Présentation de la journée - Institut d`histoire du temps présent

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Présentation de la journée - Institut d`histoire du temps présent
Journée d’études du 13 novembre 2009, Institut d’Histoire du Temps Présent. La Grande-­Bretagne, la France et le monde de la mode pendant la Seconde Guerre mondiale. Introduction de Patrick Fridenson Fabienne Falluel et Marie-­‐Laure Gutton évoquent la construction de leur exposition, Accessoires et objets, témoignages de vies de femmes à Paris 1940-­1944. Leur exposé a montré l’importance de la culture matérielle pour l’étude de la période. Les pièces exposées proviennent de dons et d’achats. Les dons ont joué un rôle très important dans la construction de cette collection, et ils émanent à la fois de particuliers et d’entreprises, comme la Maison Mittler, fondée au XIXe siècle et particulièrement importante pendant la Seconde Guerre mondiale. Au-­‐delà de la présence des pièces exposées, Fabienne Falluel insiste sur la notion d’abondance et de manque, à la fois dans l’inventaire des pièces, et dans leur conception elle-­‐même. Les accessoires occupent une grande place dans l’exposition. Les chapeaux posent la question de la datation, basée sur une sérialisation des formes. On passe ainsi des petits chapeaux de 1939 aux grands chapeaux de 1944. Les matières posent, dans certains cas, des problèmes de conservation, depuis l’utilisation de rubans de celluloïd à un exemplaire en ficelle de paille de Lanvin, particulièrement fragile. Les chaussures ont été documentées dans l’exposition de manière à donner un échantillon de productions concernant toutes les circonstances, toutes les techniques, et une bonne représentation de leur distribution. La collection comprend ainsi une paire de galoches, un sabot neuf, des chaussures de la Maison Lecœur pour le Bon Marché, ou encore des bottes du chausseur Perugia. Les manques se font davantage ressentir en ce qui concerne les gants et les parapluies. Cela est dû moins à l’existence d’objets qu’aux problèmes de conservation et de datation. C’est le cas des gants : la persistance des formes rend leur datation très difficile. De même pour les parapluies, qui se font aussi plus rares pendant la guerre, car ils sont souvent remplacés par un capuchon, plus fonctionnel. Des campagnes d’enrichissement ont contribué à combler certaines lacunes. C’est le cas des foulards, avec l’acquisition de plusieurs foulards de guerre, et d’un exemplaire illustrant le thème du débarquement. Les manchons ont pu être complétés suite à la vente d’une collection. Les bijoux sont bien représentés, avec, notamment, des exemplaires de Line Vautrin et de Schlumberger. La datation des objets requiert une connection étroite entre objet et sources. Elle se met en place de manière progressive et comparative. La collection dessine un paysage en tranches comparatives claires. De manière générale, les objets de 1939-­‐
40 sont tournés vers l’avant-­‐guerre ; ceux de 1941-­‐42 montrent un équilibre et une stabilité des formes ; ceux de 1943-­‐44 tendent vers le déséquilibre et la démesure. L’objet est témoin de l’organisation sociale, en lien direct, par exemple, avec les moyens de transports, comme la bicyclette, et les hivers froids. L’objet est à la fois témoin direct et indirect de phénomènes comme l’aryanisation, notamment. Certains objets posent aussi des difficultés d’interprétation, comme ces boutons tricolores de Mittler : faut-­‐il attribuer leur couleur à une volonté patriotique, ou pétainiste ? On sait en tous cas que certains d’entre eux ont été portés par une femme gaulliste, qui n’était ni pétainiste, ni résistante ! On sait aussi que les objets tricolores étaient généralement produits en zone libre. Certaines broches de Mittler posent également des difficultés d’interprétation, comme par exemple, une représentation de canard enchaîné. Dominique Veillon est ensuite intervenue dans la foulée de son livre, La Mode sous l’Occupation, qui constitue l’étude à la fois pionnière et la plus complète sur le sujet. Elle commence son exposé en donnant des exemples de l’extravagance visible dans une série d’objets, tels que cette ceinture en daim à boucle représentant des rutabagas, ou une autre portant une représentation miniature d’une poêle et des 90 grammes de viande autorisés par semaine. Elle rappelle aussi l’histoire de Jo Cardin, une jeune Parisienne qui a fabriqué une ceinture de carton décorée du mot « victoire » constituée de minuscules étoiles de cuir jaune, qui a valu à son auteur d’être envoyée à Drancy. Dominique Veillon poursuit en évoquant les aspects pratiques de la mode sous l’Occupation, comme pouvaient l’être les sacs, immenses et souvent en tissu, tel un modèle du couturier Worth. L’écrivain Colette explique la récupération d’un châle sur une monture de sac en fausse écaille blonde. De leur côté, les grandes maisons de couture utilisent des matières peu exploitées jusque-­‐là, comme le lézard. La fourrure n’est pas contingentée, mais son utilisation révèle fortement l’appartenance à une classe sociale. Sur le plan des accessoires, un sac Hermès s’échange contre 50 kilos de sucre ou un pneu de camionnette au marché noir. En 1941, Lucien Lelong crée un sac taillé à même le bois, en forme de bûche. Maggy Rouff développe la double paire de gants, soit une paire doublée d’une autre paire. On note à cette occasion que les gants sont portés même à l’intérieur en hiver, pour cause de pénurie de chauffage. Les bas de soie sont vite affectés par les pénuries et remplacés, puisque la bienséance interdit que l’on sorte jambes nues, par de la teinture d’iode, ou par la teinture pour jambes commercialisée par Elizabeth Arden, mais qui reste chère. Les foulards permettent d’agrémenter les tenues austères de la guerre. Les motifs maréchalistes et campagnards ont beaucoup de succès. Le bijou se fait patriotique, y compris chez les grands joailliers de la Place Vendôme. Par exemple, cette broche d’émeraude en forme d’arrosoir, sur le thème du retour à la terre. Reine Bailly lance la mode du sucrier de poche. Les plus modestes se contentent de bijoux fantaisie en métal. Ainsi la Croix de Lorraine est très répandue jusqu’en 1941, mais son port suscite tellement d’arrestations qu’on cesse de la porter. L’approche de la Libération sera célébrée également par la broche « oiseau libéré » de Cartier. L’imagination se déploie dans la fabrication des chaussures et chapeaux, ainsi ces chaussures « smelflex », à la semelle de bois découpée en chicane selon un modèle allemand, dont la souplesse reste à prouver. Des modèles en bois à dessus de faux crocodile sont en vente libre au Bon Marché. En octobre 1942, un modèle à semelles interchangeables grâce à des fermetures éclair est lancé mais ne rencontre aucun succès. La récupération de cheveux sert à la fabrication de pantoufles. Une des rares libertés est celle offerte par le chapeau. Tout commence sagement par le turban, à la Simone de Beauvoir. Le feutre, le béret, le capuchon, sont aussi beaucoup utilisés. Mais à partir de l’été 1941, le chapeau va se développer dans des dimensions opposées. Comme l’exprime le journaliste Gérard d’Ouville, les chapeaux quittent tout bon sens. La limitation des tissus induit une excentricité sans précédent dans les matières utilisées, comme les copeaux de bois, la collection de feutres en papier buvard de Rose Valois, le modèle d’Albouy en papier journal : la mode utilise l’inutilisable. Lou Taylor débute son intervention par la question de savoir où il sera possible de trouver refuge pour le textile de luxe. Jacques Fath, Marcel Rochas, Maggy Rouff vont tous travailler dans un esprit d’adaptation. La France vaincue cherche à maintenir artificiellement la normalité. Lucien Lelong reste en activité et travaille notamment avec deux chefs modélistes, Pierre Balmain et Christian Dior. Comme l’a expliqué Dominique Veillon dans ses travaux, une trentaine de salons conservent une autorisation d’ouverture, à condition que leurs patrons soient non-­‐Juifs. Mais il y a au total au moins cent maisons ouvertes à Paris. Si elles ferment, le savoir-­‐faire est perdu, et les employés ont de fortes chances d’être envoyés en Allemagne. Les tissus utilisés dans la couture parisienne viennent de Lyon, dans des ateliers textiles où travaillent des « artistes dessinateurs de haute nouveauté », dont des Juifs. En 1941, a lieu un échange entre les fabricants du textile et Daniel Gorin. L’occupant repère des noms juifs sur la liste des créateurs textiles et décide de procéder à une « purification » du secteur. Le 14 mai 1941, Daniel Gorin donne aux autorités une liste de treize noms. Au fur et à mesure de l’Occupation se développe une « économie de naufragés » où dominent les textiles de remplacement basés sur des matières médiocres comme la rayonne recyclée, les cheveux humains et le genêt sauvage. Les couturiers se trouvent contraints de participer à des expositions culturelles organisées par l’occupant ou des manifestations telles que les « Métiers de France » organisée en 1941 à Lyon, où est exposé un portrait géant de Pétain en jacquard de soie naturelle, œuvre des soyeux lyonnais. Les fabricants de textile français sont à nouveau représentés à la Foire de Barcelone en 1942, aux Arts Décoratifs de Paris en 1943. Par suite des pénuries, la production se modifie, ainsi, les fabricants Coudurier, Fructus et Drescher abandonnent les grands imprimés pendant la guerre. L’imagerie pétainiste se développe dans la production lyonnaise sous la protection de Pétain. Les symboles vichystes, les fleurs des champs (bleuet, marguerite et coquelicot), le blé, deviennent les motifs les plus courants. On retrouve cette imagerie dans des modèles de Jacques Heim de 1942, dans une veste aux épis de blé réalisée par Schiaparelli pendant son séjour américain. Les blouses au point de croix de Modes et travaux font directement référence au dirndl allemand. L’utilisation du tartan est plus difficile à interpréter : s’agit-­‐il d’une référence aux Alliés ou simplement d’un tissu utilisé pour sa chaleur ? L’arrivée des Alliés pose la question de l’interprétation des chapeaux portés par les françaises pendant l’Occupation, que l’auteur ne voit pas comme une forme de résistance, mais bien comme une manifestation d’allégeance au régime de Vichy dans un contexte de réponses complexes à l’Occupation, à la fois sur les plans économique, politique et esthétique. Parmi les productions des tisseurs, on trouve très peu de dessins résistants, ce qui contribue à conclure que les couturiers étaient d’orientation pétainiste. La réponse populaire montre par contre des productions différentes, telles ces blouses conservées aux Musées Galliera et de Toronto, dont le dessin est une allusion directe à la Résistance. Thierry Maillet commence par souligner le rôle des intermédiaires, avec une série de firmes : Claude Frères, en activité depuis les années 1840 ; Bilbille, depuis le XIXe siècle ; Fred Carlin ; Textile Argus. Toutes sont basées dans les quartiers parisiens spécialisés dans le textile. Fred Carlin joue un rôle particulièrement important. Il dépose sa première marque auprès de l’Institut national de la Propriété Industrielle en 1919. Pendant les années 1930, la firme développe des livres d’échantillons et de couleurs, sur des thématiques en lien direct avec les événements culturels contemporains, comme le thème « les grands maîtres de l’art italien » dans les années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Claude Frère et Textile Argus cessent leurs activités. La firme Bilbille, elle, demande un laissez-­‐passer pour la zone libre afin d’acheter du tissu pour une compagnie de Krefeld. Le registre des producteurs montre, pendant la guerre, une forte présence de sociétés coopératives, et la création d’un nombre non négligeable de nouvelles entreprises. Fred Carlin est officier de liaison pour l’armée britannique. Sa femme Ida travaille pour L’Officiel de la Couture, ce qui lui permet de voyager dans le Nord de la France. Pendant la guerre, les entreprises d’échantillonniers vont donc passer, pour certaines, de cette activité au négoce. Les causes de fermeture de certaines d’entre elles restent à clarifier. La guerre n’a en tous cas pas interrompu toute activité pour la plupart de ces compagnies intermédiaires. Ulrike Berglund évoque le développement du design suédois pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa recherche montre notamment comme les maisons de couture suédoises adaptent les modes françaises pour les rendre suédoises et pour créer du design abordable, ce qui la conduit à poser notamment les questions de l’identité nationale, de la modernité, et de la planification nationale des garde-­‐robes féminines. Le transfert des modes françaises est illustré par une photographie d’Alva Myrdal, vecteur de l’établissement de l’Etat-­‐Providence suédois, habillée par Christian Dior. Dans le contexte de cette journée d’étude, Ulrike Berglund développe plus particulièrement la présence de la couture française dans les médias suédois pendant la Seconde Guerre mondiale. Sur le plan contextuel, Per Alvin Hansen devient Premier Ministre en 1939, à la tête d’un gouvernement social-­‐démocrate et d’une société qui se vit comme une société sans classes. En décembre 1941, le rationnement des textiles est décrété en Suède, sur base d’un système de points et de coupons, à l’exception du cuir, des chaussures, de la soie, de la soie artificielle, et des vêtements de deuil. Le message principal délivré par la politique de rationnement est rationnel et éthique, invitant à rejeter les micro-­‐tendances, à planifier sa garde-­‐robe, à encourager la couture à la maison et la création à partir de vieux vêtements. La presse de mode souligne cependant l’importance de l’élégance et de la mode en général, comme un facteur d’espoir et de paix. La santé prime : si l’on est bien portant, il n’est pas nécessaire de se cacher derrière des vêtements. Des jambes bronzées n’ont pas besoin de bas ; des cheveux fraichement lavés n’ont pas besoin de chapeau. Ceci s’accompagne d’un mouvement de contrôle des prix et d’une standardisation des méthodes de production, évoquant notamment la notion de « cost per wear ». Un médiateur gouvernemental est chargé du contrôle des prix. La standardisation mise en place peut être comparée à celle des voitures. Elle concerne aussi l’innovation en matière de tissus. Cependant, malgré les procédés de standardisation mis en place, l’image de la couture suédoise présentée dans les magazines de mode nationaux reste fondée sur l’image de la mode française. En 1939, les nouvelles de mode parisienne arrivent constamment, sous forme de « télégrammes de mode de Paris ». En janvier 1940, les Suédois doivent attendre deux semaines pour obtenir des nouvelles parisiennes mais, malgré la censure, ils continuent d’être tenus au courant des nouvelles modes parisiennes. Ceci ouvre certaines questions, telle que celle de connaître mieux les lieux de production de ces modes inspirées par Paris. Une réponse partielle se trouve dans les patrons, puisque, en 1942, les magazines suédois recevaient régulièrement des patrons de mode parisiens. La discussion suivant les travaux de la matinée est revenue sur les questions du Théâtre de la Mode ; de l’antériorité de l’organisation des systèmes de rationnement ; des rapports entre mode et politique ; des transferts internationaux. Après introduction par Lou Taylor, l’exposé de Marie McLoughlin ouvre les sessions de l’après-­‐midi. En 1941, Cecil Beaton photographie pour Vogue le tailleur sur mesure réalisé par le couturier anglais Digby Morton. En 1944, RAB Butler, futur premier Ministre anglais et responsable des changements considérables dans le tissu social d’après-­‐guerre, écrit à Lord Woolton, chief of supplies, que le méridien devrait être déplacé de Paris à Londres. Lord Woolton travaille à mettre en place un système équitable de contrôle de l’alimentation par points. La propagande joue un rôle indubitable, comme cette photographie de la « Princess in Khaki », la Princesse héritière en salopette, changeant un pneu de véhicule militaire. C’est dans le même ordre d’idées que l’on rationne le vêtement selon l’ « utility scheme ». Il faut offrir aux classes travailleuses le moyen de se vêtir à prix abordable, alors que beaucoup ont tout perdu dans les bombardements, tout en travaillant rationnellement afin de concentrer le travail et le matériel sur l’effort de guerre. Chacun doit gérer ses coupons de rationnement en faisant des choix. Le vêtement rationné suit le slogan « a floor for quality and a ceiling for prices » : « un plancher pour la qualité et un plafond pour les prix ». Apres la chute de Paris, plusieurs couturiers se réfugient a Londres : Charles Creed, Elspeth Champcommunal, et le capitaine Molyneux. Ils y dessinent une collection complète anonymisée pour le programme de rationnement, qui est photographiée par Cecil Beaton pour Vogue et est entièrement représentée au Victoria & Albert Museum. Son objectif était d’éviter qu’une mode secrète ne se mette en place pour les plus fortunés (les métrages et le nombre de boutons étant limités). La collection s’inscrit dans le savoir-­‐faire des tailleurs et le bon goût britanniques, et, pour cette raison, l’ « utility scheme » ne porte pas de stigmates dans l’opinion. Jane Hattrick évoque ensuite le travail du couturier britannique Norman Hartnell, sur base d’archives inédites. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Hartnell est le plus célèbre couturier britannique. Il habille la haute société, les pairesses et les débutantes, c’est-­‐à-­‐dire que ses clients doivent présenter leurs références. Il habille la famille royale et réalise notamment la robe du couronnement d’Elisabeth II en 1953. Une collection d’archives privées permet de comprendre le travail de Hartnell, qui maintient son activité dans le secteur de la haute couture, pendant les années 1938 à 1945. Lorsque la guerre éclate, Hartnell a 38 ans et est trop âgé pour être mobilisé. Ses archives reprennent plusieurs documents inédits, dont un poème, dans lequel le couturier évoque son rapport à la morale du vêtement, avec des notions comme le « battle dress » et « the disgrace of black market ». Hartnell continue de fonctionner pendant la guerre avec deux ateliers de haute couture, plus un atelier de tailleur, un atelier de modes et un atelier de broderie. Les croquis de la période de guerre subsistent en nombre limité. Ils favorisent généralement la robe du soir étroite et coupée en biais. Les croquis réalisés pour la Reine montrent des modèles plus austères au milieu de la guerre. Pendant la période de guerre également, Hartnell réalise des versions en trois dimensions de ses croquis sur des poupées, qui sont envoyées en Amérique du Sud. Par ce moyen, il lève des fonds pour les soldats britanniques, avant l’initiative française comparable du Théâtre de la Mode. A la fin de la guerre, Hartnell crée des uniformes pour l’Inde, qui montrent une continuité marquée avec ses dessins réalisés en Angleterre sous le régime du rationnement de guerre. A la sortie de la guerre, il projette de développer ses affaires en Australie, à Rio de Janeiro, et en Inde. La perte du marché brésilien au profit des Français est dû à des retards dans les délais. A ces difficultés s’ajoute le décès de l’assistant de Hartnell en 1945. Le travail de Norman Hartnell montre donc, pour la période présentée ici, une nouvelle ligne, l’objectif de dessiner pour les masses, et des tentatives d’expansion internationale, qui prendront forme dans les années 1950 avec le développement d’un système de licences. June Rowe évoque, dans son étude sur le rouge à lèvres, la question de l’accessoire en période d’austérité. Pour les femmes anglaises, le rouge à lèvres est un accessoire indispensable, qui rompt la monotonie des tenues soumises au rationnement ou des uniformes en temps de guerre. En période d’urgence nationale, le fait de porter du rouge à lèvres, un produit faisant partie du quotidien de la plupart des femmes, devient un moyen de soutenir le moral des troupes, de rester soignée au quotidien, et de faire son devoir patriotique. Les consommatrices sont exposées à plusieurs influences majeures : premièrement, l’image séductrice des stars hollywoodiennes, deuxièmement, la presse magazine qui souligne, dans les publicités pour cosmétiques, une image patriotique de la femme, et, troisièmement, un encouragement explicite des politiques gouvernementales. En effet, en ce qui concerne ce dernier cas, le fait de porter du rouge à lèvres apparaît dans une campagne gouvernementale britannique sur l’hygiène corporelle. L’utilisation de produits de beauté, jusque là relevant du domaine privé, entre alors dans la sphère publique. Frances Tempest termine la journée en explorant le rejet, en Grande-­‐Bretagne, du mouvement de mode qui a marqué l’immédiat après-­‐guerre, soit le New Look lancé par Christian Dior. Les sources de cette communication sont constituées des archives de la journaliste de mode britannique Alison Settle, et d’interviews de femmes vivant à l’époque en Grande-­‐Bretagne, qui détaillent leur expérience vestimentaire. Les sources étudiées montrent une grande différence entre les modes alors portées en France et en Grande-­‐Bretagne. L’extravagance française, caractérisée par une abondance de tissus qui contraste très fortement avec les pénuries de la guerre et de la sortie de guerre, n’est guère présente au Royaume-­‐
Uni, où le gouvernement tente d’ailleurs d’occulter les nouvelles tendances qui ne cadrent pas avec le rationnement. Lou Taylor conclut la journée en soulignant la nécessité de la recherche en archives et les résultats importants offerts par l’étude croisée des sources documentaires et de la culture matérielle. Elle revient sur les visions française et anglo-­‐saxonne dans le débat historiographique sur la mode sous l’Occupation. Elle insiste sur la très grande richesse des études présentées, mais aussi sur l’importance du travail qui reste à réaliser.