Mai 68 sur le pavé de Rezé ( pdf

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M
AGAZINE
MÉMOIRE
Mai 68 sur le pavé de Rezé
Il y a 40 ans, la France plongeait dans un mouvem ent social sans précédent. Sud-Aviation, la mairie, et la maison des jeunes
du Château furent ainsi les théâtres locaux d’évén ements ancrés dans les mémoires.
A
L’occupation de l’usine
14 mai 1968. Les débrayages se succèdent depuis un mois. La direction refuse
toute discussion. La veille au soir, les étudiants nantais ont saccagé la préfecture.
Et le préfet a lâché du lest en accédant à
une partie de leurs requêtes. Un signe
pour les trois syndicats de l’Aérospatiale.
Le soir même, l’intersyndicale (CGT, CFDT
et FO) décide d’occuper l’usine et est
approuvée par le vote de 2 800 ouvriers.
“De 150 à 200 personnes n’ont pas souhaité s’associer au mouvement.”
Sud-Aviation est la seule, et donc première, usine occupée en France. Renault
rejoindra le mouvement le lendemain. Les
portes de l’usine sont fermées, des postes de garde installés. “On s’est enfermés
de l’intérieur, car on craignait que les CRS
n’investissent les locaux avant nous”,
explique le Rezéen Léon Rousseau, 87
ans, ancien chaudronnier et militant syndical CFDT. “Les portes fermées sont aussi
un moyen de retenir une partie des sala-
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riés pas forcément motivés, ni convaincus”, précise un ancien technicien rezéen,
consigné de force plusieurs jours.
La vie des ouvriers
et des familles bousculée
L’occupation va durer un mois. Dans
l’usine, règne un état de fête mêlé à une
extrême tension, entre les “pour” et les
“contre”. On construit des cabanes baptisées “le village gaulois” ou “la bande à
Mao”. L’Internationale tourne en boucle.
Des feux de camp, des parties de boules
et de cartes égrènent le temps qui passe.
Mais, ce bouleversement du quotidien
n’est pas facile. “En une journée, le 14
mai, les hommes ont abandonné le foyer
familial pour un lieu public et professionnel”, écrit François Lemadec, ajusteur,
militant de la CFDT. Pour garder un lien
avec l’extérieur, comme il n’y a pas de
téléphone, “ce sont les femmes et les
enfants qui se chargent de passer de maison en maison pour donner des nouvelles”, témoigne Léon. Pierrick, 12 ans à
l’époque, se rappelle ainsi de ses matins
consacrés à porter le café aux grévistes,
quand les filles, elles, portaient des bouquets de marguerites.
La commune et les agents
communaux solidaires
La grève s’étend aux différentes entreprises de l’agglomération. Les agents communaux de Rezé rejoignent à leur tour le
mouvement, justifiant dans un tract syndical, leur participation : “Est-ce qu’il sera
dit, dans l’histoire ouvrière, que le personnel communal se sera désintéressé du
combat mené par l’ensemble des travailleurs ?”. Mais la vie quotidienne devient
très vite difficile, pour “les épouses en
prise directe avec le manque d’argent”.
Les enfants vivent mal l’absence prolongée de leur père. Dès le 21 mai, Alexandre
Plancher, le maire et les conseillers municipaux de Rezé apportent leur soutien au
mouvement : “Les élus se félicitent de la
détermination de tous les travailleurs et se
déclarent solidaires quant aux objectifs .”
Dès le 29 mai, le percepteur de Rezé en
accord avec le maire, décide d’assurer le
paiement de tous les bas salaires et d’une
indemnité pour les sans emplois.
L’initiative sera saluée dès juillet par un cer-
tain nombre de syndicats remerciant dans
une lettre, “le secours que les municipalités ont bien voulu accorder aux ouvriers
engagés dans cette lutte”.
La maison des jeunes,
quartier général des grévistes
Si un comité technique de grève s’est mis
en place dans un local
prêté par la mairie pour
la gestion des aspects
techniques (nourriture et
pétrole), c’est dans les
nouveaux locaux de la
maison des jeunes au
Château que se tiennent
les assemblées générales. Jeunes étudiants
(parmi eux l’étudiant en
sciences Gilles Retière)
et moins jeunes y débattent avec passion. Le
syndicat des instituteurs
en a fait sa base. Louis
Cruaud, militant CGT de
Sud-Aviation vient en découdre avec les
jeunes étudiants. Le directeur, Bernard
Nectoux, en grève, y croise le maire,
Alexandre Plancher et un certain Jacques
Floch. Un épisode à découvrir dans le
récent ouvrage paru à l’occasion des 40
ans de la maison des jeunes (disponible à
la médiathèque).
Serge Fradet, Léon
Rousseau et Georges
Vincent étaient salariés
à Sud-Aviation.
CHT, Coll. Léon Rousseau
vril 1968. Le mécontentement
gagne une partie des 3 000
salariés, dont de nombreux
Rezéens, de Sud-Aviation
Bouguenais. Les caravelles se terminent
et le Concorde ne fournit pas suffisamment d’activité. La direction décide de
réduire le temps de travail sans compensation salariale. Pour les ouvriers, c’en est
trop. “Les heures supplémentaires, c’était
le seul moyen de s’en sortir, compte tenu
de nos très faibles salaires”, explique
Georges Vincent, ancien ajusteur et responsable syndical CGT. “Pas mal de gars
cumulaient deux emplois pour s’en sortir”, ajoute un autre salarié se souvenant
des collègues travaillant dans les vignes
ou la culture.
Pour en savoir plus :
“L’aubépine de mai, chronique d’une
usine occupée”, par François Lemadec,
Centre d’histoire du travail de Nantes
(CHT) + un documentaire vidéo.
“L’autre mai”, un film de 52 minutes
sur Mai 68 à Nantes et dans la région
sur le site lautremai.vefblog.net
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