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Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
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Compte-rendu
Comprendre la nécessité du
management alternatif
Par Roland Vaxelaire
Directeur Qualité, Responsabilité
et Risques du Groupe Carrefour
Séminaire Roland Vaxelaire
24 septembre 2007
Majeure Alternative Management – HEC Paris
Année universitaire 2007-2008
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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Genèse du compte-rendu
La Majeure Alternative Management, spécialité de dernière année du programme Grande
Ecole d’HEC Paris, organise conjointement avec Roland Vaxelaire, Directeur Qualité,
Responsabilité et Risques du Groupe Carrefour, un ensemble de séminaires destinés à donner
la parole sur la question du management alternatif à des acteurs jouant un rôle majeur dans le
monde de l’économie.
Ces séminaires font l’objet d’un compte-rendu intégral, revu et corrigé par l’invité avant
publication.
Les séminaires Roland Vaxelaire sont organisés sur le campus d’HEC Paris et ont lieu en
présence des étudiants de la Majeure Alternative Management et du Master Spécialisé
Management du Développement Durable et de leurs responsables.
About the “minutes”
The Major Alternative Management, a final year specialized track in HEC Business
School of Paris, organises jointly with Roland Vaxelaire, Director of Quality, Responsibility
and Risk in Groupe Carrefour, a series of seminars where major business actors are given an
opportunity to express their views on alternative management.
These workshops are recorded in full and the minutes are edited by the guest speaker
concerned prior to its publication.
The Roland Vaxelaire workshops take place in HEC campus in the presence of the
students and directors of the Major Alternative Management and the Specialised Master in
Sustainable Development.
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R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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Comprendre la nécessité du management alternatif
Présentation de l’auteur : Après avoir fait des études en Belgique, à l'Université de Louvain
puis un MBA à Chicago, Roland Vaxelaire travaille huit ans chez Nestlé dans les fonctions
commerciale, ventes et marketing. Il rejoint ensuite Danone pendant 10 ans, dans le marketing
d'abord puis comme Directeur général de la branche bière en Belgique. Il reprend ensuite la
Direction d'un grand Groupe de distribution belge, GB qu’il vend à Carrefour. Après avoir été
Directeur Qualité et Développement Durable, Roland Vaxelaire est aujourd'hui Directeur
Qualité Responsabilité et Risques pour l'ensemble du groupe Carrefour.
Résumé : Dans ce séminaire, Roland Vaxelaire présente les objectifs du cycle de conférences
qu’il organise avec Eve Chiapello, co-Responsable de la Majeure Alternative Management.
Pourquoi est-il nécessaire de penser à un autre mode de management compte-tenu des
transformations qui s’effectuent à l’échelle mondiale ? Ces transformations se font à trois
niveaux : les enjeux sont de plus en plus mondiaux et les structures étatiques sont mal
appropriées pour y faire face ; les entreprises privées sont mises devant leurs responsabilités
et doivent faire face à ces enjeux dans leurs gestions quotidiennes ; et pour se faire le type de
management d’hier (hiérarchique) est amené à évoluer. C’est dans cette optique qu’il propose
de rencontrer des managers qui ont intégré cette nouvelle vision du monde et en ont tiré les
enseignements dans la gestion et le leadership de leurs entreprises. Tels sont les fils
conducteurs de la présentation de Roland Vaxelaire.
Mots-clés : management alternatif, développement durable, gouvernance, leadership.
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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Understanding the needs for alternative management
Introducing the author : After completing his studies in Belgium and an MBA in Chicago,
Roland Vaxelaire has worked for eight years for Nestlé in commercial and marketing fields.
Afterwards he has worked for Danone for ten years first in marketing then as head of the beer
sector in Belgium, before taking over a major Belgian group of distribution, GB, that he sold
to Carrefour later on. Since then, he has been working as quality and sustainable development
director before ending up in his current position as director of responsibility and risks in
quality for the entire Carrefour group.
Abstract : In this seminar, Roland Vaxelaire presents the objective of the series of conferences
that he and Eve Chiapello, in charge of the Major Alternative Management, put together.
Some questions are to be raised: why is it necessary to think of new ways of managing
companies, given the major modifications that the world is undergoing?
These changes are threefold: the issues are taken into account at a world-wide level since the
local structures are not capable of dealing with them any more; the private firms are facing
everyday matters and have to take on the responsibility. Thus, in such a context, yesterday’s
hierarchical management has to be rethought.
To this end, Roland Vaxelaire proposes to gather managers that have learnt from the
managing of their own firms and integrated this new logic.
Key words: alternative management, sustainable development, leadership, management
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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PRESENTATION de Roland Vaxelaire
Introduction
Bonjour à tous. Dans un premier temps, je vais essayer de vous faire comprendre pourquoi
Eve Chiapello et moi-même avons décidé de monter ce cycle de conférences. L'idée nous est
venue que le témoignage était un bon moyen de vous faire ressentir et comprendre ce qu'était
l'Alternative Management. Ce qui est surtout intéressant, c'est la façon dont vous pourrez vous
approprier ces témoignages, les utiliser pour votre avenir et, dans ce cadre, de revisiter les
matières classiques (Marketing, Finance, RH…) avec un œil critique. Je vais commencer par
me présenter. J'ai fait mes études en Belgique, à l'Université de Louvain qui équivaut à une
École de Commerce. Après l'I.A.G., j'ai fait un MBA à Chicago. Par la suite, j'ai travaillé huit
ans chez Nestlé dans les fonctions commerciales, ventes et marketing. J'ai ensuite travaillé 10
ans chez Danone, dans le marketing d'abord puis comme Directeur général de la branche bière
en Belgique. Après, je suis entré dans la distribution pour reprendre la Direction d'un grand
Groupe de distribution belge qui s'appelle G. B., qui était familial et que j'ai repris au moment
où il s'accolait à un grand groupe qui s'appelait à l'époque Promodès, Les Magasins Continent.
J'ai vendu l'affaire à Carrefour et je me suis donc retrouvé chez Carrefour. Je suis resté deux
ans en Belgique pour diriger les opérations Belge. Et puis, j'ai pris la Direction Qualité et
Développement Durable et enfin aujourd'hui la Direction Qualité Responsabilité et Risques
pour l'ensemble du groupe. Voilà mon parcours professionnel.
Nous allons essayer de comprendre aujourd'hui pourquoi le management doit être regardé
d'une façon différente. Dans ma présentation, vous allez retrouver un certain nombre
d'ouvrages et d'articles qui viennent d'interviews avec Mc Kinsey ou encore du livre 20 défis
pour la planète, 20 ans pour y faire face de Jean-François Richard de la Banque Mondiale ou
encore de Patrick Viveret dans « pourquoi ça ne va pas plus mal ? ». Il y a également La
Valeur des idées : De la créativité à la stratégie en entreprise de Luc de Brabandere Partner
chez BCG Consulting.
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Les changements de l’ordre mondial
Je vais commencer par vous donner trois idées tirées du livre de Jean-François Richard.
La première idée, c'est que nous sommes en train de terminer un cycle. Nous sommes faces
à de nouveaux enjeux pour l'entreprise, mais également pour les gouvernements, les O.N.G. et
finalement, j'ai envie de dire, pour toute entreprise humaine. D'une façon très globale, vous
avez aujourd'hui un changement considérable qui est en train de se mettre en place. Nous
voyons deux choses qui sont évidentes. Mais je ne vais pas trop l'approfondir car vous aurez
un cours s'y rapportant, c'est l'explosion de pays émergeants comme la Chine, de l'Inde, du
Brésil, c'est l'ouverture des frontières, c'est la création de l'Europe à 25.
La seconde idée, c'est qu'une explosion démographique se dessine. Entre 1995 et 2005, la
population chinoise est passée de 560 millions à 1,3 milliards d'individus. Cette augmentation
de la population pose la question de son alimentation et notamment de l'apport en protéines.
L'élevage industriel d'animaux, comme les porcs et les poules, pose ensuite la question des
émissions de CO2 dans l'atmosphère. En travaillant sur le SRAS et la grippe aviaire, nous
nous sommes rendus compte que le risque démographique en entraînait un autre, bien plus
crucial à court terme, qui est le risque de pandémie dans ces pays. Ce risque provient de
l’augmentation considérable du parc d’animaux (porcs et poules) et de leur cohabitation
rapprochée avec les humains. Il faut donc être bien conscient de l'incidence indirecte d’une
explosion démographique jumelée avec un changement du mode de consommation.
La troisième idée, c'est que si les enjeux sont devenus planétaire, par contre les institutions
elles-mêmes n'ont pas bougé, elles sont restées nationales, ou, au plus, multi-nation. Nous
avons toujours des entreprises, des O.N.G., des gouvernements d'État, et puis quelques
organismes internationaux mais qui n'ont pas de réel pouvoir législatif. En quelque sorte, ils
font des soft laws mais pas des hards laws.
Nous devons être bien conscients que les grands enjeux n'ont pas de frontières, tout le
monde est concerné. Je vais reprendre ici les 20 défis pour la planète exposés par JeanFrançois Richard.
En premier lieu, on peut citer les questions relatives à la planète et aux biens planétaires
communs :
•
le réchauffement planétaire,
•
la diminution de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes,
•
l'épuisement des ressources halieutiques,
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•
la déforestation,
•
la pénurie d'eau douce,
•
la pollution et la sécurisation des mers.
En second lieu, au niveau de l'humanité et des questions de société appelant à une
mobilisation mondiale, on peut citer :
•
la mobilisation massive contre la pauvreté,
•
le maintien de la paix,
•
la prévention des conflits et la lutte contre le terrorisme,
•
l'éducation pour tous,
•
la lutte contre les grandes pandémies,
•
la réduction de la fracture numérique,
•
la prévention et l'atténuation contre les grandes catastrophes naturelles. Il suffit de voir le
tsunami ou encore les régions entières de la côte Ouest des États-Unis qui risquent d'être
englouties.
Nous avons besoin d'une approche juridique mondiale sur les points suivants :
•
la redéfinition des règles fiscales pour le XXIe siècle
•
la réglementation des biotechnologies,
•
l'architecture financière internationale,
•
la lutte contre le trafic des stupéfiants,
•
la régulation du commerce, des investissements et de la concurrence économique : et on
perçoit bien la difficulté, lors des réunions internationales à l’OMC, d’arriver à un accord
international au niveau du commerce. Aujourd’hui, l’Inde, la Chine, le Brésil sont en train
de prendre le pouvoir et de rééquilibrer le commerce mondial.
•
la protection de la propriété intellectuelle : à qui appartiennent les nouvelles technologies
qui circulent sur Internet ?
•
la régulation du commerce électronique : demain, dans les textiles que l’on vous vendra, il
y aura une petite puce électronique qui permettra de suivre le vêtement depuis le
producteur jusqu’au consommateur. Qui est propriétaire ?
•
La protection des travailleurs et les migrations internationales. Il est impossible que l'on ne
soit pas confronté à de gros phénomènes de migration.
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Tous ces problèmes ne peuvent plus simplement être traités par une nation ou par une
entreprise. De plus le déséquilibre mondial se fait de plus en plus sentir. Je vous rappelle des
chiffres que vous avez certainement l'habitude de lire dans des magazines :
•
les trois personnes les plus riches de la planète possèdent plus de richesses que le PIB des
48 nations les plus pauvres (2,5 milliards de personnes).
•
1,3 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. 20% des personnes utilisent
85% des ressources en eau. (c’est le slogan du WWF).
•
Plus de 80% des français ont un téléphone portable alors que plus de la moitié de la
population mondiale n’a jamais téléphoné.
Certaines personnes pensent qu'il s'agit d'une vision apocalyptique de la situation et qu'il
faudrait des moyens colossaux pour y répondre. Je ne crois pas. J’ai choisi deux exemples
parmi la multitude qu’on trouve dans la presse.
D'après des experts américains, résoudre les problèmes sanitaires et d'eau potable dans le
monde coûterait environ 9 milliards de dollars, ce qui correspond à la valeur du marché de la
glace en Europe. Nous voyons donc bien que ce n'est pas inaccessible. De la même façon,
résoudre les problèmes de malnutrition dans le monde coûterait 13 milliards de dollars, soit
moitié moins que le marché de la nourriture pour animaux de compagnie en Europe et aux
États-Unis.
On voit bien que l’on peut présenter des chiffres pour dire que c'est possible, et que ce sont
des dimensions qui ne sont pas ingérables.
Ceci entraîne une évolution importante de nos structures de gouvernance du monde, si on
veut pouvoir répondre et proposer des solutions pragmatiques à ces enjeux.
Les transformations politiques et les problèmes de gouvernance mondiale
Au niveau politique, le modèle de l’Etat Nation prédominait. Suivant le schéma que je
présente, on voit que le système politique se situe au centre, encerclé par le système
environnemental, lui-même encerclé par le système économique. Et tout cela se tient dans un
univers restreint et clos. Dans ce système, les problèmes économiques, politiques et
environnementaux tournent autour de moi et de ma communauté. L'État-Nation peut exercer
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une gestion cohérente et facile car il contrôle tous les paramètres qui influencent son univers.
Voilà ce que l'on a connu les années précédentes. Aujourd'hui on sort de ce système. Le
contrôle des différents paramètres ne dépend plus d'un seul État. Le fait que les Russes
n'aient pas un bon contrôle sur leur industrie nucléaire entraîne des conséquences chez nous.
Cela a peut-être peu de conséquences chez eux, car il y a peu de gens qui vivent en Sibérie,
mais cela a eu des conséquences colossales en Allemagne. Et le système politique allemand
s'est trouvé désarmé. On voit bien que la problématique environnementale n'est plus
maîtrisée ni contrôlée par nos sociétés.
Si Carrefour est confronté à la concurrence des magasins environnants, il est également
confronté à la concurrence de Wal-Mart à l'international mais aussi à des distributeurs du
monde entier, en Chine, en Inde, au Bangladesh, qui créent des réseaux de distribution
parallèles. On voit bien que l'environnement et le système économique ne sont plus dans un
contexte limité et fini.
Dans la période précédente, on avait bien une séparation nette entre le secteur public et le
secteur privé. Le secteur public gérait le citoyen et le bien commun. Le secteur privé gérait sa
structure et ses produits et ne s'occupait pas du reste. Ce n'est qu'au travers de crises que le
secteur privé a commencé à prendre des responsabilités pour le bien commun. Cela s’est
traduit par l'émergence d'un syndicat et puis des O.N.G. A l’époque, il y avait une grande
différence entre le secteur privé, le secteur public et la société civile. Ces trois secteurs
étaient fortement divisés et indépendants. L'évolution est en train de se faire et les trois
secteurs sont en train de se mêler. Il est difficile aujourd'hui de prendre des décisions sans
tenir compte de l’entrecroisement de ces trois sphères.
Aujourd'hui, 147 pays ont signé la Convention des Droits de l'Homme. Mais il n’y en a
certainement pas 147 qui les respectent. Le problème est : qui fait respecter les traités et
conventions et quelles sont les sanctions concernant son non respect ? Nous sommes mal
outillés au niveau international pour pouvoir arriver à répondre à ce genre de préoccupations.
Il existe des conférences intergouvernementales et des groupements, comme le G7, le G8. On
a même parlé du G15 mais l'échec relatif de la construction de l'Europe à 25 nous fait prendre
conscience de la difficulté d’établir une gouvernance mondiale.
Pourtant les problèmes, ou les enjeux dont on parle, sont traités par ces organismes
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internationaux. C’est ce qui m’a tenté dans l’idée de développer une activité de lobby
Européen pour Carrefour, en relation avec mes fonctions de Qualité et Développement
durable. Je me suis rendu compte que 80 % des sujets traités au niveau européen dans le
lobby sont des sujets de développement durable. Nous ne parviendrons pas à penser ces
grandes questions au niveau d’un pays, même si des actions doivent être prises à ce niveau. Il
faut se mettre à les penser au niveau européen. Je ne ferai pas de la politique mais aujourd'hui
il est clair que derrière la volonté des hommes, il faut des structures et des moyens qui
permettent de gérer ce genre de problématique au niveau international, si ce n’est mondial.
Dans ce contexte l'entreprise - qui elle est confrontée à la mondialisation, soit directement
par ses implantations, soit indirectement par ses échanges - devient le centre du débat.
En faisant du commerce international, elle est confrontée à ces problématiques et c’est à
elle de prendre le relais sur un certain nombre de grandes questions. Et ce sont les pouvoirs
politiques eux-mêmes qui le demandent, car ils constatent leur impuissance.
Conjointement, on perçoit une forte crise de confiance au sein de nos institutions, qu’elles
soient publiques, privées ou religieuses au profit des ONG.
Une étude menée auprès de citoyens montre qu'aux Etats-Unis, les institutions auxquelles
les personnes font le plus confiance sont d'abord les O.N.G. puis les religions, le business, les
médias et enfin le gouvernement. Devant la disparition de l'État-Nation, les individus se
demandent à qui elles peuvent se rattacher. Il faut se demander si le fait de se rattacher à une
O.N.G. n'est pas dangereux, car on ne sait pas dans quelle mesure ce qu'elle a à dire sur
quelqu'un ou sur quelque chose est fondé. La même étude menée en Europe montre que la
hiérarchie est la même. On retrouve donc le même type de perception dans les pays
développés. En Asie et en Amérique Latine, c’est le business qui gagne en crédibilité et qui
se situe au centre du débat, ce qui signifie que dans ces pays, ce que dit l'entreprise doit être
vrai.
Le troisième point, c’est que l’on a une opinion très sensible à toutes les questions de
sécurité, d’éthique et d’environnement. Et c’est vrai tant dans les entreprises qu’à l’extérieur
des entreprises. On assiste à une interaction croissante entre votre attitude de citoyen et celle
de consommateur. Vous ne pouvez plus être indifférent à l’exigence de défendre votre
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entreprise et vos propres valeurs. Le leader devra être en accord avec ses propres valeurs (ce
qu’il enseigne à ses enfants) et la culture qu’il veut insuffler dans son entreprise. Et vous
allez finir par voir que si lui-même ne fait pas ce travail, c’est par le biais des législations que
l’on y arrivera. On peut percevoir cela à travers ce qui est en cours sur le salaire des patrons.
On assiste également à un développement du militantisme : la voix de la société civile
devient de plus en plus présente. Les parties prenantes sont plus nombreuses, plus actives et
plus professionnalisées. Il y a 10 ans, j'aurais certainement eu des difficultés à convaincre des
interlocuteurs de Greenpeace ou du WWF à venir vous parler. Aujourd’hui, les personnes qui
travaillent dans ces organisations sont des personnes qui ont fait des études, qui comprennent
nos problèmes, qui sont tout à fait à la pointe des techniques managériales pour pouvoir gérer
leur organisation et les interactions avec d'autres acteurs, que ce soient des O.N.G., des
sociétés privées ou des services publics. Aujourd'hui, ce ne sont plus des gens qui sont dans
le rêve ou dans l'utopie, mais des gens intelligents, formés et avec de la conviction. Et ce sont
les gens les plus forts à ce moment-là, parce qu'ils sont convaincus et veulent se battre pour
une valeur qu’ils défendent.
Enfin, on peut évoquer le cas des clients qui ne se privent plus d'exercer des sanctions à
l'égard des entreprises, des enseignes et des marques.
On voit bien que l'on entre dans un nouveau cycle, qui n'est pas forcément mieux ou moins
bien que le précédent mais qui signifie que l'on va devoir changer non seulement notre
manière de gérer, mais avant tout notre vision du monde et du management.
Le pouvoir des consommateurs
Si l'on demande ensuite à ces citoyens quel est leur pouvoir d'action, ils vont répondre que
la première chose est le boycoot : ils ne vont plus acheter les produits ou les services de cette
entreprise. La seconde est qu'ils ne vont plus investir dans ces sociétés. Sur ce point, on
assiste à une prolifération des fonds éthiques et d’agences de rating. Carrefour reçoit 25
questionnaires par an au sujet de fonds éthique, ce qui est énorme. La troisième chose que les
citoyens peuvent faire est critiquer, lancer des rumeurs pour nuire à la réputation et à l'image
de l'entreprise.
D’où la sensibilité accrue de l’ensemble des acteurs à la gestion des risques. En
période de crise, les médias jugent les dirigeants sur leur capacité à bien gérer et à
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communiquer. Enfin, la création de valeur associée à la gestion des risques est désormais
perçue et attendue par les administrateurs et les investisseurs.
Face à la demande de la société civile et des citoyens, on assiste à une prolifération de
réglementation de la part des gouvernements, qui récupèrent ainsi un certain pouvoir sur ces
questions. Durant les cinq dernières années, l'Europe a lancé plus de règlements et de
directives sur l'alimentation et l'environnement qu'au cours des 20 années précédentes. Le
pouvoir des citoyens en tant que consommateurs était d'ailleurs l'un des thèmes de la
campagne de Nicolas Sarkozy avec les « Class Actions », dont le principe est de dire
« mettez-vous ensemble pour attaquer l'entreprise ». Ce sont les fameux grands procès que
des grandes entreprises comme Coca-Cola ou Mac Donald's ont du affronter.
Je voudrais apporter un zoom sur les médias. Quand on parle de médias, on pense à la
Tribune, aux Echos, au Financial Times. Mais, aujourd'hui les médias, ce n'est plus ça. C’est
Internet et les blogs. Quand on pense qu'il y a 20 millions de blocs actifs dans le monde et
100 000 nouveaux blogs qui se créent par jour, on peut mesurer l'importance de ce nouveau
type de média. Il y a 10 petits films d'amateurs qui circulent sur Wal-Mart et cinq ou six sur
Tesco, et ils montrent les côtés négatifs de la mondialisation.
Face à ces attentes et à ce nouveau moyen de communication, nous vivons en tant
qu’entreprise une gestion de crise latente et continue. Une de mes fonctions est justement la
prévention du risque et la gestion de crise. Les crises ont des conséquences graves pour les
entreprises. Elles peuvent entraîner une très forte chute des ventes. Une crise sur la réputation
peut profondément remettre en cause la fierté d’appartenance des salariés à leur entreprise.
Enfin, l’atteinte à l’image de l’entreprise peut entamer la confiance de ses parties prenantes et
provoquer une forte perte de valeur.
Je vais prendre l’exemple de Wal-Mart. L'étude a été faite aux États-Unis. Nous ne
disposons pas aujourd’hui d'étude de ce type pour Carrefour. L'étude montre que les plaintes
relayées par les O.N.G., les syndicats, les grands médias, ou encore le screaning sur Internet
ont eu des effets négatifs sur l'image de Wal-Mart qui se sont répercutées sur son cours de
bourse. L'étude établit un lien indirect entre ces deux phénomènes. En mars 2003, cela a été
l'attaque pour discrimination aux États-Unis. En 2004, l’attaque sur le thème des droits aux
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travailleurs, sur le manque de diversité ou encore sur la pollution des rivières. La réputation
est alors devenue un élément central de la stratégie de Wal-Mart qui s'est rendue compte que
le développement durable était un élément crucial pour assurer la pérennité de son
développement. Cette prise de conscience s'est traduite par le départ du vice Chairman ainsi
que par un nouveau discours de communication. La nouvelle stratégie a été envisagée comme
une guerre et s’est traduite par la création d’une « war-room » ayant recours aux meilleurs
conseillers de Clinton pour prendre en compte ces exigences de la société civile. Ce que l'on
peut voir, c’est que cela a fonctionné puisque le cours de bourse de Wal-Mart a augmenté.
Carrefour achète beaucoup au Bangladesh, en Inde et au Pakistan. Depuis 1997, nous
réalisons des audits sociaux dans les usines de nos fournisseurs pour voir si les droits de
l'homme sont respectés. Wal-Mart faisait cela assez peu mais depuis un an, ils ont engagé
200 auditeurs uniquement chargés de vérifier ce qui se passe dans leurs usines. Cela est très
américain, on part en guerre et les GI se mettent en marche. Et de fait, leur cours de bourse
est en train de reprendre.
Nous devons revisiter notre environnement et être à l’écoute de l’ensemble de nos parties
prenantes. Ce que l'on va essayer de voir pendant ce séminaire, ce sont des entreprises et des
invités qui n'ont pas attendu pour agir et qui ont voulu changer l'entreprise dès le départ. Les
invités s'interrogeront sur la façon de créer de la valeur pour l'ensemble des parties prenantes.
Nous nous interrogeons également avec eux sur la raison d'être de leur entreprise. Nous
essaierons de revenir au sens profond de l’esprit d’entreprise.
Une autre notion qu'il faut avoir en tête, c'est le partage de la valeur entre les différentes
parties prenantes. La valeur ne va pas qu'aux actionnaires. Il faut prendre en compte un
ensemble beaucoup plus large de parties prenantes : les collaborateurs, les fournisseurs, les
clients, les partenaires, le personnel, les syndicats, les institutions ou encore les collectivités.
On peut regarder nos parties prenantes par le scope du compte d’exploitation, outil que tout
patron regarde de façon permanente. Tout d’abord, nous devons constater que dans un
compte d’exploitation, on parcourt l’ensemble des parties prenantes avant de parler des
actionnaires. On débute en haut du compte d’exploitation avec l'évolution du chiffre
d'affaires qui est essentielle, non pas tellement pour le chiffre qu’il représente, mais car il
permet de mesurer la satisfaction des clients, si ceux-ci ont mis une valeur sur le service et/ou
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le produit qu’on leur a vendu. Le plus important finalement, ce n'est pas combien j'ai gagné,
mais c'est la satisfaction que le consommateur a du service ou du produit que je lui délivre.
Car, on l’a vu, la satisfaction du consommateur est primordiale. Ensuite, on a le coût des
produits vendus qui nous montre la relation qu’on a avec nos fournisseurs. Ensuite notre coût
du personnel, qui ne peut se résumer à un salaire mais bien à une responsabilité plus large
vis-à-vis du personnel, qui consiste à le former, à lui donner la possibilité de grandir et de
prendre de nouvelles responsabilités. Une grève ou un personnel peu motivé peut coûter très
cher à l’entreprise. Si on descend dans le compte d’exploitation, il y a la ligne impôts.
J'entends souvent que « moins l'on paye d'impôt, mieux c'est ». J'ai toujours été surpris par ce
discours tenu par les grands patrons lors de leur rendez-vous comme à Davos. Ils sont prêt à
aller dans les pays où il y a les meilleures infrastructures, les meilleurs réseaux de
communication mais où les taxes sont les plus basses. Je trouve que c'est aberrant de tenir un
pareil discours. Il me semble évident qu'un pays ne peut pas avoir de bonnes infrastructures
s'il n'a pas d'argent pour les créer. Il ne faut pas commencer à dire qu'il faut payer moins de
taxes. Il faut justement payer assez de taxes pour avoir les infrastructures que l'on veut.
Carrefour ne peut s'implanter que s'il existe de bonnes infrastructures de communication et
des routes convenables. Il nous faut des routes pour avoir accès au magasin, et nous
distribuons de l'information avant de distribuer des produits. Ce sont donc des choses
essentielles pour notre métier.
Maintenant chaque relation que l'entreprise a avec l'une des parties prenantes peut être
porteuse de risques. Ces risques peuvent être politiques, sociaux, financiers, éthiques,
juridiques, opérationnels etc… Et le seul moyen de prévenir ces risques, c'est d'avoir une
vision différente du monde d’aujourd’hui et donc du mangement de ses risques. D’être
préventif ou proactif, prendre en compte ces nouveaux éléments, et gérer son environnement
aux profits de l’ensemble des parties prenantes.
L’évolution des modèles de management
Les modèles de management doivent s’adapter aux évolutions du monde actuel. Les
structures et les façons de travailler ne sont plus adaptées.
Dans le modèle pyramidal, la personne qui est au-dessus exerce un contrôle sur la base au
moyen de règlements et de discipline. Vous connaissez bien le grand adage qui dit que celui
qui a l'information a le pouvoir. Et bien, dans ce modèle, le patron impose au plus grand
nombre les décisions qu'il prend, et la majorité des personnes reste dans une forme
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d'ignorance des raisons de ces décisions. Dans ce contexte, le champ de vision de l'entreprise
et du projet commun reste assez limité pour l'ensemble des personnes qui travaillent dans la
structure. Dans un monde où l'on n'avait pas réellement de vision sur ce qui se passait loin de
chez nous, ce modèle pouvait encore fonctionner.
Mais les progrès de l'éducation et des moyens de communication ont changé le contexte.
Aujourd’hui, l'information est disponible partout et on assiste dès lors à une volonté de casser
ce côté hiérarchique des organisations privées et publiques. Comme vous n’êtes plus maîtres
de l'information, vous devez prendre en compte la motivation des gens, et leurs propres
perceptions de l’information. La notion de contrat émerge : l’important n’est pas la place que
vous allez avoir dans l'organisation mais le lien que vous allez créer avec les différentes
parties prenantes. Vous en arrivez à passer des sortes de contrats de performance et
d'objectifs avec eux. Vous êtes beaucoup plus dans des relations de coaching et d'aide que
dans des relations de hiérarchie, de pouvoir et de contrôle sur les gens. Vous devez avoir la
volonté de devenir des leaders, d'exercer un véritable leadership qui vous impose de voir
l’organisation comme un Atome ou ce sont les liens entre les particules qui sont essentiels, et
non les particules elles-mêmes.
La complémentarité entre le développement durable et le management alternatif
Je vais essayer de montrer maintenant la complémentarité entre le développement durable
et le management alternatif. Le développement durable recouvre une multitude d'aspects.
Une entreprise peut venir au développement durable en essayant de se conformer aux
nouvelles lois qui se créent, comme je l'ai déjà évoqué. La réduction de la consommation
énergétique constitue également un bénéfice économique pour l'entreprise. En termes de
marketing, l'entreprise peut également développer de nouvelles gammes. On voit cela avec
toutes les nouvelles gammes de produits éthiques qui sont en train d'être lancées. On peut y
venir pour une gestion des risques de façon préventive ou encore dans l’objectif de donner du
sens à ses collaborateurs, mais pour moi la vraie bonne raison de rentrer dans le
développement durable est la prise de conscience par le CEO et la haute direction du Groupe
de voir le monde autrement et de vouloir être des leaders inspirants qui sont en parfaite
symbiose entre leurs propres valeurs et la culture qu’ils veulent donner à l’action de leurs
entreprises.
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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On retrouve cette idée de double changement dans le livre de Luc de Brabandère, La valeur
des idées. Il montre comment l’innovation se fait progressivement à la suite d’un double
changement ; d’abord un changement de perception de la réalité et ensuite un changement au
niveau de la création.
Pour moi, le développement durable va traiter le « Comment » du changement. On va
regarder comment celui-ci peut s’opérer dans l’entreprise. A titre d’exemple, on va retrouver
les innovations-produits, les actions de productivités dans le domaine de l’énergie, ou des
actions pour faire vivre les Valeurs....
Le Management Alternatif lui va plutôt traiter le « Quoi », ou le « Pourquoi » et « Avec
Qui » du changement. Elle se portera plus sur les questions de missions, d’ambition de
l’entreprise. Elle va vouloir jeter un regard nouveau, critique qui peut remettre en cause les
paradigmes existants et regarder les fonctions classiques de l’entreprise de façon critique, en
y apportant sa vision éthique de ces domaines. Elle va se poser les questions de gouvernance,
pas seulement dans le cadre de la gestion du conseil d’administration mais en revisitant la
mission même de l’entreprise : qui doit en être le porteur et au profit de qui cette mission doit
se faire ? Cela va demander un changement de vision, un esprit de discernement et de sens
critique, le fait de pouvoir se dire qu'on peut se mettre en opposition par rapport aux règles en
vigueur : le fait de pouvoir changer les paradigmes existants. Vous verrez cela avec Franck
Riboud lorsqu'il vous parlera du projet qu'il a monté avec Muhammad Yunus. Il n'a pas pu
monter une usine comme il avait l'habitude de le faire chez Danone. Il a été son propre
critique. Philippe Joffard, le président de Lafuma, qui interviendra également lors de ce
séminaire m'a dit : « la créativité de mes collaborateurs a changé lorsque j'ai moi-même
changé ma perception des choses. » Ce que ce séminaire va vous montrer, c'est comment ces
patrons ont pu changer la perception et la réalité des choses.
Durant ce séminaire, vous écouterez donc Guibert del Marmol qui interviendra le 24
Septembre 2007, Philippe Joffard, le président de Lafuma le 8 octobre 2007, Frank Riboud,
le Président de Danone le 19 Novembre 2007, François Lemarchand, le président de Natures
et Découvertes le 10 décembre 2007 et enfin Cédric du Monceau, administrateur du WWF
France le 26 novembre 2007.
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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Questions posées à Roland Vaxelaire
Une étudiante : Je me demandais comment vous arriviez à gérer les contradictions qui
apparaissent entre des consommateurs qui attendent des prix de plus en plus bas, des
producteurs qui veulent être rémunérés justement pour les services rendus et des
actionnaires qui demandent des taux de rentabilité maximum.
Roland Vaxelaire : C'est vrai que le développement durable et le management alternatif
consistent à gérer des paradoxes et à faire des compromis pour que chacun y retrouve son
compte et que tout le monde soit gagnant. Effectivement, ce compromis rassemble des
objectifs qui peuvent être complètement contradictoires, comme vous le disiez à juste titre.
Néanmoins, l’enjeu de l’entreprise, et la condition pour être durable est d’être
économiquement rentable : sinon ce n’est plus du développement durable mais de la
philanthropie et pour cela, il y a des fondations. Ce qu’on doit faire c’est prendre une
décision économiquement rentable et responsable qui permette à la personne qui l’a prise de
pouvoir expliquer sa décision, son compromis et qu’il se sente « droit dans ses bottes ».
Lorsqu'on demande à Franck Riboud comment il peut admettre d'avoir un projet social et
économique tout en licenciant des gens, il répond qu'il doit continuer à être économiquement
rentable et que s'il ne licencie pas des gens aujourd'hui, c'est demain toute son entreprise qu’il
devra fermer. Mais la différence qu’il établit, c'est dans l’accompagnement de ceux dont il
va se séparer. C'est comme ça qu'il a créé, il y a 20 ans de cela, ces fameuses Antennes
Emploi qui font que 98 % des gens dont Danone se séparent ne se retrouvent pas seuls devant
leurs problèmes d'emploi. Ces antennes proposent aux personnes licenciées des aides pour
retrouver du travail ailleurs. Je pense donc que ce n'est pas antinomique.
Un étudiant : Dans le prolongement de cette question, je voulais avoir votre opinion sur la
grande distribution, dans l’idée que peuvent se faire les consommateurs sur la valeur réelle
des choses. Quand on prend un prospectus Carrefour aujourd'hui, on est persuadé que le
bon prix pour un T-shirt est cinq euros et on sait très bien que pour avoir ces prix-là, la
fabrication est nécessairement réalisée en Chine dans les conditions que l’on sait. Le
corollaire de cela et que la perception sur la valeur des choses est faussée et que cela
encourage le développement de ces marchés au détriment de le production locale en France
ou en Europe. Je me rappelle d'une campagne d’il y a quelques années qui avait pour
slogan : « nos emplettes sont nos emplois » et qui a complètement disparu. Et je me
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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demandais pourquoi Carrefour, dans sa démarche de « mieux consommer autrement » ne
mettait pas en place par une signalétique sur les produits faits en France et contribuant à
créer de l'emploi local.
R.V : Chez Carrefour, ça existe. Vous avez par exemple dans les produits frais « les
Engagements Qualité Carrefour » qui sont des gammes de produits (poissons, viande, fruits
et légumes) en plein développement et qui se développent dans tous nos pays. Ce sont des
produits qui sont fabriqués avec des producteurs locaux et des méthodes traditionnelles, qui
ont des cahiers des charges stricts pour permettre un prix juste pour l’ensemble de la chaine
et avec des contrats sur du long terme, mais qui en plus favorise la préservation de
l’environnement et dans le respect d’une agriculture responsable. Ce sont aussi tous les
produits Reflets de France qui eux ne sont réalisés qu’en France, par de petits producteurs
dans leur région d’origine et avec la méthode souvent ancestrale ou traditionnelle.
Maintenant, ce qui manque aujourd’hui, c’est une bonne communication pour le
consommateur autour de ces offres. On doit renforcer cette forme pédagogique et vous
expliquer où sont fabriqués les produits et comment ils sont fabriqués. On a une pédagogie à
mettre en place. Mais soyons réalistes, vous n'empêcherez pas des produits d'être importés de
Chine. La Chine n'arrêtera pas de se développer. Je pense que vous avez raison mais que
Carrefour fait des actions dans ce sens. Pour tout ce qui est de l'alimentaire, plus de 80% des
produits sont quand mêmes fabriquées localement.
Un étudiant : L'an passé, les éleveurs de porcs manifestaient parce qu'ils vendaient leur
porc à un euro le kilo et qu'on le retrouvait à sept euros chez Carrefour. Cela pose la
question de la marge. Aujourd'hui, Intermarché fait une campagne pour dire aux
consommateurs que ce n'est pas lui qui va payer l'augmentation des matières premières.
Conclusion : c'est donc le fournisseur. Quelle est donc l'éthique dans cette logique ?
R.V : Je pense que la seule manière de placer l’éthique dans nos relations commerciales c’est
de travailler sous une forme de contrat ou l’ensemble des parties y trouvent un intérêt. La
concurrence est une notion horizontale entre Producteurs et Distributeurs. Et j’essaie d’avoir
des contrats à long-terme pour permettre à ce producteur que j’ai choisi d’être pérenne et de
continuer à me livrer, et à donner la qualité que j’ai exigée et demandée par des contrats à
long-terme. On a des contrats avec les éleveurs de porcs en France qui sont plus avantageux
en termes de prix, pour eux comme pour nous et le consommateur, c’est d’ailleurs pour cela
qu’ils restent avec nous. Parce que l’on essaie justement de faire ce que vous dites. Nous
R. Vaxelaire – « Comprendre la nécessité du management alternatif » – Sept 2007
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nous efforçons d’être éthiques, c'est-à-dire d’être droit avec nous-mêmes, de pouvoir assumer
notre responsabilité et de pouvoir expliquer notre décision de façon franche et transparente.
Alors, c’est vrai qu’on ne peut pas être parfaits quand on a 500 000 collaborateurs, qu’on est
dans 30 pays, qu’on a 15000 magasins et qu’on est toujours tiraillé par deux types de logique,
entre la satisfaction des producteurs et celle des consommateurs. C’est la difficulté d’avoir
plusieurs parties prenantes à satisfaire.
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