Pourquoi recruter un conservateur dans vos collectivités

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Pourquoi recruter un conservateur dans vos collectivités
Pourquoi recruter un conservateur dans vos
collectivités ?
Rencontre Off n°2
Organisateurs :
Promotions Umberto Eco des élèves conservateurs territoriaux du patrimoine et Albert
Londres des élèves conservateurs territoriaux de bibliothèques.
Intervenants :
Héloïse CONESA, élève conservateur territorial du patrimoine, INET ;
Cédric CREMIERE, Conservateur territorial du patrimoine, Directeur du Muséum d’Histoire
naturelle du Havre ;
Pascal FRUCHON, élève conservateur territorial des bibliothèques, École nationale
supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques
Jean-Michel PARIS, Directeur du pôle Animation jeunesse, Sport, Culture, Archives, Loisir
et tourisme, Conseil général de l’Hérault ;
Maïté VANMARQUE, Conservateur territorial de bibliothèques, Directrice de la
médiathèque de la communauté urbaine d'
Alençon.
La rencontre était animée par Laure DALON, élève conservateur territorial du patrimoine
et Coline RENAUDIN, élève conservateur territorial des bibliothèques.
I.
Introduction (Laure DALON)
Cette rencontre est proposée par la Promotion Umberto Eco de l’INP et la Promotion
Albert Londres de l’ENSSIB. Après un rappel des formations suivies par les
conservateurs, trois professionnels de la culture témoigneront de leur expérience et de
l’intérêt de recruter un conservateur dans les collectivités territoriales.
II.
Les formations au métier de conservateur (Héloïse CONESA)
L’ENSSIB est l’école d’application des concours de conservateur des bibliothèques d’Etat
et de conservateur des bibliothèques territoriales, tandis que l’INP propose une formation
unique aux personnes reçues au concours de conservateur du patrimoine de l’Etat, de la
ville de Paris et des collectivités territoriales. Les deux écoles, placées sous la
responsabilité de l’INET, se situent à Paris (INP) et Villeurbanne (ENSSIB). Elles offrent
un cursus complet sur le plan scientifique, administratif et managérial au cours de 18 mois
de formation et de stages.
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A l’INP, les élèves suivent des cours en droit et en économie du patrimoine, en gestion
des ressources humaines, conservation préventive, médiation et diffusion culturelle. Un
séminaire Exposition permet aux élèves de réaliser un projet sur une période de 5 mois,
en fonction de leurs spécialités (musée, inventaire, archéologie, archives, patrimoine
scientifique, technique et naturel).
L’enseignement de l’ENSSIB regroupe des séminaires relatifs aux politiques publiques, au
monde des bibliothèques, à l’économie du livre, au management et à l’action culturelle,
ainsi que des cours sur le traitement de l’information et la structuration des savoirs. La
formation comprend également la réalisation d’un mémoire d’étude sur le fonctionnement
des bibliothèques.
Au cours de leurs cursus, l’INP et l’ENSSIB prévoient également quatre stages complétant
la formation théorique des élèves. Un entretien avec le jury vient couronner la formation
par l’obtention d’un diplôme et l’inscription des élèves/stagiaires sur une liste d’aptitude.
III. La polyvalence des formations (Pascal FRUCHON)
Cette formation complète répond à la très forte motivation des élèves, dont les parcours
d’origine sont très variés. Les élèves des promotions Umberto Eco et Albert Londres ont
en effet entre 23 et 51 ans et sont issus d’horizons très divers. Les métiers de
conservateur des bibliothèques et de conservateur du patrimoine ne sont pas des choix
par défaut, bien au contraire : les élèves se présentent à ces concours car ils ont le désir
de prendre en charge une équipe, de mener des projets à facettes multiples, destinés à la
collectivité. La formation délivrée leur apprend à communiquer avec des publics et des
interlocuteurs très variés. Le conservateur est un fonctionnaire complet, dédié au travail
de médiation, motivé par le croisement des disciplines scientifiques et engagé dans
l’action culturelle et la création.
IV. Les fonctions de gestionnaire et de manager d’un conservateur
(Maïté VANMARQUE)
La médiathèque de la communauté urbaine d’Alençon se compose d’une bibliothèque de
centre-ville et de trois bibliothèques de quartiers. Elle emploie 30 agents, placés sous la
direction de la conservatrice, seule cadre de catégorie A de l’établissement. La partie
managériale du travail est essentielle : elle a constitué 80 % du temps de travail lors de la
prise de poste un an plus tôt. Au quotidien, cela s’est traduit par la mise en place de
méthodes de travail et d’outils communs autour d’un projet d’établissement. Ce dernier se
construit à travers une analyse du territoire et de la population à desservir, la définition
d’un programme d’animation structuré, l’établissement d’un plan de formation des agents,
la construction d’un tableau de bord d’évaluation, la constitution de dossiers de
subventions et la réalisation de rapports d’activité. Les conservateurs ne sont pas
seulement des « cultureux », fanatiques de lecture et enfermés dans leur tour d’ivoire : ils
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sont actifs, dynamiques, concernés par les autres et enthousiasmés par la direction
d’équipe.
Laure DALON s’enquiert de la manière de mobiliser une équipe autour d’un objectif
commun.
Pour Maïté VANMARQUE, le projet d’établissement est un excellent outil, car il permet
d’associer les agents et de renforcer l’esprit d’équipe. La Direction doit veiller à faire
circuler l’information, développer des relations simples et respectueuses avec les agents,
en étant à la fois directive et participative. Lorsqu’un projet est clair, transparent et
partagé, l’accompagnement des agents qui y participent est tout naturel.
Pour Jean-Michel PARIS, l’essentiel est de convaincre, pour entraîner tous les acteurs
dans une même direction : les élus doivent comprendre l’intérêt des projets proposés, les
collègues doivent se sentir impliqués. S’engager dans une collectivité est le fruit d’un
choix. En privilégiant le management participatif, le conservateur donne du sens au travail
de chacun. Il doit donc savoir repérer les compétences de chaque membre de son équipe.
V.
L’aspect scientifique du métier de conservateur (Cédric CREMIERE)
« Les sciences, sous des dehors riants, sont des choses un peu arides » disait Réaumur.
Cette citation a été placée en exergue du catalogue de la dernière exposition du Muséum
d’Histoire naturelle du Havre, car il n’est pas contradictoire de choisir un entomologue du
passé pour incarner l’image d’une ville résolument tournée vers l’avenir. L’exigence
scientifique n’est pas synonyme d’ennui, au contraire : l’enjeu du partage des savoirs est
le plaisir.
Ainsi, l’expertise scientifique des conservateurs apporte une plus-value essentielle à une
collectivité. Les jeunes conservateurs ayant été étudiants en sciences ont en effet une
vraie capacité à négocier des partenariats et convaincre des mécènes, puisqu’ils ont
pratiqué ces méthodes pour poursuivre et financer leurs études. Par ailleurs, ils
entretiennent des liens naturels avec les Universités et les acteurs du monde de la
recherche, ce qui facilite la mise en place d’opérations conjointes. Les conservateurs se
veulent des acteurs de leur territoire : ils peuvent assurer des cours et participer à la
diffusion des savoirs scientifiques. Ils ont également une sensibilité spécifique aux
questions environnementales, qui préoccupent particulièrement les collectivités
aujourd'
hui. Le projet du Muséum d’histoire naturelle du Havre est axé autour de
l’éducation à la nature et à l’environnement. Il participe à la cohérence territoriale en
encourageant les projets communs à la Haute et la Basse Normandie autour de sujets
concernant l’ensemble de l’estuaire.
Laure DALON s’intéresse à la manière dont un conservateur devient force de proposition
auprès des élus.
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Pour Jean-Michel PARIS, le territoire et les moyens dont dispose le conservateur doivent
être bien délimité, ce qui suppose une bonne connaissance administrative.
Pour Maïté VANMARQUE, le meilleur argument pour défendre un projet devant les élus
réside précisément dans les compétences scientifiques et techniques acquises par le
conservateur au cours de sa formation.
VI. Les capacités d’évolution du conservateur (Jean-Michel PARIS)
Pourquoi recruter un conservateur dans les collectivités ? Il semble étonnant que la
question se pose encore, 23 ans après la décentralisation. Un administrateur est parfois
plus rassurant qu’un conservateur pour l’administration générale. S’il est nécessaire
d’élargir les frontières de l’action territoriale, il est avant tout indispensable de
décloisonner les frontières internes.
Les conservateurs sont capables d’un grand sens technique. Ils ont une capacité à
travailler sur les territoires, à créer un réseau, à se confronter au réel. Par la variété de
leurs parcours, les conservateurs sont une source d’enrichissement incontestable des
collectivités territoriales.
Dans le département de l’Hérault, un projet architectural réunit dans un même lieu les
Archives départementales, une médiathèque et un complexe sportif. Il est très intéressant
d’observer la manière dont les échanges méthodologiques s’opèrent entre le conservateur
du patrimoine, le conservateur de bibliothèque et l’office des sports. Le patrimoine doit
faire l’objet d’une politique publique au même titre que la politique de l’enfance ou du
logement.
Laure DALON interroge les intervenants sur la place des réseaux professionnels dans leur
action.
Cédric CREMIERE estime que les réseaux facilitent la construction de projets collectifs.
Maïté VANMARQUE encourage les élèves conservateurs à enrichir leurs réseaux
professionnels et leurs réseaux à l’échelle du territoire, afin d’ouvrir l’établissement dont ils
ont la charge à ce qui l’entoure.
VII. Questions de la salle
Un participant fait observer que toutes les bibliothèques ne dépendent pas d’une direction
culturelle. Les conservateurs ne sont pas des représentants de l’Etat pour appliquer des
politiques culturelles. Ils possèdent une légitimité forte, du fait de leur formation, mais
doivent être totalement impliqués dans la vie de la collectivité territoriale.
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Pour Jean-Michel PARIS, plus la collectivité est large et plus les réseaux sont
nécessaires.
Cédric CREMIERE souligne le caractère facilitateur des réseaux professionnels, mais
insiste sur la nécessité de développer ses propres réseaux en interne. Par exemple, trois
rencontres annuelles des 150 cadres territoriaux sont organisées au Havre, afin de
mobiliser les acteurs autour de thématiques particulières.
Une participante fait part de son expérience de recrutement de conservateurs par sa ville
au début des années 90. La Direction générale avait l’intuition que la lecture est le premier
acte social et que le recrutement d’un conservateur de bibliothèque pourrait servir de base
à une rénovation générale des institutions culturelles, alors que le choix d’un Directeur
culturel n’aurait pas permis de réunir tous les projets de manière transversale. Le profil
retenu a permis de créer une médiathèque, de définir un projet d’établissement de rénover
tous les métiers, de faire appel au public et d’ouvrir des collections, en faisant fi du modèle
très hiérarchique qui existait précédemment. L’intégration de conservateur a permis de
travailler sur l’ensemble des politiques culturelles de la ville. Les résultats ont été très
positifs auprès des publics.
En conclusion, Coline RENAUDIN se réjouit de constater que les collectivités territoriales
sont convaincues de l’intérêt de recruter un conservateur parmi leurs équipes. Pour
accomplir sa mission, le conservateur doit donner sens à son engagement, convaincre
dans la transparence et le partage et accompagner des projets transversaux. Les
compétences en management et l’expertise scientifique du conservateur, qui reposent sur
un métier-passion, ont toute leur place au service de la collectivité.
Document rédigé par la société Ubiqus
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