,
effet collections, séries, et prix de vente.
Diversification de l’offre : la segmentation s’affine
Les éditeurs segmentent leurs collections afin de faciliter le rapport direct du lecteur – ou de l’acheteur – au livre. Pour de nombreux observateurs – libraires et
bibliothécaires –, l’éditeur qui segmente le plus clairement et de la manière la
plus adaptée ses collections est Gallimard Jeunesse. La segmentation s’affinant,
de nombreux éditeurs doivent s’adapter à ce mouvement général. Par exemple,
l’apparition sur le marché des poches de deux collections segmentées par âge et
par thème chez Pocket en 1994 a probablement poussé certains éditeurs concurrents à réfléchir sur leur cible et leur positionnement, à affiner leur segmentation
et à préciser leur image. Ainsi, dès 1994, Castor Poche « relooke » ses ouvrages
et propose une segmentation plus claire par âge et par thème. Le Livre de Poche
Jeunesse fait de même dès 1995.
La volonté de clarifier et de segmenter les collections répond notamment à la
demande des grandes surfaces non spécialisées. Disposant de peu de vendeurs,
qu’on ne peut pas appeler « libraires » puisqu’ils ne sont pas spécialisés, les
grandes surfaces préfèrent référencer des collections facilement identifiables sur
les linéaires. Le client doit trouver seul les réponses à ses interrogations : à quel
âge s’adresse le titre ? quel est son sujet ? quels sont les thèmes qu’il aborde ? etc.
Le choix d’une segmentation par âge est compliqué par nature. L’enfance est une
période de changements, d’évolutions, de construction de soi, et chaque enfant
la vit à son rythme. Ainsi, un livre s’adressant à un enfant de 8 ans pourra parfois être abordé par un plus jeune ou, au contraire, être lu avec difficulté par un
plus âgé. Un titre peut également être lu à haute voix par un parent ou un enseignant : là encore, le choix de l’âge n’a pas toujours de sens. De fait, la détermination de l’âge varie considérablement selon les maisons : par exemple avec
deux titres de difficulté de lecture comparable, Syros affiche « à partir de 10 ans »
et Gallimard « à partir de 8 ans » : le choix de la tranche d’âge est relativement
subjectif et doit être laissé à la libre appréciation du lecteur, ou du prescripteur,
selon la maturité de l’enfant.
Toutefois, de manière générale, on peut observer la segmentation suivante :
– Tout petit :
0-3 ans
– Petite enfance : 3-5 ans
– Benjamin :
5-7 ans
– Cadet :
7-9 ans
– Junior :
9-12 ans
– Préadolescent : 12-15 ans
87
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Ainsi, Gallimard organise ses collections en « petite enfance », « benjamin »,
« cadet » et « junior ». Nathan, lui, décline une de ses premières collections documentaires, « Le monde en poche », en tranche d’âge : « poussin », « benjamin »,
« junior ». Kid Pocket, lancée par Pocket Jeunesse, se subdivise en trois tranches
d’âge repérables à leur couleur : jaune pour les 3-5 ans, rouge pour les 6-8 ans,
vert pour les 9-11 ans, et Pocket Junior cible les enfants à partir de 11 ans.
La segmentation par âge s’affine pour toutes les catégories d’ouvrages. Ainsi, en
matière de documentaires, le début des années 1990 est marqué par une extension de cette segmentation : Gallimard Jeunesse couvre de plus en plus de
tranches d’âge en lançant à l’automne 1989 la collection pour les 3-6 ans « Mes
premières découvertes », à l’automne 1990 une collection pour les 5-8 ans « Les
chemins de la découverte », coéditée avec Dorling Kindersley, et s’inspirant du
succès de la collection pour les juniors « Les yeux de la découverte ». De même,
Hachette développe en 1991 des documentaires – jusqu’alors centrés sur les 1013 ans – pour de nouvelles tranches d’âge.
Cette segmentation de plus en plus fine permet de mieux cibler le public. Elle
permet également à plus de collections de trouver un créneau. Une collection qui
couvre la tranche des 6-10 ans peut se segmenter en 6-8 ans et 8-10 ans, permettant ainsi le positionnement d’une nouvelle collection.
À l’inverse, pour toucher un public plus large, les éditeurs proposent des titres
connus dans plusieurs collections s’adressant à des tranches d’âge différentes.
On retrouve par exemple Bécassine chez Gautier-Languereau ou Le petit prince
chez Gallimard, exploités dans des collections ne ciblant pas le même lectorat.
Gallimard Jeunesse publie Le petit prince en Folio Junior, et en album et album
de luxe sous le logo Gallimard (afin de pouvoir également toucher un public
adulte).
Paul Garapon apporte une explication de cette segmentation fine par âge :
« […] une tendance lourde de la littérature jeunesse est à une surinstrumentalisation pédagogique et éducative, ce que souligne encore l’approche sans cesse
plus psychomorphique des publics en termes de conception d’ouvrages : il y a les
tout-petits (jusqu’à 3 ans), la petite enfance (de 3 à 5 ans), la moyenne enfance
(de 5 à 8 ans), la grande enfance (de 8 à 11 ans) la préadolescence (de 11 à 13
ans), l’adolescence (de 13 à 17 ans), la postadolescence (de 16 à 18 ans), et,
désormais, la catégorie des jeunes adultes (18 ans et plus)… Une telle segmentation est aussi bien le signe de l’avènement de catégories médicales psychopédagogiques (aux fins d’accompagner le développement psychologique et social)
attestant de notre passion d’éduquer (au moment où l’éducation familiale change,
peut-être ?) que la marque de la complexité d’un marché où les jeunes, devenus
une catégorie sociale de consommation à part entière, font l’objet d’un ciblage
marketing et éducatif plus fin qu’auparavant43. »
43. Paul GARAPON, « L’imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse », Esprit, mars-avril 2002.
88
L’édition jeunesse
L’édition jeunesse est également de plus en plus segmentée par thèmes. Ainsi, le
catalogue Littérature Jeunesse 2003 des éditions Flammarion qui s’adresse aux
parents, bibliothécaires, documentalistes, enseignants et libraires, précise :
« Nous vous présentons la nouvelle organisation de Castor Poche, dont nous
avons réparti les quelque 500 titres en neuf segments. » Ce type de segmentation
n’est pas récent et déjà en 1994, la collection Pocket Junior était clairement segmentée par thèmes : les classiques avec « Références », « Mythologies », « C’est
ça la vie ! », « Science-fiction », « Frissons », l’écologie avec « OS Planète ».
La segmentation par format s’est développée sur le modèle du marché anglosaxon depuis quelques années. Les titres à fort potentiel et les titres achetés à
l’étranger – souvent dans les pays anglo-saxons – sont proposés dans un format
hors série (c’est-à-dire un grand format), avant d’être, après quelques mois en
librairie, déclinés en poche. Pour de nombreux observateurs, ce sont les best-sellers qui, en touchant une cible très large, ont fait accéder la fiction jeunesse à ce
nouveau format. Ce phénomène est-il le signe d’une reconnaissance de la littérature jeunesse par des lecteurs adultes, ou le témoignage d’enjeux marketing et
de pressions commerciales analogues sur les deux marchés ? Peut-être à la fois
l’un et l’autre.
Un nouveau format est même apparu : le semi-poche, entre le poche et le hors
série, plus grand et souvent de meilleure qualité que le poche (rabats, couverture
plus épaisse, qualité de papier supérieure) mais dont le prix de vente au public,
quoiqu’un peu supérieur au prix du poche, est bien inférieur à celui du hors série.
Le « relookage »
Depuis la fin des années 1990, de nombreuses maisons cherchent à repositionner leur offre afin d’augmenter leur visibilité et conquérir de nouveaux lecteurs.
Cet effort de repositionnement passe d’abord par le « relookage », travail fait
souvent conjointement entre les équipes éditoriales et les équipes marketing, qui
permet une meilleure visibilité dans les linéaires. Le contenu reste le même mais
la maquette, le format, l’impression, le papier évoluent pour donner une image
créative et « dans l’air du temps » à la collection. En général, ce sont les collections au format poche qui sont les premières « relookées » et ceci pour deux raisons. Tout d’abord le chiffre d’affaires que ces collections génèrent ne doit pas
faiblir : le relookage permet d’occuper les linéaires, de créer l’effet « nouveauté »
et, donc, d’obtenir des pages de rédactionnel dans la presse et de donner une
image dynamique de la maison. D’autre part, ce sont des collections cohérentes,
dont l’image est plus facile à faire évoluer et dont on peut réorganiser la segmentation lors de la définition d’un nouveau positionnement. Enfin, le domaine
de la fiction est très concurrentiel : l’objet « livre » (pagination, format, couleur,
qualité du papier, charte graphique…) joue un rôle fondamental dans la décision
d’achat, car l’acheteur ne peut pas lire l’intégralité du texte avant l’achat, sauf
dans le cas d’ouvrages comportant peu de textes. De plus, lorsqu’il s’agit
d’œuvres de fiction s’adressant à des enfants, on connaît l’importance de l’as-
89
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
pect attrayant de l’ouvrage afin d’aviver sa curiosité et surtout de ne pas le
décourager.
Chaque année, des dizaines de collections sont ainsi relookées. En 2001, la catégorie des romans en format de poche a été particulièrement transformée par les
éditeurs : Hachette a relooké Le livre de poche jeunesse, Milan les Milan Poche,
Bayard les Bayard Poche, Rageot les Cascades, et Gallimard Jeunesse les Folio
Cadet.
Certains acteurs de la profession déplorent cette course au relookage. Jean Delas,
directeur de L’École des loisirs, insiste sur les enjeux mercantiles du relookage :
« En 2002, il n’y a plus que du relookage pour les documentaires. Cela permet
uniquement de remettre en vente, d’occuper les rayons. Ce n’est pas créatif 44. »
Ce peut être également une preuve de fragilité. Françoise Balanger déplore surtout que
« presque tous les éditeurs soient pris dans cette compétition : se renouveler
constamment. Cela contribue à augmenter la vitesse de vieillissement de la production et le côté éphémère des ouvrages ».
Best-sellers et outils marketing
L’arrivée des best-sellers participe de l’évolution de l’édition jeunesse. Cette
offre ne s’adresse plus exclusivement aux enfants, mais touche une cible plus
large, probablement plurigénérationnelle. Les techniques commerciales et les
outils marketing sont alors utilisés activement : choix des différents formats,
campagnes promotionnelles, jeux concours, site Internet, etc.
Le relais audiovisuel joue un véritable rôle promotionnel pour le succès de ces
titres. La sortie des films d’Harry Potter ou du Seigneur des Anneaux, en créant
l’événement, a favorisé les ventes d’ouvrages. Ainsi Le Seigneur des Anneaux,
ouvrage en six tomes, qui existe depuis plus de 20 ans et dont le succès ne se
dément pas, a connu un renouveau spectaculaire de ses ventes lors de la sortie
des films.
Le succès d’Harry Potter (80 millions de volumes vendus dans le monde entre
1998 et 2001) ouvre la voie au développement d’une littérature fantastique
anglo-saxonne sur le marché français. Des auteurs comme Philip Pullman
(auteur de la trilogie À la croisée des mondes) sont remis au goût du jour,
d’autres sont lancés sur le marché comme Eoen Colfer (auteur d’Artemis Fowl)
ou Brian Jacques. Les auteurs et éditeurs français s’attaquent également à ce
thème : Peggy Sue imaginée par Serge Brussolo est éditée chez Plon, Tom Cox
de Frank Krebs au Seuil Jeunesse.
44. Entretien du 5 mai 2003.
90
L’édition jeunesse
L’effet collection et les séries
Le souci de développer des collections ne date pas d’hier45. Après la Bibliothèque
rose, créée en 1857, Hachette lance après la Première Guerre mondiale, deux
autres collections : la Bibliothèque verte et la Bibliothèque de la jeunesse.
L’intérêt pour l’éditeur de lancer une collection est double. Une collection permet d’abord de réaliser des économies d’échelle car il est plus facile d’obtenir
des réductions de coûts auprès de l’imprimeur pour imprimer toute une série
d’ouvrages. D’autre part, en termes de marketing, il est possible de mettre en
place des opérations qui visent à promouvoir la collection dans son ensemble et
non titre par titre. Enfin, la charte graphique imposée à la collection détermine la
cohérence des couvertures, ce qui lui donne une visibilité certaine sur les rayons
des librairies. L’acheteur par exemple repère facilement les ouvrages de la collection Folio Junior à cause de leurs tranches rayées de toutes les couleurs.
On remarque immédiatement l’enjeu économique que cela recèle, les enfants
constituant une cible privilégiée des entreprises qui proposent des objets à collectionner46, et quelles stratégies marketing cet intérêt pour la collection peut
engendrer, particulièrement sur les séries.
L’existence des séries47 n’est pas nouvelle, on pense bien évidemment au Club
des cinq ou à Fantômette. Mais l’arrivée de Chair de Poule en 1996 a créé dans
l’édition jeunesse un véritable engouement et plus particulièrement pour les collections dites de « frissons ». Fin 1998, la collection a dépassé les 8,5 millions
d’exemplaires vendus et Bayard Éditions a vu son chiffre d’affaires augmenter
de plus de 40 %48. Fort de ce succès, Bayard multiplie les séries, avec Délires
dont certains titres dépassent 50 000 exemplaires vendus, Grand Galop, Cœur
Grenadine.
En général, lorsque les séries sont bien segmentées, et qu’elles se déclinent selon
des thématiques porteuses – le frisson, le policier, le sentimental –, elles permettent d’entretenir, voire d’augmenter sensiblement, le chiffre d’affaires des
ouvrages au format poche. On retrouve par exemple Coup de foudre chez
Hachette Jeunesse Roman pour le segment sentimental, Spooksville chez Pocket,
Frouss’land chez Hachette Jeunesse Roman, Animorphs chez Gallimard pour le
frisson.
45. Laura Noesser souligne qu’au début du siècle déjà, les éditeurs cherchaient à utiliser le principe de la collection :
« Les éditeurs, soucieux de conquérir des nouveaux marchés, vont rechercher des formules plus économiques et organiser leur production en collections tout en conservant le terme de “bibliothèque” qui présente une connotation culturelle rassurante et en camouflant au besoin les impératifs de vente derrière des arguments pédagogiques. » Voir Laura
NOESSER, « Le livre pour enfants », Histoire de l’édition française, t. IV, Le livre concurrencé, 1900-1950, p. 463.
Promodis, publié avec le concours du Centre national des lettres.
46. Pascale Ezan souligne que « le goût de la collection est un phénomène naturel chez les enfants puisqu’il s’intègre
dans son processus de développement. […] les enfants sont accumulateurs. Ils procèdent par adjonction et s’intéressent
à tous les supports qui présentent un intérêt par rapport à leur collection ». Voir Pascale EZAN, « Le phénomène de collection comme outils marketing à destination des enfants », Décision marketing, no 29, janvier-mars 2003, p. 47-55.
47. Une série est une suite d’ouvrages, souvent du même auteur, proposant les aventures d’un ou des héros que l’on
retrouve à chaque fois. La collection, en revanche, peut proposer un regroupement d’ouvrages d’auteurs et de thèmes
différents.
48. C. COMBET, Livres Hebdo, no 314, 20 novembre 1998, p. 49-60.
91
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Bayard, Hachette et Gallimard publient de nombreuses séries souvent achetées à
l’étranger. Elles sont généralement d’origine anglo-saxonne – comme celles précédemment citées – et reprennent parfois des succès télévisuels comme Sabrina,
la sorcière. C’est parce qu’ils possèdent les moyens techniques et financiers pour
réussir à obtenir leur cession que ces trois éditeurs peuvent proposer des séries.
La détermination du prix de vente
La fixation du prix en édition jeunesse est un vrai dilemme. Les éditeurs essaient
de relever le défi censé leur permettre d’atteindre le succès : proposer des livres
de qualité, faisant preuve de création et d’innovation éditoriale (ceci implique
des équipes éditoriales solides et des moyens techniques importants) à des prix
peu élevés.
Cependant, quand il s’agit de faire pencher la balance du côté de la créativité ou
du prix, les éditeurs s’opposent. En 1994 Christian Gallimard, directeur de
Calligram, soutenait que le marché du début des années 1990 n’avait que peu de
place pour les ouvrages à plus de 50 francs49 – et nombreux sont les éditeurs dont
très peu de titres dépassent effectivement ce seuil. Mais pour d’autres, la qualité
prime avant tout et elle a un prix : ainsi, Le Seuil Jeunesse propose des ouvrages,
souvent hors collection, de qualité et chers. Cependant, certains éditeurs
(Gallimard, L’École des loisirs,…) proposent des collections à des prix accessibles : les Folio Juniors à 2 ou 3 euros depuis janvier 2002 pour Gallimard
Jeunesse, les Lutins poche pour L’École des loisirs. Ce sont des ouvrages de
poche, albums reproduits en poche en couleurs pour L’École des loisirs et courts
textes sélectionnés pour les Folio Juniors dont le papier utilisé et l’impression
restent de qualité.
Le marketing face au marché spécifique des scolaires
L’un des faits marquants de ces trente dernières années, c’est la reconnaissance
et la demande de la littérature jeunesse dans les écoles. Le travail en direction
du public scolaire est fondamental pour les éditeurs. En effet, on compte en
France 3 000 bibliothèques et 36 000 écoles, et ce public représente un véritable
enjeu. D’ailleurs, de plus en plus d’éditeurs mettent en place des stratégies de
communication pour les écoles et en direction des enseignants. Flammarion en
donne un exemple, avec ses opérations marketing importantes en direction de ce
marché de prescription :
• Entre janvier et mai, le service marketing envoie des mailings à plus de
90 000 professeurs et documentalistes de manière très régulière, composés
d’un catalogue des titres, d’un spécimen gratuit, d’une offre spéciale et
d’un guide de l’enseignant dans lequel est présenté un travail préparatoire
49. C. FERRAND, « Jeunesse 1994 : concilier qualité et petits prix », Livres Hebdo, no 138, 25 novembre 1994, p. 6976.
92
L’édition jeunesse
sur l’ouvrage. Les professeurs sont ainsi incités à prescrire ces ouvrages,
déjà commentés et étudiés, auprès des enfants.
• Le mailing contient également l’offre spéciale faite aux enseignants d’un
deuxième spécimen gratuit contre le remboursement des frais de port. Le
taux de retour de ce mailing se situe autour de 4 à 5 %, un bon résultat qui
montre le succès de ce type d’opération50.
• En outre, le chef de produit travaille avec une déléguée pédagogique de
façon ponctuelle. Elle se rend dans les écoles, les IUFM, les CNDP, pour présenter les ouvrages aux enseignants et rapporte aux éditeurs et aux chefs
de produits leurs remarques et critiques.
Les écoles et les bibliothèques sont un véritable relais auprès du public pour les
éditeurs de livres et de presse : en témoigne l’importance accordée à ces
remarques et les vastes opérations marketing mises en place par les éditeurs sur
le terrain de la prescription enseignante.
Présence à l’international
L’international représente un double enjeu pour l’éditeur : premièrement, vendre
ses titres à l’étranger afin d’augmenter son chiffre d’affaires, réaliser des économies d’échelle et occuper des parts de marché ; deuxièmement, acheter les titres
étrangers les plus prometteurs. Les ventes à l’international peuvent soit être des
cessions, soit des coéditions51.
La fin des années 1990 est marquée par une internationalisation plus forte de
l’édition jeunesse. Lors de la création en 1999 de Bayard-Gallimard, Fabrice Le
Jean, alors directeur marketing d’Hachette Jeunesse, soulignait que le groupe
comptait concurrencer le nouveau leader par un développement sur la scène
internationale :
« Nous nous étions principalement cantonnés à l’achat de licences ou de titres
forts à l’étranger. Désormais, nous changeons de cap et nous sommes prêts à
exporter certaines de nos gammes52. »
C’est donc un double mouvement que l’on peut observer : l’international devient
un véritable enjeu pour le développement et l’évolution des coûts de fabrication
de l’édition jeunesse, et, parallèlement, l’édition jeunesse devient un élément des
politiques internationales des groupes53.
50. En moyenne, le taux de retour d’un mailing se situe autour de 2 à 3 %.
51. Pour une cession, l’éditeur d’origine vend les droits de l’ouvrage à un éditeur étranger. Il autorise l’éditeur à traduire et à réimprimer l’ouvrage au sein d’un territoire déterminé. L’éditeur étranger reverse à l’éditeur d’origine des
royalties, c’est-à-dire un certain pourcentage du prix de vente de l’ouvrage (de 5 à 8 % en général). Pour une coédition, l’éditeur d’origine vend des exemplaires finis (traduits et imprimés) à un éditeur étranger. Le prix de vente
contient les droits. L’acheteur fixe le tirage de l’ouvrage désiré. Le système des coéditions permet à l’éditeur de percevoir immédiatement les droits des ouvrages imprimés et vendus.
52. V. CALON, « Édition jeunesse : Bayard-Gallimard prend le leadership », LSA, no 1652, 10 novembre 1999, p. 36-37.
53. Marie Lallouet, directrice éditoriale de Hachette Jeunesse Roman, estimait en 2001 que « longtemps intimiste,
l’édition jeunesse devient un véritable enjeu économique international ». Voir V. CALON, « L’édition jeunesse fait sa
révolution », LSA, no 1747, 29 novembre 2001, p. 34-35.
93
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Philippe Merlet de Nathan Jeunesse-Larousse Jeunesse insiste sur le rôle des
filiales internationales :
« Nous avons gagné des parts de marché dans le documentaire grâce à nos créations mais aussi grâce aux titres de notre filiale britannique Kingfisher, que nous
avons adaptés. Nous devons nous appuyer sur les filiales internationales du
groupe : le métier change54. »
Gagner des parts de marché est un des objectifs des éditeurs et traduire des séries
à succès, souvent d’origine anglo-saxonne, est un moyen de l’atteindre.
L’augmentation des échanges est donc également due à l’importation de séries
qui répondent à une réelle demande et rencontrent un succès certain : on pense
à l’implantation de la série Chair de Poule chez Bayard par exemple.
Depuis le succès d’Harry Potter et de Chair de Poule, les éditeurs essayent activement de découvrir et d’obtenir les droits des futurs succès étrangers, à l’instar
du fonctionnement de la production adulte. D’où des enchères de plus en plus
coûteuses en termes financiers (avaloirs) mais également en termes de marketing puisqu’il faut proposer un médiaplanning, prouver l’efficacité de son équipe
de diffusion, etc. L’édition jeunesse se trouve donc face à un marché très concurrentiel en amont lors des achats de droits.
La vente de coéditions à l’étranger est un moyen de favoriser des économies
d’échelle en utilisant le principe des trains de réimpression55. De nombreuses
collections à succès utilisent ce système : la collection Mes premières découvertes chez Gallimard Jeunesse est ainsi coéditée dans 24 pays.
Mais la recherche de coédition avec l’étranger ou l’exploitation de filiale française à l’étranger ne sont pas les seuls enjeux de l’international. Des éditeurs
étrangers tentent aussi de s’imposer sur le marché français. Ainsi la maison
suisse allemande Nord-Sud, le britannique Usborne, l’anglais DorlingKindersley et le leader du livre jeunesse allemand Ravensburger implantent des
filiales sur le territoire national pour publier directement en français.
L’international n’est pas non plus qu’un enjeu économique, il témoigne également d’une nécessité éditoriale : l’augmentation des échanges permet de découvrir la production étrangère et d’inspirer les auteurs, comme les illustrateurs. Le
marché international est également source de légitimation pour les auteurs. Dans
les années 1960-1980, les nombreuses ventes à l’international légitimaient le
marché anglo-saxon dans sa position de leader du marché56. Aujourd’hui, c’est
54. C. COMBET et L. SANTANTONIOS, « L’édition jeunesse en pleine crise de regroupement », art. cité.
55. Les services « fabrication » et « coédition » des éditeurs commandent tous les six mois environ la réimpression
d’un certain nombre de titres en français et dans d’autres langues pour les coéditeurs. Grâce à cette commande commune, le nombre d’exemplaires à retirer est important. L’imprimeur réimprime tous les exemplaires en couleurs et
fait, pour chaque langue, un passage en noir pour le texte. Ainsi, grâce à des économies d’échelle, le coût de fabrication est moindre et cela permet d’obtenir des prix plus faibles sans tirage minimum imposé.
56. Dans les années 1970-1980 le marché anglo-saxon était le plus novateur et le plus reconnu sur le marché de l’édition jeunesse. « L’étude de la production jeunesse en 2001 » faite par les élèves du mastère de l’ESCP-Asfored expliquent cette suprématie des Anglo-Saxons par trois raisons :
– les Britanniques sont réputés être très bons en fiction, ce qu’illustre la réussite d’une J. K. Rowling ou d’un Philip
Pullman ;
94
L’édition jeunesse
un marché encore considéré comme porteur, mais ce n’est plus le seul. Les
auteurs d’une étude sur la production jeunesse en 2001 estiment que
« la production française est unanimement perçue comme de très grande qualité.
[…] Mais la France ne semble pas encore reconnue comme un acteur international de poids dans le secteur de l’édition jeunesse – bien que cela soit contesté par
certains éditeurs57 ».
En France, on peut discerner plusieurs types de stratégies face au marché international. Les groupes ou les grandes maisons – Hachette ou Gallimard par
exemple – ont souvent une forte activité en termes d’achats, de cessions ou de
coéditions. Des éditeurs, comme Pocket ou Bayard pour les maisons de tailles
importantes, Kaleidoscope ou Magnard pour les plus petites, minimisent les
investissements de création et préfèrent acheter des titres étrangers. D’autres, au
contraire, comme Nathan, Didier ou Actes Sud, tentent de vendre leurs ouvrages
à l’étranger et développent la cession de droits. Enfin, certains petits éditeurs
n’ont qu’une faible activité à l’international.
Faut-il alors conclure que nous nous orientons vers un marché international à
plusieurs vitesses ? Avec les grands groupes qui pourront jouer dans la cour internationale, les éditeurs qui joueront à l’échelle européenne et qui devront travailler avec les éditeurs étrangers notamment anglais et allemands, et les plus
petits qui devront se contenter du marché français ?
Les canaux de distribution
La question des canaux de distribution est importante pour la compréhension
économique du secteur de l’édition jeunesse. Tous les éditeurs ne sont pas présents partout : un petit éditeur peut difficilement s’imposer comme un grand
groupe et être diffusé dans tous les niveaux de librairie. En outre, le nombre de
points de vente et leur qualité (compétence du libraire, choix d’ouvrages, fonds
important…) varient considérablement d’une commune à l’autre58.
À cela s’ajoute l’importance de la production de livres jeunesse face à un enjeu
d’espace au sein des librairies : toute la production ne peut y être présentée et les
libraires doivent faire des sélections rigoureuses.
– les Britanniques ont une longue histoire de packageurs : ils investissent sur des projets lourds qu’ils rentabilisent
avant leur réalisation en les vendant aux États-Unis, puis inondent le marché avec ces projets ;
– enfin, les Anglo-Saxons ayant une culture de l’image très développée, la littérature jeunesse bénéficie chez eux d’une
meilleure perception : elle est notamment mieux suivie et commentée par la presse.
57. Mastère spécialisé « Management dans l’édition » ESCP-Asfored avec le SNE, « Étude de la production dans l’édition jeunesse en 2001 », mai 2002, p. 27.
58. Ainsi, Isabelle Jan souligne : « Les disparités sautent aux yeux : le territoire est très inégalement couvert et les
points de vente offrent un service du plus sophistiqué au plus nul. On peut ainsi opposer 25 000 points de vente avec
facilité d’accès, proximité du domicile, rapidité de l’achat, et à l’opposé, 300 librairies qualifiées (dont les Fnac et les
librairies “spécialisées jeunesse”), avec la rareté, l’éloignement, les difficultés d’accès, mais en revanche avec diversité, qualité, choix, conseils, efficacité du service. Du vendeur de presse qui ne connaît pas le marché du livre à l’agent
culturel hautement qualifié, l’acheteur pourra parcourir toute la gamme des professionnels, mais très inégalement
répartis. » Voir Isabelle JAN, Les livres pour la jeunesse, un enjeu pour l’avenir, Paris, Éd. du Sorbier, 1988.
95
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
La librairie généraliste ou spécialisée est le canal de distribution le plus utilisé
et valorisé par les éditeurs jeunesse. Elle fait se rejoindre les deux enjeux de
l’édition : éditorial et commercial. Elle est à le fois lieu de médiation et de rencontre entre le public et le livre, et lieu commercial, de vente et de promotion du
livre en tant que produit industriel. Le premier niveau de librairie59 est toujours
considéré comme le réseau de lancement et réalise de 50 à 80 % du chiffre d’affaires de la plupart des éditeurs jeunesse, pour une moyenne estimée à 65 %60.
Les librairies générales
S’il existe un réseau de librairies spécialisées jeunesse, le secteur jeunesse se
développe de plus en plus dans les librairies générales, à tel point que Jean-Marie
Ozanne, directeur de la librairie Folie d’Encre à Montreuil, affirme que certaines
de celles-ci ont pris le relais des librairies spécialisées en quantité et en qualité61.
Le développement de la production de titres jeunesse et des rayons jeunesse en
librairies se sont faits conjointement, s’encourageant l’un l’autre et permettant
aujourd’hui une véritable reconnaissance, au moins économique, de ce secteur.
Les librairies spécialisées
À l’instar de Chantelivre, librairie spécialisée jeunesse créée en 1974 par L’École
des loisirs, de nombreuses librairies spécialisées pour la jeunesse se sont
ouvertes dans les années 1970. À côté des bibliothèques, elles ont permis à l’édition jeunesse de se développer en offrant un véritable relais, et en permettant une
meilleure visibilité de la production. Mais le développement de la présence de
l’édition jeunesse en librairie générale a provoqué une raréfaction de la clientèle
dans les librairies spécialisées. L’arrivée de la Fnac Junior sur ce créneau en 1997
n’a fait qu’accélérer le mouvement. Seules, les plus connues et souvent les plus
grandes, celles qui offrent un choix réellement plus vaste qu’en librairie générale subsistent (Chantelivre propose plus de 18 000 titres).
Les grandes surfaces spécialisées : l’exemple de la Fnac Junior
La Fnac Junior est la grande surface spécialisée la plus visible sur ce créneau sur
lequel se positionnent également Virgin, Éveil et Jeux, Toys’R Us, Apache,
Nature et Découvertes, etc. Dans ces grandes surfaces spécialisées, les marges
réalisées sont plus importantes sur les jouets que sur les livres, considérés
comme produit d’appel : le fonds d’ouvrages est donc moins important que celui
des librairies spécialisées.
Lancée en 1997, la Fnac Junior développe un concept de magasins spécialement
conçus pour les enfants de 0 à 12 ans. Situés en centre ville ou en centre com59. Les librairies de premier niveau ont vocation à recevoir, à présenter et à vendre l’essentiel de la production des
éditeurs et vivent essentiellement, voire exclusivement, de la vente de livres. Entre 700 et 1 000 librairies environ sont
considérées par les éditeurs comme de premier niveau.
60. Mastère spécialisé « Management dans l’édition », art. cité.
61. Intervention dans le cadre du DESS Gestion des institutions culturelles de l’université Dauphine, le 13 mars 2003.
96
L’édition jeunesse
mercial, sur une surface moyenne de 250 m2, ces magasins proposent environ
8 000 références de jeux, jouets, livres, disques, vidéos et cédéroms à vocation
ludo-éducative62.
En 1998, il n’existait que deux Fnac juniors, l’ouverture d’une dizaine de magasins étant annoncée pour 1999. En novembre 2002, on comptait 23 magasins,
dont 12 sur Paris et la région parisienne et 11 en province (Annecy, Bordeaux,
Lille, Lyon, Nancy, Rouen, Strasbourg, Toulouse, Grenoble, Dijon). Ces chiffres
montrent le réel succès de ce type de magasins et témoignent de l’existence d’un
marché culturel de l’enfance en France.
Les grandes surfaces non spécialisées
Ce réseau de distribution représenterait 25 à 30 % de part de marché63. Même si
tous les éditeurs essayent d’orienter leur vente vers la librairie traditionnelle qui
offre un choix plus vaste de titres, les éditeurs ne délaissent pas pour autant la
grande distribution qui leur offre un moyen d’augmenter leur chiffre d’affaires.
Les conditions de référencement sont draconiennes, les éditeurs doivent répondre
aux deux critères principaux des produits de grande consommation : le taux de
rotation et le prix. Les négociations commerciales sont évidemment très difficiles
et les éditeurs doivent notamment accepter d’accorder des remises importantes.
À cela s’ajoute la volonté des hypermarchés de clarifier leur offre et d’organiser
les linéaires. Tout ouvrage dont le format sort de la norme (trop grand, trop long,
etc.) ne trouvera pas sa place dans ce réseau, ce qui est pourtant le cas de nombre
d’albums. Les choix des grandes et moyennes surfaces s’orientent ainsi vers les
séries et les best-sellers ainsi que les bandes dessinées. Elles imposent une « bestsellerisation » à outrance du livre jeunesse. Par ailleurs, ces grandes surfaces ne
mettent pas en valeur le livre, comme le ferait un libraire et n’assurent pas le service de conseil et d’orientation de l’acheteur. Enfin, les éditeurs déplorent que
ces réseaux entrent parfois en concurrence directe avec eux par la commercialisation sous leur nom de « one shot64 » achetés à des packagers65.
62. L’organisation d’une Fnac Junior se fait autour de 7 univers thématiques, chacun de ces univers reflétant la segmentation bidimensionnelle – par âge et par thème (activités manuelles, lecture, documentaires, distractif, parascolaire et multimédia) – que l’on retrouve dans le secteur culturel marchand de l’enfance :
• Tout Petits propose aux 0-4 ans un très large assortiment de jeux d’éveil et de livres 1er âge ;
• Faire et Créer rassemble tout ce qui touche aux arts plastiques, aux loisirs créatifs et à la musique ;
• Imaginer, raconter regroupe les produits aidant les enfants de 3 à 8 ans à construire et à développer leur imagination ;
• l’univers Découvrir, explorer invite les 6-12 ans à la découverte des sciences, de l’histoire-géographie, de la nature
et des animaux ;
• Se divertir propose livres de poche, bandes dessinées et une gamme de jeux de société particulièrement originale ;
• l’univers Apprendre, comprendre propose des cahiers de vacances ou de soutien scolaire, mais aussi des jeux pour
apprendre les couleurs, les chiffres ;
• enfin, tous les cédéroms sont regroupés dans l’univers Multimédia.
63. Mastère spécialisé « Management dans l’édition », art. cité.
64. Traduction littérale : un coup. Ce sont des achats de titres qui sont imprimés une fois et dont le stock est vendu
d’un coup. Ce ne sont pas des titres qui restent dans la durée et qui permettent d’entretenir un fonds.
65. Ces packagers sont souvent anglo-saxons comme Andromeda ou Dorling Kindersley.
97
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Les autres canaux de vente
Les autres réseaux de distribution sont la vente par correspondance – les deux
principaux clubs sont France Loisirs et Éveil et Jeux –, les ventes spéciales et
ventes aux comités d’entreprise existent mais leur importance reste faible par
rapport à celles des autres réseaux mentionnés précédemment66.
Le système des abonnements dans les écoles
L’exemple de L’École des loisirs
L’École des loisirs a su faire preuve d’originalité et de réflexion commerciale en
mettant en place un système de vente par correspondance directement auprès des
enfants appelé « kilimax ». Des abonnements sont proposés aux élèves et aux instituteurs par l’intermédiaire d’animatrices basées en région et rémunérées par L’École
des loisirs. Des abonnements existent pour chaque tranche d’âge et proposent une
dizaine d’ouvrages brochés, que l’enfant reçoit régulièrement mois après mois au
cours de toute l’année scolaire pour un prix accessible. L’École des loisirs peut se
permettre de proposer ces ouvrages à des prix compétitifs pour deux raisons : d’une
part le coût de fabrication d’un album broché est bien inférieur à celui d’un album
cartonné, et d’autre part les abonnements, étant tous commandés en début d’année,
permettent de réaliser des tirages importants et donc d’avoir un pouvoir de négociation plus fort auprès des imprimeurs.
Pour Jean Delas, directeur de L’École des loisirs, ce système, outil de démocratisation de la lecture, permet à l’enfant d’être en contact avec le livre quelle que soit sa
situation géographique et sociologique, en passant par le biais de l’école.
En conclusion, le secteur de l’édition jeunesse est un domaine en pleine expansion économique, générée principalement par des titres à succès qui atteignent
des chiffres de vente encore jamais vu dans ce secteur. Mais la réalité est plus
disparate : le marché est à la fois très concentré – peu d’acteurs réalisent la majorité du chiffre d’affaires – et pourtant caractérisé par la présence de nombreux
moyens et petits éditeurs. La concurrence se fait toujours plus vive, que ce soit
en termes de production, de marketing, de commercialisation, ou même de choix
éditoriaux, en France et à l’international. Pour autant, l’édition pour la jeunesse
se divise-t-elle en un marché à deux vitesses. D’un côté une « production de
masse » vendue partout à des prix accessibles, de l’autre une « production élitaire » vendue par des libraires qui acceptent de consacrer une partie de leur
espace et de leur trésorerie pour proposer ces ouvrages à leur public.
66. Chronique non signée, « Toys’R Us crée des espaces-librairies », Livres Hebdo, no 138, 25 novembre 1994, p. 78.
98
CHAPITRE II
La presse jeunesse
Le marché
La presse jeunesse, qui s’adresse spécifiquement au public des moins de 15 ans,
englobe la presse des enfants et la presse des adolescents. Au sein de la presse
grand public1 qui a atteint en 2001 un chiffre de diffusion supérieur à 1,9 milliard d’exemplaires, la catégorie « Presse des enfants, de la bande dessinée et des
illustrés » a été diffusée à 40,4 millions d’exemplaires, et la « Presse des adolescents, de l’enseignement et de la pédagogie » a été diffusée, elle, à 24,6 millions d’exemplaires soit au total environ 65 millions d’exemplaires (3,5 % de
l’ensemble de la presse grand public2).
La faiblesse du poids de la presse destinée aux jeunes par rapport au marché de
la presse grand public tient à une différence de nature : il s’agit principalement
d’une presse mensuelle alors que la presse grand public est plutôt hebdomadaire.
Dans les enquêtes menées par la DDM3, la catégorie « presse des jeunes » est divisée en quatre sous-catégories – presse des enfants, des adolescents, des lycéens
et étudiants, et presse « jeux-éveil » –, parmi lesquelles nous ne retiendrons pas
la presse des lycéens et étudiants qui est hors du périmètre défini pour ce document4.
1. Ici, uniquement les magazines ont été pris en compte, à l’exclusion des quotidiens, pour une comparaison pertinente avec la presse jeunesse qui ne compte que très peu de quotidiens.
2. Source : Office de justification de la diffusion (OJD).
3. La Direction du développement des médias (DDM, ex-SJTIC) fournit des statistiques concernant la presse, notamment la presse des enfants, la presse des adolescents et la presse Jeux et éveil. La DDM organise une enquête annuelle
obligatoire qui figure au programme national de statistique publique. Elle porte sur les titres de la presse éditeur et les
sociétés qui les éditent. Pour faire partie du champ de l’enquête, un titre doit satisfaire à certains critères comme l’appartenance syndicale, la vocation commerciale, la périodicité de la publication, le mode de diffusion. Les résultats de
ces enquêtes sont disponibles depuis 1982, ce qui permet de suivre l’évolution de ce secteur.
4. Il existait auparavant une catégorie « Bande dessinée » avec une sous-catégorie « Enfants, adolescents », qui a été
supprimée de l’enquête en 1993. Elle regroupait notamment les « illustrés » dont le déclin dans les années 1970-1980
a affecté la sous-catégorie « Bandes dessinées, enfants et adolescents », avec la disparition de titres tels que Pilote ou
le Nouveau Pif. Les titres restants – Le Journal de Mickey par exemple – sont ventilés dans la catégorie « Presse des
jeunes ». Aussi, ne disposant pas de séries de données homogènes, la catégorie « Bande dessinée » n’est pas prise en
compte ici.
99
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Quelques exemples de titres retenus
(selon la nomenclature de la Direction du développement des médias)
La nomenclature de l’enquête retenue ici est celle en vigueur pour l’année 2000 : en
effet, l’usage de la nomenclature évolue et à ce titre, des titres apparaissent et disparaissent mais également changent de catégorie. Ainsi, en 1998, le titre Bambi figurait
dans la catégorie « enfant » et en 2000 dans la catégorie « Éveil et Jeux » ; à l’inverse,
le titre Mickey Jeux figurait dans la catégorie « Éveil et Jeux » pour passer dans la
catégorie « Enfant » en 2000.
• Presse des enfants (presse éducative et distractive des Tout petits aux Juniors) :
Abricot, Astrapi, Babar, Les Belles Histoires, Les clés de l’actualité junior, Images
Doc, J’aime lire, Le Journal de Mickey, Julie, Moi je lis, Picsou Magazine, Pomme
d’Api, Science et Vie Découverte, Toboggan, Wapiti, etc.
• Presse des adolescents (quelques titres de presse éducative et de nombreux titres
de presse sur les stars ou clairement positionnés ado/jeunes adultes) : Les clés de
l’actualité, Fan de, Girls, Grain de Soleil, Je bouquine, Jeune et jolie, Miss, Star
Club, OK Podium, etc.
• Presse Jeux et éveil (presse éducative et distractive des Tout petits aux Juniors) :
Bambi, Atelier magazine, Mon journal Arc-en-ciel, Papoum, Picoti, Winnie jeux, etc.
Une production importante, reflet du dynamisme éditorial
Le nombre de titres de la presse jeunesse a été multiplié par quatre entre 1982 et
1998, avec 119 titres en 1998 contre 29 en 1982, ce qui montre son dynamisme
éditorial. Cependant, il convient de souligner qu’il n’existait pas uniquement
29 titres de presse jeunesse en 1982. En effet, la catégorie « Bandes dessinées,
enfants et adolescents » comptabilisait à cette date 134 titres dont une partie était
des titres pour la jeunesse. Ce sont les fameux « illustrés » dont le déclin s’est
amorcé dans les années 1970 et qui témoignent d’une époque où la presse destinée à la jeunesse répondait à d’autres canons. Ici, ce sont donc les titres de
presse de jeunesse « nouvelle génération » (les titres éducatifs ou/et distractifs
apparus à partir des années 1970) qui sont pris en compte.
La période 1982-1992 est marquée par une forte croissance des titres de presse
jeunesse, notamment sous l’effet de la création de nouveaux titres de presse éducative (Milan est créé en 1980). Ce phénomène témoigne de l’importance du créneau que représente la presse pour la jeunesse et en particulier la presse dite éducative.
En 1993, 18 nouveaux titres figurent dans la catégorie, qui proviennent à la fois
de la catégorie « Bandes dessinées, enfants et adolescents » et de nouvelles créations. Les années 1990 continuent d’être marquées par cette augmentation du
nombre de titres, ce qui montre l’attrait toujours vif de ce créneau pour les éditeurs de presse.
En 1998, la presse jeunesse était principalement mensuelle : elle comptait
75 mensuels et, à côté d’eux, 3 quotidiens, 6 hebdomadaires et 35 trimestriels.
100
La presse jeunesse
Tableau 38 – Évolution du nombre de titres de presse jeunesse (1982-2000)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Non ventilés
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Non ventilés
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
29
17
10
20
9
8
23
9
11
27
13
11
31
16
12
2
3
3
3
3
33
18
11
3
1
43
20
11
6
6
56
29
12
7
8
56
29
12
10
5
65
32
15
8
10
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
70
34
20
7
9
89
47
21
11
10
88
42
21
14
11
86
42
20
14
10
94
42
28
15
9
104
46
31
18
9
119
58
33
19
9
132
61
35
21
15
138
65
38
21
14
Source : SJTI/Dep.
Le choix de la périodicité mensuelle par les éditeurs s’explique, le plus souvent,
pour des raisons économiques. Une parution hebdomadaire, c’est huit numéros
sans recettes contre deux pour un mensuel lors du lancement. Par ailleurs, les
investissements engagés pour réussir ce lancement imposent un prix de vente au
numéro élevé. À titre de comparaison : une illustration vaut en moyenne trois
fois le prix d’un article5.
Les avantages économiques de la parution mensuelle sont donc certains et, le
mimétisme étant très fort dans ce milieu, plus des deux tiers des titres de la
presse jeunesse sont des mensuels. En conséquence, si un éditeur cherche à se
différencier, il proposera un hebdomadaire.
Tableau 39 – Répartition des titres de presse selon la périodicité (1982-1998)
Quotidiens
Hebdomadaires
Mensuels
Trimestriels
Quotidiens
Hebdomadaires
Mensuels
Trimestriels
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
29
20
23
27
31
33
43
56
56
5
19
5
4
13
3
4
16
3
4
20
3
4
24
3
3
27
3
3
30
10
4
41
11
5
42
9
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Évolution
1982/1998
65
70
89
88
5
44
16
5
49
16
7
56
26
5
57
26
86
1
6
56
23
94
1
6
58
29
104
1
7
63
33
119
3
6
75
35
+ 90
+3
+1
+ 56
+ 30
Source : SJTI/Dep.
5. Alain FOURMENT, Histoire de la presse des jeunes et des journaux d’enfants (1768-1988), Paris, Éd. Éole, coll. « La
mémoire des Marbres », 1988.
101
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Un chiffre d’affaires en augmentation
En 2000, le chiffre d’affaires de la presse jeunesse, qui croît régulièrement depuis
le début des années 1980, atteignait 234 millions d’euros environ6, soit légèrement plus que dans l’édition de livres jeunesse.
Tableau 40 – Évolution du chiffre d’affaires et répartition ventes/publicité
(1982-2000)
en milliers d’euros
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Chiffre d’affaires
48 906 53 837 63 173 58 623 90 007 76 514 77 566 122 960 134 336 136 777
Recettes des ventes 44 114 50 592 58 672 55 796 83 506 68 885 70 564 107 392 125 759 128 335
Recettes de publicité 4 792 3 245 4 501 2 827 6 501 7 629 7 002 15 568 8 577 8 442
% des recettes
9,8
6,0
7,1
4,8
7,2
10,0
9,0
12,7
6,4
6,2
de publicité/CA
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Chiffre d’affaires 148 219 185 509 174 151 177 438 194 706 217 896 213 504 223 787 233 976
Recettes des ventes 138 464 176 532 164 640 167 369 180 089 200 483 199 434 206 888 215 682
Recettes de publicité 9 755
8 977
9 511 10 069 14 617 17 413 14 070 16 899 18 294
% des recettes
6,6
4,8
5,5
5,7
7,5
8,0
6,6
7,6
7,8
de publicité/CA
Pour lire ce tableau : l’année 1993 est marquée par une forte augmentation du CA (185 millions d’euros en 1993 contre 148 en
1992) due à la ventilation des titres de la catégorie « Bandes dessinées, enfants et adolescents ».
Source : SJTI/Dep.
Dans ce chiffre d’affaires qui provient des ventes et des recettes de publicité, la
part des recettes de publicité reste très faible (moins de 8 % en 2000), à la différence du reste de la presse.
Une diffusion en progression
La diffusion, qui augmente de manière constante mais modérée depuis le début
des années 1980, évolue moins rapidement que le chiffre d’affaires, malgré la
progression du nombre de titres. C’est donc grâce à une augmentation des prix
de vente unitaires moyens que le chiffre d’affaires progresse. Les nouveautés
sont en effet proposées à des prix élevés.
La diffusion de la presse des enfants se fait principalement par abonnement (en
2000, ils représentent 65 % des ventes totales).
En revanche, en ce qui concerne la presse des adolescents, la diffusion se modifie
au profit de la vente par abonnement et au détriment de la vente au numéro : en
1985, seulement 7 % des ventes de cette presse étaient diffusées par abonnement,
alors qu’elles représentent 51 % en 20007.
6. Chiffres donnés en milliers d’euros courants.
7. Soulignons que le prix de vente au numéro est plus élevé que le prix de vente par abonnement, ce qui explique que
la répartition abonnement/vente au numéro ne soit pas exactement la même que pour la diffusion.
102
La presse jeunesse
Tableau 41 – Tirage de la presse jeunesse et diffusion selon le mode
(vente par abonnement, au numéro et invendus) entre 1981 et 2000
Diffusion
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Tirage
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
1981
1982
1983
45 253 49 067 54 466
17 925 20 046 20 226
27 328 29 021 34 240
57 280 62 657 66 694
20 843 23 963 22 226
36 437 38 694 44 468
1984
1985
1986
1987
1988
57 475 51 631 57 347 50 239 51 963
20 567 19 688 22 178 23 757 25 807
36 908 31 943 35 169 25 619 25 012
863 1 144
72 850 66 886 72 811 67 507 68 790
23 640 23 720 27 723 31 200 33 140
49 210 43 166 45 088 34 643 33 647
1 664 2 003
en milliers d’unités
1989
53 845
29 145
22 675
2 025
76 751
40 234
32 649
3 868
1990
58 662
32 006
23 469
3 187
88 681
46 462
35 388
6 831
Vente au numéro (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
25
72
22
72
22
71
20
69
22
68
25
71
25
67
50
25
67
56
27
60
51
30
53
38
65
5
63
5
58
5
53
6
50
6
2
51
7
1
42
8
1
38
11
8
Vente par abonnement (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
60
3
67
3
Vente par abonnement (% des ventes)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
71
4
75
4
75
7
76
7
73
7
68
8
67
8
4
67
9
2
61
12
2
56
17
17
14
25
8
25
9
23
13
25
17
26
20
22
24
26
48
22
26
43
28
31
48
31
34
53
1991
57 110
29 955
24 565
2 590
83 769
44 106
34 872
4 791
1992
88 007
37 581
45 878
4 548
88 007
37 581
45 878
4 548
1996
93 281
50 682
40 190
2 409
124 846
68 041
52 636
4 169
1997
102 701
51 792
48 493
2 416
141 472
71 106
65 882
4 484
1998
100 547
57 391
40 324
2 832
136 568
75 305
56 168
5 095
Services gratuits (n.s.)
Invendus (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Diffusion
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Tirage
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
1993
1994
1995
87 508 81 457 85 220
54 235 49 237 47 010
31 079 29 585 35 592
2 194
2 635 2 618
119 534 110 535 112 323
73 503 64 365 62 045
42 412 42 057 45 921
3 619
4 113 4 357
1999
2000
105 808 107 841
62 130 65 293
40 103 38 525
3 575
4 023
141 517 145 797
82 377 87 958
52 888 50 921
6 252
6 918
Vente au numéro (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
26
60
44
26
54
44
41
58
38
37
56
48
37
45
48
36
38
46
31
40
42
29
33
42
26
33
36
25
35
35
31
14
21
37
13
15
36
31
11
37
36
10
39
32
10
46
36
12
47
39
18
47
37
21
Vente par abonnement (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
39
9
10
45
8
10
Vente par abonnement (% des ventes)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
60
13
19
63
13
19
43
19
36
50
19
24
49
41
19
51
49
18
56
44
19
61
52
22
64
54
33
65
51
38
32
30
46
26
36
45
26
27
39
24
30
36
24
22
40
26
24
42
27
26
46
24
28
44
25
24
43
26
24
42
Services gratuits (n.s.)
Invendus (% du tirage)
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Source : SJTI/Dep
103
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Des tirages en diminution
Après une progression au cours des années 1980, le tirage moyen a tendance à
diminuer. L’offre en nombre de titres est plus importante – le tirage total annuel
d’ailleurs augmente de façon constante sur la période étudiée – mais chaque titre
est diffusé en moins d’exemplaires. La presse « Éveil et Jeux » en est l’exemple
le plus frappant avec une diminution de moitié du tirage moyen entre 1987 et
2000.
Ce phénomène se retrouve également dans la presse des adolescents dont le
tirage moyen diminue de près d’un tiers entre 1981 et 2000, en subissant des
fluctuations significatives d’une année sur l’autre au cours de la période.
En revanche, pour la presse pour enfants, le tirage moyen est identique au début
et à la fin de la période, malgré quelques variations au cours de celle-ci, et après
une forte augmentation au milieu des années 1980 (137 milliers d’exemplaires
en 1984).
Tableau 42 – Évolution du tirage moyen de la presse jeunesse, par titre au numéro
(1981-2000)
en milliers d’unités
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
Presse des enfants
Presse des adolescents
Presse Jeux et éveil
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
84
134
81
119
127
119
137
173
120
146
115
143
116
142
98
113
142
80
106
130
86
98
136
91
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
90
123
69
84
136
71
97
123
63
100
143
48
95
133
55
97
104
55
93
131
49
87
106
46
88
95
43
86
91
45
Source : SJTI/Dep.
Comme pour l’édition jeunesse, le ratio ventes/tirage avoisine les 70 %, le
nombre total d’exemplaires tirés n’étant jamais entièrement diffusé. La presse
jeunesse se trouve face à un phénomène de surproduction, ce qui crée des stocks
d’invendus importants. Ce phénomène est problématique (plus en presse qu’en
édition) car la nature éphémère du produit « presse » fait qu’il a moins de chance
de s’écouler une fois passé le moment de sa mise sur le marché.
Comment analyser cette stratégie de la part des éditeurs de presse ? une volonté
de surproduction pour inonder le marché ? un fonctionnement normal dans un
modèle de « flux » ? ou bien encore, est-ce « la rançon d’un dynamisme éditorial qui, en multipliant le nombre de titres, trouve plus difficilement sa place sur
le marché8 » ?
8. « Dix ans de statistiques presse 1982-1992 », La Documentation française, Paris, SJTI, Ministère de la communication, 1995.
104
La presse jeunesse
Un prix de vente élevé
Le marché de la presse jeunesse est très concurrentiel. Le prix est soumis à des
contraintes très fortes en raison des coûts de fabrication (papier, impression) et
de création particulièrement lourds alors que les recettes publicitaires sont
faibles. D’où un prix de vente élevé qui se situe dans une fourchette de 3 à
5 euros. Pourtant, certains éditeurs proposent des prix plus faibles ou réussissent
à les baisser afin de toucher d’autres publics. C’est pour eux un véritable objectif de « démocratisation », même s’ils n’oublient pas l’aspect commercial dans
leur réflexion. Différents niveaux de qualité et de prix se retrouvent sur le marché : ainsi, Disney Hachette Presse propose Le Journal de Mickey à 1,5 euro et
le reste de ses titres entre 3 et 3,8 euros ; d’autres se positionnent encore plus
« haut de gamme » avec des prix allant de 4 à 5,5 euros en moyenne9.
La question du prix est également liée à la question de l’abonnement. En effet,
afin de gagner un nouvel abonné ou de fidéliser un lecteur, les éditeurs mettent
en place des politiques tarifaires avantageuses, consistant par exemple à offrir
une réduction allant jusqu’à 20 %, à laquelle s’ajoute un cadeau.
Les acteurs
En 2001, sept éditeurs de presse pour la jeunesse sont retenus par l’enquête
ConsoJunior : Bayard Presse, Milan Presse10, Disney Hachette Presse, Fleurus
Presse, Play Bac, Excelsior, Edi Presse. Cette sélection ne reflète que partiellement la réalité du marché car d’autres acteurs plus petits en font également partie. Le marché est dominé par un noyau de quatre groupes puissants – Hachette
Filipacchi Médias, groupe à dimension internationale –, et trois groupes français
de taille moyenne – Fleurus, Bayard et Milan –, autour desquels existent des éditeurs indépendants et des titres issus de mouvements associatifs.
Comme le montre le tableau 43 qui présente l’offre du paysage éditorial de la
presse jeunesse française11, Bayard Presse (17 titres) et Milan (16 titres) dominent par leur poids éditorial. Ce tableau permet d’avoir une vision globale de la
segmentation du marché par âge et par thème.
À partir du tableau 43, qui présente pour chaque titre sa diffusion et son audience
par tranche d’âge et par nombre total de lecteurs, il est intéressant de comparer
pour chaque titre audience par tranche d’âge/tranche d’âge à laquelle il est
9. Nous reprenons ici les chiffres proposés dans La presse des jeunes de Jean-Marie CHARON, Paris, La Découverte,
coll. « Repères », 2002, p. 85.
10. Ces deux premiers éditeurs se sont rapprochés récemment, Bayard ayant racheté Milan fin 2003. Néanmoins, dans
ce document, ces deux maisons sont traitées séparément.
11. Ce tableau se veut le plus exhaustif possible. Les éditeurs les plus significatifs ont été étudiés, mais il est certain
que tous les titres existants sur ce marché n’ont pu être analysés. Pour chaque éditeur présenté, l’ensemble de sa production a été analysée, mais quelques titres peuvent avoir été oubliés car c’est un marché où l’offre évolue très vite.
105
106
Picoti*, a, 1989
Toupie*, a, 1985
Histoires pour les petits*, a, s. d.
Petites mains*, b, 1998
Wakou*, a, 1989
Toboclic*, a, s. d.
Toboggan*, a, 1980
J’apprends à lire*, a, s. d.
Mobiclic*, a, s. d.
Moi je lis*, a, 1987
Wapiti*, a, 1987
Julie*, a, 1998
Clés de l’actualité junior*, c, 1995
Toutàlire*, a, 2002
Lolie*, a, 2001
Clés de l’actualité*, c, 1992
Milan
Popi*, a, 1986
Pomme d’Api*, a, 1966
Les premières histoires de Popi*, a, 1998
Les belles histoires*, a, 1972
Babar*, a, 1991
Youpi*, a, 1988
Astrapi*, a, 1978
Mes premiers J’Aime lire*, a, 1993
J’Aime lire*, a, 1977
Pomme d’Api soleil*, a, 1989
Grain de soleil*, a, 1988
D Lire*, a, 2001
Images Doc*, a, 1989
Okapi*, a, 1971
Je bouquine*, a, 1984
I Love English junior*, a, 1995
I Love English*, a, 1987
Bayard Presse Jeunesse
Éditeur, titre, date de création
Tout petits : de 9 mois à 3 ans
Petite enfance : de 3 à 5 ans
Petite enfance : de 3 à 5 ans
Petite enfance : de 3 à 6 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Petite enfance/Benjamin : de 4 à 7 ans
Benjamin : de 5 à 7 ans
Benjamin : de 6 à 8 ans
Cadet/Junior : de 7 à 12 ans
Cadet : de 7 à 9 ans
Cadet/Junior : de 7 à 13 ans
Junior : de 8 à 12 ans
Junior : de 8 à 12 ans
Junior : de 9 à 14 ans
Ado : de 13 à 16 ans
Ado : de 13 à 18 ans
Tout petits : de 1 à 3 ans
Petite enfance : de 3 à 7 ans
Petite enfance : de 2 à 4 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Benjamin : de 5 à 8 ans
Cadet : de 7 à 11 ans
Benjamin : de 6 à 7 ans
Cadet : de 7 à 10 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Cadet/Junior : de 8 à 12 ans
Junior : de 9 à 13 ans
Cadet/Junior : de 7 à 12 ans
Junior/ado : de 10 à 15 ans
Junior/ado : de 10 à 15 ans
Junior : de 9 à 11 ans
Ado : de 12 à 15 ans
Tranche d’âge
(positionnement éditeur)
Généraliste
Généraliste
Lecture
Éveil
Nature
Multimédia
Généraliste
Lecture
Multimédia
Lecture
Nature
Fille
Actualité
Lecture
Fille
Actualité
Généraliste
Généraliste
Lecture
Lecture
Généraliste
Éveil
Généraliste
Lecture
Lecture
Religion
Religion
Lecture
Documentaire
Généraliste
Lecture
Apprentissage d’une langue
Apprentissage d’une langue
Thématique
Tableau 43 – Offre de la presse jeunesse en France dans les années 2000
11,0
9,5
4,0
7,0
–
–
–
42 709
60 468
98 425
49 361
80 680
55 860
–
–
69 826
46 242
12,5
6,5
8,0
3,5
–
–
7,5
–
–
52 798
32,5
19,5
–
8,0
11,0
6,5
5,5
–
6,0
–
–
–
–
–
7,5
13,0
11,5
17,0
7,5
4,0
16,5
9,5
–
–
16,0
22,5
6,5
9,0
10,5
5,0
–
–
–
–
–
5,5
8,0
15,5
12,0
–
19,5
–
–
5,0
–
–
–
% des
% des
% des
2-7 ans 8-10 ans 11-14 ans
qui lisent qui lisent qui lisent
ce journal ce journal ce journal
481 000
487 000
882 000
493 000
333 000
456 000
519 000
304 000
679 000
392 000
305 000
727 000
822 000
652 000
194 000
2 255 000
479 000
715 000
671 000
785 000
652 000
917 000
En nombre
total de lecteurs
Audience (ConsoJunior 2001)
Taux de pénétration
auprès des lecteurs
55 552
59 779
66 000
132 522
25 0001
55 289
52 233
49 503
62 924
70 0001
175 126
35 0001
30 0001
60 0001
78 690
58 396
42 226
33 0001
28 391
Diffusion France payée
(OJD 2001-2002)
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
107
Fan de***, a, 1997
Adolescent
Adolescent
–
Rythme de parution :
Benjamin : de 5 à 7 ans
Cadet/Junior : de 7 à 10 ans
Junior : de 10 à15 ans
Ado : à partir de 14 ans
Adolescent
Adolescent
Adolescent
Junior : de 8 à 12 ans
Adolescent
Star
Fille
Bande dessinée
Actualité
Actualité
Actualité
Actualité
Fille
Star
Star
Documentaire
Documentaire
Généraliste
Généraliste
Généraliste
Généraliste
Généraliste
Généraliste
Généraliste
Fille
Jeux
Jeux
Jeux
Jeux
Généraliste
Éveil
Lecture
Lecture
Lecture
Fille
Actualité
Religion
–
–
–
–
–
–
93 372
128 783
344 868
–
–
6,5
7,5
–
–
–
8,5
6,0
–
8,5
19,5
11,0
–
–
–
–
5,5
5,5
12,0
19,5
12,0
6,5
19,0
12,5
1. Source éditeur.
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
10,0
8,0
–
206 679
115 558
67 697
152 612
–
9,0
7,50
15,0
15,0
14,5
7,0
6,5
5,0
4,0
–
–
82 614
161 466
142 824
49 187
94 816
43 226
37 780
32 233
43 367
48 245
OJD (2000-2001)
70 326
a mensuel, b bimestriel, c hebdomadaire, d trimestriel, e quotidien.
Tout petits : de 18 mois à 4 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Benjamin : de 5 à 8 ans
Junior : de 8 à 13 ans
Junior : de 9 à 13 ans
Junior : de 8 à 13 ans
Junior : de 8 à 13 ans
Junior : de 8 à 13 ans
Tous âges
Tous âges
Tous âges
Tous âges
Petite enfance : de 2 à 5 ans
Tout petits : 6 mois et plus
Benjamin : de 6 à 8 ans
Petite enfance/Benjamin : de 3 à 7 ans
Junior : de 8 à 12 ans
Junior : de 8 à 12 ans
Adolescent : de 11 à 15 ans
Benjamin : de 4 à 7 ans
Créneau : * éducatif, **distractif/éducatif, ***distractif.
?
Girls***, a, 1992
Bauer
Spirou***, c, s. d.
Autres (rubrique non exhaustive)
Dupuis
Quoti*, e, 2001
Le petit quotidien*, e, 1998
Mon quotidien*, e, 1995
L’actu*, e, 1998
Play Bac
Miss**, a, 1991
Salut**, a, 1976
Star club**, a, 1987
Edi-Presse
Science et vie découvertes*, a, 1999
Science et vie junior*, a, 1989
Excelsior
Bambi**, a, 1989
Winnie**, a, 1985
Winnie lecture*, a, 2002
Journal de Mickey***, c, 1934
Picsou magazine***, a, 1971
Kid Paddle***, a, 2002
Witch magazine***, a, s. d.
Minnie magazine**, a, 1996
Winnie jeux***, d, 1990
Mickey jeux***, d, 1983
Super Picsou géant***, d, s. d.
Mickey parade***, a, s. d.
Disney Hachette Presse
Abricot*, a, 1987
Papoum*, a, 1995
Je lis déjà*, a, 1988
Mille et une histoires*, a, s. d.
Je lis des histoires vraies*, a, 1992
P’tites sorcières*, a, 1999
Hebdo des juniors*, c, 1993
Mon journal arc-en-ciel*, b, 1993
Fleurus
15,0
13,5
12,0
8,5
10,5
6,0
9,0
13,5
15,5
9,0
14,5
12,0
21,0
13,50
6,5
18,5
17,0
–
–
–
–
–
–
5,0
–
6,5
Source : SJTI/Dep.
823 000
886 000
778 000
742 000
698 000
366 000
530 000
795 000
906 000
629 000
932 000
786 000
1 849 000
1 250 000
472 000
1 688 000
1 383 000
604 000
609 000
597 000
296 000
632 000
277 000
504 000
308 000
409 000
La presse jeunesse
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
destiné. Ainsi, J’aime lire (Bayard Presse), qui s’adresse au 7-10 ans, obtient
également un taux de pénétration très bon chez les 2-7 ans (19,5 %) et chez les
11-14 ans (19,5 %12).
Les stratégies
Positionnement éditorial : entre distraire et éduquer
Dans la presse jeunesse, globalement divisée en deux secteurs – éducatif et distractif13 –, chaque éditeur a un positionnement éditorial assez marqué, souvent
lié à son histoire. La presse éducative peut être définie comme :
« La démarche éditoriale qui prétend jouer un rôle actif dans l’évolution psychologique et intellectuelle, l’éveil, la découverte des autres et de l’environnement,
l’acquisition de connaissances par le jeune lecteur. Au cœur de celle-ci figure la
question particulièrement sensible de l’apprentissage, de la maîtrise et de l’acquisition du goût de la lecture14. »
Du côté éducatif, les trois éditeurs les plus actifs sont Bayard, Fleurus et Milan,
mais leurs histoires respectives les positionnent sur des créneaux légèrement différents, Bayard et Fleurus étant des éditeurs catholiques, alors que Milan s’est
affirmé comme laïc dès sa création. Quant à Excelsior, éditeur de Science et Vie,
il affirme une orientation plutôt scientifique.
La presse distractive est :
« l’héritière des illustrés. Elle est un peu la spécialité de Disney Hachette Presse,
au côté duquel se retrouvent également des éditeurs exclusivement centrés sur les
bandes dessinées, comme Semic Tournon ou Panini. En réalité, il n’est pas exagéré de considérer que cohabitent dans cette catégorie de publications deux
approches assez différentes, la première se rapprochant souvent de la presse éducative, alors que la seconde reste davantage située dans l’univers des comics. […]
Elle a pour principale ambition de constituer un support agréable pour le jeu et
les loisirs des enfants15 ».
Disney Hachette Presse se positionne clairement sur le créneau de la presse distractive en laissant une large place à la bande dessinée, mais avec quelques
encarts d’informations ou d’idées de jeux. Le succès du Journal de Mickey et des
titres de presse distractive de Disney semble s’essouffler. Avec des titres comme
Winnie, P’tit Loup, Minnie, Disney Hachette Presse réalise une forme de syn12. Nombre d’exemplaires diffusés et nombre réel de lecteurs sont deux choses différentes : chaque titre acheté est lu
par plusieurs autres personnes que l’acheteur (membres de la famille, amis, diffusions dans les lieux publics, etc.). À
cet égard, les disparités sont grandes : Picoti (Milan) diffusé à environ 55 000 exemplaires, touche plus de 12 fois plus
de lecteurs (environ 680 000), alors que Miss (Edi-Presse) diffusé à 94 000 exemplaires, est lu par 530 000 personnes
(moins de 6 fois plus).
13. Pour reprendre les termes de Bernard Pieuchot, chargé d’études recherche et développement marketing chez
Bayard.
14. J.-M. CHARON, La presse des jeunes, op. cit., p. 37.
15. Ibid.
108
La presse jeunesse
thèse entre la démarche distractive et la démarche éducative. Afin d’accroître ses
parts de marché, cette même maison publie des produits concurrentiels qui peuvent se révéler « cannibalisants » : ainsi, il propose deux titres positionnés sur le
même créneau, Le journal de Mickey et Picsou Magazine.
Le véritable enjeu de la fidélisation du lectorat
Le marché de la jeunesse est subdivisé en sous-marchés correspondant à des
tranches d’âge plus fines. « Un tel découpage conduit à situer chaque titre sur un
marché maximum de 2,5 à 3 millions de personnes. Soit des possibilités de diffusion diminuées d’autant pour chaque titre16. »
De plus, les goûts et les centres d’intérêt des enfants évoluant rapidement avec
l’âge, c’est donc un lectorat très volatil. Selon César Roldan, du groupe Milan
Presse, « un titre en presse jeune perd chaque année 70 % de ses lecteurs qui
grandissent et se tournent vers d’autres sujets17 ». Même si ce chiffre est exagéré
– Jean-Marie Charon l’estime plutôt au quart ou au tiers des lecteurs18 –, il n’en
reste pas moins qu’il est fondamental pour un éditeur d’essayer de conserver ses
lecteurs d’un titre à l’autre. Pour cela plusieurs stratégies sont mises en place.
Le chaînage
La presse de jeunesse propose des titres spécifiques pour chaque tranche d’âge.
Ce procédé, c’est ce qu’on appelle le « chaînage19 », chaque société d’édition de
presse proposant un ou plusieurs titres par tranche d’âge déterminée. Ce procédé
répond à la fois à une stratégie éditoriale – suivre le développement de l’enfant
et lui proposer un périodique adapté – et à une stratégie commerciale – fidéliser
son lectorat.
L’apparition d’une segmentation par âge n’est pas une nouveauté. Elle date des
années 1960. Aujourd’hui, les différentes catégories d’âge se déclinent comme
dans le secteur de l’édition de livres : les petits (2-6 ans), les enfants (7-11 ans),
les préadolescents (12-14 ans) et les adolescents.
Historiquement, Fleurus a été le premier à mettre en place cette stratégie avec
ses hebdomadaires, lorsqu’en 1956, il a lancé Perlin et Pinpin, titre qui ciblait
non plus tous les jeunes mais les enfants de moins de 8 ans. Imité par la suite,
Bayard Presse est le premier à s’engager dans une véritable stratégie de « chaînage », avec Pomme d’Api ciblant les 3-7 ans, créé en 1966, Okapi (10-15 ans)
16. J.-M. CHARON, La presse des jeunes, op. cit.
17. « La presse jeune : un défi éditorial et économique », Action Jeunesse, no 115, 30 novembre 1998.
18. J.-M. CHARON, La presse des jeunes, op. cit.
19. « La pratique des éditeurs ne consistera plus à se centrer sur un titre phare, mais à développer une gamme de titres,
s’adressant chacun à une tranche d’âge. […] Les éditeurs parleront de “chaînage” pour qualifier cette approche qui
consiste à suivre le jeune tout au long de son évolution, lui proposant de passer tous les deux ou trois ans d’un titre à
un autre. Segmentant ainsi leur propre marché, les éditeurs de presse jeune doivent trouver une économie sur des titres
relevant d’une conception technique et éditoriale exigeante, d’où la tendance à privilégier le rythme mensuel, détrônant petit à petit le règne de l’hebdo illustré. » Voir J.-M. CHARON, La presse des jeunes, op. cit.
109
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
en 1971, Astrapi (7-11 ans) en 1978, enfin Phosphore (15-25 ans) en 1981.
Quinze ans après, Milan lance, immédiatement après sa création, une gamme de
publications couvrant tous les âges : en 1980, Toboggan pour les 5-7 ans, Mikado
pour les 9-14 ans en 1983, Toupie pour les 3-5 ans en 1985 et en 1989, Picoti
pour les 9 mois-3 ans. Dès le lancement de Toboggan, le groupe Milan se positionne sur une segmentation par âge plus fine que Bayard (en moyenne 3 ans par
tranche d’âge).
Le système de chaînage s’appuie sur une cohérence entre les titres : les valeurs
véhiculées, les techniques pédagogiques utilisées sont proches. « Il y a une
fluidité d’un titre à l’autre avec une continuité éditoriale, l’utilisation de chartes
graphiques proches », précise-t-on chez Fleurus. Mais il conduit à une inflation
de titres sur un segment dont le marché est déjà étroit : Bayard compte par
exemple 19 titres de presse jeunesse. Pour ce groupe, la politique de fidélisation
est un des objectifs : « Nous voulons fidéliser le lecteur non pas à un titre mais
à Bayard », affirmait en 1998 le secrétaire général de Bayard Presse Jeunesse,
Arnaud Delaporte. « Il y a une fluidité d’un titre à l’autre avec une continuité éditoriale, l’utilisation de chartes graphiques proches », précise-t-on chez Fleurus20.
L’abonnement
Autre système utilisé pour fidéliser les lecteurs, l’abonnement. Pour tout abonnement, les éditeurs proposent des cadeaux, des facilités de paiement, des avantages, etc. Politiques tarifaires et offres promotionnelles sont nombreuses dans
ce secteur très compétitif où la veille concurrentielle est importante. Dans ce
domaine la concurrence ne se fait donc pas uniquement sur le produit, mais également sur les techniques de promotion.
Les prix des abonnements sont très proches pour des titres positionnés sur les
mêmes sous-marchés. Ainsi Milan propose Moi je lis au tarif de 55 euros et
Bayard J’aime Lire à 54,80 euros. De la même manière on retrouve chez chaque
concurrent les mêmes avantages : possibilité de choisir son mode de paiement,
abonnement à durée libre avec un paiement trimestriel, cadeau offert pour
chaque abonnement. Même le format et la maquette des brochures pour l’abonnement sont proches : charte graphique utilisant principalement le vert et
l’orange, format 11 x 20 cm, 2e de couverture avec un éditorial en haut de page
suivi d’un tableau explicitant le positionnement des journaux par tranche d’âge
et par thème, bulletin d’abonnement proposé sur un dépliant en fin de brochure… C’est au niveau du cadeau offert que les différences apparaissent : chez
Milan, il s’adresse à l’enfant (un sac à dos) alors que chez Bayard, il s’adresse
au parent (un organiseur).
20. « La presse jeune : un défi éditorial et économique », art. cité.
110
La presse jeunesse
Une segmentation par thèmes
Si la presse jeunesse est fortement segmentée par tranches d’âge, elle l’est également par thèmes. La diversification des centres d’intérêt des enfants avec l’âge
se traduit par une organisation thématique des titres sur les tranches les plus
âgées du lectorat, les journaux destinés aux plus jeunes restant souvent plus
généralistes. Pour autant, même les journaux ciblant les plus jeunes développent des axes de lecture clairs. Ainsi, Milan propose en 2003 trois titres pour les
3-5 ans : Toupie, le plus généraliste, Histoires pour les petits, plus axé sur la lecture et Petites mains, orienté vers les activités manuelles.
Les journaux « pour les filles »
Intéressons-nous un instant à l’évolution de ce qu’on appelait les « journaux pour
fillettes ». Pendant l’entre-deux-guerres et dans l’immédiat après-guerre, sont
sortis en nombre ces journaux : La semaine de Suzette, Bernadette, Lisette,
Caroline, etc., mais ce marché disparut au profit de journaux mixtes à dominante
masculine21, reflétant un changement de mentalité et un nouvel horizon d’attente
chez les jeunes lectrices. Or, depuis quelques années des nouveaux titres s’adressant spécifiquement aux jeunes ont fait leur apparition et rencontrent un succès
certain. Le marché s’est fortement développé ces dernières années avec l’apparition de Julie (Milan) en 1998, Les p’tites sorcières (Fleurus) en 1999, Lolie
(Milan) et Muteen (Jalou) en 2001, qui venaient rejoindre des titres comme Miss
datant de la première moitié des années 1990. Cette presse de jeunesse ciblant
spécifiquement les filles s’est développée alors qu’il n’existe pas de presse
ciblant uniquement les garçons. C’est que les filles forment une population plus
disponible pour la lecture, comme cela est souligné par de nombreux observateurs22.
Les thématiques de la presse jeunesse
Si certains thèmes traités par les journaux de presse pour la jeunesse se rapprochent au plus près des préoccupations des enfants lecture, nature, activités
manuelles, découvertes…, d’autres correspondent à une demande probablement
plus proche de celle des parents, comme les journaux en langues étrangères ou
la presse religieuse. Ces segments restent des niches et peu nombreux sont les
titres y figurant, généralement pas plus d’un ou deux titres par tranche d’âge
(voir tableau 43, p. 106-107).
21. Alain FOURMENT, Histoire de la presse des jeunes et des journaux d’enfants (1768-1988), Paris, Éd. Éole, coll.
« La mémoire des Marbres », 1988.
22. Le sociologue Jean-François Barbier-Bouvet propose une explication plutôt optimiste de ce phénomène : « Au
moment où la presse jeune s’est développée, dans les années 1960-1970, créer des titres unisexes relevait de la
conquête sociale. Les journaux et magazines pour enfants et adolescents étaient l’occasion de faire apparaître des
espaces de mixité dans une société qui n’en prévoyait pas. Aujourd’hui, la mixité est admise par la société et rien ne
s’oppose à ce qu’on tienne compte des spécificités de chaque sexe pour leur proposer des lectures adaptées. Il ne s’agit
pas de revenir en arrière, d’opposer le pilote de course à la starlette, mais simplement de tenir compte des sensibilités
et des manières différentes de se construire. » Voir Jean-François BARBIER-BOUVET, « La lecture au féminin, de plus
en plus tôt », La Croix, 20 mars 2002.
111
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
• Le thème de la nature a toujours fait partie des journaux pour enfants, mais c’est
à partir des années 1980 que le marché a vu paraître des journaux le traitant
spécifiquement. La qualité graphique, avec une maquette centrée autour de la
photographie, fait d’eux des journaux que les enfants gardent. Le premier à apparaître sur le marché, Hibou (lancé par Fleurus en 1985), traite autant de la vie des
animaux que de problématiques environnementales plus larges. Wakou (1987) et
Wapiti (1989), les deux titres les mieux placés sur ce marché, doivent faire face
aujourd’hui à de nouveaux venus qui se positionnent sur leur domaine même s’ils
s’intéressent à d’autres problématiques. En témoigne le lancement en 2002 de
Géo Ado avec une maquette esthétique tournée autour de la photographie. Son
contenu aborde la nature, l’environnement, les animaux, mais au-delà, ce titre
s’intéresse également aux questions de populations, aux problèmes sociologiques, etc.
• Les journaux de découverte et de vulgarisation scientifique apparaissent au début
des années 1990. Sur ce créneau, on trouve clairement positionnés Sciences et
Vie Junior (1989) et Sciences et Vie Découvertes (1999) de la maison Excelsior.
D’autres, comme Image Doc de Bayard, abordent à la fois le thème de la nature
et la vulgarisation scientifique. Ce sont des journaux qui touchent plus facilement
les 11-14 ans auprès desquels ils remportent un franc succès.
• Les journaux en langues étrangères datent également de la fin des années 1980.
I love English lancé par Bayard arrive sur le marché en 1987. C’est d’ailleurs ce
même Bayard qui va continuer sur cette niche et occuper le créneau en mettant
en place un chaînage avec I love English Junior pour les 9-12 ans et Today in
English pour les adolescents. Vocable se place aussi sur ce segment mais cible
un lectorat préadolescent, voire adolescent. Ces journaux gardent une image scolaire même si le contenu tente d’être distractif.
• Les journaux abordant le thème de la religion sont issus des maisons de tradition
chrétienne comme Bayard (Grain de Soleil par exemple) ou Fleurus (Mon journal Arc-en-ciel). Ce sont des titres orientés vers les jeunes catholiques ou vers les
parents qui cherchent un support pour aborder le thème de la religion. C’est une
presse dite de « conviction », dont la diffusion est faible et qui atteint difficilement l’équilibre budgétaire.
Des titres pour le public « enfants/parents/enseignants »
Si la presse des jeunes s’adresse d’abord aux enfants, elle n’en touche pas moins
cependant les parents et les enseignants qui « restent, jusqu’à la préadolescence
de leurs enfants, prescripteurs et acheteurs des titres, surtout pour ceux qui sont
vendus par abonnement », comme le souligne Jean-Marie Charon23.
Un éditeur doit donc séduire les enfants par un contenu attrayant et rassurer les
parents pour obtenir leur accord, leur prescription, ou leur achat. Le marketing
direct est d’ailleurs très utilisé dans ce secteur : les éditeurs de presse jeunesse
utilisent l’envoi de mailing auprès des familles afin de toucher directement le
lecteur, l’acheteur et le prescripteur.
23. J.-M. CHARON, La presse des jeunes, op. cit., p. 52.
112
La presse jeunesse
Ainsi, de nombreux titres pour enfants cherchent à séduire également les enseignants qui représentent une instance de légitimation et un véritable marché, et
qui sont indispensables pour connaître le lectorat jeune. Des journaux travaillent
ainsi en lien avec certains d’entre eux qui deviennent de véritables « conseillers
pédagogiques », vérifiant les sujets abordés, leur traitement et parfois l’adéquation avec les programmes ou les besoins des professeurs. Certes les éditeurs s’en
défendent, comme le montrent les propos d’Arnaud Delaporte :
« Nous savons que les enseignants constituent un vecteur de prescription important mais nous ne faisons pas de magazines pédagogiques. Notre ambition est que
l’enfant s’approprie son journal24. »
Chez Milan, on va même jusqu’à pointer le danger de vouloir trop séduire
l’adulte au détriment de l’enfant :
« Il faut faire attention aux journaux trop […] utilisés en classe, qui, de ce fait,
risquent de barber leurs lecteurs. On peut lire un journal pour jouer, pour s’informer, pour fabriquer… il y a de nombreuses entrées possibles. Le journal est
un outil idéal pour apprendre, […] mais il doit avant tout être un copain de
papier25. »
L’international, un marché émergent ?
Contrairement à l’édition de livres pour la jeunesse, la presse jeunesse ne se
développe pas du tout à l’international. C’est une spécificité française et on ne
retrouve pas d’équivalent à l’étranger. Sur les marchés étrangers, les produits de
l’écrit pour la jeunesse sont avant tout les livres et des pages réservées aux
enfants dans les journaux pour adultes. Rares sont les journaux s’adressant
spécifiquement aux enfants et surtout aux très jeunes.
En France, la quasi-totalité des titres sont français et très peu de titres sont vendus à l’étranger. Seul Bayard fait exception car cette maison a su développer,
après avoir activement prospecté sur différents marchés, une politique de vente
de titres notamment en Espagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas et Chine. Ainsi on
retrouve par exemple Popi, Cucafera (Pomme d’Api), Leo leo (J’aime lire),
Okapi, I love English Junior, et Reporter Doc (Image Doc) en Espagne, ou bien
StoryBox (Les Belles histoires), Adventure Box (J’aime lire), Discovery Box
(Image Doc) en Grande-Bretagne. Ces magazines sont commercialisés par des
filiales à 100 % de Bayard, des joint-ventures ou des éditions sous licences26.
Les produits éditoriaux sont adaptés aux us et coutumes du pays, ce qui ne va
pas sans poser des problèmes. Les éditeurs doivent relever le difficile défi de
faire évoluer un produit, un personnage, sans lui faire perdre sa personnalité.
24. « La presse jeune : un défi éditorial et économique », art. cité.
25. Ibid.
26. Dans la présentation de Bayard, on peut lire d’ailleurs qu’« adaptés à leurs marchés par leurs contenus et leur mode
de commercialisation, ces titres sont le fruit d’alliances avec des éditeurs étrangers complémentaires pour ajouter la
connaissance des marchés locaux au savoir-faire éditorial et marketing de Bayard ».
113
CHAPITRE III
Vers une structuration
du secteur de l’écrit jeunesse ?
Entre presse et édition jeunesse,
quelles similitudes et quelles différences ?
Des similitudes frappantes…
Si l’on compare le chiffre d’affaires global de l’édition (2,3 milliards d’euros) aux
autres industries culturelles, notamment à celui de la presse dont le chiffre d’affaires est quatre fois plus élevé (10 milliards d’euros), on ne peut que souligner
« le décalage très fort entre, d’une part, la valeur médiatique de l’édition, son
poids dans la culture, dans l’histoire, sa dimension affective, son prestige, et,
d’autre part, son faible poids économique », comme le note Bertrand Legendre1.
Mais dans le secteur jeunesse, le décalage est bien moindre entre édition et
presse. La faiblesse des recettes publicitaires de la presse jeunesse par rapport à
l’ensemble de la presse (moins de 10 % du chiffre d’affaires provient des recettes
publicitaires en jeunesse contre 40 % environ pour l’ensemble de la presse2)
explique en partie que le décalage entre les chiffres d’affaires de l’édition et de
la presse soit moins important dans le secteur de la jeunesse. Ainsi, l’édition et
la presse jeunesse atteignent un chiffre d’affaires comparable : 203 millions d’euros pour la première et 233 pour la seconde en 2000.
Les similitudes ne se limitent pas au chiffre d’affaires. Sur les trente dernières
années, on constate une diminution des tirages moyens (à mettre en rapport avec
une augmentation de la production en nombre de titres, une production excédentaire en quantité avec un ratio ventes/tirages avoisinant les 70 % pour les
deux secteurs). On voit également des stratégies éditoriales qui se ressemblent.
D’ailleurs, plus que des stratégies, c’est plutôt l’accent mis sur des éléments qui
plaisent aux enfants ou qui sont dans l’air du temps, tels que : personnage héros
ou compagnons de lecture dans les documentaires ou ouvrage ludo-éducatif, gra1. Bertrand LEGENDRE, Les métiers de l’édition, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2002.
2. Direction du développement des médias, Tableaux statistiques de la presse, Paris, La Documentation française,
2002.
115
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
phisme et illustrations qui sont proches (souvent les illustrateurs font l’allerretour entre la presse et l’édition), thèmes cousins, découpage par tranche d’âge
proche, etc.
L’émergence du marketing se retrouve aussi dans les deux secteurs, notamment
chez les grandes entreprises – Bayard et Hachette par exemple, groupes leaders
sur leur secteur, qui ont des départements marketing très développés3.
Cependant, dans le domaine de la presse, le fichier des clients abonnés permet
des études régulières et une réelle connaissance de son public, ce qui n’est pas
le cas dans l’édition. Ainsi, les études de lectorat sont plus systématiques dans
le domaine de la presse.
Que ce soit la presse ou l’édition, l’offre s’adresse non seulement aux enfants,
mais également aux parents, prescripteurs ou acheteurs en direction desquels les
deux secteurs mettent en place des politiques marketing fortes (mailings,
cadeaux, fiches pédagogiques, etc.).
Enfin, d’un point de vue commercial, on remarque que les grands groupes mettent en place des synergies entre différents domaines – presse, édition, télévision… – autour de personnages ou de livres à thèmes porteurs. Ces différents
supports renforcent la promotion et favorisent la visibilité du concept utilisé.
C’est ainsi que Petit Ours Brun, Titeuf, Kid Paddle, Mimi Cracra se retrouvent
dans la presse sous forme de bandes dessinées, ou dans des ouvrages cartonnés
ou non, sous différents formats, ainsi qu’à la télévision. L’objectif est d’utiliser
les différents médias pour séduire l’enfant à travers le plaisir qu’il éprouve en
retrouvant des personnages qu’il aime, afin de vendre des ouvrages, des produits
dérivés, des espaces publicitaires4…
Et c’est encore le cas aujourd’hui avec par exemple la création en 2002 de
Techou, une revue bimestrielle pour les enfants à partir de 4 ans, qui sert de support aux héros d’Hachette Jeunesse (Mini-Loup) et à ceux des émissions destinées aux enfants sur TF1 (Les petites crapules et surtout Franklin, la tortue, véritable vedette du magazine).
… mais des différences significatives
Toutefois des différences existent entre les deux secteurs. Si le chiffre d’affaires
progresse, ce n’est pas pour les mêmes raisons : pour la presse, il est dû à une
augmentation du prix de vente au numéro et non à une forte augmentation de la
diffusion, alors qu’en édition il s’explique par une augmentation du nombre
d’exemplaires vendus (+ 40 % entre 1986 et 2001).
3. Les plus petits éditeurs n’ont que rarement un poste consacré au marketing et c’est souvent le service commercial
qui en a la charge.
4. Selon Alain Fourment, qui souligne le rôle joué dès 1965 par les moyens audiovisuels dans la formation du goût
des enfants, les feuilletons télévisés pour les petits donnent naissance à des mensuels dont le seul but est d’exploiter,
sous une autre forme commerciale, les aventures des personnages. Voir A. FOURMENT, Histoire de la presse des
jeunes…, op. cit.
116
Vers une structuration du secteur de l’écrit jeunesse ?
Par ailleurs, si la structure du marché est similaire pour ces deux secteurs (celle
d’un oligopole à frange), le nombre d’acteurs est bien moindre dans la presse
jeunesse. Les coûts et les risques pour se lancer sur le secteur de la presse expliquent ce décalage. Il est possible de créer une maison d’édition en ne publiant
que quelques titres par an et en les vendant sur plusieurs années. En revanche,
dans le cas de la presse, il est nécessaire de pouvoir publier un titre à un rythme
régulier, ce qui exige une mise de fonds initiale beaucoup plus importante.
Si le savoir-faire éditorial est proche entre les deux domaines (nécessité de savoir
traiter le rapport texte/image, le choix des textes, des illustrations, des techniques
graphiques), le rythme de travail n’est pas le même. Par son rythme de parution,
la presse impose de travailler dans des délais courts et de publier le journal quels
que soient les sélections faites ou les retards pris. En édition par contre, même
si les rythmes de parution imposent parfois un travail rapide, il est possible de
disposer du temps nécessaire pour traiter l’ensemble des questions.
Si la segmentation du marché jeunesse s’affine, ce n’est pas pour les mêmes raisons dans les deux domaines. En presse, le procédé de chaînage justifiant une
segmentation par tranche d’âge, l’objectif est donc de fidéliser le lecteur sur le
long terme. À l’opposé, dans l’édition, rien ne permet de réellement fidéliser le
lecteur à un éditeur ou à une marque – si ce n’est les séries parfois. Aussi, le
recours à une segmentation plus fine s’explique à la fois par la volonté de
clarification de l’offre, et par le positionnement sur un marché très concurrentiel.
Enfin, la présence à l’international ne soulève pas les mêmes enjeux pour l’édition et la presse jeunesse. En effet, à l’inverse de l’édition jeunesse, la presse
pour enfants est essentiellement de création française et quelques rares maisons
comme Bayard tentent de l’exporter et de décliner des titres adaptés à l’étranger.
L’édition pour enfants destinée à la France fait appel à la fois à des créations
françaises et à des achats d’ouvrages étrangers, souvent d’origine anglo-saxonne.
Interactions possibles
Le rapport des enfants à la lecture est résumé clairement par Aline Eisenegger :
« Les enfants, toutes les enquêtes le confirment, lisent plus volontiers un périodique qu’un livre. Le journal est d’accès plus facile, il permet une lecture morcelée selon les goûts et les préoccupations du moment, il est moins intimidant et
plus illustré. […] Les magazines de lectures se sont développés avec l’idée que
les parents tiennent à la lecture, symbole de réussite sociale. Ils sont un palier,
nécessaire pour certains enfants, avant d’oser aborder un livre5. »
5. Aline EISENEGGER, « L’actualité de la presse pour enfants », dans Lectures, livres et bibliothèques pour enfants, sous
la dir. de Claude-Anne PARMEGIANI, Éditions du Cercle de la librairie, coll. « Bibliothèques », p. 95-101.
117
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Depuis 1990, Bayard Poche constitue son catalogue à partir des revues du
groupe. Respectant le délai de trois ans après la parution du journal, Bayard Édition Jeunesse sélectionne les textes parmi les journaux qui ont eu le plus de succès. L’intérêt de se lancer sur ce secteur tient à ce que les risques éditoriaux et
commerciaux sont fortement réduits puisqu’on sait à l’avance les titres qui plaisent : ceux qui ont reçu des lettres de lecteurs élogieuses, un soutien de la part
des enseignants et des remontées positives des animatrices Bayard dans les
écoles. L’éditeur n’a plus qu’à réaliser le travail éditorial de mise en page sur le
nouveau format choisi, l’adaptation du contenu, et le choix des thèmes pour créer
une collection cohérente et diversifiée.
Adapter le contenu se fait toujours avec l’accord de la rédaction du journal. C’est
le cas par exemple pour les textes repris des Belles Histoires qui sont réellement
retravaillés. Le directeur de Bayard Édition, Jean-Claude Dubost, souligne :
« Nous obéissons à une logique livre. Chaque ouvrage bénéficie d’une maquette
propre. Ils nous arrive de modifier la pagination, de porter des corrections d’auteurs sur le texte, de recadrer des illustrations. Mais nous tenons à conserver le
savoir-faire Bayard Presse qui passe par le respect du rapport texte-image, la
césure du texte et des phrases, la dimension des caractères6… »
Ce travail éditorial, qui prend ses sources dans la presse, fonctionne bien puisque
chaque titre se vend en moyenne à 20 000 exemplaires7.
Outre les textes de fiction réutilisés en édition, il est également intéressant pour
l’éditeur de livres de s’approprier les personnages vedettes des enfants. Ainsi, le
succès le plus évident de Bayard Édition est, sans conteste, la réutilisation de
Petit Ours Brun, décliné en broché, cartonné, petits ou moyens formats, fictions
ou activités pratiques, etc. Le succès télévisuel de la série et la vente de produits
dérivés participent probablement de l’engouement actuel du public pour ce personnage. Milan réutilise également les personnages à succès de ses journaux
comme Flocon ou Pikou.
La synergie entre presse et édition, pour une maison qui réunit les deux, est intéressante également en termes de publicité, les nouveaux titres et les collections
bénéficiant du soutien promotionnel des journaux (interaction promotionnelle
qui était l’un des objectifs de la coentreprise Gallimard Bayard Jeunesse) :
Gallimard Jeunesse aurait alors probablement bénéficié de pages de publicité,
de jeux concours ou de pages de rédactionnel, au sein des journaux publiés par
Bayard en échange de lots d’ouvrages à distribuer comme dotation des concours
organisés par les rédactions. Mais l’échec de l’entreprise n’empêcha pas la mise
en place d’opérations promotionnelles dans la presse qui constitue pour l’édition un véritable relais de lecture. En juin 2003, par exemple, la revue J’aime
Lire offre un Folio Junior : moyen d’assurer une couverture promotionnelle à la
6. Claude COMBET, « Bayard Poche » une synergie presse-édition bien rodée, Livres Hebdo, no 111, 8 avril 1994.
7. Ibid.
118
Vers une structuration du secteur de l’écrit jeunesse ?
collection de Gallimard Jeunesse, en permettant à Bayard de tenter d’assurer de
meilleures ventes en kiosque grâce à ce « plus produit ».
Le dialogue entre la presse et l’édition ne s’arrête pas à un simple enjeu commercial et promotionnel. L’un et l’autre découvrent des auteurs, des illustrateurs,
s’orientent vers de nouveaux graphismes, de nouvelles mises en pages et
s’influencent réciproquement. Un personnage peut être source d’inspiration pour
l’un, comme un thème ou un choix de typographie le sera pour l’autre.
Changement révélateur de l’évolution du dialogue, le Salon du livre de jeunesse
de Montreuil est devenu en 2002 le Salon du livre et de la presse jeunesse. La
directrice du salon, Sylvie Vassalo, explique ce choix :
« Nous souhaitons faire une place particulière à l’ensemble des titres de la presse
jeunesse, qui étaient déjà présents dans les stands de leur maison mère mais qui,
à partir de cette édition, auront aussi un espace spécifique qui leur sera consacré.
Nous avons voulu mettre en valeur le rôle de la presse jeunesse en termes de promotion de la littérature, de création et de découverte de nouveaux auteurs et illustrateurs8. »
Presse et édition jeunesse s’enrichissent donc, mutuellement tant au niveau éditorial que commercial.
Une approche transversale des marchés de l’audiovisuel,
du multimédia et de l’édition : l’exemple d’Harry Potter.
Une franchise en or
En 1998 paraît Harry Potter à l’école des sorciers, le premier livre de
J. K. Rowling, qui rencontre immédiatement le succès. L’année suivante,
deux nouveaux tomes (La chambre des secrets et Le prisonnier d’Azkaban)
sont publiés, puis, en novembre 2001, un quatrième tome, intitulé Harry
Potter et la coupe de feu. Les ventes explosent : plus de 3,3 millions d’exemplaires vendus en poche tous titres confondus9 pour la seule année 2001. La
stratégie marketing, offensive, met en scène la sortie du nouveau volume. Le
premier film éponyme de Chris Columbus sort en 2001 sur les écrans et
confirme l’engouement du jeune public pour Harry Potter, suivi par un
deuxième en 2002. Le cinquième tome – Harry Potter et l’ordre du Phénix
– paraît en décembre 2003.
Une fois le succès d’Harry Potter confirmé en librairie, le concept est décliné
sur une quantité considérable de supports : films, VHS et DVD, jeux vidéo,
8. « Le Salon du livre de jeunesse fête ses 18 ans », entretien avec Sylvie Vassalo, Loisirs éducation, novembre 2002.
9. Source : Ipsos, sorties caisse, 2002.
119
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
jeux pour enfants, musique, presse… L’exemple d’AOL aux États-Unis
illustre à merveille les spécificités du concept : une filiale du groupe – Warner
– produit les deux films Harry Potter ; leur bande originale est enregistrée par
Atlantic records, label de Warner music group ; une critique du film paraît
dans le Entertainment Weekly et le Time magazine, deux divisions de la
branche édition d’AOL. Parallèlement, AOL promeut les produits Harry Potter
sur son site et des contrats de merchandising sont conclus, notamment avec
Coca Cola, le montant de ces contrats à eux seuls couvrant le coût de production du premier film.
L’exemple d’AOL montre deux choses : en utilisant un grand nombre de supports, le groupe maximise une franchise qui pourrait s’avérer être la plus rentable de son histoire. En recourant à la cross-promotion, AOL élargit substantiellement le nombre de ses consommateurs. Harry Potter, parce qu’il n’a
aucune cible à proprement parler – les enfants comme les adultes plébiscitent les livres et les films –, est un concept qui autorise AOL-Time-Warner à
tirer aussi largement profit de sa fusion en jouant sur la proximité existant
entre ses produits culturels et ses médias. Cela sera cependant insuffisant
pour empêcher le « redécoupage » entre les deux groupes, intervenu en 2003.
Examinons en les différentes composantes.
Harry Potter et le marché de l’édition
Les tomes successifs des aventures d’Harry Potter sont publiés sous plusieurs
formats : grands formats, puis poches et coffrets. Cette stratégie permet de
multiplier les supports de l’œuvre tout en prolongeant son cycle de vie.
L’offre des éditions Gallimard se décline de 11 façons différentes :
– Harry Potter, coffret 4 tomes poche, Gallimard, 2001
– Harry Potter, et la coupe de feu, Paris, Gallimard Jeunesse poche, 2001.
– Harry Potter, coffret (4 volumes grand format), Paris, Gallimard Jeunesse,
2000.
– Harry Potter et la coupe de feu, Paris, Gallimard Jeunesse, 2000.
– Harry Potter, à l’école des sorciers, Paris, Gallimard Jeunesse, 1999.
Tableau 44 – Harry Potter* dans le classement des meilleures ventes de livres
(toutes catégories confondues) en 2002
Position
dans le
classement
Titre
5e
8e
9e
10e
Harry
Harry
Harry
Harry
Ventes en
Ventes en
Prix
2002
2000 + 2001 (en euros)
Potter
Potter
Potter
Potter
et la coupe de feu (2001)
et la chambre aux secrets (1999)
à l’école des sorciers (1998)
et le prisonnier d’Azkaban (1999)
383 000
350 000
329 000
328 000
403 000
1 047 000
1 478 000
896 000
7,5
6,3
6,3
6,7
* Éditeur : Gallimard-Jeunesse.
Source : Livres Hebdo, Ipsos, 2002.
120
Vers une structuration du secteur de l’écrit jeunesse ?
– Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, Paris, Gallimard Jeunesse, 1999.
– Harry Potter et la chambre des secrets, Paris, Gallimard Jeunesse, 1999.
– Harry Potter, coffret (3 vol.), Paris, Gallimard Jeunesse, 1999 (T1 T2 T3).
– Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, Paris, Gallimard Jeunesse, poche,
1999.
– Harry Potter et la chambre des secrets, Paris, Gallimard Jeunesse, poche,
1999.
– Harry Potter à l’école des sorciers, Paris, Gallimard Jeunesse, poche, 1998.
Avec, au total, plus de 5,2 millions d’exemplaires poche vendus en France
pour les 4 premiers tomes entre 2000 et 2002, le succès d’Harry Potter ne
s’est pas démenti.
Harry Potter et le marché cinéma et vidéo
Le succès rencontré par les films Harry Potter est indéniable : Harry Potter
à l’école des sorciers bénéficie par exemple de très bons taux de rentabilité,
qu’il sorte en salle (5,6) ou en DVD (autour de 2). En améliorant ce taux de
rentabilité lors de la sortie du second film, Warner Bros démontre également
sa capacité à fidéliser les spectateurs à la marque Harry Potter. Le poids économique des ventes de DVD montre par ailleurs que la sortie en vidéo et en
DVD constitue une étape importante dans la vie du film, notamment lorsque
ce dernier vise les plus jeunes.
Tableau 45 – Taux de rentabilité des films Harry Potter*
Coût
de production
(en millions de $)
Nombre
Recettes
Taux
d’entrées
mondiales
de rentabilité
en France (en millions de $) (recettes/coûts)
Harry Potter
125
à l’école des sorciers + 40 Investissement marketing
La Chambre des secrets
100
+ 40 Investissement marketing
9 929 337
965,8**
5,6
9 026 717
866,4
6,2
* Produits par Warner Bros.
** Chiffres au 23 mai 2002. Le film est sorti le 16 novembre 2001.
Sources : TheMovieTimes BoxScores ; Box office, allociné, février 2002, janvier 2003.
Tableau 46 – Recettes des DVD Harry Potter*
Support
Titre
DVD
Harry Potter à l’école des sorciers
DVD/VHS
La Chambre des secrets
Niveau de vente
en France
Recettes mondiales
(en millions de $)
1er du classement
et 4e pour l’édition Collector
317,58
1er du classement des ventes
pour les versions VHS et DVD**
* Éditeur : Warner Home Video.
** Le DVD français étant sorti le 5 juin 2003, il est impossible de donner des chiffres de vente définitifs.
Sources : Top 20 DVD video france week 23 ending june 9, 2002, GFK marketing services ; Nielsen VideoScan – In 2003 year-to-date.
121
LES MOINS DE 15 ANS ET LE MARCHÉ DES LOISIRS CULTURELS
Harry Potter et le marché du jeu vidéo
Le jeu vidéo adapté de L’école des sorciers et paru à l’automne 2001 entre
la même année dans le classement des meilleures ventes PC, PS2, X-box et
Gameboy. Édité par Electronic Arts, il est accessible dès l’âge de 9 ans.
Avec 2 jeux dans le top 10 des ventes de cédérom, Harry Potter fait une
entrée remarquée sur le marché des jeux vidéo. Comme le montre le tableau
48, les jeux Harry Potter rivalisent avec des logiciels et des jeux aussi classiques et diffusés que Norton Antivirus ou Warcraft 3. En se classant dans les
meilleures ventes toutes catégories, ils démontrent leur capacité à toucher,
comme les livres, un public bien plus large que celui des enfants.
Tableau 47 – Les 9 jeux ayant rapporté le plus en 2001
(en millions d’euros)
1
2
3
4
5
Éditeur
Jeu
Chiffre d’affaires
Nintendo
Nintendo
Electronic Arts
Sony
Take 2
Pokemon Or
Pokemon Argent
Harry Potter
Gran Turismo III
GTA III
92
92
92
64
53
Source : SELL 2001.
Tableau 48 – Top 10 des ventes de
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Symantec
Electronic
Vup
Electronic Arts
Electronic Arts
Electronic Arts
Electronic Arts
Symantec
Electronic Arts
Microsoft
cédéroms*
en 2002
norton antivirus 2002 v8.x
arts les sims : en vacances
warcraft 3 : reign of chaos
sims entre chiens et chats
medal of honor allied assault
Harry Potter et la chambre des secrets
les sims et plus si affinites
norton antivirus 2003 v9.x
Harry Potter l’école des sorciers
age of mythology
* Loisirs + hors loisirs.
Source : Panel GFK Loisirs Interactifs et
Panel GFK Software, 2002.
Harry Potter et Internet
En novembre 2002, au moment où sortait Harry Potter à l’école des sorciers,
le site Harry Potter10 comptabilisait 3 millions de visiteurs, dont presque les
deux tiers (63 %) étaient des femmes et un peu plus d’un cinquième (21 %)
avaient entre 2 et 11 ans11. Ces chiffres montrent que la frontière entre les
sous-marchés est très perméable et qu’une approche transversale de la
marque permet de les couvrir avec une réussite similaire et de toucher aussi
bien les adultes que les enfants.
10. http://www.harrypotter.warnerbros.com
11. Source : Nielsen//NetRatings, 2002.
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