Ingénierie collaborative en entreprise étendue et Conception rapide

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Ingénierie collaborative en entreprise étendue et Conception rapide
Ingénierie collaborative en entreprise étendue
et Conception rapide de l’impossible!: étude de
cas de la conception inter-écoles du véhicule
de compétition Twistee.
Nicolas IMHOLZ1, Samuel GOMES1, Patrick SERRAFERO2
1
Universite de Technologie de Belfort-Montbéliard
2
Ecole Centrale de Lyon
Contact!: [email protected]
RÉSUMÉ
De nos jours, les ingénieurs doivent savoir travailler dans un environnement à fortes contraintes. Il est courant
dans les organisations actuelles d’être impliqué dans plusieurs groupes projets et de devoir s’investir en
conséquence pour fournir un travail de qualité. La conception et la réalisation d’un véhicule de compétition par
des élèves ingénieurs s’inscrit parfaitement dans ce contexte. Cette expérience est singulière car elle a donné lieu
à la mise en place d’une collaboration en ingénierie de conception entre l’Ecole Centrale de Lyon et l’Université
de Technologie de Belfort-Montbéliard. Ce nouveau paramètre que constitue la conception collaborative multi
sites par rapport aux autres plus communs tels que l’organisation inhérente à chacune des deux équipes, s’est
montré difficile à maîtriser mais d’un très grand potentiel. Difficile à maîtriser car cette expérience a permis de
faire ressortir les éléments nécessaires à sa parfaite intégration dans les objectifs du projet, sans forcément avoir
pu les appliquer. Néanmoins, la forte potentialité de l’ingénierie collaborative apparaît comme un élément
stratégique prioritaire qu’il faudra maîtriser dans les projets futurs.
MOTS-CLÉS
Entreprise étendue, ingénierie collaborative, collaboration, multi sites,!relations inter-équipes.
1 INTRODUCTION
De nos jours, mettre un produit le plus tôt sur le marché est un des facteurs permettant de gagner
des parts de marché déterminante pour assurer la pérennité du produit. Cependant cette accélération du
processus de conception/réalisation est valable uniquement si le produit présente au minimum les
même qualités et services qu’un produit conçu et réalisé moins rapidement. Pour arriver à un tel
résultat, l’utilisation des approches multi-métiers et globales [Références!????] couplées avec une
chaîne XAO robuste [Références!????] semble inévitable. Cependant, avec l’éclatement géographique
des entreprises qui deviennent étendues, le regroupement des pôles de compétences, la présence sur le
marché d’entreprises de pointe, impliquent qu’un projet n’est plus une entité interne à l’entreprise.
Désormais le couple produit/Process [PSO95] doit s’enrichir des savoirs faire de professionnels dans
des domaines variés et complémentaires, le projet de conception devient donc collaboratif et intégré
[TIC95].
L’ingénierie collaborative n’est pas triviale à mettre en place dans un projet à forte contrainte de
temps. Le facteur relation humaine devient prépondérant et de plus en plus complexe que jamais à
gérer. De plus, les outils et interfaces nécessaires à sa maîtrise demande du temps et ne s’improvisent
pas. Néanmoins l’ingénierie collaborative parait comme étant un facteur permettant l’amélioration de
la montée en performance du produit dans un environnement où le niveau technologique est peu
différenciateur. S’entourer des meilleures collaborateurs ne suffit pas, il faut aussi savoir gérer les
compétences de ces derniers tout en créant un environnement à même d’assurer la cohésion du groupe
projet.
C’est dans ce contexte, que nous traduisons une expérience de conception collaborative entre
l’Ecole Centrale de Lyon (ECL), les Compagnons du Devoir et l’Université de Belfort-Montbéliard
(UTBM) dans la réalisation d’un véhicule de compétition type barquette biplaces dans le cadre de la
10ième Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, pp. 383-391
deuxième édition du challenge SIA (Société des Ingénieurs de l’Automobile). Cette expérience de
travail collaboratif a été lancée en septembre 2002 dans un contexte pédagogique impliquant une
dizaine d’élèves-ingénieurs dans chacune des deux écoles, un enseignant-chercheur, un professeur
associé de mécanique et un pilote professionnel. Elle a abouti à l’attribution du prix UTAC (Union des
Techniques de l’Automobile et des Cycles) au Mans début mai, récompensant le travail réalisé sur la
sécurité et le confort du pilote.
La singularité de ce projet a été de mettre en relation deux équipes d’ingénierie distantes n’ayant
aucune expérience de collaboration en entreprise étendue. Ceci nous a permis de nous apercevoir à
terme des éléments importants à mettre en place pour qu’un projet puisse profiter des avantages d’une
collaboration et par conséquent des compétences de chacun des partenaires.
A cet effet, nous nous proposons dans un premier temps de poser les bases du contexte de
l’étude. Dans un second temps, nous nous attacherons à décrire l’expérience vécue autour de la
relation inter-équipes pour ressortir les éléments d’analyse. Finalement nous imagerons ces propos en
nous appuyant sur l’exemple de la conception/fabrication de la carrosserie du véhicule.
2 LE PROJET TTIM2003
Manager des élèves ingénieurs nécessite une application du savoir manager particulière. Cet
exercice comporte ses spécificités et ses difficultés que l’on ne retrouve pas forcément dans des projets
industriels. Dans ce sens, il est intéressant d’expliciter cette expérience. Dans ce paragraphe nous
allons détailler toute l’importance du facteur humain perçu dans cette expérience à partir de différents
niveaux (Figure 1)!:
•
•
•
Au niveau de l’individu: comprendre et connaître
Au niveau du groupe d’étude!: accompagner et canaliser
Au niveau du projet!: communiquer et collaborer
L’organisation de chacune des équipes ou groupes projets a pour but de concevoir une structure
permettant au travail de converger vers les objectifs définis. Dans le cas de cette expérience, chacune
des équipes a adoptée une structure singulière.
Le projet TTIM2003 a fait intervenir 4 groupes ou équipes (groupe pour le regroupement
d’individus n’ayant pas forcément d’objectif commun, et équipe quand c’est le cas)!:
•
•
•
•
Equipe ECL!: équipe à l’origine du projet, elle représente le pilote projet, elle est
intervenue dans la conception du projet, l’ingénierie, la réalisation et l’intégration du
produit,
Equipe UTBM!: équipe issue du partenariat, elle est intervenue dans la conception et
l’ingénierie de l’organe habitacle et du composant carrosserie,
Groupe des Compagnons du devoir!: ils ont apporté une aide en terme de connaissance,
de main d’oeuvre et d’équipements pour la réalisation de certains composants du
véhicule,
Groupe des Partenaires/Sponsors!: Personnes ou entreprises ayant apporté un soutien au
projet. Un exemple est la participation d’un pilote professionnel, en tant que consultant
tout au long du projet.
Durant ce projet, une chaîne XAO complète et intégrée a été mise en place [GOM3]. Parmi ces
outils numériques qui ont été reconnus comme étant stratégiques pour le futur on peut nommer le
collecticiel ACSP (Atelier Collaboratif de Suivi de Projet) qui a permis de centraliser toute la chaîne
XAO dans un environnement de travail commun à tous les partenaires [GOM2]. D’autre part la chaîne
XAO s’est appuyée sur l’utilisation des prologiciels comme CATIAV5 (CFAO), MANERCOS
(Ergonomie), ANSYS et I-DEAS (code de calcul). Tous ces outils utilisés par l’équipe ECL et
l’équipe UTBM ont permis de réaliser l’ingénierie numérique du véhicule. D’autre part, des logiciels
comme 3DSMAX4 (images de synthèses), PHOTOSHOP (infographie) ou encore PREMIERE
(montage vidéo) ont permis de réaliser l’aspect cosmétique (l’aspect communication faisant l’objet
d’un prix dans le challenge SIA) du projet pour la communication évènementielle à destination des
sponsors en particulier.
384
3 D’UNE RELATION CLIENT –FOURNISSEUR
COLLABORATEUR
Groupe
projet
Groupe d’étude A UNE RELATION DE
A COLLABORATEUR
Individu
Tout au long du projet TTIM2003, la relation ECL-UTBM est restée incertaine entre une relation
de type client/fournisseur (ie. Sous-traitance) et collaborative (ie. Co-traitance). L’ECL, le demandeur,
considérait l’UTBM comme un fournisseur alors que cette dernière s’est présentée comme un cotraitant.
L’équipe UTBM, dans le cadre de l’enseignement pédagogique délivré pour le projet, a été
sensibilisée dès le départ sur l’ingénierie collaborative et son application dans un cadre de co-traitance.
L’équipe ECL pour sa part, n’ayant au début du projet pas encore été sensibilisée à cette thématique
est partie sur une relation de sous-traitance beaucoup plus rassurante pour elle (Figure 1).
Individu
Equipe UTBM
Projet TTIM2004
ECL
Compagnons
Du devoir
PSA
Partenaires
UTBM
Figure 1: Structure de la relation individu/Groupe étude/Groupe Projet
Nous pouvons observer dans la figure 1, une vue de l’organisation relationnelle telle qu’elle a été
réalisée durant le projet TTIM2003. Nous voyons que l’équipe ECL a bien instauré une relation de
sous-traitance avec chacun des partenaires du projet. Ceci car elle a disposé d’une position centrale et
non réciproque dans le flux des informations. Les autres partenaires ont été limités aux informations
délivrées par l’équipe ECL et ont par conséquent eu une vue réduite sur le projet. L’écurie PSA
(Piston Sport Auto, l’association créée regroupant les partenaires du projet) n’a pas été exploitée dans
le sens où elle n’a comporté que des membres issus de l’ECL.
Cette situation d’incertitude s’est installée durablement, car les conditions nécessaires à
l’installation de l’une ou l’autre des relations n’ont jamais été réunies. Heureusement pour le projet,
cette situation n’a pas été dommageable, cependant elle a apporté un frein, et a réduit d’autant plus le
potentiel de la conception en entreprise étendue (ie. Terme générique pour parler d’un projet traitée
par des entreprises ou équipes éloignées géographiquement sans pour autant, dans notre cas, définir
d’une relation quelconque). Par conséquent, la relation est devenue complexe et parfois à l’origine de
tensions entre les équipes, ces tensions s’exprimant par un certain nombre de frustration conséquences
d’une communication inter-écoles non constante et mal contrôlée.
Le problème soulevé par la relation inter-équipes de ce projet d’ingénierie est intéressant car il
nous permet de nous mettre face à un enjeu des plus important à maîtriser!: la conception d’un projet
en configuration d’entreprise étendue ne peut se résumer à la somme des projets de chacune des
équipes. Par conséquent, la première phase de conception d’un projet d’ingénierie en entreprise
étendue doit être la détermination des partenaires et du type de relation à instaurer. Le choix du type
de relation suscite un certain nombre de questions. Par rapport à l’expérience accumulée dans ce projet
il semble qu’il soit non trivial d’affirmer qu’il faille appliquer le même type de relation à tous les
partenaires du projet. Prenons l’exemple de l’équipe UTBM par rapport à l’équipe ECL. L‘UTBM est
partie sur une optique étroite de collaboration due à son contexte pédagogique. Les compagnons du
devoir sont partis dans une relation d’assistance sur le savoir faire en fabrication. Le pilote
professionnel partenaire du projet compte tenu de son expérience en compétition, s’est tourné vers une
relation de consultant. Chacun des partenaires a été prêt à s’investir, mais de la manière qui pouvait lui
permettre de nourrir leur motivation. Ne pas prendre en compte et ne pas connaître dans la relation
385
inter-équipes le comportement (Figure 2) et le cadre d’implication (ie. Les frontières qu’il faut et ne
faut pas franchir pour conserver l’implication du partenaire) reviendrait à brider leurs efficacité et par
conséquent à réduire fortement la valeur ajoutée du projet.
Les principaux types de
comportements observés
sur les partenaires
Il ne peut s’empêcher d’en faire toujours
plus et de s’impliquer au maximum
Il réalise ce qu’on lui
demande de faire sans
valeur ajoutée
Il est un savant en sa matière
mais attends qu’on le sollicite
Il est perfectionniste
mais ne prendra pas d’initiatives
Figure 2: Les types de comportements observés des partenaires
Tout comme un individu, il a été observé qu’un groupe ou qu’une équipe possédait un
comportement type souvent influencé par un ou plusieurs individus. Suivant ce dernier, l’idéal
consisterait à adapter la relation la plus à même d’utiliser la «!personnalité!» du groupe au service de la
performance du projet. Concrètement, il ne faut pas chercher la perfection, juste ne pas commettre
d’erreurs non rattrapables. A savoir, ne pas mettre en place une relation allant contre la nature du
partenaire à tel point de le frustrer et d’avoir des répercussions sur le résultat final du projet.
S’intéresser à concevoir des relations à même de satisfaire les partenaires et le projet est d’autant
plus important dans le contexte du projet qui s’effectue dans notre cas dans une entreprise
pédagogique. Les partenaires n’étant pas rétribués pour le travail et le temps qu’ils consacrent
autrement qu’en satisfaction personnel, il est difficile d’imposer des relations contraignantes.
Nous avons vu, qu’il était plus intéressant pour les résultats du projet de concevoir des relations
permettant d’entretenir la motivation de chacun des partenaires. D’autre part, dû au contexte, les
relations contraignantes sont à éviter. Cependant, cela n’implique pas pour autant qu’elles ne doivent
pas être parfaitement définies, verbalisées et acceptées par chacun des partenaires. Ce point est apparu
comme l’élément stratégique à mettre absolument en place pour disposer d’une relation efficace. Ce
point charnière, consiste à formaliser sur un document commun aux partenaires concernés les
paramètres régissant leur relation, il s’intitulerait!: «!Charte de relation de partenaire à partenaire!».
Dans l’expérience du projet, les paramètres qui paraissent désormais importants à figurer dans ce
document sont les suivants!:
•
•
La nature de la relation!: Sous-traitance, co-traitance, consultant, personnalisée.
Le nom, les coordonnées et la fonction des personnes de chacune des équipes.
386
•
•
•
•
•
•
•
La désignation des personnes responsables de la bonne application de la charte!: une personne par
équipe devant régulariser les situations problématiques inhérentes à la relation.
Définition des vecteurs d’informations!: le vecteur d’information représente une thématique à
faire transmettre au partenaire. Il peut représenter des données CAO, des états d’avancements,
des lettres d’informations, un cahier des charges, etc.
La désignation des réseaux d’interlocuteurs!: définir les interlocuteurs qui devront transmettre un
et un seul vecteur d’information. Ils seront définit par rapport à leur fonction respective dans
chacune des équipes. Ce seront eux les interlocuteurs privilégiés. Ils devront avoir pour charge de
faire circuler les informations. On définit ce réseau d’interlocuteur par couple d’individu, une
personne doit n’avoir qu’un seul interlocuteur par rapport à un vecteur d’information donnée.
Outils et moyens de communication!: parfaitement définir les moyens de communication permet
de s’assurer le bon transferts des informations.
Réunions et revues de projet!: ordre du jour et planification des revues de projet sur toute la durée
de l’étude.
Documents associés suivant la nature de la relation!: Cahier des charges, fiche de mission,
exposition de la problématique.
La signature de chacun des partenaires concernés
Un document définissant la relation choisie sera appelé «!document de référence de la définition
relation!» définira et caractérisera la relation. Il devra être accepté dans ses termes par tous les
partenaires concernés et devra être indépendant du partenaire et du contexte.
Cette démarche de formalisation de la relation inter-équipes doit permettre de supprimer le
consensus mou qui s’est installé entre l’équipe ECL et l’équipe UTBM. Ce phénomène a été à la fois
préjudiciable et favorable à la relation.!Préjudiciable, car il a entraîné beaucoup d’incompréhensions et
d’impasses par rapport à des non dits et des travaux réalisés mais non demandés. Favorable car il a
permis à l’UTBM de réaliser tant bien que mal la relation qu’elle voulait installer. Cela a eu pour
conséquence un travail vaste et complet dû au maintien de la motivation de l’équipe qui aurait pu très
bien décroître si une relation de sous-traitance avait été clairement installée. Pour imager le
phénomène du consensus mou nous allons détailler dans la section suivante le cas de la conceptionréalisation de la carrosserie.
4 LE CONSENSUS MOU IMAGE PAR LA REALISATION DE LA CARROSSERIE
Pour illustrer notre réflexion, nous nous proposons de présenter un exemple concret de l’effet
d’un consensus mou!: la conception de la carrosserie habillant actuellement le véhicule TwisTee. La
carrosserie représente l’image extérieure du véhicule, elle est aussi le composant le plus attrait aux
sens du produit véhicule. A ce titre, elle anime les passions et sort du rationnel. C’est elle qui va
donner sa personnalité visuelle au véhicule. Pour cette raison elle représente un point stratégique fort
pour l’identité du produit et le produit lui-même. A tel point qu’avec le retour d’expérience, nous nous
apercevons qu’elle est devenue source de conflit pour l’appropriation du véhicule.
Il est intéressant d’utiliser cet exemple pour comparer l’organisation inter équipes qui s’est
construite durant le projet à celle qui aurait pu être mise en place si la relation et l’organisation des
relations inter-équipes avaient été définies
A cet effet, nous allons tout d’abord décrire dans les paragraphes suivant l’organisation de la
conception/fabrication de la carrosserie suivant une relation de sous-traitance, puis suivant une relation
de co-traitance. Enfin, nous terminerons par décrire la relation effectivement réalisée sous l’emprise
du consensus mou. Nous verrons ainsi le gain qu’il aurait pu y avoir à utiliser telle ou telle relation par
rapport à ce qui a été effectivement réalisé.
4.1 L’organisation de la conception/Fabrication de la carrosserie vue par une relation
de sous-traitance
Une relation de client/fournisseur (sous-traitance) permettrait après la rédaction d’un cahier des
charges validé par chacune des deux équipes de faire réaliser une partie ou la totalité d’un composant
par une équipe. Cette relation n’implique pas (à moins d’être stipulée dans le cahier des charges) une
relation très étroite avec le client, l’important étant de fournir un résultat respectant le cahier des
387
charges. Ainsi la zone de travail en commun n’existe pas, la relation est composée d’ordres et de
réponses. L’inconvénient pour le fournisseur réside des contraintes présentes dans la réalisation d’un
composant ou organe suivant des paramètres qu’il ne maîtrise pas et qui lui sont imposé avec une
flexibilité minimale. Pour le client, le risque est grand de devoir accepter un produit non-conforme à
ses exigences car passé un délai il ne peut plus se permettre de refuser le composant. D’autre part, il ne
peut, dans notre contexte, exercer une pression suffisante pour contrôler la conception et le résultat, et
cela essentiellement dû au contexte bénévole du projet. De plus, les cycles de refus/Modification ne
sont généralement que difficilement contrôlable, il faut parfois accepter un produit non conforme car
les délais en jeux ne peuvent plus être dépassés. Donc dans cette relation, l’enjeu est de faire réaliser le
produit au plus tôt pour ensuite pouvoir gérer la non conformité en réalisant de la mise au point.
Figure 3: Organisation tournée vers la relation client/fournisseur appliquée à la carrosserie
Ainsi une relation de sous-traitance ne serait pas garante d’un gain de temps par rapport à ce qui
a été effectué. Le cahier des charges, lien unique entre le client et le fournisseur, ne paraît pas suffisant
pour s’assurer d’un composant conforme et fabricable. En effet le cahier des charges, pour un produit
prototype, n’est jamais figé. Dans ce contexte il paraît difficile de fournir en amont un document de
référence. Par conséquent le composant ne pourra s’intégrer parfaitement dans le produit et induira un
temps non maîtrisable de mise au point et de réglage dans les phases de fabrication et d’intégration
(Figure 3).
4.2 L’organisation de la conception/Fabrication de la carrosserie vue par une relation
de co-traitance
Une organisation de la conception de la carrosserie centrée sur une collaboration des deux
équipes aurait mis l’accent sur la zone de travail en commun (Figure 4). Ainsi les tâches seraient
regroupées par centre de compétence. Dans notre exemple l’UTBM réaliserait le design, le modèle
numérique et la validation ergonomique de la carrosserie tandis que l’équipe ECL réaliserait la
conception du process, la réalisation et l’intégration de la carrosserie.
388
Figure 4: Organisation tournée vers la collaboration appliquée à la carrosserie
La zone de travail en commun servirait tout d’abord à décider du style, à valider le couple
process/produit dans sa phase de conception numérique et de réaliser l’intégration numérique de la
carrosserie sur le composant châssis. Les équipes sont ainsi continuellement en contact ce qui leur
permettent de réajuster leurs travaux en garantissant la cohérence du résultat final.
L’utilisation de cette organisation aurait débouché sur un gain de temps non négligeable par
rapport au temps consommé dans le projet TTIM2003. C’est autant de temps qui aurait pu être utilisé
à la mise au point du véhicule (ie. En tant qu’amélioration des composants physiques et des fonctions
non prises en charges dans l’ingénierie numérique), phase essentielle au développement d’un tel
prototype. A terme, il faut optimiser la phase de conception (choix et définition des technologies) pour
accroître la phase d’amélioration et de réglages, nécessaire à l’optimisation du véhicule physique
[FIO1].
4.3 L’organisation de la conception/Fabrication de la carrosserie observée dans le
projet TTIM2002
L’équipe UTBM, ayant eu dans son équipe une personne compétente en design et en conception
numérique s’est proposé de réaliser la carrosserie qui pourtant ne lui avait pas été attribuée mais pas
explicitement défendue. L’ECL, n’ayant pas fait une demande explicite sur ces attentes, n’a pas pour
autant arrêter la démarche de l’UTBM lors de la première revue de projet dans laquelle les premiers
concepts de la carrosserie UTBM ont été présentés. Les bases du consensus mou sont posées!: chaque
équipe désire réaliser sa propre carrosserie sans pour autant interdire l’autre.
Il en est ressorti un travail concurrentiel entre l’ECL et l’UTBM concevant chacun en parallèle le
même produit, un paradoxe pour une ingénierie qui se veut collaborative. L’unique situation de
collaboration s’est située lors de l’intégration numérique de la carrosserie sur le châssis. La carrosserie
a été modifiée et finalisée dans sa forme actuelle à partir d’une réflexion commune entre l’ECL et
l’UTBM. Ainsi des améliorations et des compromis ont pu être trouvé ensemble (Figure 5). La
collaboration s’est arrêtée au début de la phase de fabrication. L’équipe UTBM est intervenue
ponctuellement pour aider à la réalisation mais n’a jamais été consultée sur les méthodes, les choix et
les compromis de fabrications même si cette équipe possédait des compétences dans la mise en forme
des matériaux composites
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Figure 5: La carrosserie, l’effet du consensus mou
4.4 Bilan
La relation de co-traitance paraît la relation la plus à même à faire gagner du temps et à exploiter
les compétences de chacun des partenaires du projet. La multiplication des zones de travail en
commun permet un brassage des informations sur le produit. Elles permettent de construire un produit
non pas à partir de composants isolés car conçus par des équipes isolées sans aucune vue sur le
produit, mais à partir de composants intégrés issues d’actions et de rétro-actions sur le produit de la
part de chacune des équipes. Le gain en serait la réduction du temps de conception-fabrication
permettant de passer plus de temps sur la mise au point et l’amélioration du prototype physique.
5 CONCLUSION
Nous avons vu que l’ingénierie collaborative ne s’improvise pas mais doit faire l’objet d’une
coordination et d’un savoir gérer les ressources pour révéler tout son potentiel dans un projet. Mal
gérée, la collaboration peut devenir un facteur allant dans le sens contraire du projet. A savoir un
facteur demandant beaucoup de ressources ne convergeant pas vers les objectifs de réalisation d’un
prototype. Dans ce projet nous avons pu voir que sans aller à contre sens, la collaboration n’a pas pour
autant contribuée efficacement à l’atteinte des objectifs. Tout l’intérêt résidait donc de ressortir les
éléments freins et à considérer dans les projets futurs.
Nous avons donc vu qu’il fallait pouvoir définir les relations entre les partenaires avant de
pouvoir penser en ingénierie collaborative. Connaître chacun des partenaires, appliquer la bonne
relation au bon partenaire, formaliser les relations, être à l’écoute des attentes des partenaires, sont
autant de paramètres incontournable à mettre en place dès la première phase de la structuration d’un
projet [MAG97]. Cette démarche paraît une solution probable au problème compte tenu de
l’expérience accumulé par le projet TTIM2003. Instaurer un environnement relationnel stable et
cohérent avec les partenaires est gage d’une réussite et d’une performance accrue. Dans un domaine à
forte compétitivité où le niveau technique est semblablement de même niveau, seule une organisation
performante avec un réseau de partenaire judicieusement choisis et managés est à même de créer un
écart concurrentiel bien moins évident à «!pirater!» qu’une technique ou technologie quelconque.
La structuration du projet de collaboration dans un sens descendant, à savoir le regroupement
préalable en comité restreint des représentants de chacun des partenaires du projet, pour définir dans
une charte commune les orientations, les vecteurs d’informations, la stratégie ou encore la nature des
relations, est garante de la cohérence du projet. Il revient ensuite à charge à chacun des responsables
équipes de s’organiser de la manière la plus adaptée afin de se conformer aux termes de la charte de
collaboration.
Finalement la mise en place d’un environnement de travail se basant sur la co-traitance semble
celui le plus à même, dans le contexte étudié, d’exploiter au mieux les compétences des partenaires.
390
De plus, la relation de co-traitance améliore la vision intégrée de la conception du couple
Produit/Process. Cette dernière est une condition sine qua non de la cohérence du produit final
intégrant les savoir faire et les compétences de tous les collaborateurs.
Tous ces éléments n’ont pas été présents dans le projet TTIM2003. Cependant cette lacune a
permis de mesurer leur importance et leur position stratégique. L’important désormais pour les projets
futurs, réside dans l’établissement d’un environnement collaboratif qui va pouvoir démultiplier les
motivations et le travail de chacun des partenaires. Ceci pour aboutir à un prototype de véhicule de
compétition à même de conserver les prix du challenge remportés par le véhicule précédent mais aussi
d’en conquérir de nouveaux.
6 BIBLIOGRAPHIE
[TIC95] TICHKIEWITCH S., CHAPA KASUSKY E., Belloy P., Un modèle produit multi-vues pour
la conception intégrée, Congrès international de Génie Industriel de Montréal – La productivité dans
un monde sans frontières, Volume 3, pp 1989-1998, 1995.
[FIO1] PARRO E., FIOR C., BONNEAU O., VULLIEZ P., Nogaro technologies!: conception d’une
monoplace de compétition, Confere, 1997
[MAG97] MAGANUCO G., TANI M., MULLER L., L’organisation des projets!: proposition d’une
méthodologie de structuration de projet, Confere, 1997
[GOM3] GOMES S., GETE E., SAGOT J-C., NIANG F., Expérience d’une chaîne XAO intégré
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[GOM2] GOMES S., EYNARD B., MAGNON L., Application du collecticiel ACSP en configuration
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[PSO95] SERRAFERO P., Ductess Design ou la conception simultanée du couple Produit/Procédé
congruents, Primeca, Septembre 1995
391

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