Les biomarqueurs dans le diagnostic de la maladie d`Alzheimer
Transcription
Les biomarqueurs dans le diagnostic de la maladie d`Alzheimer
30 Les biomarqueurs dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer Dr Mátyás Végh The Genetics Company, Suisse Oliver Wildanger The Genetics Company, Suisse Prof. Dr Dr h.c. Konrad Beyreuther ZMBH Université de Heidelberg, Allemagne D’après les estimations les plus récentes d’experts internationaux, il y aurait actuellement quelque 24,3 millions de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer (MA) dans le monde (Ferri, 2005) et leur nombre devrait avoir pratiquement doublé d’ici 2025 (Ferri, 2005). Ce pronostic dramatique souligne à quel point il est nécessaire et urgent de conduire des recherches sur les causes, les procédés diagnostiques et les traitements de la MA. Cet article présente une vue d’ensemble des méthodes diagnostiques faisant intervenir des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer (ou démence de type Alzheimer/DTA). Les biomarqueurs constituent une méthodologie alternative ou complémentaire par rapport aux tests cognitifs et neuropsychologiques. ASA SVV L’âge et l’assurance vie Objectifs et caractéristiques d’un diagnostic La notion de diagnostic recouvre généralement trois objectifs: premièrement, un diagnostic dans une phase très précoce, idéalement présymptomatique, doit aider à évaluer le risque de survenue de la maladie chez le patient. Deuxièmement, à la phase d’apparition des premiers symptômes, il s’agit de constater clairement si le patient est atteint d’une maladie donnée et d’exclure d’autres affections similaires (diagnostic différentiel). Troisièmement, le diagnostic devrait fournir des indications sur l’évolution de la maladie et permettre de faire un pronostic et d’assurer le suivi du traitement le cas échéant. La performance d’une méthode diagnostique se mesure à l’aide de deux paramètres principaux: la sensibilité et la spécificité (graphique 1). La sensibilité est le critère de mesure donnant les vrais positifs c’est-à-dire le pourcentage des patients correctement dépistés. Lorsque la sensibilité est de 90%, cela veut dire que le test a permis de dépister 90% des patients réellement concernés. La spécificité est une valeur donnant le nombre de contrôles perti- 31 nents. Si la spécificité est de 80%, par exemple, cela veut dire que 20% des contrôles ont donné des faux positifs. Il devrait y avoir une relation aussi directe que possible entre la méthode diagnostique, ici le biomarqueur choisi, et la cause ainsi que la pathologie recherchées. Plus cette relation est étroite, plus on peut supposer que la sensibilité et la spécificité de la méthode seront grandes. Lorsque la méthode diagnostique est fondée sur la mesure de paramètres qui ne sont pas spécifiques de la maladie mais décrivent des manifestations concomitantes, la sensibilité peut être grande dans Graphique 1 Diagnostic + de la maladie selon le gold standard – certains cas mais, revers de la médaille, la spécificité sera généralement faible. La validation d’un nouveau biomarqueur passe par la comparaison avec la méthode diagnostique la plus exacte servant de référence à ce moment-là. Lorsque l’on définit la sensibilité et la spécificité d’un autre procédé, il faut cependant garder à l’esprit que la méthode de référence n’est pas toujours la plus exacte. C’est particulièrement vrai dans la MA. En effet, seule une autopsie permet de poser définitivement ce diagnostic mais les examens post-mortem servent rarement de référence, contrairement à des méthodes diagnostiques Diagnostic de la maladie selon nouveau test + – Vrai positif Faux négatif Faux positif Vrai négatif Vrai positif 왘 Sensitivité = Vrai positif + Faux négatif 왘 Spécificité = Vrai négatif + Faux positif Vrai négatif Exemple: Un nouveau test atteint une sensitivité de 90% et une spécificité de 70%. • Le test découvre 90% de tous les patients malades, autrement dit 10% de patients malades seront faussement classifiés dans les personnes en bonne santé. • Le test découvre 70% de tous les patients en bonne santé, autrement dit 30% des personnes en bonne santé seront faussement diagnostiquées malades. ASA SVV L’âge et l’assurance vie 32 moins exactes mais plus aisées à mettre en œuvre, à savoir les tests cognitifs et/ou neuropsychologiques. C’est un point important pour les biomarqueurs présentés ici car des études ont montré que l’exactitude des tests cognitifs et/ ou neuropsychologiques ne dépasse pas 90%, même s’ils sont pratiqués par des personnes expérimentées (Growdon, 1999). Les biomarqueurs présentés ci-après ont tous une sensibilité et/ou une spécificité se situant dans une fourchette de 80 à 95% environ. Difficultés du diagnostic de la maladie d’Alzheimer La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative. Le principal obstacle au diagnostic de la MA est la difficulté d’accès à l’organe touché, à savoir le cerveau. Certaines méthodes décrites plus en détail ci-après permettent une approche plus ou moins directe des processus pathologiques. Il s’agit notamment de l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou de techniques d’imagerie assez lourdes à mettre en œuvre. D’autres difficultés diagnostiques dans la MA proviennent de la comorbidité: dépression et mani- ASA SVV L’âge et l’assurance vie festations inflammatoires, par exemple, ainsi que de la coexistence ou de la survenue de démences mixtes comme une démence vasculaire associée à la MA. Au cours des dernières années, on a aussi accordé davantage d’importance à la catégorie des patients présentant un déficit cognitif léger (MCI, Mild Cognitive Impaired). On observe chez ces patients une altération d’un domaine cognitif sans que cela constitue une gêne importante dans leur vie courante. Il est admis aujourd’hui qu’un déficit cognitif léger est un facteur de risque d’évolution démentielle de type Alzheimer. En une année, environ 15% des cas de MCI évoluent vers une MA, ce qui signifie qu’en l’espace de six ans, le taux de conversion sera de 80%. Alors que la plupart des cas de MCI évoluent vers une démence de type Alzheimer, une autre démence apparaîtra chez une partie de ces patients et un très faible pourcentage guérira. C’est pourquoi, dans le diagnostic précoce de la MA, on porte une grande attention au dépistage des patients présentant des déficits cognitifs légers et évoluant vers une MA. 33 Anatomopathologie de la maladie d’Alzheimer Au début du XXe siècle, Alois Alzheimer, un psychiatre et neurologue allemand, a consigné la première observation histologique de la maladie qui allait porter son nom. Il a fallu attendre quelque 80 ans pour que les amas protéiques typiques de la maladie décrits par Alzheimer, dits plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires (DNF/ NFT pour neurofibrillary tangles), soient identifiés et caractérisés au niveau protéique et génique. L’analyse moléculaire des éléments ainsi agrégés a conduit au développement de diverses méthodes de mesure et de représentation dont la plupart sont basées sur la détection à l’aide d’anticorps et sur la découverte des caractères génétiques liés à l’évolution de la maladie. On disposait désormais d’une base pour la mise au point de marqueurs diagnostiques en étroite corrélation avec la pathogénie de la MA. Pour une meilleure compréhension des relations entre des marqueurs biochimiques et les possibilités de diagnostic, nous allons présenter les amas et enchevêtrements extracellulaires et intracellulaires caractéristiques de la MA. Plaques séniles Les plaques séniles ou neuritiques sont des dépôts protéiques extracellulaires compacts et insolubles ou difficilement solubles en conditions physiologiques, mesurant de 10 à 150 micromètres. Les principaux constituants de ces agrégats sont des peptides amyloïdes (bêtaamyloïdes ou Aβ). La longueur des Aβ varie entre 38 et 43 acides aminés. Parmi un grand nombre d’autres protéines, on trouve aussi dans ces plaques des astrocytes et de la microglie. Cela laisse à penser qu’une réaction immunologique pourrait être liée à la formation des plaques. L’Aβ, lui-même, provient du clivage enzymatique d’une protéine plus grande, le précurseur du peptide amyloïde ou APP (= Amyloid Precursor Protein). L’APP est «découpé» à deux reprises par des enzymes (secrétases) faisant fonction de ciseaux: la bêta-secrétase (ou BACE Beta Amyloid Converting Enzyme) et la gamma-secrétase (graphique 2). La gamma-secrétase est un complexe protéique qui contient la préséniline et dont l’action s’exerce à l’intérieur des membranes mais comme les membranes sont d’épaisseurs différentes, le clivage ne se fait pas avec exactitude et ASA SVV L’âge et l’assurance vie 34 il en résulte des Aβ de différentes longueurs. Le produit le plus fréquent (à presque 90%) de ce clivage enzymatique est l’Aβ40, un peptide bêta-amyloïde de 40 acides aminés. Vient ensuite (environ 10%) un peptide comportant seulement deux acides aminés de plus, l’Aβ42. D’autres formes d’Aβ ont pu être identifiées en spectroscopie de masse (Lewzcuk, 2004b) mais elles ont fait l’objet de peu de recherches jusqu’à présent. Bien que les deux principaux constituants des plaques neuritiques ne se distinguent que par deux acides aminés à une de leurs extrémités, Aβ40 et Aβ42 ont des propriétés physiques et physiologiques très différentes. Tandis qu’Aβ40 est aisément soluble et n’a guère tendance à s’agréger, Aβ42 est très «collant» ce qui facilite l’agrégation. Ainsi la formation des plaques neuritiques commence-t-elle avant tout avec Aβ42, auquel peut ensuite venir se fixer Aβ40. Outre les plaques séniles, il existe aussi des amas amyloïdes extracellulaires nommés «plaques diffuses». Phénomène intéressant, on peut observer ces mêmes amas amyloïdes chez des sujets en bonne santé. Ces plaques diffuses ASA SVV L’âge et l’assurance vie 왘 Graphique 2: Genèse de la neuropathologie dans la maladie d’Alzheimer Abeta (Aβ) apparaît en tant que produit de coupure tiré de la protéine précurseur APP liée à la membrane. Sont responsables de la coupure deux enzymes également localisés dans la membrane cellulaire, la sécrétase beta et la sécrétase gamma. Une fois produit, le peptide Aβ s’agrège rapidement en oligomères et, ensuite, en gros dépôts, visibles au microscope, insolubles et typiques de la maladie d’Alzheimer, autrement dit en plaques séniles. Hormis la pathologie Aβ, on trouve dans les cellules des dénommées «cordelettes» neurofibrillaires provenant de la protéine τ hautement phosphorique. Il est admis aujourd’hui que dans la maladie d’Alzheimer, la pathologie Aβ induit la pathologie τ. Alors que l’agrégation de la protéine τ génère une déstabilisation des microtubules et, par conséquent, une dégénération axonale, la pathologie Aβ est associée à un stress oxydatif et à une excitotoxicité. Les plaques elles-mêmes sont entourées de microglies et d’astrocytes, ce qui fait conclure de surcroît à une réaction immunologique. Ces phénomènes entraînent une perte de synapses ainsi que la mort de cellules neuronales et, finalement, une neurodégénérescence. sont également constituées d’Aβ42 mais sont plus solubles que les plaques séniles et leur formation ne semble pas être obligatoirement liée à une réaction immunitaire concomitante. L’existence de formes intermédiaires entre plaques diffuses et séniles laisse supposer que les plaques diffuses sont des précurseurs des plaques séniles. Les fibres nerveuses qui débouchent dans les plaques séniles présentent des lésions mais la manière dont les plaques séniles exercent leur effet délétère n’a pas encore été élucidée. Des 35 Graphique 2 APP Aβ-production β-secretase γ-secretase Aβ tte le de or res «c llai de ibri n io of at ur rm ne Fo Aβ-formation de plaque s» Déstabilisation des microtubules Aβ-oligomérisation Excitotoxicité 왔 Perte de synapses Mort neuronale des cellules Perte de transport axonal Stress oxydatif Activation de microglies & astrocytes Neurodégénération ASA SVV L’âge et l’assurance vie 36 études plus récentes ont cependant montré clairement que les plaques séniles sont des agrégats inertes d’un peptide Aβ dont la neurotoxicité ne fait pas de doute. Des indices dans ce sens sont apparus dans des cultures cellulaires qui ont montré qu’Aβ est neurotoxique sous forme d’oligomère mais ne l’est pas sous forme de mono- ou de polymère (Kirkitadze, 2002; Lesne, 2006). La formation de plaques agrégeant les peptides pourrait ainsi apparaître comme une mesure naturelle d’élimination des peptides Aβ toxiques. On suppose aussi que les plaques peuvent relarguer des peptides Aβ toxiques et on en déduit qu’un traitement efficace devrait être capable de les éliminer. Dégénérescences neurofibrillaires Parmi les phénomènes auxquels on impute le développement d’une MA, il y a certes les dépôts bêta-amyloïdes extracellulaires mais aussi des agrégats intracellulaires. Ces dégénérescences neurofibrillaires se composent avant tout de protéines tau (τ) agrégées. Par leur liaison aux protéines du cytosquelette (microtubules), les protéines tau ont normalement pour fonction de con- ASA SVV L’âge et l’assurance vie tribuer à la stabilité des axones, prolongements des corps cellulaires des neurones, par lesquels transitent les influx nerveux. Lors de la formation des structures fibrillaires, ce sont avant tout les protéines tau ayant subi plusieurs phosphorylations qui ont un rôle déterminant. Pour des raisons encore inconnues, les protéines tau sont phosphorylées par diverses kinases au niveau des sites de liaison aux microtubules, elles se détachent des microtubules et forment des amas de structures fibrillaires enchevêtrées dans les neurones. Les microtubules perdent leur intégrité, la transmission axonale est perturbée et la stabilité de la cellule n’est plus totalement assurée. Il s’ensuit une mort neuronale qui libère les enchevêtrements neurofibrillaires, de sorte que des protéines tau phosphorylées peuvent aussi être mises en évidence dans le milieu extracellulaire. Pendant longtemps, il n’était pas clair si et, le cas échéant, comment les différentes structures agrégées – plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires – étaient en relation. Toutes les questions n’ont pas encore obtenu de réponses mais différentes études indiquent que les dégénérescences neuro- 37 fibrillaires pourraient provenir du métabolisme des Aβ. On a montré notamment dans des modèles chez la souris qu’une injection intracérébrale d’Aβ synthétique accélérait le développement d’une pathologie liée aux protéines tau (Götz, 2001). Modifications fonctionnelles des neurones Outre les altérations histologiques décrites, les patients souffrant d’une MA présentent aussi des modifications fonctionnelles neuronales. Il s’agit essentiellement d’une diminution du métabolisme du glucose conduisant à une limitation du métabolisme énergétique, à une moindre densité de synapses et, finalement, à une perte neuronale. Facteurs à l’origine de la démence de type Alzheimer Les caractéristiques anatomopathologiques de la maladie sont apparemment simples et évidentes, on suppose néanmoins qu’il s’agit plutôt d’un syndrome multifactoriel que d’une entité homogène. En l’état actuel des connaissances, on attribue sa survenue avant tout à des facteurs génétiques et liés à l’âge. Étant posé que les facteurs liés à l’âge impliquent une accumulation d’influences nocives et leur conséquences tout au long de la vie (Hofman, 2006). Facteurs génétiques Les premiers indices d’une origine génétique de la MA, ont été fournis par des observations chez des patients atteints de la forme familiale de la MA et du syndrome de Down. Dans la forme familiale, l’apparition des premiers symptômes de MA est relativement précoce, à la soixantaine en règle générale. Souvent les premiers signes de démence sont déjà perceptibles avant l’âge de 50 ans. Le fait que les patients atteints de la forme familiale de MA aient souvent des parents au premier degré dans le même cas, permet de conclure à une composante héréditaire favorisant l’apparition de la maladie. L’examen de patients présentant un syndrome de Down a fourni un indice important en faveur d’une prédisposition génétique. Dans ce syndrome, le patient est porteur de trois chromosomes 21 (trisomie 21). Tous les gènes se trouvant sur ce chromosome existent donc en trois exemplaires au lieu de deux, ce qui constitue une sorte de surdosage. Des symptômes de dé- ASA SVV L’âge et l’assurance vie 38 mence apparaissent très tôt chez les patients trisomiques comme dans la forme familiale de la MA. Dans un premier temps, on avait supposé qu’il pourrait y avoir, sur le chromosome 21, des gènes ayant une influence sur l’évolution de la MA. Il a ensuite été possible de localiser, sur le chromosome 21, le gène codant le précurseur du peptide amyloïde (APP), c’est-à-dire celui des peptides Aβ. La présence excédentaire du gène de l’APP, paraît accroître la synthèse des peptides Aβ et l’on a effectivement observé les premiers signes d’agrégations bêta-amyloïdes chez de jeunes patients trisomiques (< 20 ans). Cela explique l’évolution démentielle de ces patients à un âge présénile, entre 50 et 60 ans. Des mutations du gène de l’APP ont également pu être mises en évidence chez des patients présentant la forme familiale de la MA. Les mutations identifiées altèrent surtout les séquences de l’APP, au niveau desquelles les secrétases clivent la protéine pour former les Aβ. Des essais ont ensuite montré que ces mutations avaient pour effet d’accroître la production de peptides Aβ et en particulier celle d’Aβ42. Entre ASA SVV L’âge et l’assurance vie temps, d’autres mutations autosomiques dominantes ont pu être cartographiées et les gènes correspondants, ceux de la préséniline 1 et 2, ont pu être identifiés. Les mutations affectant le gène de la préséniline 1 sont la cause la plus fréquente de MA familiale. Les présénilines sont des enzymes appartenant au complexe des gamma-secrétases, lesquelles jouent un rôle déterminant dans la libération des Aβ à partir de l’APP (graphique 2). Les mutations identifiées sur la préséniline 1 comme sur la préséniline 2 sont des mutations dites «faux-sens» (missense) ayant conduit à un échange d’acides aminés lors de la synthèse protéique. Dans le cas de la préséniline 1 et de la préséniline 2, ces altérations de la structure enzymatique primitive induisent une efficience accrue et, de ce fait, une augmentation de la production de peptides Aβ42. Contrairement aux mutations associées à la MA familiale, qui entraînent un accroissement de la production d’Aβ42, il n’a pas encore été possible de mettre en évidence une mutation génique directement corrélée à une pathologie liée à la protéine tau (tauopathie). Au 39 contraire, les patients porteurs de certaines mutations précises sur le gène tau, localisé sur le chromosome 17, évoluent vers une démence frontotemporale associée à un parkinsonisme en relation avec le chromosome 17 (FTDP17 = frontotemporal dementia with parkinsonism linked to chromosome 17). La démence frontotemporale est incluse dans les tauopathies et les examens post-mortem des cerveaux de tels patients n’ont pas mis en évidence de plaques amyloïdes mais seulement des dégénérescences neurofibrillaires en grand nombre. Comme différentes études scientifiques l’ont montré, la plupart des cas de MA ne sont pas héréditaires mais d’apparition sporadique. On ignore pour le moment dans quelle mesure la connaissance des mutations géniques de la MA familiale peut s’appliquer à la MA sporadique. Quelques loci de gènes ont pu être identifiés comme étant sans doute liés à la forme sporadique mais ni la signification ni surtout la spécificité de ces mutations géniques n’ont encore été suffisamment étudiées. Le locus génique le mieux étudié est certainement celui du gène de l’apolipoprotéine E (ApoE). L’ApoE se présente sous forme de trois allèles (variantes géniques) différents, dits epsilon2, 3 et 4. Plusieurs études montrent que l’allèle ε4 est particulièrement fréquent dans la MA sporadique, c’est-à-dire qu’on le rencontre trois fois plus souvent que dans la population normale (40 – 50% contre 15%). C’est pourquoi ε4 est généralement considéré comme un facteur de risque de MA sporadique. On suppose aussi que l’allèle ε4 de l’ApoE joue un rôle dans le métabolisme des Aβ. Contrairement à d’autres allèles de l’ApoE, l’allèle ε4 stabilise les agrégats d’Aβ et gêne ainsi l’évacuation des Aβ via le LCR. Cela peut se déduire du fait que des plaques apparaissent chez des souris porteuses d’un transgène de l’APP croisées avec des souris transgéniques porteuses de l’allèle ε4 de l’ApoE, alors que les souris dépourvues de gène de l’ApoE (knock-out) ne développent guère de plaques (Bales 1997). Facteurs de risques non génétiques Parallèlement aux risques génétiques traités plus haut, l’âge est le principal risque de subir les atteintes de la MA. La prévalence est en outre plus forte chez les femmes que chez les hommes, ASA SVV L’âge et l’assurance vie 40 ce qui est peut-être lié à une plus grande espérance de vie. Le décalage évident que l’on observe entre la répartition de la MA dans le monde, entre pays en développement et pays industrialisés, semble également s’expliquer par la longévité et une plus forte prévalence. D’autres facteurs sont régulièrement évoqués comme la formation et la culture, le tabagisme, des antécédents de traumatisme crânio-cérébral ou l’exposition à l’aluminium mais pour le moment il n’a pas été possible de conclure de façon univoque sur ces sujets (Hofman, 2006). Biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer Marqueurs génétiques Les marqueurs génétiques sont potentiellement utiles dans le diagnostic précoce mais pourraient aussi être utilisés – sans réserves sur le plan éthique – avant l’apparition des symptômes dès qu’un traitement efficace sera disponible, d’autant plus que c’est une méthode peu onéreuse utilisable en analyses de routine. Malheureusement, les seuls marqueurs génétiques connus sont ceux des personnes à ASA SVV L’âge et l’assurance vie risque de MA familiale. Pour les cas sporadiques, seule une présence plus fréquente de l’allèle ε4 du gène de l’ApoE a été observée mais ont retrouve aussi ce même allèle chez environ 15% des sujets en bonne santé et, inversement, quelque 40 – 50% de l’ensemble des patients atteints de MA ne sont pas porteurs de l’allèle ε4 (Mayeux, 1999). C’est pourquoi la présence ou l’absence de l’allèle ε4 de l’ApoE dans le patrimoine génétique d’une personne ne peut pas servir de critère d’exclusion mais doit être considérée comme l’indice d’une éventuelle augmentation du risque. En résumé, on peut dire qu’il n’existe pas actuellement de marqueurs génétiques validés pour la MA sporadique. On ignore également si des mutations spontanées peuvent contribuer à la survenue d’une MA comme c’est notamment le cas dans le cancer. Des recherches sur l’origine génétique de la MA et sur les biomarqueurs correspondants sont conduites par d’innombrables institutions académiques et par un grand nombre d’entreprises qui y consacrent des investissements très conséquents. Dans ce dernier cas, l’intérêt est de tirer parti du potentiel des biomarqueurs pour le diagnostic et 41 pour l’identification et la validation de nouvelles approches thérapeutiques. Marqueurs biochimiques Les méthodes diagnostiques faisant appel à des marqueurs biochimiques mesurent les concentrations de protéines, de peptides ou d’autres molécules chimiques issues de processus métaboliques, dans les tissus ou les liquides de l’organisme, en tenant compte de la modification de ces taux en cas de maladie. La détermination quantitative de ces marqueurs biochimiques peut s’effectuer à l’aide de méthodes bon marché et faciles à graduer qui nécessitent relativement peu de travail et peuvent même être automatisées. Contrairement aux marqueurs génétiques, les modifications observées pour les marqueurs biochimiques présentent une corrélation temporelle, voire locale le plus souvent. Ce dernier point n’étant valable que si le marqueur n’a pas été entraîné dans la circulation des liquides de l’organisme. Souvent, il est également possible d’établir une corrélation entre la concentration du marqueur et l’évolution de la maladie. Le processus pathologique de la MA étant limité au cerveau, on peut partir du principe que les marqueurs biochimiques doivent être aussi spécifiques que possible du cerveau. Ainsi les biomarqueurs les mieux validés actuellement, tau et Aβ, sont-ils en relation directe avec les observations anatomopathologiques dans la MA. Comme nous l’avons déjà mentionné, le dosage de marqueurs spécifiques du cerveau pose un problème délicat puisque l’accès au cerveau d’un patient, de son vivant, suppose la mise en œuvre de moyens très lourds. Une autre solution consiste donc à doser les biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien (LCR). Le LCR est produit dans les plexus choroïdes et entoure à la fois le cerveau et la moelle épinière. Le contact direct avec les cellules cérébrales influe sur la composition du LCR lors de processus pathologiques dans le cerveau. Dans une certaine mesure, il constitue une extension de l’espace extracellulaire. Des prélèvements de LCR peuvent être effectués de manière relativement sûre par ponction lombaire. Le risque d’une ponction lombaire est moins grand que celui d’une endoscopie intestinale, par exemple. C’est ainsi que plusieurs biomarqueurs du LCR ont été testés dans de nombreuses études au cours des ASA SVV L’âge et l’assurance vie 42 dernières années (Blennow, 2004) et les marqueurs en relation directe avec les deux caractéristiques histopathologiques, à savoir Aβ et tau, donnent des résultats très prometteurs. LCR et Aβ42 Grâce à sa corrélation étroite avec l’évolution de la MA, le peptide Aβ est devenu un candidat biomarqueur sur lequel on mise beaucoup. Les plaques séniles se composent majoritairement d’Aβ42. Les examens post-mortem du cerveau confirment la forte concentration d’Aβ42 ainsi qu’une corrélation avec le stade d’évolution de la maladie. Curieusement, les valeurs d’Aβ42 soluble (pouvant de ce fait être dosé dans le LCR) ne sont pas plus élevées mais plus basses chez des patients atteints de la MA par rapport aux valeurs mesurées chez des sujets témoins. Ce résultat est aussi en contradiction avec les valeurs cérébrales d’Aβ42. Il n’y pas d’explication évidente de ce paradoxe jusqu’à présent. On suppose qu’à mesure que la maladie progresse, la formation accrue des plaques entraîne une fixation de l’Aβ42 néoformé et ne lui permet pas d’atteindre le LCR. Plusieurs études ont décrit le fort potentiel de l’Aβ42 ASA SVV L’âge et l’assurance vie comme biomarqueur de la MA. Avec une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 90%, Aβ42 est très utile pour la différentiation par rapport à d’autres pathologies psychiatriques et neurologiques comme la dépression ou la maladie de Parkinson. Des études plus récentes ont en outre mis en évidence de plus en plus fréquemment le potentiel diagnostique d’Aβ42 dans le dépistage précoce d’une MA lors de déficit cognitif léger (MCI) (Hansson, 2006). LCR – ratio Aβ42 /Aβ40 Il a déjà été dit que, dans le LCR, les concentrations d’Aβ se répartissent approximativement comme suit: Aβ42 (10%) et Aβ40 (90 %). Contrairement aux taux d’Aβ42 dans le LCR, celles d’Aβ40 ne semblent pas être spécifiques de la maladie. En effet, les concentrations d’Aβ40 dans le LCR ne varient pas ou très peu pendant l’évolution de la maladie. La concentration d’Aβ40 dans le LCR à elle seule n’est donc pas pertinente pour le diagnostic de la MA. On a constaté cependant que certains patients présentaient naturellement des valeurs d’Aβ plus élevées ou plus basses dans le LCR, la nature de la sous-catégorie d’Aβ n’ayant d’ail- 43 leurs aucune signification. Chez ces patients, les valeurs d’Aβ40 et Aβ42 sont également élevées ou basses, c’est pourquoi il est possible d’inclure Aβ40 comme paramètre de contrôle intrinsèque pour rééquilibrer les variations de concentrations dans la production totale d’Aβ en mesurant le rapport entre Aβ40 et Aβ42. Les premières études ont monté que le ratio Aβ42/40 est plus pertinent pour le diagnostic que le dosage d’Aβ42 seul. L’établissement du ratio entre les deux peptides Aβ permet d’obtenir une sensibilité et une spécificité pouvant atteindre 96% (Lewczuk, 2004a; Hansson, article soumis à publication). LCR – tau totale Les valeurs totales de protéine tau dans le LCR ou tau totale (c’est-à-dire la quantité totale de toutes les souscatégories de tau) sont un paramètre de dégénérescence neuronale. Les concentrations de tau totale ne servent pas uniquement de paramètre dans le diagnostic de la MA mais aussi dans d’autres atteintes neurodégénératives comme la maladie de Creutzfeld-Jakob. La sensibilité et la spécificité de ce paramètre sont de 81 – 91% en moyenne. LCR – ptau Les dégénérescences neurofibrillaires sont essentiellement constituées de protéines τ hyperphosphorylées, c’està-dire de protéines tau qui ont fixé des groupes phosphate en divers sites, notamment sur les deux acides aminés que sont la sérine et la thréonine. Jusqu’à présent, environ 30 sites de phosphorylation de ce type ont été décrits et un nombre presque équivalent de kinases responsables de la phosphorylation de tau (Bueé, 2000). Cela explique l’offre abondante d’anticorps capables de reconnaître de façon sélective les différents sites de phosphorylation. On a constaté cependant que pour le diagnostic de la MA, ce sont principalement ptau181 (tau phosphorylée sur l’acide aminé en position 181), ptau199 et ptau231 qui sont pertinentes. Les différentes sous-catégories de tau, considérées comme des paramètres séparés, présentent une sensibilité et une spécificité comparables (Hampel, 2004) se situant respectivement entre 81 et 91% environ. Comparé au marqueur tau totale, ptau semble avoir un potentiel supérieur car certaines phosphorylations, inconnues dans d’autres tauopathies, sont plus spécifiques de la MA. ASA SVV L’âge et l’assurance vie 44 Plasma – Aβ Il n’existe pas actuellement, hélas, de données uniformisées sur une corrélation entre les concentrations d’Aβ dans le plasma et celles d’Aβ dans le LCR (Irizarry, 2004). Le taux d’Aβ42 du LCR présente une très bonne corrélation avec l’évolution de la MA alors qu’il y a tout lieu de penser que tous les peptides Aβ présents dans le sang ne sont pas d’origine neurologique. De plus, les tentatives de dosage de l’Aβ plasmatique se heurtent encore à des obstacles techniques dans la mesure où la concentration totale d’Aβ dans le sang est environ dix fois plus faible que dans le LCR. À cela s’ajoute le fait que les concentrations d’Aβ42 dans le plasma et le LCR sont inférieures d’un facteur 10 à celles de l’Aβ40 et que les méthodes de dosage disponibles ne permettent pas de déterminer des limites de détection statistiquement significatives pour Aβ42. Autre complication, les propriétés physiques d’Aβ42 lui permettent d’interagir avec un grand nombre de protéines en tous genres comme l’albumine ou l’héparine, lesquelles sont présentes en grandes quantités dans le plasma ou ASA SVV L’âge et l’assurance vie ont été rajoutées dans les échantillons sanguins. Cette liaison à d’autres composants plasmatiques nuit à la précision des dosages et à la reproductibilité des données. Des études plus récentes montrent toutefois que de nouvelles tendances se font jour, au moins pour l’Aβ40 plasmatique. Ainsi a-t-on découvert dans une étude clinique de grande envergure que des valeurs élevées d’Aβ40 plasmatique sont le signe d’un risque accru d’évolution démentielle, surtout si parallèlement les valeurs d’Aβ42 plasmatique sont basses (van Oijen, 2006). La possibilité d’extrapoler ces conclusions à l’appréciation du risque chez un patient individuel nécessite cependant d’être confirmée par d’autres études. Autres marqueurs biochimiques dans le plasma Les problèmes évoqués au paragraphe précédent ont incité de nombreux scientifiques à rechercher d’autres biomarqueurs spécifiques de la maladie. Une foule de sous-produits moléculaires de la MA ont été étudiés en remplacement des peptides Aβ (Teunissen, 2003). Parmi les marqueurs potentiels de la MA, on peut notamment citer l’iso- 45 prostane, la 3-nitrotyrosine (stress oxydant et de nitration), l’alpha1 antichymotrypsine, les interleukines (inflammation), la protéine C-réactive, le C1q (système du complément), le 24Shydroxycholestérol (produit spécifique du métabolisme cérébral de la cholestérine) et l’homocystéine. La sensibilité et surtout la spécificité de ces marqueurs étant faibles, aucun d’entre eux n’est réellement adapté pour poser un diagnostic fiable de MA. Sans compter que les concentrations d’assez nombreux marqueurs plasmatiques candidats peuvent être fortement modifiées par la prise de produits vitaminés et de traitements concomitants ou par des pathologies associées. Imagerie Contrairement aux dosages de biomarqueurs dans le LCR ou le plasma sanguin, l’imagerie cérébrale offre la possibilité d’observer directement in situ les processus pathologiques en cours dans la MA à un stade très précoce. La diffusion rapide de ces méthodes se heurte cependant au coût élevé d’acquisition et d’exploitation de ces matériels et au prix qui en découle pour les explorations en recherche préclinique et cli- nique, ainsi qu’en pratique clinique ou en diagnostic ambulatoire. C’est pourquoi de nombreuses institutions académiques et entités industrielles travaillent de manière intensive au développement de cette option. En matière d’imagerie, on distingue habituellement trois approches. La visualisation et l’évaluation des altérations cérébrales, structurelles ou fonctionnelles, ainsi que l’évolution des plaques, servent de paramètres à l’appréciation du processus pathologique. Visualisation des modifications structurelles L’intérêt de la neuro-imagerie structurelle réside avant tout dans la mise en évidence et la mesure d’une atrophie du cerveau ou de certaines de ses parties. S’agissant de la MA, une attention particulière est portée à la perte de volume de l’hippocampe. La visualisation de ce type de structures s’effectue à l’aide de scanners (tomodensitométrie) mais aussi, et de plus en plus fréquemment, par résonance magnétique nucléaire (IRM). Outre leur sensibilité dans le diagnostic de la MA, ces explorations ont également un pouvoir dis- ASA SVV L’âge et l’assurance vie 46 criminant par rapport à d’autres causes de troubles cognitifs comme une hydrocéphalie ou des tumeurs cérébrales (glioblastomes, par exemple). La résolution des appareils d’IRM actuels est telle que les modifications structurelles les plus petites peuvent être mises en évidence. La visualisation des altérations structurelles du cerveau ne peut en règle générale servir que pour un diagnostic post-symptomatique car il faut un certain degré de dégénérescence neuronale pour qu’un diagnostic fiable puisse être posé. L’IRM peut cependant apporter une contribution décisive à un diagnostic précoce et fiable avec des séries de mesures visant à déterminer la rapidité avec laquelle la dégénérescence progresse. La pratique des mesures en séries convient également à l’évaluation de traitements susceptibles de retarder ou d’arrêter la dégénérescence neuronale. Modifications fonctionnelles Comparée à la neuro-imagerie structurelle, l’imagerie fonctionnelle se voit généralement attribuer un potentiel encore plus grand pour le diagnostic précoce de la MA ainsi que pour le diagnostic différentiel. Ce procédé permet ASA SVV L’âge et l’assurance vie d’explorer la perfusion sanguine ou le métabolisme du cerveau au moyen de la scintigraphie cérébrale (tomographie par émission monophotonique SPECT ou par émission de positrons TEP). La SPECT permet de visualiser la circulation sanguine dans le cerveau à l’aide d’une caméra détectant les rayons gamma. La source de rayonnement gamma est fournie par un radio-isotope liposoluble le 99mTc-hexaméthylpropylèneamine oxime (HMPAO) que l’on injecte au patient avant l’examen. L’évaluation des images obtenues fournit une analyse semi-quantitative de la perfusion sanguine. On observe un hypodébit chez les patients atteints d’une MA par rapport aux témoins, en particulier dans les régions temporopariétales. Avec la SPECT, la différentiation diagnostique est relativement bonne entre la MA et d’autres formes de démence mais son utilité n’est pas encore suffisamment validée en pratique clinique pour le dépistage précoce d’une MA. Plus que la SPECT, la TEP au 18FDG a fait la preuve, dans diverses études, de son intérêt en tant que méthode de dépistage précoce et de diagnostic diffé- 47 rentiel dans la MA (Silvermann, 2001). À un stade précoce, les patients atteints d’une MA présentent déjà une activité métabolique réduite dans certaines zones du cerveau (temporopariétales, par exemple). Le 18-fluoro2-désoxy-2-D-glucose (18FDG) marqué permet de déterminer l’absorption du glucose et donc les besoins énergétiques des territoires neuronaux. Dans les cellules, le 18FDG est transformé en FDG-6-phosphate, lequel ne peut plus subir les étapes suivantes de la glycolyse et s’accumule dans les neurones. Il existe une corrélation entre la quantité accumulée en l’espace de 30 à 40 minutes et la consommation de glucose, c’est-à-dire les besoins énergétiques ou l’activité cellulaire. Le potentiel diagnostique de la scintigraphie isotopique SPECT et TEP est restreint du fait de la limitation de la résolution spatiale de ces méthodes. Les valeurs mesurées sont des moyennes sur un volume donné. Les résultats peuvent être faussés par une résolution insuffisante ou par une atrophie tissulaire croissante. Il est possible de corriger en partie des résultats erronés en effectuant simultanément un scanner ou une IRM. Bien que certaines études présentent des résultats très prometteurs, notamment avec la TEP au 18FDG, la standardisation et la validation clinique de ces méthodes sont encore insuffisantes. Plusieurs études de grande envergure sont en préparation pour la standardisation et la validation de ces méthodes, tout en incluant des marqueurs biologiques comme Aβ42 et Aβ40. Représentation des plaques Des traceurs utilisables en TEP ont été développés ces derniers temps pour visualiser les plaques séniles et accroître la corrélation avec l’évolution pathologique de la MA. Le 8FFDDNP (2-(1-(6 -(2-(18F)fluoroéthyl)(méthyl) amino)-2naphtyl)éthylidène)malononitrile) (Agdeppa, 2001) et le PIB (Pittsburgh Compound-B, un dérivé de la thioflavine T) (Klunk, 2004) sont deux exemples de substances qui se lient aux plaques séniles et sont détectables en TEP. Les premiers résultats sont très prometteurs mais des études de plus grande ampleur font encore défaut pour prouver l’intérêt diagnostique de cette méthode – notamment pour établir des corrélations en incluant le ratio Aβ42/Aβ40 dans le LCR. ASA SVV L’âge et l’assurance vie 48 Conclusions La plupart des méthodes que nous venons de décrire sont plutôt utilisées à des fins de recherche mais les cliniques spécialisées disposent maintenant de toute une batterie de moyens d’exploration, parallèlement aux tests neuropsychologiques et cognitifs, pour diagnostiquer la MA à un stade précoce. On peut évidemment s’interroger sur la pertinence d’un diagnostic précoce de la MA alors que cette maladie passe encore pour incurable. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les médicaments actuellement sur le marché déploient d’autant mieux leur effet palliatif que le diagnostic et le début du traitement ont eu lieu à un stade précoce (Chang et Silvermann, 2004). Le diagnostic précoce de la maladie contribue ainsi à améliorer la qualité de vie du patient et souvent aussi celle de ses proches. Cette amélioration de la qualité de vie grâce à un diagnostic précoce, permet aussi de réduire les coûts importants générés par les soins liés à la MA. De plus, le patient et ses proches peuvent se préparer plus tôt à affronter la maladie et prendre ensemble les mesures qui s’imposent (Leifer, 2003). ASA SVV L’âge et l’assurance vie Des études et des enquêtes menées aux États-Unis ont montré que chez de nombreux patients, la maladie d’Alzheimer est identifiée trop tard (4 ans seulement après le début des symptômes en moyenne). Les raisons en sont multiples, allant de la stigmatisation des personnes atteintes, en passant par une attitude de déni du patient face aux premiers symptômes, jusqu’à l’erreur de diagnostic du médecin. C’est pourquoi il est important à la fois de sensibiliser le grand public à la maladie et de poursuivre les recherches sur les méthodes diagnostiques et thérapeutiques. Toutes les méthodes diagnostiques présentées ici ont leurs avantages et leurs inconvénients. Parmi ces derniers, on peut notamment citer le risque infectieux lors de ponction lombaire ou l’exposition aux rayonnements dans la neuro-imagerie. Il semble que la sensibilité et/ou la spécificité des tests, pris séparément, dépassent rarement 90%. D’emblée et en dehors du coût, les biomarqueurs ne présentent aucun avantage réel par rapport aux tests cognitifs, si ce n’est leur capacité de dépistage présymptomatique de la maladie. Pour 49 le monitorage quantitatif de l’évolution de la maladie ou du processus de guérison, les possibilités des biomarqueurs apparaîtront clairement lorsque l’autorisation de mise sur le marché aura été donnée à des médicaments susceptibles de modifier le cours de la maladie en agissant au niveau de cibles précises dans l’organisme (targeted drugs). Les approches thérapeutiques visant à empêcher la formation de peptides Aβ, à éliminer les plaques par une vaccination ou l’inhibition de la phosphorylation de la protéine τ, sont autant d’exemples où le monitorage quantitatif est d’ores et déjà employé, même si c’est encore au stade des essais cliniques dans le développement des médicaments. Il serait aussi envisageable de fonder une classification des démences sur des tests avec des biomarqueurs au lieu d’avoir recours à des tests cognitifs. Cela aurait l’avantage supplémentaire de pouvoir débuter le traitement plus tôt et de façon plus ciblée et plus spécifique. Nous sommes convaincus que les biomarqueurs pourraient à terme devenir une étape préliminaire dans la recherche d’un traitement per- sonnalisé dont on peut espérer qu’il sera efficace et bien toléré. Bibliographie • Agdeppa ED, Kepe V, Liu J, FloresTorres S, Satyamurthy N, Petric A, Cole GM, Small GW, Huang SC, Barrio JR. Binding characteristics of radiofluorinated 6-dialkylamino-2naphthylethylidene derivatives as positron emission tomography imaging probes for beta-amyloid plaques in Alzheimer’s disease. J Neurosci. 2001 Dec 15; 21(24): RC189. • Bales KR, Verina T, Dodel RC, Du Y, Altstiel L, Bender M, Hyslop P, Johnstone EM, Little SP, Cummins DJ, Piccardo P, Ghetti B, Paul SM. Lack of apolipoprotein E dramatically reduces amyloid beta-peptide deposition. Nat Genet. 1997 Nov; 17(3):263 – 4. • Blennow K. Cerebrospinal fluid protein biomarkers for Alzheimer’s disease. NeuroRx. 2004 Apr; 1(2):213 – 25. • Buee L, Bussiere T, Buee-Scherrer V, Delacourte A, Hof PR. Tau protein ASA SVV L’âge et l’assurance vie 50 • • • • • isoforms, phosphorylation and role in neurodegenerative disorders. Brain Res Brain Res Rev. 2000 Aug; 33(1):95 – 130. Chang CY, Silverman DH. Accuracy of early diagnosis and its impact on the management and course of Alzheimer’s disease. Expert Rev Mol Diagn. 2004 Jan; 4(1):63 – 9. Ferri CP, Prince M, Brayne C, Brodaty H, Fratiglioni L, Ganguli M, Hall K, Hasegawa K, Hendrie H, Huang Y, Jorm A, Mathers C, Menezes PR, Rimmer E, Scazufca M; Alzheimer’s Disease International. Global prevalence of dementia: a Delphi consensus study. Lancet. 2005 Dec 17; 366(9503):2112 – 7. Gotz J, Chen F, van Dorpe J, Nitsch RM. Formation of neurofibrillary tangles in P301l tau transgenic mice induced by Abeta 42 fibrils. Science. 2001 Aug 24; 293(5534):1491 – 5. Growdon JH. Biomarkers of Alzheimer disease. Arch Neurol. 1999 Mar; 56(3):281 – 3. Hampel H, Buerger K, Zinkowski R, Teipel SJ, Goernitz A, Andreasen N, Sjoegren M, DeBernardis J, Kerkman D, Ishiguro K, Ohno H, Vanmechelen E, Vanderstichele H, McCulloch C, ASA SVV L’âge et l’assurance vie • • • • Moller HJ, Davies P, Blennow K. Measurement of phosphorylated tau epitopes in the differential diagnosis of Alzheimer disease: a comparative cerebrospinal fluid study. Arch Gen Psychiatry. 2004 Jan; 61(1):95 – 102. Hansson O, Zetterberg H, Buchhave P, Londos E, Blennow K, Minthon L. Association between CSF biomarkers and incipient Alzheimer’s disease in patients with mild cognitive impairment: a follow-up study. Lancet Neurol. 2006 Mar; 5(3):228 – 34. Hansson O., Zetterberg H., Buchhave P., Andreasson U., Minthon L., Blennow K., Prediction of Alzheimer’s disease using CSF Aβ42 and Aβ42/40 ratio in patients with mild cognitive impairment, manuscript submitted. Hofman A., de Jong P.T.V.M., van Duijn C.M., Breteler M.M.B., Epidemiology of neurological diseases in elderly people: what did we learn from the Rotterdam study. Lancet Neurol. 2006 May; 5:545 – 550. Irizarry MC. Biomarkers of Alzheimer disease in plasma. NeuroRx. 2004 Apr; 1(2):226 – 34. 51 • Kirkitadze MD, Bitan G, Teplow DB. Paradigm shifts in Alzheimer’s disease and other neurodegenerative disorders: the emerging role of oligomeric assemblies. J Neurosci Res. 2002 Sep 1; 69(5):567 – 77. • Klunk WE, Engler H, Nordberg A, Wang Y, Blomqvist G, Holt DP, Bergstrom M, Savitcheva I, Huang GF, Estrada S, Ausen B, Debnath ML, Barletta J, Price JC, Sandell J, Lopresti BJ, Wall A, Koivisto P, Antoni G, Mathis CA, Langstrom B. Imaging brain amyloid in Alzheimer’s disease with Pittsburgh Compound-B. Ann Neurol. 2004 Mar; 55(3):306 – 19. • Leifer BP. Early diagnosis of Alzheimer’s disease: clinical and economic benefits. J Am Geriatr Soc. 2003 May; 51(5 Suppl Dementia): 281 – 8. • Lesne S, Koh MT, Kotilinek L, Kayed R, Glabe CG, Yang A, Gallagher M, Ashe KH. A specific amyloid-beta protein assembly in the brain impairs memory. Nature. 2006 Mar 16; 440(7082):352 – 7. • Lewczuk P, Esselmann H, Otto M, Maler JM, Henkel AW, Henkel MK, Eikenberg O, Antz C, Krause WR, Reulbach U, Kornhuber J, Wiltfang J. Neurochemical diagnosis of Alzheimer’s dementia by CSF Aβ42, Aβ42/Aβ40 ratio and total tau. Neurobiol Aging. 2004 Mar; 25(3):273 – 81. (a) • Lewczuk P, Esselmann H, Groemer TW, Bibl M, Maler JM, Steinacker P, Otto M, Kornhuber J, Wiltfang J. Amyloid beta peptides in cerebrospinal fluid as profiled with surface enhanced laser desorption/ ionization time-of-flight mass spectrometry: evidence of novel biomarkers in Alzheimer’s disease. Biol Psychiatry. 2004 Mar 1; 55(5):524 – 30. (b) • Mayeux R, Saunders AM, Shea S, Mirra S, Evans D, Roses AD, Hyman BT, Crain B, Tang MX, Phelps CH. Utility of the apolipoprotein E genotype in the diagnosis of Alzheimer’s disease. Alzheimer’s Disease Centers Consortium on Apolipoprotein E and Alzheimer’s Disease. N Engl J Med. 1998 Feb 19; 338(8):506 – 11. • Silverman DH, Small GW, Chang CY, Lu CS, Kung De Aburto MA, Chen W, Czernin J, Rapoport SI, Pietrini P, Alexander GE, Schapiro MB, Jagust WJ, Hoffman JM, Welsh-Bohmer KA, ASA SVV L’âge et l’assurance vie 52 Alavi A, Clark CM, Salmon E, de Leon MJ, Mielke R, Cummings JL, Kowell AP, Gambhir SS, Hoh CK, Phelps ME. Positron emission tomography in evaluation of dementia: Regional brainmetabolism and long-term outcome. JAMA. 2001 Nov 7; 286(17):2120 – 7. • Teunissen CE, Lutjohann D, von Bergmann K, Verhey F, Vreeling F, Wauters A, Bosmans E, Bosma H, van Boxtel MP, Maes M, Delanghe J, Blom HJ, Verbeek MM, Rieckmann P, De Bruijn C, Steinbusch HW, de Vente J. Combination of serum markers related to several mechanisms in Alzheimer’s disease. Neurobiol Aging. 2003 Nov; 24(7):893 – 902. • van Oijen M, Hofman A, Soares HD, Koudstaal PJ, Breteler MM. Plasma Aβ(1 – 40) and Aβ(1 – 42) and the risk of dementia: a prospective case-cohort study. Lancet Neurol. 2006 Aug; 5(8):655 – 60. ASA SVV L’âge et l’assurance vie Articles de synthèse et littérature complémentaire recommandés Généralités • Alzheimer-Demenz, HampelPadberg-Möller, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft mbH Stuttgart, 2003 (en langue allemande). • Dossier sur la démence de type Alzheimer dans la revue Nature Medicine, édition de juillet 2006, vol 12 no 7: http://www.nature.com/nm/focus/ alzheimer/index.html • Masters CL, Cappai R, Barnham KJ, Villemagne VL. Molecular mechanisms for Alzheimer’s disease: implications for neuroimaging and therapeutics. J Neurochem. 2006 Jun; 97(6):1700 – 25. • Selkoe DJ. Alzheimer’s disease: genes, proteins, and therapy. Physiol Rev. 2001 Apr; 81(2):741 – 66. Génétique • Selkoe DJ, Podlisny MB. Deciphering the genetic basis of Alzheimer’s disease. Annu Rev Genomics Hum Genet. 2002; 3:67 – 99. Epub 2002 Apr 15. 53 Marqueurs biochimiques • Blennow K. Cerebrospinal fluid protein biomarkers for Alzheimer’s disease. NeuroRx. 2004 Apr; 1(2):213 – 25. • Irizarry MC. Biomarkers of Alzheimer disease in plasma. NeuroRx. 2004 Apr; 1(2):226 – 34. • Teunissen CE, de Vente J, Steinbusch HW, De Bruijn C. Biochemical markers related to Alzheimer’s dementia in serum and cerebrospinal fluid. Neurobiol Aging. 2002 Jul – Aug; 23(4):485 – 508. • Teunissen CE, Lutjohann D, von Bergmann K, Verhey F, Vreeling F, Wauters A, Bosmans E, Bosma H, van Boxtel MP, Maes M, Delanghe J, Blom HJ, Verbeek MM, Rieckmann P, De Bruijn C, Steinbusch HW, de Vente J. Combination of serum markers related to several mechanisms in Alzheimer’s disease. Neurobiol Aging. 2003 Nov; 24(7):893 – 902. Imagerie • Petrella JR, Coleman RE, Doraiswamy PM. Neuroimaging and early diagnosis of Alzheimer disease: a look to the future. Radiology. 2003 Feb; 226(2):315 – 36. • Jagust W. Molecular neuroimaging in Alzheimer’s disease. NeuroRx. 2004 Apr; 1(2):206 – 12. Liens • Alzforum: le site internet le plus complet pour non-spécialistes et spécialistes: http://www.alzforum.org/ • Banque de données librement accessible sur les gènes en rapport avec la maladie d’Alzheimer: http://www.alzforum.org/res/com/ gen/alzgene/ • Site web du Groupe VCDN (anglais et français): beaucoup d’informations et représentations graphiques des pathologies liées à τ et à Aβ: http://www.alzheimer-adna.com/ english.html ASA SVV L’âge et l’assurance vie