Pourquoi GATTI à l`ENSATT? (Thierry PARIENTE)

Transcription

Pourquoi GATTI à l`ENSATT? (Thierry PARIENTE)
Pourquoi Gatti à l'Ensatt ?
Est-ce pour la consonance de ce nom d'homme avec celui de cette institution ? Pour ce
martèlement souterrain des "t" ? Pour ces trois lettres "att", "arts et techniques du théâtre", qui
jaillissent au cœur de l'identité du poète, comme pour signifier son essence même, et en finale
de l'acronyme de l'école, comme pour bien marquer sa finalité ?
Sait-on jamais ce qui explique véritablement une rencontre ?
Au terme de la journée du 6 octobre 2012, passée tout entière en sa compagnie et celle de son
fidèle amiral, Jean-Jacques Hocquard, qui, parmi les étudiants, enseignants ou personnels de
l'Ensatt, pourra dire que proposer à Gatti de donner son nom à la 74ème promotion de l'école
ne trouve pas son sens ?
Gatti fut des nôtres, à Lyon, cinq jours seulement après l'entrée à l'Ensatt de quelque 60
nouveaux aspirants au théâtre venus frotter leur passion à l'apprentissage exigeant d'une école
supérieure. Et, soudain, par son truchement, la violence et la beauté du monde envahirent le
plateau de notre Théâtre Terzieff, devenu trop petit pour les mains du poète convoquant d'un
geste tour à tour vengeur et caressant Dieu et les hommes, Mao et Mallarmé, Henri Michaux
et Jean Vilar, les loulous des quartiers et les arbres de la forêt de la Berbeyrolle.
Assis, l'homme qui parle du haut de ses 88 ans, est immense. Sa voix sature le micro, toléré
parce qu'il est un "véhicule des mots", mais bien inutile tant le message est clair et puissant.
N'était cette pointe d'accent du sud qui le relie à sa terre natale, ce Monaco des pauvres
presqu'inimaginable si lui n'était pas là pour nous confirmer son existence, cet homme serait
de tous les lieux et de tous les temps, traversant les révolutions qui ont fait, font et feront
l'humanité dans sa splendeur et son désespoir.
Nous voilà en Chine ou au Guatemala, en Espagne ou en Union soviétique, aussi bien qu'à
Marseille ou à Montreuil ; nous voilà internés en Allemagne avant de nous y exiler
volontairement ; nous voilà plongés dans l'océan des idéogrammes puis absorbés dans le trou
noir de la physique quantique. Et au sortir de ce voyage étourdissant, c'est au théâtre que nous
revenons, dans le sillage d'une "didascalie se promenant seule dans un théâtre vide".
Initiés aux langages secrets de l'univers, nous percevons dans le regard aigu et enfantin de cet
homme émerveillé que les rêves et la réalité se chevauchent sans cesse et que la scène est
l'endroit de leur enfantement.
Gatti, en quelques heures, a offert à l'Ensatt la substance même du Théâtre, matière constituée
de mots et d'espace, de concepts et de chair, de combats sans fin et d'imagination sans limite.
Plus qu'un "parrain" il a été et sera pour "ses" étudiants un père et un repère, leur redonnant le
sens d'un art devenu marchand auquel il est urgent et nécessaire de rendre sa force subversive
et sa puissance poétique.
Merci Gatti. Et au travail !
Thierry Pariente
Directeur
9 octobre 2012