Découvrez what else ! Et votez en couleurs
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Présentent Le bec littéraire du jeudi 16 juillet 2010 LE CASTING DES NOUVELLES PLUMES Découvrez « what else ! » de Fedora Un nouvelle nouvelle plume Et votez en couleurs ! Les zones d’interprétation se situent après le texte, cidessous. Pour voter, suivez les instructions ! COMMENT PROCEDER ? Il vous suffit de sélectionner les couleurs dans l’ordre de vos préférences pour ce récit particulier, d’ajouter votre mail et d’envoyer pour recevoir immédiatement le score que vous avez accordé sur votre courriel. POUR ACCEDER AUX COULEURS Placez votre curseur sur la barre de déplacement qui se situe à l’extrême droite et tirez-la vers le bas ! WHAT ELSE ? De Fédora TEMPS DE LECTURE : 17 minutes Cours Belsunce, à Marseille. En ce matin de mai, un soleil vif éclabousse les trottoirs encombrés par une foule bigarrée. A la hauteur de la bibliothèque de l’Alcazar , sous l’auvent désuet de l’ancien music-hall, des tréteaux ont été installés, autour desquels s’agglutinent des curieux. Je m’approche, intriguée… Une grande urne transparente attire les regards. Elle contient déjà des centaines de petits papiers pliés en quatre. Serait-ce un vote ? A quel sujet ? Un panneau, puis des hôtesses me renseignent : il s’agit d’écrire sur un bulletin son « vœu le plus cher » et de le confier à l’urne. Dimanche prochain, par l’intermédiaire d’un ballon dirigeable, tous les « vœux » des passants seront dispersés dans le ciel, au dessus du Parc Borely ! L’idée est amusante. Pourquoi ne pas y souscrire ? Nombreux sont les vœux que je pourrais formuler : gagner au loto, rencontrer le grand amour, faire le tour du monde en bateau de croisière, savoir jouer du piano… Assaillie par tant de désirs inassouvis, je choisis le plus loufoque : « boire un café avec George Clooney dans sa villa du lac de Côme » ! Et je n’y repense plus… Jusqu’au jour où je me retrouve à l’aéroport de Marseille Marignane, pour y prendre un avion à destination de Milan. Malheureusement, ce matin-là, tous les avions sont cloués au sol, suite à un vilain nuage de poussière noire que crache un volcan islandais et qui se répand dans le ciel européen, menaçant d’endommager les fragiles appareils de nos flottes aériennes. Massés autour des comptoirs d’embarquement, les passagers rouspètent, s’affolent, assaillant les hôtesses de questions oiseuses. Il suffit, en effet, de lever les yeux vers les panneaux d’affichages pour voir s’aligner les mentions « cancelled » à côté de tous les vols programmés ce jour-là. Dans la foule bourdonnante, quelques esprits prosaïques suggèrent des solutions de rechange : prendre un train, par exemple… « Impossible, rétorque une voix anonyme, aujourd’hui la S.N.C.F est en grève ! » Je commence à stresser, comprenant que ma soirée à la Scala de Milan est sérieusement compromise ! Autour de moi, les esprits s’échauffent et l’on peste contre ces « fainéants d’Air France et de la S.N.C.F. ». Certains, pourtant, n’ont pas perdu espoir d’être en Italie avant ce soir. - Et si on louait une voiture ? dit un mari à sa femme. Machinalement, je suis le couple jusqu’au comptoir des locations. Mais là aussi, déception : toutes les voitures disponibles ont été prises d’assaut et il ne reste plus en magasin qu’une MERCEDES décapotable horriblement coûteuse ! Découragés, les candidats à la location refluent vers le café de l’aéroport où il ne reste plus un siège libre… Que faire ? Chacun actionne son portable, cherchant le réconfort d’une voix amie. Accablée, je n’ai même plus le courage de bouger. Le coude posé sur le comptoir de location, j’appuie le menton contre ma paume ouverte et je réfléchis : pas d’avion, pas de train, pas de voiture. Ma soirée à la Scala de Milan, dont je me faisais une joie, est bel et bien fichue ! Une voix masculine retentit soudain derrière moi. - Ok , je prends la MERCEDES. La voix est grave, bien timbrée, teintée d’un léger accent américain. Je me retourne, prête à toiser le cow-boy ventripotent qui s’offre sans barguigner des véhicules hors de prix…et, à ma grande surprise, je découvre un distingué quadragénaire, à la chevelure poivre et sel et au look italien, qui se déplace avec l’aisance des grands fauves. Comme il passe à coté de moi sans me remarquer, je ne peux retenir une pique vengeresse : - C’est toujours pareil ! En cas de malheur, « les riches » s’en tirent mieux que les autres ! Interloqué, l’inconnu me dévisage. Son sourire est étincelant et derrière ses lunettes noires, on devine un regard moqueur. - Les jolies femmes, me répond-il, ont autant et même plus d’atouts que les riches. Et si ça peut vous sortir d’embarras je vous offre une place dans ma voiture. La proposition est tellement inattendue que je reste sans voix. Je regarde plus attentivement l’inconnu : Il me rappelle quelqu’un. Quelqu’un de connu… Qui donc ?... un acteur, il me semble… George Clooney ? Non, c’est impossible ! Ce doit être un sosie… Désemparée, je pose la première question qui me vient aux lèvres : - Vous allez à Milan ? Non, mais c’est sur mon chemin et je peux vous y déposer. Tandis qu’il remplit le formulaire de location, je l’observe avec une intense fébrilité. S’agit-il oui ou non de George Clooney ? Le plus simple serait de le lui demander. Mais je n’ose pas. Nous y allons ? demande-t-il comme une évidence, en faisant sauter les clés de la voiture dans sa main bronzée. De l’autre, il a empoigné résolument ma valise. Lui-même ne paraît avoir aucun bagage, ce qui ajoute encore au mystère du personnage. Etourdie par la tournure des événements, je ne suis pas loin de croire que ce faux Clooney est venu tout spécialement à l’aéroport pour me tirer d’un mauvais pas. Tel un archange providentiel ! Me voilà en plein fantasme. Mais la Mercedes, elle, est bien réelle : longue, blanche, immaculée, avec des sièges en cuir noir où il fait bon s’enfoncer. Surtout après les errances de la matinée… Nous filons sans tarder sur l’autoroute que mène à l’Italie. George (comme je l’appelle en mon for intérieur) se révèle un agréable compagnon de voyage. Sans jamais parler de lui, il sait multiplier les sujets de conversation. Alors que nous roulons aux abords de Cannes, je l’oriente mine de rien sur la rubrique « cinéma ». - Vous connaissez le Festival de Cannes ? - Ah ! oui … la Palme d’or, la montée des marches … Tout cela est très surfait ! Mon cœur bat la chamade : pas de doute, mon interlocuteur a fréquenté le Festival de Cannes ! Ira-t-il jusqu’à me parler de sa montée des marches en compagnie de Brad Pitt ? Dans l’espoir de provoquer ses confidences, je hasarde une question précise : - Parmi les stars que vous avez côtoyées, laquelle est la plus sympathique ? George hausse les épaules et ne répond rien. Au bout d’un long silence, il se tourne vers moi avec un sourire teinté d’ironie. - Vous avez l’air très branchée sur le cinéma… Quel genre de film aimez-vous ? - A vrai dire, je n’apprécie pas tellement le cinéma actuel. - Vraiment ? Et pourquoi donc ? - Trop souvent, les scénarios sont décousus, les dialogues indigents… - Vous pouvez me donner un exemple ? J’aimerais lui citer son film OCEAN TWELVE, auquel je n’ai rien compris, mais je crains de passer pour une gourde. Alors, je reste dans le vague. - Je n’ai pas de cas précis en tête ; mais très souvent, lorsque je sors au cinéma, je ne sais pas ce que le réalisateur a voulu me raconter et je le regrette. J’aime les histoires bien ficelées. Il se met à rire. - « Ficelé », ça veut dire quoi ? Je ris à mon tour, un peu embarrassée. Comment expliquer à un Américain une expression dont on connaît mal l’origine ? Alors que je me lance dans des comparaisons hasardeuses avec un rosbif ficelé, il m’arrête d’un air narquois. - Laissez tomber ces histoires de ficelle et regardez plutôt le paysage… Nous venons en effet de quitter l’autoroute et la Mercedes roule à présent sur la moyenne corniche, traversant le paysage somptueux qui s’étend entre Nice et Menton. - C’est plus agréable que l’autoroute, dis-je un peu platement. - Oui. Et pour vous qui êtes cinéphile, ça doit vous rappeler un film de Hitchcock, tourné dans la région… - Ah ! Oui, LA MAIN AU COLLET, avec Gary Grant et Grace Kelly. Vous aimez les films de Hitchcock ? - Oui, mais je ne les connais pas tous. Celui-là, je m’en souviens à cause de la beauté de Grace Kelly. La voiture s’arrête soudain sur un promontoire d’où l’on a une vue panoramique et fabuleuse sur la principauté de Monaco. Galamment, George vient m’ouvrir la portière. - Descendons un instant. Dans le film, il me semble que c’est ici que Grace et Gary s’arrêtent pour pique-niquer. Je balaye d’un regard attristé le panorama hérissé de buildings. - Du temps de Grace, le paysage était beaucoup plus bucolique ! - Sans doute. Mais il faut vivre avec son temps : aujourd’hui on bétonne les villes et on ne fait plus de films à la Hitchock ! Frappé par la justesse de ces remarques, je me tais et je le regarde : assis nonchalamment sur un rocher, le front légèrement plissé et me fixant de son irrésistible sourire en coin, il ressemble plus que jamais à George Clooney. - Ah ! dis-je étourdiment, si Alfred était encore des nôtres, il vous offrirait sûrement les rôles de Gary Grant ! Plus amusé que surpris par ma remarque, il réplique du tac au tac : - Si le bon vieux Hitch me faisait une telle proposition, je mettrais une condition à mon acceptation : que ma partenaire ne soit pas botoxée. Je ne supporte plus les femmes au visage refait ! Fait-il allusion à certaines actrices ayant joué dans ses films ou bien aux femmes de sa vie privée ?... - En tout cas, ajoute-t-il, votre visage est naturel et c’est un vrai plaisir de vous regarder ! Sauf que vous avez, par rapport à Grace Kelly, un léger désavantage… Je pâlis, craignant que ma blondeur ne puisse rivaliser avec celle de l’inoubliable Grace. Mais George est aussi galant que malicieux. - Je ne faisais pas allusion à votre beauté, dit-il, mais seulement au fait qu’à l’inverse de Grace dans le film d’Hitchcok, vous n’avez pas prévu un panier de pique-nique ! Je revois la scène de LA MAIN AU COLLET : Grace et Gary grignotant des ailes de poulet entre deux marivaudages… J’essaye alors d’imaginer George dans la même scène : aujourd’hui, il dévorerait plus volontiers un hamburger, au risque de maculer sa belle chemise blanche et son impeccable costume gris perle ! - A quoi pensez-vous ? me demande-t-il, intrigué par mon air rêveur. Puis-je lui dire ce que je pense ? Lui poser la question qui me turlupine depuis le début de notre rencontre ?... Une sourde appréhension me retient. Et si j’allais gâcher par une seule question indiscrète les moments magiques de ce voyage improvisé ? George vient de se lever pour regagner la voiture. J’admire sa démarche souple, son allure élégamment décontractée. Soudain, il se retourne et consulte sa montre. - Je crois, annonce-t-il, qu’il est temps pour nous d’aller « casser la croûte », comme le disent les Français. Le mouvement de poignet qu’il a fait pour regarder sa montre dévoile, le temps d’un éclair, le cadran rutilant d’une montre OMEGA. Mon cœur s’affole, car dans les magazines, me semble-t-il, le vrai Clooney fait de la publicité pour cette marque horlogère ! Troublée plus que jamais, je remonte en silence dans la Mercedes. George ne paraît pas s’offusquer de mon mutisme. Il affiche au contraire un air joyeux. - Pas loin d’ici, dit-il je connais un petit restaurant très sympathique… La voiture bifurque soudain à gauche, puis s’engage dans une impasse. Le « petit restaurant », niché dans un fouillis de plantes tropicales, ressemble à ces repaires pour milliardaires qui affectent une simplicité rustique. Le décor est résolument provençal, avec des meubles en rotin, des nappes colorées, des murets de pierres sèches et de grandes jarres en terre cuite où poussent des arbustes odorants. George paraît avancer ici en terrain conquis et le patron, discrètement obséquieux, l’accueille comme un habitué, sans s’étonner de ma présence. - Une amie, dit George laconiquement en guise de présentation. Je me rends compte, brusquement, que depuis notre rencontre à l’aéroport quelques heures plus tôt, il ne s’est jamais avisé de me demander mon nom. Par crainte, sans doute, d’avoir à me dévoiler le sien ! Le repas s’annonce délicieux, servi dans une céramique branchée, aux formes carrées, dont les teintes vives me rappellent la poterie de Vallauris. Le maître d’hôtel annonce chaque plat avec une profusion de termes pittoresques, chuchotés d’un air confidentiel, afin de mieux vous donner l’eau la bouche. En temps normal, j’aurai sûrement apprécié ces mets de choix. Mais aujourd’hui, l’émotion qui me submerge a raison de ma gourmandise ; même si je mange tout ce qu’on me présente, la saveur des plats m’échappe complètement ! George, par chance, ne semble pas percevoir mon trouble et entre deux bouchées, il s’extasie sur les raffinements de la gastronomie française qu’il me détaille à plaisir. Sans doute croit-il que toutes les Françaises sont des « cordons-bleus » ! Il finit quand même par remarquer mon manque de répondant dans cette matière qui le passionne. - Vous n’aimez pas faire la cuisine ? me demande-t-il soudain. - Je la fais par obligation, dis-je en soupirant. Ce n’est pas mon centre d’intérêt principal. - Et quel est donc votre centre d’intérêt ? - Les arts en général… et l’opéra en particulier. - L’opéra ? Comme c’est curieux ! - Pourquoi ? Vous n’aimez pas l’opéra ? - Pas tellement, ça crie trop. Et pourtant, j’avais une fiancée italienne qui a tenté de me le faire aimer ! Une fiancée italienne ? Il me semble que dans les journaux, récemment, j’ai vu George Clooney au bras d’une pulpeuse Italienne, une certaine Elisabetta… Alors, serait-ce le vrai Clooney dont je partage le déjeuner, dans un restaurant huppé où il a sans doute déjà emmené bien des conquêtes ? Si seulement il daignait enlever un instant ses maudites lunettes noires ! Il me semble qu’en voyant ses yeux, je pourrais enfin être fixée sur son identité… - Vous n’ôtez jamais vos lunettes de soleil, lui demandé-je. - J’ai les yeux fragiles, me répond-il presque sèchement. Puis il consulte sa splendide Omega. - Je crois qu’il est temps de partir. A quelle heure devez-vous être à Milan ? - Avant 19 heures. J’ai ma place retenue pour une représentation à la Scala. Il laisse échapper un petit sifflement, assorti d’un sourire narquois. - Venir de si loin, rien que pour voir un opéra : ce n’est pas de l’amour, c’est de la rage ! Venez, nous n’avons plus de temps à perdre ! Nous reprenons la Mercedes. George conduit vite, un peu trop vite à mon goût. Et je n’aime pas le sourire moqueur qui flotte au coin de ses lèvres. - Alors comme ça dit-il soudain, vous êtes capable de sauter dans un avion uniquement pour satisfaire votre passion de l’opéra ? - Oui. Ce soir la Scala donne NORMA, un ouvrage que j’adore avec une distribution exceptionnelle… George prend un air songeur. - Norma, Norma… répète-t-il, n’était-ce pas le cheval de bataille de la Callas ? Je le regarde avec surprise. - Vous connaissez Maria Callas ? - Evidemment. Ma fiancée italienne me passait ses disques à longueur de journée. Une belle voix, je dois le reconnaître… - Oui. Dans le rôle de Norma, elle était fabuleuse. Je ne l’ai jamais vue sur scène, malheureusement. Mais grâce aux enregistrements vidéo, j’imagine quel effet elle produisait sur les spectateurs, lorsque, drapée dans ses longs voiles blancs de druidesse, elle implorait la déesse de la lune… George laisse éclater un grand rire sarcastique. - Vous voici en plein rêve, chère amie, mais je crains fort que le spectacle de ce soir gâche un peu votre vision romantique du personnage de Norma ! - Que voulez-vous dire ? - Eh bien, il se trouve que je connais le metteur en scène de votre représentation. Avec ma fiancée italienne, nous fréquentions beaucoup les milieux lyriques et c’est ainsi que j’ai été présenté à ce garçon, un charmant farfelu, très inventif et résolument iconoclaste. Par hasard, je l’ai revu le mois dernier, à Rome, dans un cocktail mondain, et il m’a parlé avec beaucoup d’enthousiasme de sa nouvelle mise en scène pour la NORMA de la Scala. - Et alors ? - Eh bien, vous pouvez faire votre deuil de la druidesse aux drapés blancs, ainsi que de son général romain à la cuirasse étincelante. A la place, vous aurez une Norma résistante française de la seconde guerre mondiale. En battle-dress et mitraillette, elle affronte l’odieux occupant nazi ! George ricane, guettant ma déception… que je garde bien de laisser paraître. Je n’ai pas envie de passer à ses yeux pour une passéiste bornée… - Il faut vivre avec son temps, dis-je, et j’admets que les metteurs en scène veuillent transposer les œuvres, afin de les rendre plus accessibles à un large public. Ce que je comprends mal, en revanche, c’est leur obsession à évoquer le régime nazi. Après tout, celui-ci a pris fin il y a soixante cinq ans et depuis d’autres dictatures ont fleuri ici et là, qui mériteraient, elles aussi d’être dénoncées par nos metteurs en scène à la mode. Hélas, ils n’en font rien… A croire que l’uniforme nazi exerce sur eux une étrange fascination ! La réponse de George est inattendue. - J’aurais aimé vous présenter à mon ex-fiancée… A vous deux, vous auriez révolutionné l’opéra ! Un peu agacée par l’évocation insistante de cette « fiancée », je ne peux retenir une question indiscrète. - Vous parlez beaucoup de votre ancienne fiancée… mais pas de la nouvelle ! Interloqué, George s’en tire par une plaisanterie. - Je n’ai plus envie de me fiancer. Je suis trop vieux pour ça ! - Vous n’avez jamais été marié ? - Si, une fois. Mais l’expérience ne m’a pas laissé un bon souvenir… Ah, ah… mon inconnu a donc été marié, puis il a divorcé : encore une ressemblance avec George Clonney ! Il faudrait que je trouve à présent une question percutante qui l’oblige à se dévoiler un peu plus. Malheureusement, mon esprit embrumé est en panne d’imagination. La faute à ce déjeuner trop copieux qui pèse sur mon estomac et m’oblige à lutter contre un début de somnolence… Lorsque je me réveille, nous sommes aux portes de Milan. C’est la voix de George qui me tire du sommeil. - Vous avez bien dormi, me dit-il. Tant mieux. Car nous voilà en pleine forme pour aborder Norma ! George gare la Mercedes dans un parking proche de la Scala, puis m’accompagne jusqu’au théâtre. Mais sur les marches et sous le péristyle du bâtiment, la foule n’est pas celle des soirs de spectacle. Des hommes et des femmes en tenue ordinaire agitent des banderoles et crient des slogans que je tente de déchiffrer, en dépit de ma piètre connaissance de la langue italienne. George, qui est allé se renseigner au guichet du théâtre, revient avec une mine désolée. - Vous jouez de malchance, chère amie. Les employés de la Scala sont en grève et la représentation de ce soir est annulée. Cette nouvelle ne me déçoit pas autant qu’elle le devrait. Inconsciemment, je préfère sans doute la compagnie du beau George à celle de Norma en battle-dress ! - Bon, dis-je d’un air résigné, il ne vous reste plus qu’à me conduire jusqu’à mon hôtel. George a la réaction galante que je pressentais. - Vous n’allez quand même pas finir cette soirée toute seule ! J’ai une meilleure idée : accompagnez-moi jusqu’au lac de Côme… Là-bas, je connais un endroit charmant où nous pourrons dîner en toute quiétude au bord du lac. Ensuite, je vous ramènerai à votre hôtel. Sous le coup de l’émotion, je reste sans voix. Le vrai Clooney ne possède-t-il pas une villa en bordure du lac de Côme ? Serait-ce donc LUI en personne qui me propose de visiter cette fameuse villa dont parlent tous les magazines people ? Mon silence prolongé intrigue George. - Vous êtes fatiguée, peut-être ? Je lui décroche un sourire taquin. - Comment pourrais-je être fatiguée, après avoir si bien dormi dans votre voiture ? Cette Mercedes, il faut le reconnaître, est très confortable ! - Alors, vous ferez bien quelques kilomètres supplémentaires jusqu’à Côme ? Je hoche la tête en signe d’assentiment. L’invitation de George est trop tentante pour être refusée. J’espère seulement que nous arriverons là-bas avant le coucher du soleil. Car j’aimerais contempler de jour la beauté légendaire du lac de Côme. Hélas, quand nous y parvenons, la nuit est déjà tombée et seuls les jeux de lumière électrique révèlent la beauté architecturale des somptueuses villas construites au bord du lac. Au pied de l’une d’elles, George actionne la commande d’un portail électronique qui s’ouvre lentement… Mon cœur bat à tout rompre : sommes-nous dans la villa de George Clooney ? Mon compagnon me fournit une explication dont le sens m’échappe. - Ici, dit-il, je suis toujours assuré de trouver le gîte et le couvert… A l’intérieur de la villa, décorée dans le style vénitien avec des lambris dorés, des meubles peints et des tissus chatoyants, des ombres s’agitent en douceur. Sans doute les domestiques qui préparent notre dîner. George me conduit jusqu’à la terrasse ornée de balustres qui surplombe le lac. Une table y est dressée, avec une vaisselle étincelante et un seau d’argent où refroidit une bouteille de champagne. Je m’avance instinctivement vers la balustrade, avide de contempler les eaux du lac qui se parent sous la pleine lune de reflets mystérieux. George, me laissant à ma contemplation, s’éclipse quelques instants… Quand il revient, il me tend une coupe de champagne. - Buvons à notre rencontre, dit-il. Et aussi à la santé des techniciens de la Scala qui nous ont permis, grâce à leur grève providentielle, de prolonger cette merveilleuse journée ! Je lève ma coupe en direction de la lune, dont la face ronde et blafarde semble épier chacun de nos gestes. - Je bois à Norma la druidesse, qui ne pourra pas, ce soir, chanter sa prière à la lune… A cet instant, une voix de soprano s’élève, pure et triomphante, dans le silence de la nuit. Je reconnais les premières notes de « Casta diva », la célèbre invocation de Norma à la déesse de la lune ! Eberluée et me croyant le jouet d’une hallucination, je m’affale sur le premier siège venu. Serait-ce le champagne rosé qui me tourne déjà la tête ? Soudain, la voix suave de George se mêle au chant de Norma. - Non, murmure-t-il, vous ne rêvez pas. Car pour vous consoler d’avoir raté cette soirée d’opéra, j’ai pensé qu’il n’y avait rien de mieux que la voix de Maria Callas. Sidérée, je me retourne vers George et m’aperçois qu’il a enfin ôté ses lunettes noires. Sans chercher à réprimer ma curiosité, je le scrute attentivement : l’éclairage rudimentaire des photophores ne me permet pas de bien distinguer les traits du visage, mais je reconnais les arcades sourcilières et le regard ironique du vrai George. Quand aux yeux, ils sont verts me semble-t-il. Un doute me saisit : les yeux de George Clooney ne sont-ils pas marron ? J’en suis là de mes réflexions quand une multitude de verrines colorées et de petites bouchées appétissantes envahissent la table. Pour ne pas décevoir mon hôte, je picore, je grignote… En fait, je n’ai pas faim du tout ! En revanche, j’ai très soif et déraisonnablement, je vide plusieurs coupes de champagne. La tête me tourne un peu et je frissonne. Ce qui n’échappe pas à George. - C’est la brume du soir, me dit-il. Rentrons dans le salon : je vais vous faire n bon café, ça vous réchauffera ! Je me lève chancelante, et George m’offre aussitôt un bras secourable. Je m’y accroche comme une naufragée et c’est seulement quand mon hôte me dépose sur un canapé moelleux que je reprends mes esprits. - Pardonnez-moi, lui dis-je au comble de la confusion. Je crois que j’ai abusé du champagne ! - Mais non, me répond-il vous êtes simplement fatiguée par ce long voyage. Un bon café va vous remettre d’aplomb ! Je le regarde s’affairer dans un coin du salon, autour d’une machine à café : exactement la silhouette de George Clooney dans la publicité NESPRESSO ! Dégrisée par cette vision et le cœur battant à tout rompre, je le vois s’avancer vers moi avec deux tasses à moka posées sur un plateau d’argent. Il me tend l’une d’elles, puis élevant la sienne à hauteur de visage, il hausse les sourcils, cligne de l’œil et murmure d’un ton pénétré : - What else ? De retour à Marseille le lendemain soir, après un voyage en train assez éprouvant, je ne cesse de ressasser mon aventure avec George, en proie aux sentiments les plus contradictoires. Finalement, j’appelle ma meilleure amie. - Allo, Sophie ? Tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé - Raconte-moi… - Tu te souviens des petits papiers de vœux que nous avions déposés dans l’urne de l’Alcazar ? - Parfaitement. J’avais demandé six numéros au loto et j’attends toujours ! - Eh bien moi, j’avais souhaité boire un café avec George Clooney… et c’est arrivé ! - Non… tu blagues ! - Je t’assure que si… Je me lance aussitôt dans un récit enthousiaste des moments privilégiés passés en compagnie de George. Sophie, patiemment, me laisse aller au bout de mon récit, puis éclate de rire. - Tu as fait un beau rêve, ma chérie, mais ce n’est qu’un rêve ! - Tu me prends pour une menteuse ? Ou une illuminée ? - Non pas du tout. J’affirme que ce bel inconnu dont tu gardes un si grand souvenir ne peut pas être George Clooney, pour la bonne raison que je l’ai vu hier soir à la télé, au journal de 20 heures : il se trouve actuellement en Afrique, avec une délégation de l’UNICEF, pour visiter les camps de réfugiés du Darfour ! FEDORA Pour lire la suite, il faut faire partie du Jury des nouvelles plumes dans lequel vous êtes le bienvenu. Il suffit de demander une fiche d’inscription sur mon mail : [email protected] C’est gratuit ! VOS SCORES Zone « j’ai pas aimé » (négatif) : Bon ! Je parie que vous n’avez pas lu ce texte jusqu’au bout du bout. C’était ch… ! D’accord ! D’accord ! Mais que dit votre sélection de couleurs ? Il y a parfois un large fossé entre ce que vous pensez d’un auteur ou d’un texte et ce que vos émotions reçoivent à l’insu de votre conscience. Subconscient et conscient ne sont pas toujours copains en la matière. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone « BOF » (0 à 4/24) : Mouais ! Ca ne vous a pas titillé l’asticot mais bon, ça se laisse lire avec quelques absences mentales pour s’aérer les neurones. Mais bof ! Ca manquait de sel ou d’épice. Vous pouvez ne pas être d’accord avec ce constat mais cela signifie que ce texte a provoqué une rupture ponctuelle entre votre cerveau rationnel et votre cerveau affectif. Refaites ce BEC une autre fois pour le même texte, vous aiderez l’auteur et vous retrouverez peut-être un score plus proche de ce que vous ressentez. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone « pas mauvais mais ça manque de quelque chose » (5 à 7/24) : Y avait de bons passages mais c’était quand même un peu inégal. Il y a encore du travail. Il est nécessaire de blanchir sous le harnais, comme aurait dit Diderot. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone «pas mal mais peut mieux faire » (8 à 11/24) : C’était pas mal. On sent que l’auteur a de la patte sous le coude. Il faudrait qu’il lève le coude pour décoincer le talent. Ca manque encore de rythme, même si le style personnel de l’auteur est bien présent et parfois original ou inattendu. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone « j’ai aimé » (12 à 15/24) : J’ai lu d’une traite ou presque et je lirais bien autre chose du même auteur. J’ai trouvé son style très perso et le fonds était très nourrissant pour l’esprit. Un récit bien rythmé et/ou un scénario bien construit. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone « superfragialisticexpialidocous » (16 à 19/24) : C’était - comment dire ? hors du commun. L’auteur m’a scotché du début à la fin. Il m’a emmené avec lui. C’était foutument bon à déguster à la petite cuiller. J’étais sous hypnose du premier mot au dernier. Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort. Zone du génie (20 à 24/24) : C’était fabuleux ! J’en re-re-re-veux vite et plus encore. Je suis déjà fan de cet auteur(e). Si cette zone d’interprétation ne correspond pas à ce que vous avez ressenti, le bureau des réclamations est sur mon courriel : [email protected] Si vous pas d’accord, vous le dire haut et fort.