Avant la représentation

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Avant la représentation
THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Box Office
29/03/13
(à laisser vide pour la maquette de couverture)
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen
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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Box Office
29/03/13
―SOMMAIRE―
Première partie : avant la représentation
Avertissement
3
PREMIERE PARTIE LES PERSONNAGES
I/ Des adolescents d'aujourd'hui
4
1) La présentation des personnages dans le prologue
4
2) Un objet essentiel : le portable
6
3) Des rêves de lumière
7
II/ Un langage propre aux adolescents
10
1) Étude des premières répliques
10
2) Un langage proche du parler oral
10
3) Les mots anglais
12
4) Un langage musical
13
III/ Les personnages adultes dans le prologue
15
DEUXIEME PARTIE MENSONGE, DOUBLE JEU ET ILLUSION
I/ Apparences et réalité
16
1) L'illusion théâtrale
16
2) La "vérité" des personnages
17
3) Le coup de théâtre perpétuel
18
II/ Le travestissement
20
1) L'image de la star
20
2) Le rôle de la star
21
3) Se travestir, pour quoi faire?
22
III/ Le théâtre dans le théâtre
23
1) Les adultes acteurs, les adolescents spectateurs
23
2) La fin de la pièce : une tragédie?
24
TROISIEME PARTIE UN TEXTE A LA FRONTIERE DES GENRES
I/ Entrées dans le cinéma
25
1) Réfléchir au sens du titre
25
2) Une didascalie qui nous fait basculer dans un autre univers
27
II/ Du théâtre d'espionnage à la théorie du complot
28
1) Box-office, théâtre d'espionnage
28
2) La théorie du complot
29
3) Un pastiche du genre
29
III/ Le cinéma d'adolescent
32
1) Un parcours initiatique raté
32
2) Des ados, du sang et Scream
33
BILAN
36
Pièces à vivre : une série de dossiers pédagogiques conçus en partenariat par la Délégation Académique à
l’Action Culturelle de l’Académie de Caen et les structures théâtrales de l’académie à l’occasion de spectacles accueillis
ou créés en Région Basse-Normandie.
Le théâtre est vivant, il est crée, produit, accueilli souvent bien près des établissements scolaires ; les dossiers
des « Pièces à vivre », construits par des enseignants en collaboration étroite avec l’équipe de création, visent à fournir
aux professeurs des ressources pour exploiter au mieux en classe un spectacle vu. Divisés en deux parties, destinées
l’une à préparer le spectacle en amont, l’autre à analyser la représentation, ils proposent un ensemble de pistes que les
enseignants peuvent utiliser intégralement ou partiellement.
Retrouvez ce dossier, ainsi que d’autres de la même collection et des ressources pour l’enseignement du
théâtre sur le site de la Délégation Académique à l’action Culturelle de l’Académie de Caen :
http://www.discip.ac-caen.fr/aca/
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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Box Office
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Avertissement
Si le théâtre est un art du présent, du vivant, écrire un dossier semblable, sur une pièce en cours d’écriture et
en instance de création, dans le bouillonnement de l’invention, est un exercice stimulant. Plus encore ici, puisque la
particularité du texte inédit de Damien Gabriac, Box Office, est de distiller le suspense, de susciter des attentes pour
mieux les dépasser et surprendre ; l’intrigue de la pièce elle-même est donc partie intégrante de cette économie de la
surprise, du décalage, de l’imprévu.
A cette proposition dramatique engageante et surprenante répond un vertige pédagogique : préparer le
spectacle sans l’épuiser, mettre à disposition des enseignants des outils d’analyse tout en conservant à la création
théâtrale son potentiel d’étonnement.
Défi relevé : d’une part, ce dossier prépare et suscite les attentes des élèves en amont de la représentation
sans déflorer à l’excès l’intrigue. La première partie joue particulièrement ce rôle.
De l’autre, sont aussi conçus des travaux d’exploitation pour la classe, qui approfondissent davantage le texte
et ses ressorts, à destination des professeurs. A ces derniers, bien entendu, de faire le meilleur usage possible de ses
connaissances pour guider et anticiper le travail sans déparer le moment de la représentation de ses prestiges.
Nous remercions chaleureusement Damien Gabriac d’avoir accepté que soient reproduites les premières pages
de son texte, exploitées dans ce dossier ; vous les retrouverez en annexe.
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PREMIERE PARTIE : LES PERSONNAGES DE LA PIECE
I/ Des adolescents d'aujourd'hui ?
Box Office a été écrite pour être présentée dans le cadre du festival ado de Vire. Damien Gabriac a parfaitement
conscience qu'écrire pour un public adolescent implique des contraintes notamment au niveau de l'écriture et
des personnages. Dans l'interview effectuée avant l'écriture de la pièce, il affirme vouloir que les adolescents
qui viendront voir la pièce se reconnaissent immédiatement à travers les personnages, leur langage, leurs
désirs...Cette préoccupation de l'auteur est tellement importante qu'il a passé plusieurs semaines en immersion
dans des établissements scolaires de Vire.
Il sera intéressant d'observer avec les élèves, à travers différentes activités, si Box Office est bien une pièce qui
parle d'eux, qui parle comme eux et qui évoque leur univers et leurs aspirations.
Les quatre personnages principaux de la pièce sont des adolescents, comme l'indiquent leurs âges. Leurs prénoms
pourtant, Lucky, Marl, Chester et Cam, ne sembleront pas proches aux élèves car ils évoquent plutôt un univers
américain.
1/ La présentation des personnages dans le prologue
Activité : lire le prologue avec les élèves et leur demander de noter tout ce qu'on apprend sur les personnages. On peut
remarquer pour commencer que cette présentation des personnages se fait à travers des moyens modernes : le
téléphone portable et la caméra qui passe de mains en mains et leur permet de faire un autoportrait.
On regroupera leurs réponses sous un tableau :
Ce que nous savons d'eux, ce qu'ils disent, ce Ce qu'on peut en conclure
qu'ils font
Lucky
- a un prénom à consonance anglo-saxonne
- onomastique : être "lucky", c'est avoir de la
chance...
- se définit elle-même comme "trop forte en math, en - une fille intelligente
physique, en chimie"
- "trop forte aussi physiquement"
- une fille qui a des problèmes de poids, dont elle est
- "je m'habille en noir pour dissimuler ce qui est consciente, dont elle souffre
dissimulable"
- "j'ai perdu ma mère quand j'étais petite"
- une orpheline
-"je viens si tu m'épouses"
- une fille amoureuse d'un garçon qui ne ressent pas
les mêmes sentiments
- Cam : Piscine ce soir? Chez V.M? Wouhhhh!! / - une fille qui a des amis, qui organisent quelque
Lucky : Whou.
chose d'exceptionnel pour son anniversaire. Mais,
elle ne déborde pas d'enthousiasme.
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- "comme il veut pas m'épouser, je vais devenir une - une fille qui n'est pas dénuée d'humour... noir.
serial killeuse et tuer la moitié de la planète"
CONCLUSION : le prénom qu'elle porte paraît
cruellement ironique. Lucky n'a pas eu de chance
jusqu'à présent.
Mais, c'est son anniversaire. On peut
légitimement attendre un développement plus
satisfaisant pour ce personnage.
Marl
- « ce soir/ Pour l’anniv de Lucky ? Chez VM ? »
- organise la soirée chez VM, a tout prévu, sait qu’elle
- « Cam : Il demande si elle es pas là. Marl : ne sera pas là.
Normalement on. C’est sûr même »
- « Non je ne t’épouse pas. »
- ne semble pas avoir de sentiments pour Lucky
-« Ma passion, c’est le cinéma, voir, filmer, je filme - passionné de cinéma, fou de technologie
tout ce que je vois. »
- « J’ai un frère, il a trente ans bien bien passés, et il - juge son frère comme un raté parce qu'il vit toujours
vit toujours à la maison. C’est style the méga looser chez ses parents. Cela nous permet d'avoir déjà une
de la terre. Il est livreur dans une pizzéria »
première image de Philippe.
CONCLUSION : un garçon organisé, passionné de
technologie, qui juge facilement les autres (cf.
son avis sur Chester), un peu provocateur.
Chester - Chester téléphone à sa sœur : Allô. Ouais. Tu fais - frère de Cam
quelque chose ce soir ?
- « Ben oui c’est tout. Qu’est-ce que tu veux que je - ne sait pas quoi dire pour se présenter à la
dise ? »
caméra.
-Marl : « Chester. Il est, un peu réservé,
- est discret, réservé, peut-être mystérieux.
hein t’es un peu réservé Chestounet ?(...)
Chester, ben c’est celui dont tu te dis : soit il cache
quelque chose, genre, soit il est autiste, ou soit il CONCLUSION : un garçon timide, peu expansif,
torture des chats la nuit. »
peut-être pas à l’aise.
Cam
- longue réplique pour son autoportrait
- est bavarde, aime parler d'elle, expansive
- « Et puis voilà quoi, j’ai un frère, Chester »
- sœur de Chester
- « on se donne des petits noms sympas comme - vulgaire dans sa façon de parler, côté provocatrice,
connard ou pouffiasse .Connard baisse ta musique, ta très sûre d'elle, mais se dit intelligente, comme Lucky
gueule poufiasse, ou bien, trou-de-balle ? », « je suis
une bombe. », « Très intelligente malgré les
apparences de pouffy du samedi soir »
- « Et puis, oui, je le dis, j’aime bien être mouillée. - affiche clairement sa sexualité, sans pudeur, ni
Ohhhh, oh la la c’est vulgaire : Mouillée. Elle parle de gêne, à l’aise avec son corps.
sa chatte. Oh chatte, fouyayaïe, c’est encore pire, que
mouillée. »
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- « Ma mère, euh, c’est la maire d’ici. Elle trop - parents qui ont de bons métiers, bien placés
puissante, et mon père, il est pédopsychiatre. »
socialement
CONCLUSION : une fille provocatrice qui assume
ce qu’elle est, ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, qui
peut être un peu déconcertante.
- On peut remarquer avec les élèves qu'on a assez peu d’informations concernant les personnages, et que les
personnages ne sont pas précisément caractérisés. Ils ne parlent pas beaucoup de leur passé, mais se préoccupent
essentiellement de ce qu'ils vont faire dans le présent, en l'occurrence fêter l'anniversaire de Lucky en allant chez
l’actrice.
Activités
1. A l'issue du tableau, il sera également intéressant de dégager avec les élèves la notion de cliché.
Définition : expression ou idée toute faite, devenue banale, généralement exprimée dans des termes stéréotypés.
Chacun dans leur registre, les quatre adolescents incarnent un cliché : l’adolescente mal dans sa peau, le fou de
cinéma ou le « geek », le timide, la fille décomplexée un peu vulgaire. D'ailleurs, Cam en a plus ou moins conscience
car elle dit dans son autoportrait : « Je suis un peu cliché là, non ? ».
2. Pour compléter l’activité, les élèves peuvent inventer de nouvelles répliques que pourrait prononcer chaque
personnage pour se présenter et les intégrer dans le tableau. Ils peuvent même écrire une réplique et faire deviner à la
classe qui la prononce.
3. Il pourra enfin être intéressant enfin de voir avec les élèves ce qu’implique théâtralement de jouer des personnagesclichés : comment parler, se comporter, se mouvoir, se regarder ? Y a-t-il plus généralement une gestuelle
adolescente ? Un travail en groupes est possible pour chaque personnage avec une recherche sur les vêtements, les
accessoires, le ton à adopter, les gestes à faire....
2/ Un objet essentiel : le portable
- Si l'on se réfère à l'interview de Damien Gabriac avant l'écriture de Box Office, il semble que le portable soit devenu un
accessoire indispensable lorsqu'on veut écrire une pièce pour adolescents. Si cet accessoire moderne est bien présent
dans les séries ou films actuels, il n'est pas encore très répandu au théâtre. On peut alors se demander comment
l’auteur va l’utiliser dans la pièce.
Activité :
A quoi sert le portable dans la première scène ?
Le fait que cet objet si associé aux adolescents soit présent dès le début n'est pas innocent : l'auteur cherche sans
aucun doute à ce que les jeunes spectateurs s'identifient immédiatement aux personnages.
On peut proposer aux élèves la consigne suivante : imaginez que vous appeliez un ami avec votre portable. Écrivez un
bref dialogue dans lequel vous vous mettez d’accord sur ce que vous faites le soir. Les élèves lisent leurs travaux. Des
groupes de deux sont préférables mais pourquoi pas des groupes de trois ou quatre, pour les amener à ce que fera
Damien Gabriac à la fin de la première scène. On sélectionne quelques travaux et on les compare avec des extraits de
la première scène pour voir si on retrouve des similitudes.
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- Dans le prologue, on retrouve certains codes propres aux conversations de téléphone portable : la préoccupation de
savoir « ce qu'on fait ce soir », « où on se retrouve », « ce qu'on décide », les interférences, les « ouais » et « ok » qui
ponctuent les phrases, les phrases très courtes, les répétitions pour celui qui n'a pas entendu ce qui a été dit, les fins de
conversation, les nouveaux appels...La scène est d'autant plus complexe que la conversation qui commence à deux
entre Chester et Marl finit à quatre avec des échanges de portable. Cela implique de nombreuses répétitions comme
dans le passage suivant :
Marl à Cam : Ok chez vous. Et. Elle a une piscine.
Cam à Lucky : Il dit ok pour chez nous. Et il dit qu’elle a une piscine.
Lucky à Chester : Il a dit ok. Et qu’elle a une piscine.
Chester à Lucky : Bon ok. Une piscine ? Passe ma sœur.
Lucky et Cam échangent à nouveau leurs portables.
Chester à Cam : Elle est pas là au moins ?
Cam à Chester : Je sais pas moi. Pourquoi je saurais ça moi ? à Lucky : Il demande si elle est pas là.
Lucky à Marl : Chester demande si elle est pas là ?
Marl à Lucky : Normalement non. C’est sûr même.
Lucky à Cam : Non elle est pas là. Et c’est sûr.
Cam à Chester : Elle sera pas là t’inquiètes.
Les différentes informations sont relayées à chacun des personnages et sont donc répétées plusieurs fois. Cette scène
n'est pas sans évoquer l'expression « le téléphone arabe ».
- Le portable permet donc aux quatre personnages de se regrouper, se rassembler pour la soirée chez Virginia. Mais,
plus qu'un moyen de communication, le portable est aussi un lien, une sorte de cordon qui relie ces quatre adolescents
entre eux, leur permet de vivre les choses ensemble, en même temps, alors qu'ils sont séparés.
Pour prolonger l'activité
On pourra interroger les élèves sur la mise en scène d'une telle scène. Comment faire pour signifier les espaces
propres à chaque personnage, alors qu'ils sont « ensemble » sur la scène ? Y aura-t-il des sonneries de téléphone ?
Les personnages seront-ils dans leur chambre, comme le suggère une didascalie ? Et comment mettre en scène le
passage où chaque adolescent se présente avec la caméra ? Pourrait-il y avoir des écrans sur la scène ? On pourra
éventuellement demander aux élèves d'effectuer un croquis du plateau pour le prologue.
3/ Des rêves de lumière
Les quatre adolescents habitent un endroit perdu, un « trou du cul du monde, une campagne sans route, ni train »,
comme le dit Marl. Mais ils habitent à proximité de la maison d'une actrice. On sait même qu'ils ont déjà repéré les lieux
car Marl sait qu'il y a une brèche dans la haie. On sait aussi qu'ils ont vérifié sur le net si l'actrice était bien absente de
chez elle ce soir-là.
On fera lire les extraits suivants de la pièce et déterminer à quoi rêvent les quatre personnages.
Extrait 1
Marl à Cam : Ok chez vous. Et. Elle a une piscine.
Cam à Lucky : Il dit ok pour chez nous. Et il dit qu’elle a une piscine.
Lucky à Chester : Il a dit ok. Et qu’elle a une piscine.
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Extrait 2
Chester entre, habillé en femme, une robe de star « festifête ».
Cam : Wouah t’es trop belle !
Lucky : Trop canon !
Rires. Applaudissements.
Marl : Mesdames et messieurs bonsoir, ce soir nous avons le privilège de recevoir l’immense star américaine Virginia
Montayer, qui nous fait l’honneur malgré son planning très chargé, d’être avec nous ce soir, pour répondre à nos
questions. C’est bon comme ça ?
Cam : Ouais t’arrêtes pas.
Lucky : Attends il faut que t’embrasse ton invitée.
Marl : C’est Chester.
Cam : Ah ouais c’est vrai ça, embrasse Virginia.
Marl : Oui si vous voulez…
Marl fait la bise à Chester.
Lucky : Non non non ! A la russe, elle a des origines russes Virginia, comme moi. Et on s’embrasse sur la bouche en
Russie pour se dire bonjour. Surtout entre mecs.
Cam : Ouais ouais sur la bouche !
Marl : Elle a pas des origines russes Virginia. Mais si ça peut vous faire plaisir.
Chester : Non non dégage.
Cam : Reste dans ton personnage toi.
Extrait 3
Cam : Mais non c’est pas elle.
Lucky : Mais si c’est elle.
Chester : Elle a joué dans la suite en tout cas.
Marl : De quel film vous ?
Cam : Tu sais celui avec l’autre là qui meurt.
Marl : L’autre là qui meurt ça m’aide pas des masses.
Lucky : Si, il est partout. Un brun. Trop beau.
Cam : Moi je t’assure que.
Lucky : Si elle a joué dans ça.
Marl : Mais dans quoi ?
Cam : Oui dans quoi elle a joué ?
Lucky : Vu la baraque qu’elle s’est payée elle a du jouer dans pas mal de daubes.
Cam : Je crois que je l’ai. Ben ouais en fait je la connais des magazines, des émissions, d’internet, et des pubs aussi.
Mais je l’ai jamais vue au cinéma.
- Quelques éléments de réponse : les adolescents rêvent de célébrité, d'un univers de star et de tous les codes qui vont
avec : la piscine, les paillettes, les belles robes, la belle « baraque »,l'argent... Mais c'est un univers qu’ils ne
connaissent pas et maîtrisent mal. Le passage où les quatre adolescents jouent maladroitement à interviewer Virginia le
prouvent : ils ne savent pas rester dans leur rôle, utilisent un langage décalé par rapport à cet univers et s'amusent à
faire un baiser à la russe, ce qui ne se fait pas vraiment dans la réalité.
- De plus, ils n'ont jamais vu Virginia au cinéma, mais seulement dans des pubs, des magazines ou sur internet. Ils
savent vaguement qu'elle a joué avec un « beau brun » mais c'est tout. Ils ont malgré tout l'impression de la connaître
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car ils l'ont vue partout dans les médias et pensent, comme ils le lui diront plus tard, que c'est « quelqu'un d'important ».
Ils la fantasment et l'idéalisent.
- Le rêve de star des personnages est à mettre en lien avec leur motivation : pourquoi s'introduisent-ils chez Virginia ?
Une première explication est de fêter l'anniversaire de Lucky. D'autres explications sont à trouver dans ce passage où
l'actrice les surprend chez elle.
Virginia : So… what are you doing here ?
Marl : It’s just curiosity, sorry madam. On va.
Virginia : Just curiosity ?
Cam : Yes, it’s because you’ve got a beautiful house, and we just habiter not far ici and we want to see, just… that.
Chester : We are from here, and we just want to see your house.
Virginia : Yes, I understood. So… see… my house and… inside my house, isn’t it ?
Cam : We are very sorry.
Marl : Normaly, on the net, you’re entrain de make a movie. So. Not here.
Virginia : So… I’m here.
Marl : Yes, we know. And after we see lumière and my brother.
Les adolescents invoquent la curiosité et l'envie de voir la belle maison de l'actrice. Il semble aussi que la réplique de
Marl,« we see lumière », puisse être comprise dans un sens symbolique : ils sont irrésistiblement attirés et fascinés par
ce qui brille. C'est d'ailleurs Marl qui s'exclamera « ça brille même de l'extérieur ».
Tels des Icare modernes, les quatre adolescents vont venir à la lumière mais vont se brûler les ailes, car ils seront pris
dans un engrenage qui va les entraîner dans une chute sanglante.
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II/ Un langage propre aux adolescents
A travers plusieurs extraits empruntés à différents moments de la pièce, les élèves pourront observer les
caractéristiques du langage des quatre personnages et se demander s'ils se retrouvent dans cette façon de parler. Cela
sera un exercice intéressant puisque les élèves vont devoir analyser leur propre façon de parler.
1/ L'étude des premières répliques
Activité :
En faisant lire et observer les toutes premières répliques aux élèves, on pourra voir quels codes propres au langage des
adolescents d'aujourd'hui Damien Gabriac a tenté de restituer.
- Dans un premier temps, on présente le texte sans didascalie, sans le nom des personnages et on demande aux
élèves de deviner l’âge des personnages et de justifier leur réponse. Si on fait cette activité au tout début, on ne précise
pas que la conversation a lieu par téléphone et on les laisse le deviner.
Allo tu m’as appelé ? Ça va ?
Ça va et toi ?
Oui pour les maths j’ai pas. Qu’est-ce tu dis ?
Rien. J’ai. Non non. Je t’appelais pour ce soir.
J’entends des voix dans.
Ouais je sais c’est chiant. Ce soir ?
Pour l’anniv de Lucky.
Ouais.
Chez V.M. ?
Ce soir ? Tu bosses pas avec ton frère à la pizz ?
Non non. Tu viens avec ta soeur ?
Euh ouais ok. Bon j’te rappelle.
- Il paraît évident que les élèves répondent que ces deux personnages soient des adolescents de leur âge. Les
éléments qui peuvent justifier leurs réponses sont les abréviations, les mots familiers (cela inclut les mots grossiers très
présents dans la pièce), les tournures orales, notamment la non-inversion du sujet dans les phrases interrogatives...Ils
noteront sans aucun doute dès le début la présence du téléphone (« Allô », « j’te rappelle, « j’entends des voix dans »)
et ils en déduiront qu'il s'agit probablement d'un portable. Le style de phrases très courtes, très rythmées est également
un élément de réponse. Pour mettre en évidence le rythme des phrases, une lecture oralisée est nécessaire. Les élèves
ne devraient pas avoir de mal à restituer le flux rapide de la parole des quatre personnages.
2/ Un langage proche du parler oral
La façon de parler des quatre adolescents est proche du parler oral. Pour mettre en valeur cette caractéristique, on
pourra continuer le travail précédent consistant à relever les tournures orales et familières dans la suite du début de la
pièce.
Chester téléphone à sa soeur : Allo. Ouais. Tu fais quelque chose ce soir ?
Cam au téléphone avec Chester : Ben non c’est l’anniversaire de Lucky. Suis avec elle là.
Chester au téléphone avec Cam : Y a Marl qui m’a demandé si t’étais chaude pour aller chez V.M.,
pour son anniversaire et pour.
Cam : Carrément ! Ce soir ?
Chester : T’es ok ?
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Cam à Chester : Attends. à Lucky : On va chez V.M. ce soir ?
Chester à Cam : C’était une surprise.
Lucky à Cam : Sérieux ? Chez ? Ce soir ce soir ?
Cam à Chester au téléphone : Ce soir hein ?
Chester : On se retrouve avant j’imagine. J’appelle Marl. Fallait pas lui dire.
Cam à Lucky : Il appelle Marl pour savoir où on se retrouve.
Lucky : Laisse.
Cam à Chester au téléphone : Elle l’appelle. Désolé c’est sorti tout seul.
Lucky au téléphone avec Marl : Allo Marl ?
Marl au téléphone avec Lucky : Hey Lucky !
Lucky : Ce soir chez V.M. c’est ça ? Je viens si tu m’épouses.
Marl : T’es au courant ? Merde. Joyeux anniversaire. Non je t’épouse pas.
Lucky : Je suis avec Cam là.
Marl : Ah ok. ! Cool. Je sais pas on se retrouve ? Et on décolle.
Lucky : C’est pour ça que je t’appelle. Où on se retrouve ?
Cam à Lucky : Ils ont qu’à nous rejoindre.
Chester rappelant Cam : Allo.
Lucky à Cam : On peut bouger aussi.
Cam à Chester : Oui attends.
Chester à Cam : Alors ?
Marl à Lucky au téléphone : Hein ?
Lucky à Marl : Non rien. On peut bouger aussi je disais.
Chester au téléphone avec Cam : On décide quoi ?
Cam à Lucky : Il demande qu’est-ce qu’on décide.
Marl à Lucky : Qu’est-ce qu’elle dit ?
Lucky à Marl au téléphone : Rien elle parle à son frère au téléphone.
Marl à Lucky : Alors on se retrouve maintenant ou quoi ?
Lucky à Marl : Où ?
Marl à Lucky : Comme d’hab.
Lucky à Cam : Comme d’hab.
Cam à Chester : Comme d’hab.
- D'autres éléments peuvent également déjà être mis en valeur comme les répétitions. Là aussi, une lecture oralisée
s'impose pour montrer la vitesse à laquelle la parole circule, sans s'arrêter, à un rythme effréné, comme un tempo de
musique. Des phénomènes de coupure de parole peuvent aussi être observés. Cet exercice de repérage peut
également se poursuivre dans la suite du dialogue entre les quatre personnages ou sur tout autre passage de la pièce.
Activités
- Sous forme de bilan, on pourra demander aux élèves s'ils se retrouvent dans cette façon de parler.
Dans un exercice d'écriture, ils pourront poursuivre le dialogue entre les quatre personnages.
Dans un exercice d’oral, la classe pourrait constituer un chœur. Chaque élève apprend une réplique de l’extrait travaillé
(comme elles sont relativement courtes, cela ne posera pas problème), puis la classe se met en rond et les élèves,
dans l’ordre du texte, prononcent leur réplique. Cette activité permettra de sensibiliser les élèves au travail sur le rythme
et sur l’enchaînement des répliques. Avec ce genre de répliques très courtes et très rythmées, on peut même organiser
une joute verbale en reprenant les répliques, dans un ordre aléatoire cette fois, diviser la classe en deux groupes
opposés face-à-face, et faire passer les élèves un par un. Ce procédé très dynamisant, permet à nouveau de travailler
le rythme et de recréer le tempo du passage.
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3/ Les mots anglais
Activité : Cette activité, toujours centrée autour du langage employé par les quatre personnages, propose de montrer la
présence de l'anglais dans leurs répliques. Pour commencer, on pourra demander aux élèves s'ils emploient
couramment certains mots anglais lorsqu’ils parlent, mots qu'ils mélangeraient avec le français, et lesquels.
Puis, à travers quelques extraits caviardés, on pourra leur faire deviner les mots anglais présents dans les répliques.
Exemples de répliques :
Marl à Chester : Change toi toi, et ferme ta gueule. A la caméra : Mes parents, euh, ben mes parents,
mes parents quoi. Sinon j’ai, j’ai un frère, il a trente ans bien bien passé, et il vit toujours à la maison,
c’est style ________________________ de la terre. Il est livreur dans une pizzeria. Et sinon ben ce soir on va
chez,______________ une _____________________ américaine, qui a aménagé ici, enfin, à peine 6 bornes d’ici, l’an
dernier, voilà c’est pour l’anniversaire de Lucky. Lucky ?
Lucky : Voilà et comme il veut pas m’épouser, je vais devenir une _________________ et tuer la moitié de la planète.
Non plus sérieusement, j’ai hâte d’aller chez Virginia, je pense qu’on va bien.
Chester : Le sang et le __________ ça me dit qu’elle a tué quelqu’un. Et là.
- On pourra expliquer avec les élèves la provenance de ces mots anglais dans le langage des adolescents : le cinéma,
internet, la musique... On pourra aussi tenter de comprendre pourquoi ils l'utilisent : pour se faire valoir, faire semblant
de maîtriser un langage, faire « bien » devant les autres...
Activités
- Pour approfondir la présence de l'anglais dans le langage des adolescents, il serait intéressant d'étudier la scène ou
les quatre personnages doivent justement l'employer pour se faire comprendre de l'actrice Virginia. Cela donne une
scène comique où les personnages justement ne maîtrisent ni le vocabulaire, ni les tournures syntaxiques de la langue.
Cette scène peut être proposée à la lecture.
Autre activité possible : conserver les répliques de Virginia, enlever celles des autres personnages et demander aux
élèves d’inventer les répliques, sachant qu’ils lui répondent en mélangeant français et anglais.
Virginia: Come on, don’t be afraid. I saw you on the screen. Come on.
Ils s’approchent. Lentement.
Virginia: Are you shy ?
Marl: _____________________________
Virginia: (Why I’ll killed you ?)
Chester : ____________________________
Virginia : (Why I’ll killed you ? à traduire mieux : Pourquoi je vous tuerais ?)
Cam : _____________________________
Virginia : So… what are you doing here ?
Marl : __________________________________
Virginia : Just curiosity ?
Cam : ___________________________________________________________
Chester _______________________________________________________
Virginia : Yes, i understood. So… see… my house and… inside my house, isn’t it ?
Cam : ________________________________________________
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Marl : _____________________________________________________________
Virginia : So… I’m here.
Marl : ________________________________________________________
Cam : Chut.
Le « franglais »,outre l'effet comique qu'il produit, montre que les personnages malgré leur non maîtrise de l'anglais s'en
sortent en intégrant des mots français dans des embryons de structures syntaxiques anglaises. Cette forme de
« tchatche », qui ne devrait pas laisser insensibles les jeunes spectateurs, leur permet de se sortir d'une situation
difficile.
4/ Un langage musical
- Certains passages montrent que la prise de parole et sa distribution entre les quatre personnages peuvent
s'apparenter à une sorte d'orchestre où chacun donne sa mesure, sa note comme dans le passage suivant où les
personnages découvrent la maison de l'actrice.
Lucky : Waouh !
Chester : Chut.
Cam : Putain sa mère.
Lucky : La salope.
Marl : Enculé.
Cam : Je rêve.
Chester : C’est.
Cam : Hallucinant.
Lucky : J’imaginais même pas.
Marl : C’est un truc de fou.
Cam : Bon.
Chester : Attends.
Cam : Quoi.
Chester : C’est magnifique.
Lucky : Paye ton fric.
Marl : Ça brille même de l’extérieur.
Cam : Je veux pas me réveiller.
Lucky : J’ai envie de pleurer.
Cam : C’est Ali Baba.
Chester : Le château.
Cam : Ouais la caverne.
Lucky : C’est l’ile au trésor.
Marl : C’est la banque de France.
Cam : C’est une cathédrale.
Comment les personnages expriment-ils leur émerveillement ?
On peut repérer des variations sur un même thème :
- les gros mots
- la structure « c'est + AQ ou GN »
- le recours à la métaphore pour trouver un équivalent à ce qu'ils sont en train de découvrir
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- Sur ces différentes variations, chaque personnage donne sa version propre, joue sa gamme. On pourra demander aux
élèves de poursuivre à leur tour cette gamme, par exemple le recours à la métaphore, et de proposer une lecture
collective de leurs travaux, notamment par une lecture chorale.
- Cette idée de langage musical se retrouve également dans le rythme rapide des répliques, sorte de « beat » propre
aux adolescents, et dans les répétitions très fréquentes déjà analysées dans le prologue.
- Pour conclure sur cette étude du langage, on peut poser deux questions aux élèves :

Cette façon de parler vous semble-t-elle correspondre à la réalité ? Vous entendez-vous parler comme ça ?

Trouvez-vous cette façon de parler naturelle ou artificielle ? Il semblerait qu’en exhibant ainsi les codes du
langage adolescent, Damien Gabriac ait tenté de créer une sorte de « grammaire » à l’usage des non initiés,
une grammaire facilement assimilable pour celui qui voudrait parler de la même façon. En montrant ainsi ces
codes, qui sont plus ou moins tacites, l’auteur cherche-t-il à montrer que les adolescents sont tous un peu
comédiens et s’approprient un langage type pour s’intégrer dans un groupe ? Il est ainsi intéressant de
constater que les clichés mis en place au début de la pièce s’estompent peu-à-peu, les adolescents finissant
par devenir un groupe, plus que quatre individualités, un groupe justement identifiable par son langage.
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III/ Les personnages adultes dans le prologue
Au début de la pièce, les adolescents sont seuls. Néanmoins, deux adultes absents sont évoqués dans le prologue :
Philippe et Virginia. Il sera intéressant de construire avec les élèves des horizons d'attente pour ces deux personnages.
Activité : dans le prologue, faire la liste de toutes les informations concernant les deux personnages absents.
Ce que nous savons d'eux, ce qu'ils Ce qu'on peut en conclure
disent, ce qu'ils font
Virginia
- d'abord désignée par ses initiales : V.M
- une personne tellement célèbre que l'on peut la
désigner seulement par ses initiales
- puis évoquée à travers sa propriété : une - une personne riche
piscine + réaction extatique des ados
lorsqu'ils découvrent la maison
- « the star, une big big star, américaine, qui a - une célébrité venue s'installer dans un endroit reculé,
aménagé ici, enfin, à peine bornes d'ici, l'an probablement pour y chercher la tranquillité
dernier »
- « dans quoi elle a joué? / Vu la baraque
qu'elle s'est payée elle dû jouer dans pas mal
de daubes. / Ben ouais en fait je la connais
des magazines, des émissions, d'internet, et
des pubs aussi. Mais je l'ai jamais vue au
cinéma. »
Philippe
- "j'ai un frère, il a trente ans bien bien
passés, et il vit toujours à la maison, c'est
style the mega looser de la terre. Il est livreur
dans une pizzeria."
Là aussi, les adultes incarnent des clichés un peu faciles :
- une actrice dont on ne connaît aucun des films,
désignés très péjorativement. Connue parce qu'elle est
connue. Ce que l'on appelle une people. Pas une vraie
artiste en somme.
CONCLUSION : elle est la personne au cœur de
toutes les conversations, elle suscite l'envie et
l'intérêt des adolescents, mais pas pour des
raisons très nobles. Un très fort effet de suspense
est créé pour préparer son apparition.
CONCLUSION : c'est à priori, un personnage
secondaire, banal, et assez pathétique, qui à la
rigueur, pourrait avoir un certain potentiel
comique...
la star de cinéma qui fait rêver, l'adolescent looser à la
Tanguy qui vit encore chez ses parents. Tout est mis en place dans le prologue pour instaurer un univers proche du
spectateur adolescent : des personnages dans lesquels ils peuvent s'identifier, un accessoire indispensable, un langage
-type, des adultes qui leur sont familiers : la star people des magazines, l'adulte resté un peu adolescent... Bref, tout est
fait pour conforter le spectateur et faire en sorte qu'il ne s'attende pas aux multiples rebondissements qui vont suivre.
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DEUXIEME PARTIE : MENSONGE, DOUBLE- JEU ET ILLUSION
Voir Box-office, c'est aller de coups de théâtre en rebondissements, c'est partir sur des pistes qui s’avéreront
trompeuses, c'est se croire en terrain connu pour se retrouver dans un univers anxiogène, c'est s'attacher à
des personnages qui vont totalement changer d'identité, bref, c'est accepter de jouer au double-jeu de Damien
Gabriac. Dévoiler les rebondissements à venir, ce serait trahir l'esprit de la pièce et surtout priver les élèves
d'un plaisir de spectateur savamment orchestré par l'auteur.
Avant la pièce, on se contentera donc de faire repérer quelques indices qui devront ensuite être réinterprétés après la
représentation.
I/ Apparences et réalité
1) L'illusion théâtrale
- Pour commencer, on pourra rappeler aux élèves que le dédoublement est un principe au cœur-même du jeu théâtral.
Le comédien incarne un personnage, avec lequel les spectateurs le confondent le temps de la représentation, mais qui
n'est évidemment pas lui. « Le comédien n'est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous [les spectateurs]
le prenez pour tel. » (Diderot, Paradoxe sur le comédien) Au théâtre, il y a une sorte de contrat tacite entre les
spectateurs et les acteurs, chacun acceptant, le temps de la représentation, d'être dupe d'une fiction dont il sait, au fond
de lui-même, qu'elle n'est qu'une fiction.
- Damien Gabriac s'empare de ce jeu de dupes librement consenti en le poussant à l'extrême, en le surlignant, en
l'exagérant. Ce procédé du double-jeu apparaît notamment dans la pièce à travers deux procédés :

tous les personnages se travestissent à un moment ou à un autre de la pièce, endossant l'identité d'un des
autres personnages, volontairement ou pas, de manière comique ou tragique. (voir plus loin)

plusieurs personnages se révèlent avoir une identité différente de celle qu'ils ont d'abord présentée, ayant ainsi
trompé et leurs comparses, et les spectateurs.
- La tromperie, le mensonge, sont donc au cœur de la pièce.
Pour quelle raison? Que veut nous dire l'auteur?
Une hypothèse : Damien Gabriac s'est-il amusé à incarner dans sa pièce l'un des clichés sur le théâtre, à savoir qu'il
n'est qu'illusion? En nous montrant des personnages qui ne sont jamais ce qu'ils paraissent être, qui changent d'identité
au gré de coups de théâtre abracadabrantesques, l'auteur souligne le caractère fictif de son histoire, et empêche le
spectateur adolescent (qui est le spectateur privilégié de cette pièce) de succomber aux délices de l'identification.
En les mettant face à des retournements de situation proprement irréalistes, Damien Gabriac créé un effet de
distanciation : il oblige les spectateurs à éprouver l'étrangeté des situations représentées. Il casse l'illusion théâtrale et
nous amène à prendre conscience que ce qui est représenté n'est pas la réalité.
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Ce faisant, il amène le spectateur à s'interroger sur sa relation aux différentes formes de fiction auxquelles il est
confronté. On reviendra un peu plus loin sur la notion de genres, et notamment sur la manière dont Damien Gabriac
rappelle et parodie certains films et certaines séries télévisées fort appréciées des adolescents. Ceux-ci ont souvent
tendance à prendre pour argent comptant et sans recul les intrigues tortueuses et les péripéties téléphonées de leurs
séries préférées, pourvu qu'elles soient bien emballées dans un vernis technologique et qu'elles aient une touche de
modernité. Dans Box-office, tout semble moderne, tout semble actuel, et pourtant, ce n'est pas réaliste : en le
soulignant, l'auteur nous invite à être des spectateurs coopératifs mais critiques, captivés mais pas dupes.
Cette démarche est d'autant plus efficace que pendant tout le prologue et la première partie de la pièce, l'auteur joue à
fond sur l'effet d'identification entre les spectateurs adolescents et ses quatre jeunes héros : même manière de
s'exprimer, même omniprésence de la technologie dans leur vie, même centres d'intérêts...
Mais, ces adolescents (ou en tous cas, l'une d'entre eux) ne sont pas ce qu'ils semblent être, et les adultes qui les
entourent encore moins.
2) La "vérité" des personnages
On aura fait repérer aux élèves, avant la pièce, les caractéristiques de trois personnages à l'identité changeante :
Lucky, Virginia Montayer, Philippe. (Se reporter à la première partie)
Activité
Après la pièce, reprendre le tableau et le compléter pour mesurer la transformation que l'auteur a fait subir à ses
personnages.
- Damien Gabriac a construit ses personnages à partir de caractéristiques facilement identifiables par des spectateurs
adolescents. Ils nous sont immédiatement familiers et nous les acceptons aisément comme tels. D'une certaine façon,
l'auteur nous installe en terrain connu pour mieux nous surprendre. Et cet effet de surprise ne manque pas de
fonctionner à plein lorsque ces personnages révèlent leur véritable visage.
- On proposera aux élèves de se pencher plus particulièrement sur les personnages de Lucky, Virginia et Philippe, en
leur demandant tout simplement de formuler tout ce qu'ils ont appris sur ces personnages. Pour chacun d'eux, les
indices prélevés dans le prologue prennent un sens nouveau. Et surtout, chacun de ces personnages se révèle être
complètement différent de qu'il semblait être. On pourra d'ailleurs demander aux élèves de caractériser par un groupe
nominal la nouvelle identité de ces trois personnages.

Lucky - la « taupe » qui voulait tout changer
- elle a commencé à mener l'enquête trois ans auparavant pour comprendre ce qui avait pu arriver à sa mère disparue.
- elle est tellement intelligente qu'elle a réussi, toute seule, à découvrir ce qui se tramait depuis des années autour du
terrain secret.
- elle a voulu détruire l'agence, révéler le secret, pour venger sa mère, et pour éviter qu'il y ait d'autres victimes.
- elle découvre au cours de cette soirée que Virginia est en fait sa mère, qu'elle perd une deuxième fois.
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- folle de douleur et de colère, elle tire sur Philippe (qui porte un gilet pare-balles), sur Cam (qui meurt sur le coup) et
sur Marl, à qui elle révèle tout avant de le tuer.
- elle est finalement elle aussi tuée par Philippe, qui révèle sa véritable identité (le « Président ») et qui doit l'éliminer car
c'est elle la « taupe » qui menaçait tout le système

Virginia - l'espionne sacrifiée
- elle n'est pas seulement actrice : en fait, c'est une couverture pour son véritable métier.
- sa principale activité consiste à être une espionne au service d'une agence des services secrets.
- elle a tué un « terroriste » juste avant l'arrivée des adolescents.
- elle est en mission pour repérer une « taupe » dans l'agence.
- elle a besoin de l'aide des adolescents pour débusquer la taupe, elle est venue leur révéler toute la vérité et les
recruter au service de l'agence.
- elle soupçonnait Philippe d'être la taupe, mais leur entrevue, et l'avis de son supérieur hiérarchique (le « Président »)
l'en ont dissuadée.
- elle est tuée au moment où elle s'apprête à faire une nouvelle révélation à Lucky.
- après sa mort, on apprend qu'elle était en fait la mère de Lucky, disparue 14 ans plus tôt.

Philippe - celui qui tire les ficelles
- il est d'abord un livreur de pizzas assez pathétique, émoustillé par la star qui l'invite à passer la soirée avec elle, mais
effrayé par les conséquences sur sa vie personnelle.
- il finit par s'enfuir, après avoir repoussé de manière comique les tentatives de séduction très appuyées de Virginia.
- il revient en scène juste après la fusillade qui a coûté la vie à Virginia.
- il est soupçonné par les adolescents d'être l'auteur des coups de feu; seul son frère le croit innocent.
- il insiste lourdement pour rentrer chez Virginia mais se fait tirer dessus par Lucky qui pense qu'il est un tueur.
- il se relève au bout de quelques minutes, car il avait pris ses précautions, en ayant enfilé un gilet pare-balles,
précaution qui révèle qu'il n'est pas qu'un simple livreur de pizzas.
- finalement il reconnaît être le « Président » de l'agence, celui qui a tiré toutes les ficelles, n'hésitant pas à sacrifier un
très bon agent (Virginia) parce qu'elle n'aurait pas supporté que l'on élimine la « taupe » qui menaçait tout le système, à
savoir Lucky, sa propre fille.
3) Le coup de théâtre permanent
Définition : un retournement de situation, une péripétie inattendue
- Il paraît indispensable de revenir sur cette notion de coup de théâtre, et sur son intérêt, car ici, il est érigé en principe
fondamental. Rien ne se passe comme prévu, personne ne se comporte comme on le supposait. Pourquoi Damien
Gabriac a-t-il choisi ce moyen de faire avancer l'action?
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Activité
Demander aux élèves comment ils réinterprètent à la lumière de toutes ces révélations quelques uns des indices
prélevés dans le prologue.
 le prénom de « Lucky » : c'est, bien sûr, un clin d’œil au personnage de Luke Skywalker, héros de la trilogie
Star Wars de George Lucas. La phrase mise en exergue de la pièce (« Luke, I'm your father » : Luke, je suis
ton père) en est la confirmation. C'est une parodie puisque, dans la pièce, Virginia aurait pu avouer à Lucky :
« Lucky, I'm your mother », Lucky, je suis ta mère.

la présence assez incompréhensible de Virginia Montayer dans le « trou du cul du monde, une campagne sans
route, ni train » : elle y est en mission. S'explique aussi par cette double-vie, la grande couverture médiatique
autour de la star : "vous savez dans ce métier, plus vous avez d'influences, de connaissances, plus on vous
ouvre de portes; pour la sécurité de cet endroit, la clé, c'est l'information". La carrière d'actrice n'a d'intérêt que
parce qu'elle permet de mieux exercer le rôle d'agent secret.

la raison aussi pour laquelle Philippe est resté vivre chez ses parents à trente ans bien sonnés, avec une
simple petite activité de livreur de pizzas : c'était là aussi une couverture bien pratique pour rester près du site
stratégique, le surveiller, intervenir au besoin.
- Pour les deux personnages adultes, la double-vie, le mensonge est érigé en règle de vie : il faut mentir sur son identité
pour accomplir sa mission. Il faut jouer un rôle sans arrêt pour protéger le monde : la « comédie » devient presque un
sacerdoce ! Et même si Virginia tente de présenter cette vie sous un aspect anodin : « Et vous pourrez faire des films,
ou écrire des livres, travailler à l'usine, ce que vous voulez, mais à côté il faudra aller pêcher... des informations », c'est
tout de même une vie de mensonge qu'elle propose, qu'elle impose aux quatre adolescents.
- Philippe endosse de bonne grâce le rôle du « looser », lui qui est pourtant un agent secret redouté et puissant, pour
veiller sur le terrain tant convoité. Virginia se fait passer pour morte aux yeux de sa propre famille, change de visage,
change d'identité, condamne sa fille à un destin d'orpheline, pour se mettre au service de l'agence. Que de sacrifices !
Activité
Demander aux élèves, qui sont encore adolescents, eux, si le choix de vie fait par ces deux adultes leur paraît légitime,
défendable, compréhensible. Un échange argumenté devrait s'ensuivre : a-t-on le droit, le devoir, de tout sacrifier, de
mentir sur tout et à tous (y compris à ses proches) si c'est pour une « bonne cause »?
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II/ Le thème du travestissement
D'abord, un détour par le vocabulaire! Travestir, c'est :
1. Déguiser une personne en lui faisant prendre l'habit de l'autre sexe, d'un autre âge ou d'une autre condition.
2. En particulier, déguiser quelqu'un à l'occasion d'une fête, d'un bal ou pour un rôle de théâtre.
3. Au figuré, transformer une chose en lui donnant un aspect mensonger qui en dénature le caractère
1) L'image de la star
Activité
Toujours à partir du prologue, on se penchera plus particulièrement sur le personnage de Virginia : comment les élèves
se la représentent-ils? Comment une comédienne pourra-t-elle l'incarner, elle, l'actrice au cœur de toutes les
conversations?
- On pourra par exemple demander aux élèves d'apporter une photo de « star » découpée par exemple dans un
magazine, de rédiger une petite note d'intention destinée à la comédienne sensée jouer Virginia : quel costume elle
pourra porter, quels accessoires pourront lui être associées, comment elle devra s'exprimer, sur quel ton, avec quel
accent, comment elle se déplacera, bougera, se tiendra...
- Puis, pour prolonger l’activité, les élèves, par groupes de cinq, viennent se placer dans un espace scénique
préalablement défini (on peut lancer une musique pour point de départ du placement) et proposent une image fixe de la
star, ils restent immobiles pendant une dizaine de secondes puis on fait passer un autre groupe. On peut même prendre
des photos pour les comparer ensuite avec le jeu de la comédienne qui jouera Virginia. Une possible variante est de
faire prononcer aux élèves une ou des répliques de Virginia juste avant de proposer une image fixe.
Florilège de répliques possibles :
- Venez, asseyez-vous.
- C’est ouvert.
- Vous voulez rester avec moi pour manger la pizza ?
- Au revoir monsieur. Vous êtes très aimable.
- Je sens que quand j’ai dit le sein nu, ça vous a.
- Dans ma famille on vieillit bien, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
- Je vous assure qu’il y a eu un bruit. J’ai peur Philippe.
- C’est ça. C’est bon. Leave me. Alone. Coward. Leave me.
- Come on fucking animals!
D’autres répliques peuvent bien sûr être sélectionnées.
Ces activités ont deux objectifs :

amener les élèves à formuler leur vision de la star de cinéma, qu'ils pourront ensuite confronter à celle qui est
proposée dans la pièce.

permettre d'aborder la question du travail du comédien. En quoi consiste-t-il? Comment parvient-on à incarner
un personnage?
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Les propositions des élèves pourront être listées. Jouer un rôle, c'est :
- apprendre son texte, le connaître par cœur ?
- comprendre le personnage, ses motivations et son histoire ?
- faire entendre ses sentiments, ses pensées ?
- entrer dans ses habits, trouver son accent, sa manière de parler, de se tenir, de bouger... ?
On sensibilisera ainsi les futurs spectateurs à cette question délicate de l'incarnation d'un personnage. Qu'est-ce qui fait
qu'on y croit (ou pas) ?
On leur demandera d'être particulièrement attentifs aux différents « moyens » utilisés pendant la représentation pour
incarner le personnage de Virginia.
2) Le rôle de la star
Activité : après la représentation, on reviendra sur cette question de l'incarnation; mais à la lumière de la pièce intégrale,
le rôle de Virginia prend une toute autre importance. En effet, si dans la première partie de la pièce, le personnage joue
son rôle de star américaine solitaire et légèrement nymphomane de manière particulièrement appuyée, la particularité
de ce « personnage de Victoria » est qu'il est tour à tour incarné par trois autres personnages : Cam, Chester, et Marl,
qui pour des raisons différentes prennent tour à tour l'identité de la star.
On proposera aux élèves de réfléchir à ces différentes incarnations de la star Virginia Montayer, en précisant à chaque
fois dans quelle occasion et dans quel but ce jeu de travestissement a eu lieu.
Qui endosse le rôle de Virginia?
Dans quelle situation? Comment?
Dans quel but?
Virginia elle-même
- dans son face-à-face avec le
livreur de pizzas, elle surjoue la
star américaine, solitaire, un peu
dépressive, un peu blasée, un peu
nymphomane, habituée à subir le
désir des hommes, mais ne prête à
tout pour ne pas passer une
nouvelle soirée seule.
- du point de vue du personnage :
elle joue ce rôle de tentatrice pour tester
Philippe, pour vérifier qu'il est bien le terne
livreur de pizzas qu'il prétend être, et non pas
l'agent-double qui mettrait en péril l'agence.
Tous les moyens sont donc bons (la pseudoconfession, la drague éhontée, la frayeur de la
femme seule...) pour le piéger. Mais Philippe
ne sort pas de son rôle.
- son parler mi-français, mi-anglais
est particulièrement savoureux, et
constitue une belle performance
d'actrice tant il paraît plus vrai que
nature.
Chester
- avant la soirée, pour parodier
l'émission télévisée, il s'amuse à
incarner la star, vêtu d'une "robe
Festifête".
- du point de vue de l'auteur : il s'agit de nous
emmener sur une fausse piste. La
comédienne joue le personnage de Virginia à
peu près comme les élèves auront pu
l'imaginer, comme un cliché.
- du point de vue du personnage :
pour rire, pour amuser ses amis, pour sortir de
sa réserve en surjouant la star, en étant pour
une fois très extraverti.
- l'effet ne peut être réaliste, - du point de vue de l'auteur :
puisque le travestissement est ici à pour montrer comment les ados fantasment le
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prendre au sens propre : c'est un personnage de la star.
garçon qui incarne une femme.
Cam
Marl
- alors que Virginia vient de mourir,
Cam imite, dans l'interphone, le
franglais
de
Virginia
pour
convaincre Philippe de partir.
- sa performance est très
convaincante : elle imite très bien
la manière dont Virginia s'est
exprimée pendant la première
partie. Le danger l'aide à être une
bonne comédienne.
- du point de vue du personnage :
pour éloigner le potentiel danger que
représente Philippe (le tueur ?), pour sauver
sa vie et celle de ses camarades.
- alors qu'il est inconscient, Cam et
Lucky le travestissent en lui
mettant une robe de Virginia et la
perruque que celle-ci portait.
- l'acte d'incarnation est réduit à sa
plus simple expression : le
déguisement.
- du point de vue des personnages : pour
attirer Philippe dans un piège, pour semer la
confusion, pour « coincer » le probable tueur.
- du point de vue l'auteur : pour faire durer le
suspense sur l'identité de Philippe, pour
réintroduire un peu de comique (de langage)
après la mort de Virginia
- du point de l'auteur : pour montrer que
Virginia elle-même n'existait pas. Celle qui se
faisait appeler ainsi portait une perruque, un
faux nom, un faux travail. Virginia n'était qu'un
rôle.
3) Se travestir, pour quoi faire dans la pièce?
Pour faire le bilan, on réfléchira aux différentes raisons qui ont amené les personnages étudiés dans le tableau à se
travestir. Pourquoi ont-ils voulu ou dû changer d'identité?
Quelques réponses possibles :
- pour échapper à soi, pour s'oublier soi-même
- pour s'amuser, pour rire
- pour échapper au monde tel qu'il est
- pour sauver sa vie
- pour exprimer ses sentiments
- pour duper, pour tromper les autres
Damien Gabriac nous offre un bel éloge du comédien. Loin d'être seulement une activité ludique et légère, endosser un
rôle devient une affaire sérieuse, une affaire de vie ou de mort. En jouant tour à tour le rôle de la comédienne, les trois
adolescents sacrifiés sont passés par toutes les émotions : l'excitation, la joie, la peur, la colère... Certes, pour les
besoins du genre, les personnages sont sacrifiés, mais dans ce lieu (unité de lieu), pendant cette nuit (unité de temps),
ils ont vécu une expérience unique, passant par toutes les émotions, expérimentant plusieurs vies. N'est-ce pas ce que
fait chaque soir, sur la scène, le comédien?
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III/ Le théâtre dans le théâtre
1) Les adultes acteurs, les adolescents spectateurs
- Les jeunes assistent à toute la première partie en étant cachés. Nous savons qu'ils sont là, mais Virginia et Philippe
l'ignorent. Les ados assistent à leur conversation exactement comme nous, spectateurs le faisons. Et tout comme nous
le faisons intérieurement, ils commentent ce qui se déroule sur leurs yeux et s'interrogent sur la suite des événements.
Ils nous représentent sur scène. Ils sont nos doubles.
- Il se crée par la suite deux espaces : l'espace extérieur où se trouvent les adolescents, l'espace intérieur où se
trouvent Philippe et Virginia. Deux voix, deux jeux se mettent alors en place : celles des adolescents qui commentent
la scène et celles des adultes qui jouent tels des acteurs une scène de séduction. La fonction de ces deux voix peut
être mise en valeur avec deux extraits.
Virginia : Vous avez fini votre service là ?
Philippe : Non malheureusement il faut que je.
Virginia : Vous voulez restez avec moi pour manger la
pizza ?
Temps. Ombres.
Virginia : Je téléphone votre patron si vous.
Philippe : C’est que j’ai déjà, mais le problème c’est que
si. Je.
Virginia : Je vous paierai. Passez moi votre.
Philippe : Attendez je vais.
Cam : C’est qui bordel ? On le voit pas.
Chester : Elle a une pizza dans les mains. C’est ton frère
tu crois ?
Marl : Mais il livre pas aussi loin d’habitude.
Cam : Elle a pris son téléphone. Tu le reconnais ?
Virginia : Attendez, vous avez voulu une photo avec moi,
vous savez cependant qui je suis, et bon,
vous ressemblez à quelqu’un de content de passer une
soirée avec moi, c’est, je me trompe ?
Philippe : C’est, comment on dit, oui, mais c’est, surg, pas
comme d’habitude, euh pas prévu plutôt,
sur, sou.
Virginia : Bon, pizza ?
Philippe : Par contre euh… Vous habitez pas tout près. Je
sais pas si.
Virginia : Il n’y a pas de gravité. On va lui faire du chaud.
Installez vous.
Lucky : Super, t’avais dit qu’elle était pas là.
Marl : Ben elle est là.
Cam : On fait quoi ?
Chester : Taisez vous merde.
Marl : Attendez j’écris à mon frère.
-jeu des adultes, clichés des scènes de séduction : - commentaires des personnages sur la scène,
Virginia est entreprenante, Philippe bafouille est gêné
interrogations sur ce qui se passe, sur ce qu'ils sont en
train de voir
- langage typique des adolescents tel que nous l'avons
montré
- Ces deux voix créent un effet comique, soit du fait du décalage entre les préoccupations des jeunes et celles des
adultes, soit au contraire de leurs similitudes, comme lors du passage sur l'âge de l'actrice, puisque Philippe comme les
adolescents s'interrogent sur celui-ci en même temps.
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Il sera intéressant de se questionner sur la mise en scène de ces deux espaces distincts. Comment se fera la
transition ? Un jeu d'ombre et de lumière semble possible. Que feront les comédiens lorsqu'ils ne parleront pas ?
- Pour de jeunes spectateurs, cette scène pourra évoquer aussi la télé-réalité : assis devant leur télévision, les
téléspectateurs observent des jeunes gens enfermés dans un lieu unique et filmés en continu. Là où on peut filer la
métaphore, c'est qu'en plus, les téléspectateurs prennent pour argent comptant ce qui leur est montré : ils imaginent
surprendre la « vraie vie » des personnages filmées, alors, qu'en réalité (ce n'est plus un secret) tout est scénarisé,
préparé, voire répété. Les soi-disant « vrais gens » jouent en fait la comédie et incarnent tous un type de personnage
déterminé par la production. Or c'est exactement ce qui se passe dans la pièce : les ados croient assister à une vraie
conversation entre une star américaine et un livreur de pizzas. Mais en réalité, l'un et l'autre jouent un rôle : Philippe
n'est pas livreur de pizza, mais « président » d'une mystérieuse agence et Virginia n'est pas actrice, mais agent secret
au service de cette agence. Les ados sont donc bernés et manipulés. Et les spectateurs avec eux. Ainsi Damien
Gabriac nous invite aussi à être des (télé)spectateurs avertis, un peu moins dupes, un peu plus curieux.
A noter : les quatre adolescents se croyaient bien cachés, mais Virginia les introduit en leur révélant qu'elle les avait vus
sur l'écran. Là encore, l'effet d'illusion, des personnages et des spectateurs qui les croyaient à l'abri, est rompu.
2) La fin de la pièce : une tragédie ?
- L'aspect parodique de la fin sera étudié ultérieurement, il est cependant possible d'envisager la fin sous un autre
aspect. Les nombreuses morts,Virginia, Chester,Cam, Marl puis Lucky, peuvent dans une certaine mesure évoquer le
genre de la tragédie.
- Ainsi, on pourra se demander avec les élèves le sens de cette fin et voir si on peut y donner une portée morale. La
tragédie avait une mission cathartique, à savoir libérer le spectateur de ses pulsions, angoisses ou fantasmes, qu'il peut
secrètement éprouver. Peut-on alors voir dans cette fin une manière de libérer le jeune spectateur de ses rêves de
lumière, de ses aspirations à un monde de « stars » idéalisé, fantasmé et disons-le inaccessible et de le faire retrouver
le sens du réel ? Un débat avec les élèves peut s'engager pour savoir comment ils auront perçu cette fin. On pourra leur
demander de trouver trois adjectifs la qualifiant et discuter de leur choix.
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TROISIEME PARTIE : UN TEXTE A LA FRONTIERE DES GENRES...
Dès l'annonce du titre, la question du genre se pose et, sans en dévoiler trop, il peut être intéressant de
faire réfléchir les élèves sur leurs interprétations de Box office. Ils pourront ensuite relever les nombreuses
références à l'univers cinématographique se trouvant dans le prologue. Cet univers sera extrêmement présent
tout au long de la pièce. Damien Gabriac, jeune auteur, a en effet joué avec ce genre, et ses différentes
inspirations sont très proches de celles des adolescents d'aujourd'hui. Du film d'espionnage américain au teen
movie, en faisant un détour par Scream, il conviendra de revenir sur ces différents genres et de les analyser.
I/ Entrées dans le cinéma
1) Réfléchir au sens du titre
Le sens du titre ne sera pas nécessairement compris des élèves; il paraît donc important de commencer par là.
- Définition : Box-office est un terme anglais désignant le chiffre d'affaires d'une production artistique ou d'une
personnalité (et par extension leur classement sous forme de palmarès). Il se mesure en nombre de spectateurs, en
nombre de billets écoulés (« entrées ») ou en valeur monétaire basée sur l'un des deux items précédents.
(Au sens premier, le terme désigne l'emplacement où sont vendus les tickets d'entrée.) ».
- Le terme est employé ici sans déterminant, comme un terme générique. On parle donc ici du box office dans son sens
le plus courant, celui qui concerne le classement des films en fonction de leur rentabilité financière.
- Questions qui pourront être suscitées par ce titre :

quel univers est évoqué à travers ce titre? Qu'associez-vous à cet univers?

quels personnages peut-on imaginer dans cet univers?

en quoi ce titre peut-il paraître surprenant, voire légèrement provocateur, pour une pièce de théâtre?
- Éléments de réponses :

C'est, bien sûr, l'univers du cinéma, avec tout ce qu'il peut suggérer pour les élèves : le vedettariat, la
renommée, le glamour, l'argent... Amener les élèves à formuler leurs représentations de cet univers, avant de
leur faire découvrir les premières pages du texte ; l'effet d'identification avec les jeunes héros de la pièce, que
l'univers de la « star » fait rêver, n'en sera que plus fort!
Cette première piste de la cinématographie n'est pas erronée, puisque les allusions au cinéma sont très nombreuses,
ne serait-ce que dans le prologue (qui aura été fourni aux élèves). Il paraît donc important de demander aux élèves de
les repérer :
- page 5 la star est « en tournage »
- page 6 les ados se filment
- page 7 la longue didascalie évoquant la transformation en plateau de cinéma
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- page 8 la parodie d'une émission télévisée recevant une star de cinéma
- page 9 la filmographie énigmatique de la star - qui est en fait connue pour être une "people"
- page 9 la référence à l'actrice américaine Hedy Lamarr
- page 12 l'apparition longuement retardée et attendue, mais très mélodramatique de la star

Annoncer, d'emblée, dans le titre, que l'on parlera « chiffre d'affaire », « gros sous », cela peut apparaître un
peu surprenant pour une œuvre d'art. La réussite d'une pièce se mesure-t-elle à l'argent qu'elle a pu permettre
de récolter? Un écrivain peut-il réellement assumer une telle position? Difficile de prendre cette piste au
sérieux : l'auteur ne peut que s'amuser en nous lançant sur une telle piste! Une première fausse piste, il y en
aura beaucoup d'autres.
2) Une didascalie qui nous fait basculer dans un autre univers
Cette première réflexion autour du genre cinématographique pourra être précisée grâce à l'analyse de la didascalie
concluant le prologue.
Virginia Montayer, une star de cinéma, américaine, en robe de couturier, ensanglantée, son visage aussi, elle a une
arme à la main, elle marche, haletante, en rond, elle tremble, elle jure, elle dit no no no, elle hurle vers le ciel, elle. Elle
hurle de toutes ses forces. Ils voient. (page12)
- Questions possibles :
D'après vous, Virginia est-elle victime ou criminelle ?
Formulez des hypothèses de lecture quant à la suite.
Quel est à partir de ce moment le « rôle » des adolescents ?
Comment, par l'écriture de ces quelques lignes, Damien Gabriac crée-t-il une tension certaine ?
Comment cette didascalie fait-elle basculer le spectateur dans un autre univers ?
A quel(s) genre(s) cinématographique(s) cette didascalie renvoie-t-elle ?
- Proposer une mise en scène de la didascalie ?
- Après avoir répertorié et défini les différents genres cinématographiques proposés par les élèves, il peut être
intéressant de rappeler plus précisément la définition du genre qui semble se profiler, le polar. On pourra alors se
référer au texte de présentation de la plaquette du théâtre du Préau pour ce spectacle « un polar pour la création ado ».
- Définissons ce mot avec les élèves : le roman policier (familièrement appelé « polar » en France) est un genre de
roman, dont la trame est fondée sur l'attention d'un fait ou, plus précisément, d'une intrigue, et sur une recherche
méthodique faite de preuves, le plus souvent par une enquête policière ou encore une enquête de détective privé.
L'abréviation policier (pour roman policier) est également utilisée. Le genre policier comporte six invariants : le crime ou
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délit, le mobile, le coupable, la victime, le mode opératoire et l'enquête. Le roman policier recouvre beaucoup de types
de romans, notamment le roman noir et le roman à suspense ou thriller. (Wikipédia, article « thriller »)
- Damien Gabriac construit son texte en s'inspirant, parmi les différents genres cinématographiques, du polar. Il
conviendra donc de demander aux élèves de repérer, lors de la représentation, les différentes références à ce genre
(les six invariants évoqués plus haut seront-ils présents ?), et les procédés utilisés pour créer tension et suspense. Mais
les élèves devront être attentifs aux autres genres auxquels se réfère l'auteur.
Après la représentation
La liste des différents indices liés au genre cinématographique repérés dans le prologue pourra être reprise et
complétée et il devient évident que les sources d'inspiration de l'auteur sont bel et bien américaines.
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II/ Du théâtre d'espionnage à la théorie du complot
1) Box office, théâtre d'espionnage
- La fin de la deuxième partie de la pièce apporte un nouvel indice avec l'interprétation pour le moins loufoque du livreur
de pizzas jouant un agent du FBI venu protéger une actrice inquiétée par un bruit suspect. Tout comme Virginia surjoue
l'actrice américaine, Philippe surjoue le policier, faisant les questions et les réponses et tournant en dérision le
personnage. On découvrira par la suite que ce livreur de pizza est en train de parodier l'agent fédéral qu'il est en
réalité ! Où s'arrête le mensonge, où commence la réalité ?
- Parallèlement à cette scène, une autre réplique amènera le spectateur à s'interroger sur ce genre cinématographique
plus précis qu'est le film d'espionnage. Un nouveau personnage, non présent sur scène, apparaît dans l'histoire « le
président » (page 23). Cette courte réplique de Virginia chargée de déférence polie, et le jeu de la comédienne précisé
par la didascalie « le doigt sur l'oreille » intrigue et interroge. Qui est cet homme ? Quel sera son rôle dans l'histoire ?
Quel lien l'unit à Virginia ? Va-t-il intervenir sur scène ?
- Notre curiosité émoustillée, Damien Gabriac nous apporte assez vite d'autres éléments d'information, concluant ainsi
la première partie de son texte. Ainsi nos apprentis espions qui étaient depuis un certain temps observateurs secrets
de la scène entre Virginia et Philippe découvrent-ils qu'ils sont eux-mêmes espionnés par l'actrice.
- Avec la deuxième partie du texte, on quitte un univers somme toute assez léger, celui d'ados à la recherche
d'émotions de leur âge, pour basculer dans un univers plus sombre et sanglant.
Activité : les très nombreuses références au récit d'espionnage pourront alors être listées avec les élèves :
-page 27 un geste de la main dans les cheveux de Lucky . Paranoïa de Victoria qui est à la recherche de micros ?
-page 28 Victoria sait qu'elle a été vue ensanglantée et un pistolet à la main, les adolescents ont été témoins (gênants)
de la scène.
-page 29 elle avoue avoir tué un homme, un terroriste, et eu l'intention de tuer Philippe
-page 30 la police ne doit pas être avertie
-page 31 le corps du terroriste est « en train de se dissoudre dans la salle de bain ok »
Page 31 apparaît alors tout le vocabulaire lié au genre : « une opération de sauvegarde, les services secrets, une
mission, des informations, une taupe dans l'agence, il a craqué le système de sécurité.. ». On est en plein « Mission
impossible, Ethan Hawk (Virginia) l'agent secret est à la recherche de la taupe qui n'est autre que son chef de groupe.
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2) La théorie du complot
- Durant une grande partie de la discussion, l'incrédulité des adolescents est perceptible, entre sarcasme (« C'est vous
qui vous foutez de nous » ; « ouais et Philippe c'est un cyborg... ») et rire (sarcastique). Lorsque Victoria commence à
émettre des doutes sur la présence de complices, c'est Marl qui intervient dans un langage volontairement maladroit qui
renvoie à la jeunesse des personnages « C'est pas nous qu'on l'a aidé en tout cas. » ! C'est alors qu'intervient
véritablement la théorie du complot avec cette affirmation de Virginia « je connais tous vos faits et gestes depuis votre
naissance » et « vous êtes nés surveillés ».
- Peut être convient-il ici de revenir sur ce que l'on appelle théorie du complot.
Selon le sociologue Luc Boltanski « notre temps saturé d'informations semble être devenu un terrain privilégié pour la
prolifération de « théories du complot » et autres modes de suspicion de la réalité ». La thèse qu'il développe est la
suivante : « Pour que l'énigme, qui est l'objet du roman policier, ou le complot, qui est celui du roman d'espionnage,
puissent se détacher de façon saillante, il faut pouvoir tabler sur une réalité très solidement constituée. [...] Pour qu'il y
ait énigme, puis enquête, il faut prendre appui sur quelque chose se prétendant au préalable comme une réalité » Or
quoi de plus classique et vraisemblable que quatre adolescents en mal de sensations fortes, vivant dans une campagne
tranquille, cherchant à transgresser les règles et à jouer un peu aux rebelles ? Quoi de plus plausible qu'une actrice
célèbre dont les faits et gestes seront retransmis par tous les tabloïds ? Et c'est bien cet univers là qui nous est
présenté dans toute la première partie de la pièce.
Cependant le sociologue poursuit son analyse en développant l'idée selon laquelle « le roman policier est une
expression de la démocratie : tous suspects ! Ce qui caractérise sa naissance, c'est un dédoublement des
personnages : sous n'importe quel visage, il peut y avoir un criminel. La charmante vieille dame peut être une
empoisonneuse » et la gentille adolescente Lucky une taupe.(les inrocks.com 22/02/2012).
On pourra alors se reporter à la deuxième partie du dossier : la vérité des personnages (I, 2).
- Il ne faut pas oublier que, dans le roman d'espionnage, l'Etat est aux premières loges car la question centrale est celle
du complot : qui détient vraiment le pouvoir ? Est-ce les gouvernants ou d'autres gens, des taupes elles-mêmes
manipulées par des puissances étrangères ?
Dans Box office, l'enjeu défendu par Virginia est noble, ambitieux « protéger et servir la paix dans le monde » et
international « tous travaillent en lien direct avec les gouvernements de toutes les puissances alliées à votre pays ».
3) Un pastiche du genre
- Pastiche : Œuvre littéraire ou artistique dans laquelle on imite le style, la manière d'un écrivain, d'un artiste soit dans
l'intention de tromper, soit dans une intention satirique.
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Activité
À partir de la définition suivante, demander aux élèves dans quelle mesure la pièce Box office peut être considérée
comme un pastiche du récit d'espionnage.
- On pourra s'appuyer sur la didascalie introduisant la tirade de Virginia, page 32.
« Virginia appuie sur un bouton, nouveau changement d'espace ! Les objets médiévaux deviennent des écrans digitaux.
Des ouvertures secrètes se révèlent de part et d'autres. La maison devient un véritable bunker ultra-moderne de haute
sécurité ».
- Là encore il s'agit d'un changement de plateau assumé et intégrer à l'intrigue puisque c'est Virginia elle-même qui
dirige ce changement de décor.
Comment, d'un point de vue scénographique, ce changement de plateau se fait-il ?
Quel est le but de Damien Gabriac en proposant cette didascalie, digne d'un James Bond ou Mission impossible ? Le
but est-il atteint ?
- On pourra reprendre l'analyse sur le travestissement et la transposer au décor lui-même. Tout n'est que faux
semblant, personnage, décor. Le genre même du texte prête à confusion. Du film d'espionnage n'est-on pas en train de
passer au pastiche du genre ?
- L'analyse de la longue tirade explicative de Virginia permettra de mettre en avant les ficelles énormes avec lesquelles
s'amuse l'auteur. Tous les ingrédients du récit d'espionnage sont présents, mais de façon tellement énorme et
abracadabrantesque que l'on n'y croit plus (si jamais on y a cru un moment !).
Les superlatifs y sont nombreux « l'endroit le plus secret de la planète », « nos meilleurs agents », et tous les clichés
liés au genre sont représentés et regroupés dans cette tirade :
-l'agent double infiltré,
-une noble cause : « protéger et servir la paix dans le monde »
-l'homme dont personne n'a jamais vu le visage et qui dirige l'agence : le président anonyme (façon Charlie et ses
drôles de dames)
-les fuites : la taupe ou le traître faisant passer des informations à l'ennemi,
-l'ennemi : des terroristes anonymes dont le but ambitieux est de détruire notre civilisation,
-un monde sous surveillance
-l'espoir enfin qui repose sur ces quatre jeunes pantins espionnés et manipulés depuis leur naissance par l'agence dans
le but de les former, et les préparer à prendre la relève. Une pression énorme repose sur leurs épaules : « la nation, la
terre entière a besoin de vous, maintenant »
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- La liste ne serait pas complète sans les technologies de pointe et la fameuse box office dont on découvre ici le sens.
Damien Gabriac le transforme donc en terme polysémique :
« aujourd'hui cette technologie, (...) à partir des ondes radios est si poussée que chacun d'entre nous, avec ce que nous
avons inventé ici, peut devenir une antenne d'émission et de réception, à partir d'une microscopique boîte implantée
dans l'oreille, la box-office. »
L'auteur s'est bel et bien amusé à donner un nouveau sens au terme, partant tout simplement du sens le plus simple du
mot anglais « box » : boîte, et du mot « office » : bureau. La « box-office » de Damien Gabriac est donc une boîte, qui
reçoit et envoie des informations, comme cela se passe dans un bureau.
- A noter le petit clin d'œil de Damien Gabriac à l'Histoire en faisant de Virginia la petite fille d'une actrice célèbre
d'Hollywood ayant vécu au XXème siècle, Hedy Lamarr (1914-2000). Espionne de mère en fille avec ce même talent
pour la recherche technologique. Tente-t-il par ce procédé d'ancrer son intrigue dans la réalité, tout comme, lorsque, un
peu après, Virginia évoque les multi-nationales Google, IBM, L'Oréal ...
La notion de pastiche pourra être poursuivie avec l'étude de la fin de la pièce
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III/ Le cinéma d'adolescent
- Des clins d'œil, Damien Gabriac en fera d'autres, au cinéma de George Lucas comme on a pu le voir précédemment
mais pas seulement. Les influences cinématographiques de l'auteur sont nombreuses et l'analyse ne serait pas
complète si nous n'évoquions le teen movie (ou film pour adolescents), genre cinématographique, essentiellement
comique et nord-américain, ayant pour particularité de représenter une certaine vision de l'adolescence. Les
adolescents sont à la fois le public cible et le sujet de ces films.
- « Le teen movie met en scène des adolescents, le plus souvent entre 13 et 19 ans, décrivant le parcours d'un héros
ou d'un groupe d'amis dans une forme de parcours initiatique, sous le regard critique des adultes (parents et
enseignants). La plupart des héros étant des garçons, le but est généralement l'initiation sexuelle et la perte de la
virginité (souvent, un adolescent effacé, plus ou moins révolté, tombe amoureux d'une très belle adolescente jugée
inaccessible). La sexualité et/ou la naissance des sentiments amoureux sont donc très souvent les thèmes centraux de
ces films.
Le teen movie peut donc s'apparenter à un film sur l'accès à l'âge adulte, dans des sociétés où le rite de passage
formalisé n'existe plus. L'adolescence est présentée comme la période cruciale de l'existence, celle où les choix qui y
sont pris vont guider le personnage pour toute sa vie ». (source wikipedia)
- Box office est une commande du théâtre du préau de Vire à Damien Gabriac, dans le cadre du Festival Ado de mai
2013. Ce texte écrit pour des jeunes et mettant en scène les jeunes eux-mêmes nous propose un parcours initiatique
pour le moins périlleux.
1) Box office, parcours initiatique raté !
- Rappel de ce qu'on appelle « parcours initiatique » :
Définition : le récit initiatique est un récit d'apprentissage avec des particularités. Il montre le parcours d'un jeune qui va
grandir, passer de l'adolescence à l'âge adulte, après avoir triomphé d'épreuves et d'obstacles.
- Il renvoie aux pratiques de certaines sociétés qui ont établi des rites de passage. Le passage est souvent matérialisé
par un passeur et présente une dimension symbolique.
Pour que le récit d'apprentissage devienne récit initiatique, il doit y avoir transformation intime de la personnalité,
présentée d'une façon plus symbolique que réaliste, avec la découverte de nouvelles valeurs, souvent accompagnée de
souffrance. Le critère de temps est nécessaire à l'initiation, à la maturation. La fin du récit marque le début d'une
nouvelle vie, avec diverses interprétations possibles. Le parcours initiatique est un thème qui se retrouve en littérature
mais également au cinéma, et c'est le cas de la saga Star Wars de George Lucas (épinglée en épigraphe du texte).
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Activité
Qu'est-ce qui, dans le parcours de ces quatre ados, relève du "parcours initiatique" ? Et en particulier pour Lucky ?
Recherchez les causes du changement (et faire le lien avec la signification de son prénom).
Comparez l'état initial et l'état final des personnages (se référer au travail sur les personnages – qui ils sont
vraiment). Analyser la nature du changement, en dégager les différentes étapes.
Pourquoi est-ce, selon Virginia, une « chance de ne plus vivre dans l'ignorance ! » (page 35)
-Partons de l'idée selon laquelle le récit d'apprentissage est un récit qui décrit la maturation du héros qui manque
d'expérience au départ et traverse des obstacles ou des épreuves afin de mûrir et d'en tirer des leçons. A la fin, il est
censé avoir trouvé sa juste place dans l'ordre du monde et la société de son temps. Pourquoi alors peut-on dire que
Box office est un parcours initiatique raté ?
2) Des ados, du sang et Scream
- L'aspect parodique de la fin avec la mort de l'actrice, puis des quatre adolescents peut effectivement évoquer le genre
de la tragédie. Cependant les allusions à peine voilée au film Scream, dans la scène finale, mais également parsemées
tout au long de la pièce par un Damien Gabriac joueur sont à analyser. Le jeune auteur utilise ses références
cinématographiques comme autant de clin d'œil au cinéma américain et nous invite dans son univers à (re)découvrir un
film d'horreur à succès des années 90.
- Synopsis du film Scream: Une petite ville des États-Unis devient la cible d'un tueur en série obsédé par les films
d'horreurs. Il met à profit ses connaissances pour piéger ses victimes, narguer la police et semer ses poursuivants. Mais
qui se cache derrière le sinistre masque de l'assassin ? L'enquête est en cours. En attendant, ne répondez pas au
téléphone et n'ouvrez pas la porte...
- Activité : lister les points communs entre la pièce et le film.
Scream (film de Wes Craven, 1996)
Box office (pièce de Damien Gabriac, 2013)
-Les héros sont de jeunes lycéens américains appartenant Les héros sont quatre adolescents de 16 ou 17 ans aux
à une classe sociale aisée : Sydney, Billy, Stuart... et ont noms à consonance américaine : Marl, Cam, Lucky et
des problématiques d'adolescents : l'amour...
Chester. Issus également de familles aisées : le père de
Cam et Chester est pédopsychiatre. Lucky est amoureuse
de Marl.
-La mère de l'héroïne Sydney Prescott a été assassinée.
-La mère de Lucky est morte quand elle était petite dans
des circonstances non précisées..
-Le cinéma,
la télévision et le spectacle en général -Marl et sa passion du cinéma « ma passion, c'est le
tiennent une place importante dans l'esprit de la jeunesse cinéma, voir, filmer, je filme tout ce que je vois ». Caméra
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américaine. Scream, c'est aussi des films d'horreur dans un qui passera de mains en mains puisque chacun des
film d'horreur avec des mises en abyme récurrentes
adolescents se présentera par l'intermédiaire de cette
caméra. Là encore des mises en abymes pourront être
relevées.
-Un accessoire utilisé à de nombreuses reprises et source -Rôle du téléphone, accessoire complice indispensable à
d'angoisse : le téléphone.
tous les adolescents d'aujourd'hui, mais également outil de
surveillance qui sera détruit par Virginia lorsque la théorie
du complot est mise avant : « c'est avec ça qu'on vous suit
et vous contrôle » (page 32)
-La confrontation finale opposant Sydney et ses alliés à -Les deux tiers de la pièce ainsi que la confrontation finale
leurs adversaires se déroulera au même endroit, dans la se dérouleront chez Virginia. Celle-ci voulant d'ailleurs
maison de Stuart. Importance de la cuisine, souvent lieu de entraîner Lucky dans la cuisine sous le prétexte qu'elle a
révélation, car cette pièce est à la maison ce que les « quelque chose d'important » à lui dire.
coulisses sont au théâtre, le lieu où s'expliquent les
stratagèmes, les plans restés cachés, les artifices, les
manipulations.
-L'action se passe le jour anniversaire de la mort de la -L'action se passe le jour de l'anniversaire de Lucky
mère de Sydney.
-L'ignorance de l'identité réelle de l'agresseur et l'utilisation -La notion de travestissement est nettement développée
du masque devenu célèbre et qui fait que le doute tout au long de la pièce.
s'insinue dans l'esprit des jeunes. Qui se cache derrière ce La théorie du complot évoquant un ennemi anonyme
masque ? Stuart, Billy et même Sydney, idée de
travestissement.
-Le meurtre de sa mère hante Sydney, d'autant plus qu'une -La motivation de Lucky : « je voulais juste savoir qui avait
journaliste remet en question la culpabilité de l'homme tenu tué ma mère »
pour responsable de ce crime.
-Les nombreux morts, victimes du tueur au masque. On -Virginia, puis Chester, Cam, Marl et enfin Lucky;
peut alors parler de serial killer
Lucky avait annoncé, devant la caméra, qu'elle deviendrait
« serial killeuse », elle tirera sur Philippe, sur Cam et Marl
avant d'être elle-même éliminée par Philippe.
-Billy met en scène sa propre mort, en jouant sur les -Philippe s'effondre après que Lucky lui ait tiré dessus, on
artifices du cinéma, il réapparaîtra un peu après, non plus le croit mort. Il se relèvera un peu après et c'est alors qu'on
victime mais tueur sans pitié.
découvrira qu'il est le président.
-Film avec et pour des adolescents : teen movie -Texte de théâtre mettant en scène des adolescents et
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sentimental.
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destinés au public du Festival Ado
-Scream est l'un des rares films à avoir su gérer l'équilibre -Box office joue sur les genres, entre récit d'espionnage,
entre satire du genre et vrai film terrifiant.
teen movie et pastiche de ces genres.
- le masque inquiétant porté par le tueur fait allusion au - le cri entendu par Virginia (page 22) est peut-être un clin
tableau du peintre norvégien Edvard Munch intitulé Le cri.
d’œil au tableau de Munch.
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Bilan
A l’issue du travail de préparation avec les élèves, il conviendra de les sensibiliser à l’analyse de la représentation à
venir en listant par exemple des questions concernant les domaines suivants :
1/ La scénographie

Comment vont s’effectuer les changements de décor, de plateau ?

Quel espace va être attribué aux adolescents, en tant que groupe, et à chacun des quatre ? Comment vont-ils
être ensemble sur scène tout en étant séparés (prologue) ? Comment les adultes vont-ils s’intégrer dans cet
espace ?

Les références au cinéma seront-elles intégrées à la scénographie ?

Y aura-t-il de la musique et quel rôle jouera-t-elle ?
2/ Les éléments concrets

Quels éléments concrets va-t-on retrouver sur scène (portable, caméra, mobilier, la box office...) ?

Comment vont-ils évoluer au cours de la représentation ?
3/ La lumière

D’où vont venir les sources de lumière ?

Qui et que va-t-elle mettre en valeur ?

L’utilisation de la lumière aura-t-elle des connotations symboliques ?
4/ Les costumes

Comment vont-ils caractériser les personnages ? Correspondront-ils à des clichés ?

Que vont-ils révéler ou déterminer des personnages ?

Comment vont-ils être utilisés pour la thématique du travestissement ?
5/ Le jeu des acteurs

Quelle sera la gestuelle choisie pour incarner les personnages adolescents ? La star de cinéma ?

Comment le tempo très rapide des répliques des personnages adolescents sera-t-il rendu sur scène ?

Comment vont évoluer le jeu des acteurs, et principalement ceux qui incarnent des personnages à l’identité
changeante ?
Pour faciliter le travail d’analyse après la représentation, il est possible de diviser la classe en six groupes, chacun
s’intéressant plus particulièrement à un personnage de la pièce, observera son évolution, ses déplacements, sa place
sur la scène, la gestuelle et l’intonation du comédien qui le jouera....
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