Juin - Coalition des familles LGBT
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Juin - Coalition des familles LGBT
Les co-parents, par Mona Greenbaum Malgré de récents progrès en matière des droits gais et lesbiens au Canada, nos droits en tant que parents lesbiens traînent de la patte. La collectivité hétérosexuelle a fait de grands pas dans l'acceptation des gais et lesbiennes, mais plusieurs hétérosexuels refusent l'idée que nous ayons des enfants. Dans un récent sondage mené au Québec, seulement 30% des québécois croient en notre droit d'avoir des enfants. Que les gens y croient ou non, nous y croyons. Nous estimons qu'il y a entre 5 et 10 millions de parents gais et lesbiens aux États-Unis. Nous pouvons donc estimer qu'au Canada nous comptons pour un dixième de la population, c'est-à-dire entre 500,000 et un million. Si nous comptons de plus le nombre important de nos enfants, il devient évident qu'un grand nombre de canadiens font partie de familles gaies et lesbiennes. Nos problématiques ne peuvent donc être ignorées. Malgré tout, nos droits demeurent limités. Il est bien connu que des personnes ont perdu la garde de leurs enfants à cause de leur orientation sexuelle. Selon la plupart des avocats et ressources juridiques, cela ne devrait plus être le cas, puisque nous sommes supposément protégés par la Charte canadienne des droits de la personne (on ne peut discriminer contre nous sur la base de notre orientation sexuelle). Dans les faits, par contre, être gai ou lesbienne n'aide pas notre cause dans des procédures judiciaires pour la garde d'enfants lorsque d'autres facteurs existent (incluant des juges biaisés). Mais il reste que plusieurs gais et lesbiennes ne cachent pas leur orientation sexuelle tout en ne perdant pas la garde de leurs enfants, même lorsqu'il s'agit d'un dossier tranché par un juge. La situation pour les co-parents (les parents non biologiques) est plus complexe. Le cas le plus commun pour les lesbiennes est celui-ci (je ne traiterai pas de toutes les permutations possible pour les hommes gais) : deux lesbiennes en couple décident d'avoir un enfant à l'aide d'une banque de sperme. Selon les lois canadiennes, les donateurs de sperme demeurent toujours anonymes (si vous avez recours à une banque de sperme canadienne, votre enfant ne saura jamais l'identité du donateur). Il y a donc seulement un parent biologique reconnu par la loi. Les droits des parents non biologiques varient de province en province. En novembre 1999, un juge la cour de l'Alberta a permis à une mère non biologique d'adopter les deux enfants qu'elle a élévés avec sa conjointe lesbienne. Le juge Peter Martin a reconnu que les deux femmes de Calgary étaient "amplement qualifiées" d'être les parents légaux de leurs fils, âgés de 12 et de 5 ans, qu'elles avaient élévés depuis leur naissance. Le juge a aussi reconnu que l'adoption était dans les meilleurs intérêts des enfants, créant ainsi un précédent. Et cela dans l'Alberta conservatrice ! La juridiction de la Colombie-Britannique est la plus avant-gardiste en toute l'Amérique du Nord pour la reconnaissance des droits des couples du même sexe. En 1998, la province allouait les mêmes privilèges et responsabilités des hétérosexuels aux homosexuels en matière de pension alimentaire, de garde et d'accès aux enfants. Les parents du même sexe peuvent aussi adopter en C-B. Rachel et Isabelle, anciennement de l'AML et que certaines d'entre vous connaissent peut-être, vivent en C-B depuis août dernier et étaient admissibles à l'adoption de co-parents en fin février 2001 (on doit habiter la province pour seulement six mois). Rachel me dit que tout ce qu'elles doivent faire est de remplir les formulaires. Wow ! Comme il s'agit de législation et non de jurisprudence (la création d'un précédent), les couples lesbiens n'ont pas à se rendre en cour chaque fois qu'elles veulent adopter. Il n'y a qu'à remplir un formulaire. En Ontario, l'adoption par des co-parents a été reconnue en mai 1995. Mais il s'agit ici d'un précédent et non d'une loi qui a été adoptée, ce qui signifie que les familles gaies et lesbiennes sont assurées qu'elles réussiront à obtenir l'adoption mais qu'elles doivent se rendre en cour chaque fois pour le faire. L'Ontario est la première province à agir ainsi. Quatre couples lesbiens ont défié la cour ensemble. Une transcription des procédures est disponible sur l'internet au site : http://www.qrd.org/world/legal/lesbian.adoption. Aux États-Unis, la situation varie selon la région. J'invite celles qui sont intéressées à en apprendre davantage à lire un très bon article de la revue American Parenting (juillet/août 2000), que nous avons à la bibliothèque de l'AML. Dans les Pays-Bas, l'adoption par des co-parents est, bien entendu, légal. J'ai cru comprendre aussi qu'une telle adoption a aussi été approuvée en Israël. Le débat se poursuit en France. Il me semblerait que les scandinaves homosexuels peuvent aussi adopter, quoique je n'ai pas encore recherché des informations. Pour ce qui est des autres pays, mieux vaut ne pas y songer. Au Québec, la loi 32, adoptée en juin 1999, allouait le statut de conjoints de fait aux couples gais et lesbiens. La loi fédérale C32, adoptée un an plus tard, nous donnait aussi les mêmes droits et obligations que les conjoints de fait hétérosexuels. Aucune de ces lois, par contre, traite de mariage ou d'adoption. L'adoption par des co-parents n'est pas encore permise au Québec. Quelques-uns d'entre nous ont obtenu diverses ententes légales, soit en ayant recours à la cour ou aux notaires, qui reconnaissent le parent non biologique à divers degrés. Pourquoi est-il nécessaire de fonctionner ainsi ? D'abord, les liens biologiques ont une importance suprême dans notre système légal. Par exemple, les parents, les frères et les soeurs d'une mère biologique lesbienne (incluant les grands-parents, les oncles et les tantes) ont aujourd'hui davantage de droits légaux par rapport aux enfants que la mère non biologique. Cela signifie que si la mère biologique devient trop malade pour s'occuper de ses enfants ou meurt et la famille biologique des enfants décide de prendre le relais, celle-ci aura probablement la garde de l'enfant (ou à tout le moins d'importants droits de garde) et ce, même si elle n'a presque pas été impliquée dans l'éducation des enfants et la mère non biologique a élevé les enfants de façon active depuis leur naissance. Mises à part les questions de garde, en quoi sommes-nous mal protégées ? 1) la mère non biologique ne peut prendre des décisions médicales concernant l'enfant (signer des documents) même dans le cas d'une urgence ; 2) la mère non biologique ne peut traverser une frontière internationale avec l'enfant. Elle peut être arrêtée pour kidnappage. Un document signé par un notaire est nécessaire chaque fois qu'elle désire traverser la frontière avec ses enfants. Elle doit obtenir un nouveau document chaque fois ($$$). Certaines gens réussissent à traverser, mais cela ne prend qu'un douanier zélé ou de mauvaise humeur pour que vous vous retrouviez dans l'eau chaude. De plus, les deux noms des mères ne peuvent apparaître sur le certificat de naissance ou le passeport (ce que les couples hétérosexuels font, surtout aujourd'hui alors que les femmes prennent rarement le nom de famille du mari) ; 3) la mère non biologique ne peut signer des documents de l'école (quoique cela dépend probablement des administrateurs) ou tout autre formulaire institutionnel ; 4) la mère non biologique n'est assurée d'aucun droit si le couple se sépare. La mère biologique peut non seulement refuser la garde partielle mais auusi des droits de visite si elle le désire. La mère non biologique risque fort de perdre en cour ; 5) d'autre part, la mère non biologique n'a aucune responsabilité envers l'enfant si le couple se sépare. Vous avez entendu parler de pères irresponsables recherchés par les autorités parce qu'ils ne paient pas la pension alimentaire ? Et bien, les mères non biologiques irresponsables sont légalement irréprochables. Les documents auxquels nous avons droit aujourd'hui nous protègent en ce qu'ils dictent les intentions originelles du couple lesbien en rapport à leurs enfants. Si des problèmes devaient survenir, un juge peut lire ces documents et prendre connaissance des intentions premières de la mère biologique et de sa "partenaire" (les mères non biologiques sont rarement reconnues en tant que parents). Si un père biologique est présent, un juge lui allouera probablement plusieurs droits, peu importe l'insignifiance du rôle qu'il aurait pu jouer en tant que parent, si celui-ci peut prouver qu'il ne cause aucun danger aux enfants. Au moins les mères non biologiques peuvent être perçues comme étant importantes pour le bien-être de l'enfant et des juges rendent apparemment des décisions qui abondent souvent dans les meilleurs intérêts des enfants. Par conséquent, si une mère non biologique peut démontrer qu'elle a joué un rôle important dans la vie de l'enfant, elle obtiendra probablement certains droits (si toutefois elle a un bon avocat et que le juge n'a pas de préjugés). Voilà pourquoi ces documents ont une certaine valeur. En somme, les documents que les plus prudentes parmi nous ont obtenu à ce jour sont importants mais ils ne sont pas à toute épreuve. Beaucoup dépend de la bonne foi des autres et d'une bone dose de chance. Ce dont nous avons réellement besoin au Québec est un précédent dans l'adoption par un co-parent. Qu'est-ce qui nous bloque le chemin ? Le premier obstacle est que le Québec possède un système légal différent de celui des autres provinces. Toutes les autres provinces se servent du droit coutumier, tandis qu'au Québec c'est le droit civil qui prévaut. Sans entrer dans les détails juridiques, j'ai pu apprendre au cours des dernières années que, quoique nous ne sommes supposément pas discriminés par le droit civil en tant que gais et lesbiennes, nous le sommes bien sûr en rapport à l'adoption. Une mère non biologique peut facilement adopter les enfants biologiques de sa conjointe...seulement si cette dernière renonce à ses droits parentaux. La notion qu'il ne peut y avoir qu'une mère et qu'un père à la fois persiste dans le droit civil. Évidemment, cette notion est discriminatoire, puisque dans les familles lesbiennes il y a toujours deux mères et parfois plus. Comme vous pouvez vous l'imaginer, la situation peut devenir compliquée. Pensez au cas d'une lesbienne qui a eu des enfants dans une relation hétérosexuelle, qui découvre son homosexualité plus tard et rencontre une femme qui joue éventuellement un rôle de parent (en tant que mère non biologique) pour plusieurs années, qui se sépare de sa conjointe et qui rencontre une autre femme. Ajoutez à cela la possibilité que le père biologique ait une autre conjointe et que les deux jouent aussi un rôle actif dans l'éducation des enfants. Nous en sommes à cinq parents. Combien peuvent être reconnus légalement ? De toute évidence, des directives doivent être établies pour mieux refléter les situations actuelles. D'un autre côté, je ne crois pas que j'élaborerais le scénario de cinq parents à un étranger, puisque ce n'est pas la norme pour la plupart et peut être difficile à saisir. Il reste toutefois que si ce scénario se déployait sur une période de dix-huit ans, il est possible que toutes ces personnes aient été des parents stables, significatifs et aimants. Comme on dit, ça prend un village pour élever un enfant... En fait, le même type de scénario peut s'appliquer à ce que l'on nomme 'familles hétérosexuelles reconstituées' pour lesquelles les lois n'accordent pas le même statut aux nouveaux époux si les deux parents biologiques sont en vie et raisonnablement normaux. Peut-être est-ce le temps que notre système légal se réveille et commence à se pencher sur les nouvelles réalités (tant gaies que straight), au lieu de se restreindre à un modèle nucléaire qui ne s'applique qu'à peu de familles aujourd'hui. Si une adoption par un co-parent était approuvée dans notre province, cela créerait un précédent important et résoudrait de façon immédiate le problème pour les autres familles québécoises créées par le biais de banques de sperme. Ça ne serait, toutefois, qu'un progrès modeste. Plusieurs de nos familles ne sont pas si simples. Qu'en est-il d'un ami qui a donné de son sperme et qui renonce volontairement à ses droits ? Les cas de pères biologiques qui s'impliquent à divers degrés devront aussi être considérés. Je me demande si une forme de protection légale de la mère non biologique serait possible tout en ne menaçant pas les droits ou obligations du père biologique. Une fois l'adoption par des co-parents est bien acceptée et comprise par les juges, l'idée d'allouer des droits et obligations aux parents non biologiques dans différentes sortes de familles sans nécessairement accorder une adoption devrait être plus acceptable. Il y a aussi l'adoption traditionnelle par le biais d'une agence d'adoption (par exemple, Batshaw Youth and Family Services), où les deux femmes, et non seulement une, devraient pouvoir adopter légalement, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ce cas suit de près les autres. L'adoption internationale, toutefois, est plus compliquée puisqu'elle reflète les lois du pays d'origine de l'enfant ainsi que celles du pays d'adoption. Il n'y a donc pas beaucoup d'espoir dans ce cas. Pour de nombreuses femmes, la reconnaissance légale de notre statut en tant que parents aura un aspect psychologique et émotionnel bénéfique. Nous savons que nous sommes des parents. Nos enfants le savent aussi. Mais il reste que nous vivons dans une société où, aux yeux de plusieurs, la reconnaissance légale constitue une forme de validation de nos familles. Une demande d'adoption par un co-parent ou, de façon générale, la demande de droits pour les parents non biologiques qui sont intimement impliqués dans l'éducation des enfants constitue une mesure préventive qui sert les meilleurs intérêts de nos enfants. Il va sans dire qu'il reste encore quelques batailles juridiques devant nous.