Synthèse de sols d`argent et d`or

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Synthèse de sols d`argent et d`or
BULLETIN
DE
L’UNION
DES
PHYSICIENS
301
Synthèse de sols d’argent et d’or
par Catherine AMIENS
Maître de conférences à l’université Paul-Sabatier
[email protected]
et Bruno CHAUDRET
Directeur de recherches au CNRS
[email protected]
Laboratoire de Chimie de Coordination,
205, route de Narbonne - 31077 Toulouse Cedex
RÉSUMÉ
Cet article introduit les principales méthodes permettant la stabilisation de particules en solution et les techniques les plus pertinentes pour leur caractérisation (diffusion / diffraction des rayons X, microscopie électronique, spectroscopie UV-visible). Trois
synthèses simples sont décrites : obtention d’une assemblée de particules d’argent stabilisée par adjonction d’un polymère organique, obtention d’assemblées de particules
d’argent et d’or stabilisées par du citrate de sodium.
Ces expériences ont été proposées pour illustrer le montage : Systèmes dispersés et
systèmes micellaires : mise en évidence et propriétés physico-chimiques, à la préparation à l’agrégation de Sciences Physiques, option Chimie, à Toulouse.
Les sols (minéraux) sont des systèmes dispersés [1] de particules solides de métal,
oxyde ou sulfure métallique…, dans un solvant. Lorsque la taille des particules devient
inférieure à la cinquantaine de nanomètres, leurs propriétés physiques et chimiques
deviennent différentes de celles du matériau massif correspondant. Ce phénomène résulte
de la modification de la structure électronique du matériau. Ainsi, lorsque la taille décroît,
il y a passage de la structure de bandes du métal massif à une structure comprenant des
niveaux électroniques discrets, comme pour une molécule. De plus, on peut voir, figure 1,
que la proportion d’atomes en surface augmente (pour des tailles voisines du nanomètre,
le nombre d’atomes de surface est du même ordre de grandeur que le nombre d’atomes
contenus au cœur de la particule) ; comme seuls les atomes de surface sont directement
impliqués lors des réactions chimiques, si leur proportion croît, on s’attend à une réactivité accrue et à un fort potentiel en catalyse [2]. C’est le cas notamment des particules
de Pt, Rh, Ru… qui se révèlent d’excellents catalyseurs d’hydrogénation des alcènes et
des composés aromatiques, même si à l’heure actuelle aucune application industrielle
n’est connue.
Nous avons choisi de présenter l’élaboration de sols d’argent et d’or pour plusieurs
raisons : faible toxicité des réactifs mis en jeu et des produits, stabilité à l’air des sols
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Figure 1 : Augmentation du nombre d’atomes de surface par rapport au nombre d’atomes total
lors de la subdivision d’un cube.
obtenus, protocoles pouvant être étendus à la synthèse d’autres particules métalliques,
caractérisation peu onéreuse, sols très colorés (argent en jaune, or en bleu ou rouge suivant la taille des particules), donc bien adaptés à des manipulations de démonstration.
Comme les particules de cuivre, les particules d’argent et d’or sont encore utilisées
dans l’industrie comme pigments, notamment lors de l’élaboration de pièces de porcelaine. L’utilisation de particules comme pigments n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque la
célèbre couleur bleue des Mayas provient de particules de manganèse, fer et/ou chrome,
partiellement oxydées, incluses dans des argiles.
Très récemment, il a été montré que de très petites particules d’or (~ 2 nm), métal
pourtant particulièrement inerte, pouvaient catalyser l’oxydation du monoxyde de carbone en dioxyde de carbone. Ceci illustre une fois de plus le changement de propriétés
induit par la réduction de la taille du matériau.
STABILITÉ DES SOLS MINÉRAUX
Les sols minéraux sont en général constitués de particules ne présentant que peu
d’affinité pour le solvant. Comme leur masse est très faible, l’action de la pesanteur est
largement compensée par les mouvements Browniens (§a). Aussi, dans le cas de solutions
très diluées, la sédimentation (§b) des particules est lente. Cependant, si au cours de leur
déplacement les particules se rapprochent, les forces de Van der Waals se manifestent ;
les particules s’attirent, formant des agglomérats (§c) de plus en plus gros jusqu’à flocuSynthèse de sols d’argent et d’or
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lation (§d) du sol.
Pour améliorer la stabilité d’un sol de particules métalliques, plusieurs procédés
sont développés [3] :
– créer une atmosphère ionique à la surface des particules pour renforcer la répulsion
électrostatique : adsorption d’ions ;
– superposer un effet de répulsion stérique : présence de molécules à longue chaîne à la
surface des particules ;
– combiner les effets stériques et électroniques : emploi de polymères ioniques ou
d’agents tensioactifs.
Stabilisation électrostatique
La présence en solution de composés ioniques susceptibles de s’adsorber à la surface des particules apporte au milieu colloïdal (§e) une stabilisation électrostatique, dont
l’approche théorique a été développée par DERJAGUIN et LANDAU et par VERWEY et
OVERBEEK (théorie DLVO) [4-5].
L’énergie potentielle totale Vt d’un système constitué de deux particules identiques
se décompose en deux termes :
Vt = Va + Vr
Va étant l’énergie potentielle d’attraction de Van der Waals et Vr, l’énergie potentielle électrostatique de répulsion entre les deux particules.
Les forces de Van der Waals considérées résultent de la polarisation spontanée (électrique et magnétique) des particules du sol. Des interactions similaires ont été décrites
par London dans le cas d’atomes et de molécules, l’énergie potentielle d’attraction qui
en résulte est donnée par l’expression : Va = - b / d 6, avec b la constante de London (qui
prend en compte les propriétés spécifiques à chaque atome). Dans le cas de sols, l’énergie potentielle d’interaction entre deux particules supposées sphériques, de rayon R, à une
distance d (distance centre à centre) est cette fois donnée par l’expression :
2
Va = - a > 22 + 22 + ln S -2 4 H
6 S -4 S
S
où S = d / R et a est la constante de Hamaker, ce terme prend en compte les propriétés
intrinsèques aux particules et au solvant (analogue à la constante de London).
Les répulsions électrostatiques se développent entre particules chargées. Ces charges
résultent soit de l’adsorption d’ions, soit de défauts structuraux, à la surface des particules. Ces particules s’entourent alors d’une couche d’ions de charge opposée (couche de
Stern), puis d’une atmosphère ionique plus diffuse (couche de Gouy), comme montré
figure 2.
Le potentiel électrique W au voisinage de la particule est fonction de la distance à
la surface (x) et de l’épaisseur de ces couches, et suit une loi décroissante exponentielle
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Figure 2 : Schéma de la double couche ionique entourant une particule chargée négativement
et évolution du potentiel électrique en fonction de la distance (x) à la surface de la particule.
représentée figure 2 :
W (x) = Ws exp (- x / D)
où Ws est la valeur du potentiel électrique au plan de Stern et D l’épaisseur de la double
couche ionique. L’étude de l’énergie d’interaction entre les particules chargées se ramène
donc à celle de l’énergie d’une particule chargée dans le potentiel W (x). Dans les cas
simples, l’énergie potentielle d’interaction obéit à la loi ci-dessous :
Vr = 0, 5 r f R (}s )2 ln 71 - W (x) / Ws A
où f est la constante diélectrique du milieu, R le rayon de la particule.
Expérimentalement, seule la valeur du potentiel au plan de neutralité (appelé potentiel zêta) est mesurable, c’est cette valeur qui est utilisée lors du calcul de Vr.
Sur la figure 3 nous représentons les variations de Vt, Vr et Va en fonction de la distance d séparant deux particules.
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Au début de l’approche des deux
particules, lorsque les couches ioniques
diffuses s’interpénètrent, la répulsion
électrostatique reste faible, tandis que les
forces d’attraction commencent à être
notables. Il en résulte un minimum sur la
courbe, faiblement marqué, qui correspond au phénomène de floculation. Ce
phénomène est réversible puisque la barrière énergétique est faible. La courbe
Vt = f (d) présente ensuite une valeur maximale Vmax, qui peut être considérée comme
l’énergie d’activation associée à la coalescence (§f) de deux particules. La seule
Figure 3 : Énergie d’interaction en fonction
énergie qui permet aux particules de frande la distance d entre les particules.
chir cette barrière est l’énergie thermique.
Si les particules parviennent à franchir cette barrière, elles interagissent fortement et
l’énergie potentielle du système atteint un minimum très marqué ; le phénomène de coalescence est irréversible.
La stabilisation électrostatique peut être contrôlée en modifiant la force ionique, la
concentration en ions communs ou le pH du milieu réactionnel. En effet, ces paramètres
gouvernent d’une part, l’épaisseur de la double couche ionique et d’autre part, la charge
de la particule, en modifiant le nombre et/ou la nature des ions adsorbés à sa surface.
Stabilisation stérique
La molécule utilisée pour stabiliser la dispersion peut être un polymère ou un ligand
classiquement utilisé en chimie de coordination, à condition qu’il soit volumineux, le
plus souvent porteur d’une longue chaîne alkyle (par exemple : les phosphines, les amines
ou les thiols). L’extension des chaînes alkyles dans la solution crée l’encombrement stérique protecteur. Si la structure de l’ensemble particule-ligands est bien définie, ces objets
s’apparentent à des clusters (§g) (cf. figure 4).
L’interaction entre la surface de la particule et un ligand peut être irréversible : il
est admis par exemple que les thiols réagissent avec les surfaces d’or et se coordonnent
sous forme de ligands thiolato (grande affinité Au/S), ou réversible : un équilibre entre
le ligand libre et le ligand lié peut alors être mis en évidence en solution. Dans tous les
cas, il s’agit d’une liaison de coordination de type donneur-accepteur : le ligand est la
base de Lewis qui cède un doublet électronique à un atome de surface qui se comporte
alors comme un acide de Lewis. Dans le cas des polymères, la nature de l’interaction
avec la surface des particules est mal connue, on parle simplement d’adsorption.
JENCKEL et coll. [6] ont suggéré différents modes d’adsorption des chaînes de polymère à la surface des particules (cf. figure 5).
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Figure 4 : Exemple de cluster : 9 Au13 (PPhMe2 ) 10 Cl 2 C . Les atomes d’or sont représentés par les
cercles pleins noirs : ils sont disposés au centre et aux sommets d’un icosaèdre. Les atomes de phosphore
et de carbone sont représentés par les cercles évidés. Les atomes de phosphore sont numérotés ; deux
d’entre eux, masqués par les atomes d’or sont signalés par une flèche. Dans un souci de clarté, les atomes
d’hydrogène ne sont pas représentés. D’après réf. [2] a).
3 +
Figure 5 : a) accrochage simple ; b) accrochage double ; c) accrochage planaire multiple ;
d) accrochage aléatoire ; e) distribution non uniforme des segments d’accrochage ;
f) accrochage multicouche. D’après réf. [6].
Ces différents types de configuration peuvent coexister et dépendent de nombreux
paramètres parmi lesquels :
– le nombre de groupements fonctionnels de la chaîne de polymère ;
– l’accessibilité des groupements fonctionnels ;
– les interactions compétitives avec les molécules de solvant ou d’autres molécules de
polymère ;
– le nombre de sites actifs à la surface des particules.
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Dans tous les cas, l’action stabilisante des polymères est attribuée à la formation
d’une sorte de gaine protectrice autour de chaque particule évitant ainsi le phénomène
d’agrégation entre les entités colloïdales [7]. D.H. NAPPER a apporté les fondements théoriques de ce phénomène [8]. Deux effets principaux interviennent :
♦ L’effet entropique : le mouvement des chaînes de polymère dans l’espace qui sépare
deux particules est restreint (cf. figure 6). Ceci limite le nombre de conformations possibles. Par conséquent, l’entropie diminue. Tout rapprochement des particules est donc
défavorable.
♦ L’effet osmotique : ce phénomène est causé par l’augmentation de la concentration de
chaînes de polymère entre les particules qui se rapprochent (cf. figure 6). Les couches
protectrices commencent à s’interpénétrer, ce qui implique une répulsion osmotique.
Grâce au solvant, la concentration locale en chaînes diminue et provoque la séparation
des particules entre elles.
Figure 6 : Protection stérique.
Parmi les polymères les plus fréquemment utilisés, citons : la polyvinylpyrrolidone (§h), le polyvinylalcool (§i), les dérivés de la cellulose et le polystyrène.
Notons qu’une seule chaîne polymère peut suffire à l’enrobage d’une particule de
très petite taille (. 2 nm).
SYNTHÈSE DES SOLS D’ARGENT ET D’OR
Tous les réactifs peuvent être obtenus chez ALDRICH, mis à part l’acide tétrachloroaurique disponible chez STREM CHEMICALS (1 g / 345 F ; solide corrosif, l’usage des
gants est recommandé lors de sa manipulation).
Sol 1 : Sol d’argent protégé stériquement
Préparer 50 mL de solution éthanolique contenant 170 mg de nitrate d’argent et 1 g
de polyvinylpyrrolidone (PVP K30, masse molaire 40000), l’emploi d’éthanol absolu ne
se justifie pas car le polymère est lui-même fortement hydraté. Porter cette solution au
reflux dans un ballon surmonté d’un réfrigérant pendant trente minutes. La solution, initialement incolore, devient rapidement jaune. Laisser revenir à température ambiante, le
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milieu reste limpide, le sol obtenu est stable plusieurs semaines. Il est également possible
d’évaporer à sec la solution : on recueille alors un solide marron constitué par les particules d’argent dispersées dans la matrice polymère.
mmax = 420 nm.
Sol 2 : Sol d’argent protégé électrostatiquement
Ce protocole dérive de la méthode de préparation décrite par LEE et MEISEL [9].
Porter à ébullition 100 mL d’une solution aqueuse de nitrate d’argent (18 mg AgNO3).
Ajouter, sous forte agitation et en maintenant l’ébullition, 2 mL d’une solution aqueuse
de citrate de sodium à 1 %. La réaction est complète au bout d’une heure. La solution
obtenue est gris / jaune, très opaque.
mmax = 405 nm nm (et épaulement à 430 nm).
Sol 3 : Sol d’or protégé électrostatiquement
Ce protocole dérive de la méthode de préparation décrite par TURKEVICH [10]. Porter
à ébullition 95 mL d’une solution aqueuse d’acide tétrachloroaurique (8,5 mg HAuCl4).
Ajouter 5 mL d’une solution aqueuse de citrate de sodium à 5 % sous forte agitation et
en maintenant l’ébullition. Au bout de quelques minutes, la solution devient rouge sang.
On peut considérer que la réaction est complète après trente minutes.
mmax = 520 nm.
Remarques
1) Lors de la synthèse des sols 2 et 3 les protons libérés au cours de la réduction
du sel métallique réagissent ensuite avec une des bases présentes dans le milieu (citrate
en excès ou dicarboxylate formé).
2) Les valeurs des potentiels standard des couples intervenant lors des réactions de
synthèse sont données à pH = 0 par référence au couple H+ /H 2 :
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E0
+
Ag /Ag
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= E01 = 0, 8 V ; E0CH
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3 CHO/CH3 CH2 OH
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= E02 = 0,19 V
L’acide tétrachloroaurique réagit d’abord suivant une réaction acido-basique avec le
citrate de sodium en excès ; il faut donc considérer le couple 7 AuCl 4 A / Au.
E0
6 AuCl 4 @
-
/ Au
= E03 = 1 V
E0 = E04 estimé à – 0,2 V.
Les valeurs des potentiels standard apparents E0 *2, E0 *4 dépendent du pH. En
appliquant la loi de Nernst : E0 *2 = E02 - 0,06 pH ; E0 *4 = E04 - 0,03 pH. Ces valeurs
décroissent lorsque le pH augmente, les valeurs à pH nul suffisent donc à justifier le sens
des réactions de synthèse des sols.
3) A chaque particule correspond un nombre d’atomes qui dépend de sa forme et
de ses dimensions. La concentration en particules dans la solution finale est donc difficile à connaître même si la quantité d’ions introduits au départ est connue. En conséquence, la préparation de l’échantillon pour l’étude par spectroscopie UV-visible est
empirique. Il s’agit simplement d’effectuer la dilution nécessaire à ce que l’absorbance
soit de l’ordre de 0,5. Généralement, il suffit de quelques gouttes de la solution colloïdale dans 3 mL du solvant utilisé pour la synthèse.
Un article récent de C.D. KEATING [11] porte sur l’état d’agrégation des particules
d’or en fonction de la force ionique du milieu, ainsi que leur accrochage sur des surfaces
de verre. Il peut constituer un complément intéressant. D’autres méthodes de synthèse de
nanoparticules sont également présentées sur certains sites web dont notamment :
http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n365a4.htm
http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/Archives/n36a2.html
http://www.rpi.edu/~moraek/nano/
CARACTÉRISATION DES SOLS DE PARTICULES MÉTALLIQUES
Un sol se caractérise avant tout par la taille moyenne des particules qui le constituent et leur distribution en taille. Une étude plus approfondie vise à déterminer la morphologie et la structure cristallographique des particules. En effet, il a été observé que les
particules nanométriques peuvent adopter une structure cristalline différente de celle du
matériau massif [12]. Ceci peut être fait par diffraction des rayons-X. Cependant, lorsque
la taille des particules devient proche du nanomètre, la technique de choix pour ces
études est la microscopie électronique par transmission.
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Dans le cas des dispersions des métaux des groupes 1 et 11, la spectrophotométrie
UV-visible peut également être mise en œuvre. En effet, ces sols absorbent dans le visible
et l’allure du spectre d’absorption peut être corrélée à la taille moyenne et à la forme des
particules constitutives du sol.
Étude par diffusion / diffraction des rayons-X
Lorsque les particules sont cristallines, elles diffractent les rayons-X. Le
diagramme de diffraction permet d’élucider leur structure. Lorsque leur taille
diminue, on observe un élargissement
des raies de diffraction principalement
dû à l’accentuation du phénomène de
diffusion (cf. figures 7 et 8). A partir de
la largeur des raies à mi-hauteur, on
peut estimer la taille moyenne des particules constituant l’échantillon en
appliquant la formule de SCHERRER : Figure 7 : Évolution de la largeur de raie en fonction de
la taille des particules (courtoisie F. SENOCQ, ENSCT).
D = Km/b cos i où K est une constante
déterminée par étalonnage, m est la longueur d’onde de la radiation utilisée lors de la
mesure, b est l’élargissement de la raie la plus intense (corrigé de l’élargissement naturel dû à l’appareillage) et i est l’angle correspondant à la raie la plus intense.
Figure 8 : Diagrammes de diffraction sur poudre de particules de SnO2 respectivement
de 20 nm (en haut) et 500 nm (en bas) (courtoisie C. NAYRAL, UPS).
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Cependant, lorsque les particules sont très petites (diamètre < 5 nm), les raies sont
tellement élargies qu’elles sont souvent noyées dans le bruit de fond : la méthode n’est
plus applicable.
Étude par microscopie électronique
De par leur petite taille (0,2 nm à 2 nm), les particules ne peuvent pas être observées au microscope optique. Il est nécessaire d’utiliser un microscope électronique dont
la résolution est de l’ordre de 0,2 nm. On opère alors en transmission. Les particules,
déposées sur un film mince de carbone amorphe (10 à 20 nm), sont observées grâce à
leur forte densité électronique : le contraste entre le support et la particule est important.
L’histogramme des tailles peut être déterminé soit par mesure et décompte manuel, soit
à l’aide d’un logiciel de traitement d’image.
Si les particules sont cristallines, certaines d’entre elles peuvent être orientées par
rapport au faisceau électronique, de façon à ce que leurs plans cristallographiques soient
observables. L’indexation de ces plans permet alors d’élucider la structure des particules.
Nombre de particules
20
Diamètre moyen
12,2 nm
10
0
0
10
20
30
40
Diamètre moyen (nm)
50
Figure 9 : Histogramme de taille et image de microscopie électronique à transmission du sol 1.
Nombre de particules
80
60
Diamètre moyen
des plus petites particules
2,9 nm
40
20
0
0
10
20
30
40
50
Diamètre (nm)
Figure 10 : Histogramme de taille et image de microscopie électronique à transmission du sol 2.
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Nombre de particules
40
Diamètre moyen
12,7 nm
20
0
0
10
20
30
40
Diamètre moyen (nm)
50
Figure 11 : Histogramme de taille et image de microscopie électronique à transmission du sol 3.
Spectrophotométrie UV-visible
Les particules constitutives des sols sont capables de diffuser en partie la lumière.
L’intensité et la longueur d’onde de la lumière diffusée dépendent de la taille des particules, de leur forme et de leur indice de réfraction. Pour de très petites tailles, elles sont
également capables d’absorber dans le domaine du visible.
En effet lorsque la taille de la particule diminue, on passe progressivement d’une
structure électronique en bandes (comme dans le métal massif) à des niveaux discrets
(comme pour des molécules). Les transitions électroniques correspondantes peuvent donner lieu à des absorptions dans le visible. L’excitation des plasmons de surface (§j) de la
particule par une radiation électromagnétique de longueur d’onde m, peut également se
produire dans ce domaine. Ces absorptions sont caractéristiques de la nature métallique
des particules.
La position des maxima d’absorption « plasmon » dépend de la nature du métal, de
la taille moyenne des particules et de leur forme (cf.
figures 12 et 13) [13-14]. Dans le cas de particules sphériques, une seule absorption est attendue. Pour des particules ellipsoïdales, l’excitation peut être longitudinale ou
transverse, ce qui conduit à deux maxima d’absorption.
De façon fortuite, le premier maximum coïncide avec
celui observé pour des particules sphériques.
L’étude UV-visible permet donc une première
caractérisation rapide et peu onéreuse des particules en
suspension.
Figure 12 : Évolution du spectre d’absorption de sols d’argent en fonction de la taille des particules
(supposées sphériques). D’après réf. [13].
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Figure 13 : Influence de la forme des particules d’argent sur l’allure du spectre d’absorption du sol :
cas de particules ellipsoïdales de petit axe a = 10 nm et de grand axe c
(a) c = 15 nm ; (b) c = 20 nm ; (c) c = 30 nm. D’après réf. [14].
CONCLUSION
Les synthèses proposées mettent en application, dans le cas particulier des particules
métalliques, les principes généraux de stabilisation des sols. Ces principes trouvent leur
application dans de nombreux secteurs industriels : stabilisation des pigments dans les
peintures, obtention de ferrofluides (dispersions de particules ferromagnétiques dans un
liquide), formulation de médicaments en suspensions buvables…
De plus, les trois sols synthétisés permettent d’illustrer facilement le fait que les
propriétés physiques peuvent être modifiées de façon spectaculaire lors d’une réduction
de la taille du système. Un métal gris comme l’argent apparaît jaune lorsqu’il est finement divisé ; l’or, quant à lui, peut être rouge sang, comme dans l’expérience proposée,
ou bleu, suivant la taille des particules formées.
GLOSSAIRE
(§a) Mouvement Brownien : agitation continuelle des particules d’un milieu colloïdal (§e)
due aux chocs (non compensés) avec les molécules du milieu.
(§b) Sédimentation : formation d’un dépôt de particules au fond du récipient ; la vitesse
de sédimentation est une première caractérisation des sols : plus elle est lente, plus
le sol est stable.
(§c) Agglomérats : agrégat de particules.
(§d) Floculation : formation d’agglomérats, visibles à l’œil (parfois appelés floculats ou
flocs), qui sédimentent rapidement ; la floculation est un phénomène réversible, les
particules peuvent être redispersées par agitation.
(§e) Milieu colloïdal : un système colloïdal est constitué d’une ou plusieurs phases dispersées dans une autre ; un sol est donc un milieu colloïdal.
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(§f) Coalescence : formation irréversible d’agglomérats qui peut aller jusqu’à la fusion
des particules en une seule.
(§g) Cluster : complexe polynucléaire, comportant au moins deux liaisons directes
métal-métal.
(§h) Polyvinylpyrrolidone :
(§i) Polyvinylalcool :
-_ CH2 - CH(OH) i-n
(§j) Plasmon : une oscillation de plasma dans un métal est une excitation collective des
électrons de conduction. Un plasmon est une oscillation de plasma quantifiée, qui
peut donc interagir avec un photon. Le photon réfléchi ou transmis perd une énergie égale à un multiple entier de l’énergie du plasmon. Dans le cas des particules
d’argent ou d’or, l’absorption se produit dans le domaine du visible, mais ce n’est
pas général. Pour le platine et le palladium, par exemple, la bande d’absorption se
situe vers 300 nm.
BIBLIOGRAPHIE
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