Faut-il interdire l`usage du PFOA ?

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Faut-il interdire l`usage du PFOA ?
2 octobre 09
Le Monde
Enquête
Faut-il interdire l'usage du PFOA ?
e Réseau environnement santé (RES), qui regroupe des associations, des
organisations non gouvernementales, des professionnels de santé et des scientifiques,
appelle à une nouvelle expertise sur le PFOA, l'acide perfluorooctanoïque. Le RES a
demandé, mercredi 30 septembre, l'arrêt de son utilisation.
Le PFOA entre dans la composition de nombreux produits industriels et domestiques,
comme les poêles ou casseroles antiadhésives, les revêtements imperméables et
antitaches mais aussi dans l'habillement, le mobilier, la papeterie ou les emballages
(pizza, pop-corn...). Des marques comme Teflon, Baygard ou Gore-Tex en sont
particulièrement consommatrices.
Le PFOA fait partie de la famille des perfluorés, une centaine de substances, dont le
PFOS (acide perfluorooctane sulfonique), interdit en Europe et aux Etats-Unis, mais qui
reste très présent dans l'environnement. Le RES conteste l'avis rendu le 13 mars par
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).
Cette dernière avait été saisie, fin 2007, par l'association UFC-Que choisir de Caen sur les
risques potentiels pour la santé liés à la présence de PFOA dans les revêtements
antiadhésifs des ustensiles de cuisson des aliments. L'Afssa a conclu que "le risque pour
la santé des consommateurs (...) est considéré comme négligeable."
Or, selon le RES, "l'imprégnation de la population par le PFOA est quasi générale (plus
de 98 % aux Etats-Unis selon l'agence fédérale Centers for Disease Controls, ce que le
WWF avait déjà démontré en 2005 en Europe). Le PFOA est aussi retrouvé dans le lait
maternel", explique André Cicolella, chercheur en évaluation des risques sanitaires à
l'Institut national de l'environnement et des risques (INERIS) et porte-parole du RES.
Pour le RES, le PFOA est un perturbateur endocrinien. M. Cicolella estime que "l'Afssa
n'a pas pris en compte toutes les données, notamment les données gênantes", et cite des
études épidémiologiques qui montrent "un excès de cancer de la prostate chez l'homme
en milieu professionnel, une baisse de la qualité du sperme".
"Au Danemark, précise le porte-parole du RES, il y a, selon ses études, 2,5 fois moins de
spermatozoïdes chez les hommes les plus imprégnés en PFOA et PFOS." De même, chez
l'animal, "des études récentes et importantes ne sont pas prises en compte ou
minimisées, insiste M. Cicolella. Des effets neurologiques et des atteintes du système
immunitaire et du développement de la glande mammaire".
Le RES demande que "l'expertise soit conduite non par la seule Afssa, mais sur un mode
interagence non seulement pour le PFOA mais pour l'ensemble des perfluorés".
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2 octobre 09
Le Monde
L'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA) avait déjà considéré que le
PFOA peut poser des risques pour la santé du fait que ce composant est très résistant
dans l'environnement et le corps humain. Le groupe chimique américain DuPont avait
annoncé en 2007 qu'il travaillait à développer de nouvelles technologies lui permettant
d'éliminer le PFOA d'ici à 2015 ou "si possible plus tôt ". Le groupe a mis au point des
produits sans PFOA pour le revêtement d'emballages en papier. D'autres groupes comme
3M vont également dans ce sens.
"Nous sommes face à un faisceau de preuves appelant à la vigilance", insiste le RES, qui
a déjà alerté l'opinion à propos du Bisphénol A, en demandant son interdiction dans les
plastiques alimentaires, notamment les biberons.
Pascale Santi
Article paru dans l'édition du 02.10.09
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