Il y a 120 ans : l`exposition universelle de 1889 La tour Eiffel, un

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Il y a 120 ans : l`exposition universelle de 1889 La tour Eiffel, un
varia
Il y a 120 ans : l’exposition universelle de 1889
La tour Eiffel, un financement hors normes
UN BREF RAPPEL
En 1889, la France est prospère, elle
est guérie du désastre de 1870, elle
est guérie de la grande contestation
de la Commune ; après vingt ans de
bas de laine, de conquêtes industrielles et coloniales, la France va
réaliser la plus extraordinaire exposition universelle, la dixième organisée
à Paris, celle qui aura le plus grand
succès, le plus grand retentissement.
39,3 millions de visiteurs, soit plus du
double de la précédente exposition, 96 hectares occupés, dont 50
couverts : Champ-de-Mars, Trocadéro, Esplanade des Invalides.
encadré). Cette association apporte sa garantie aux dépenses
de toute nature à effectuer pour l’exposition dans la limite de
43 millions de francs. L’Etat contribue aux dépenses à hauteur de
17 millions et la ville de Paris pour 8 millions.
L’association apportera les 18 millions complémentaires qui seront
remboursés en priorité sur les droits d’entrée ainsi que 3,5 millions
à titre de subvention. En contrepartie, l’association est autorisée
à émettre 1 200 000 bons à lots de 25 F. Cette émission au caractère très exceptionnel mérite un commentaire particulier. Les
conditions sont surréalistes, les aspects « loterie » sont habituels à
l’époque ; en revanche, la durée (soixante-quinze ans) et
l’absence d’intérêts surprennent. Il est vrai que le souscripteur va,
en quelque sorte, bénéficier d’un double remboursement : à la
place des coupons habituellement attachés aux titres, chaque
bon est assorti de 25 tickets d’entrée à l’exposition d’une valeur
d’un franc et des tirages au sort durant toute la durée de l’émission distribueront lots et remboursements au pair.
60 000 exposants dont 50 % de Français, 36 pays présents bien que la
date choisie – centenaire de la Révolution – ait fait peur aux
monarchies européennes.
Deux réalisations phares : « la tour Eiffel », 310 mètres, construite
en deux ans, une prouesse technique unanimement saluée en
dépit de critiques acerbes qui disparaîtront rapidement et « la
Galerie des machines » hélas démolie en 1910, autre prouesse :
le plus grand hall jamais construit sans piliers, 420 mètres sur 110
et 45 mètres de hauteur, un toit de verre supporté par de fines
poutrelles d’acier.
Le 18 août 1889, dans les travées de cette galerie, 18 000 maires
de France seront réunis pour un banquet républicain (ils seront
21 000 au banquet record du 2 septembre 1900).
Dès 1886, la réalisation du monument symbole de l’exposition et
du centenaire de la Révolution a donné lieu a un concours
d’envergure exceptionnelle doté d’un prix de 1 500 000 F ; il suscita plus de 700 projets, 18 furent retenus par une première sélection puis un nouvel examen du comité approuva à l’unanimité le
projet de Gustave Eiffel. L’originalité de la proposition, une tour
géante, la plus haute du monde, financée par le concepteur et
ses soutiens bancaires, sous réserve d’un droit d’exploitation de
vingt ans. Tout a été dit sur ce monument, réalisé dans les délais
sans aucun accident de chantier, sous réserve d’un retard de dix
jours pour l’accès d’un public enthousiaste. Du 10 mai 1889
(l’ouverture de l’exposition eu lieu le 1er mai) au 31 octobre, date
de l’achèvement de la manifestation, 1 968 000 visiteurs firent
l’ascension de la grande attraction : jouet géant, jouet symbole
diront plusieurs journalistes à l’époque, jaillie du sol, vieux rêve de
Babel !
UN FINANCEMENT
HORS NORMES
La loi du 6 juillet 1886, votée à une très large majorité, sans aucun
débat, approuva une convention passée le 27 mars 1886 entre
l’Etat, la ville de Paris et le gouverneur du Crédit foncier agissant
pour le compte d’une association de garantie constituée spontanément par les grandes banques de la place, la chambre de
commerce, les présidents des compagnies de chemins de fer,
plus d’éminentes personnes physiques au rang desquelles figure,
à titre personnel, le trésorier-payeur général de la Vienne (voir
La proposition de l’association de garantie va être couronnée de
succès, l’émission sera couverte en quelques jours – elle était intégralement garantie par les établissements de crédit les plus considérables de l’Europe – et elle a été de nature à assurer également
le succès de l’exposition par une publicité de grande ampleur
dont les frais étaient supportés intégralement par l’association et
permettait au public de coopérer à l’œuvre de l’exposition
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universelle qui devient ainsi l’affaire de tous. De plus, les bénéfices
de la manifestation devaient être répartis entre l’Etat et la ville de
Paris, l’association ayant renoncé à tout bénéfice.
Commission de garantie et de contrôle
de l’exposition universelle de 1889
Président : M. Christophle, gouverneur du Crédit foncier de
France
Membres :
MM. Barbedienne
Bixio, président de la Compagnie générale des voitures
Blount, président des Chemins de fer de l’Ouest
Brun-Prélong, trésorier-payeur général de la Vienne
Cahen-d’Anvers
Denfert, directeur du Comptoir d’escompte
Dietz-Monin, président de la Chambre de commerce
Durrieu, président du Crédit industriel
Gay, vice-président de la Société générale
Hart, Syndic des agents de change
Heine Michel, banquier
Laveissière, président de la Fédération des métaux
Mallet Charles, président des Chemins de fer Paris-Lyon
Marinoni
Mazerat, directeur du Crédit lyonnais
Michau, président du Tribunal de commerce
Pereire, président de la Compagnie générale transatlantique
Sautter, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas
Stern Jacques, banquier
Commerce et de l’Industrie, commissaire général de l’exposition,
ou encore ceux de Sadi Carnot, ministre des Finances, c’est une
véritable « plongée » dans la fin du XIXe siècle que ces lectures
proposent. Il est vrai que le centenaire de la Révolution a suscité
un très grand élan de patriotisme qui se retrouve dans toute la
presse de l’époque – les titres étaient très nombreux – et durant
des mois, la presse a fait une propagande sympathique en faveur
de l’exposition. De nombreux libelles circulaient pour soutenir
l’entreprise de l’Etat et de la ville de Paris.
Parmi les nombreuses propositions et suggestions, pour célébrer
le centenaire de la Révolution, il en est une qui mérite être soulignée pour son aspect prémonitoire : dès 1884, le Conseil de Paris
par la voix d’Edouard Monteil, proposait d’établir aux Tuileries
« une haute et vaste pyramide en granit, portant au sommet
l’autel de la patrie et sur ses gradins les statues de tous les hommes
qui ont, depuis 1789, rendu des services signalés à la cause de la
République et de la liberté de pensée ». La pyramide du Louvre
était au rendez-vous du bicentenaire !
Quelques mois avant l’ouverture de l’exposition, le ministre Lockroy concluait un discours en disant : « De cette grande exposition,
la France attend de grands résultats : elle y voit une manifestation
solennelle qui l’honore parmi les nations, un acte qui montre sa
puissance, une victoire pacifique qui lui rendra son rang dans le
monde ».
Au-delà des espérances, le triomphe de l’exposition a été une
réponse éloquente aux souhaits des organisateurs et le symbole
de cette réussite – la Tour Eiffel – témoigne, cent vingt ans après
et pour longtemps encore, de la grandeur et du rayonnement
de l’exposition universelle de 1889.
André GIRAULT.
Signataires de la convention du 20 mars 1889 approuvée par
la loi du 4 avril 1889.
Le montage de l’opération a permis de limiter les frais financiers
et le résultat final est à la hauteur du succès de l’exposition universelle. Les dépenses prévisionnelles de 43 millions de francs ont
été limitées à 41,5 millions et les recettes ont dépassé toutes les
prévisions pour atteindre 49,5 millions, soit un « bénéfice » de 8 millions qui a été réparti dans les proportions de l’apport initial soit
17/25 pour l’Etat et 8/25 pour la ville de Paris. En cas de dépassement des dépenses, la répartition aurait été respectivement de
17/43, 8/43 et 18/43 pour l’association de garantie.
Ce qui frappe à l’examen des résultats, c’est le respect scrupuleux
des prévisions bien que les budgets initiaux aient été élaborés fin
1885. Par exemple, le budget de Gustave Eiffel était de 8 millions
de francs, le coût final sera de 7 910 000 F.
La durée de cette émission – soixante-quinze ans – l’inflation et le
nouveau franc ont abouti à ce qu’un grand nombre de bons
– plus de 100 000 – n’a jamais été remboursé notamment après
1930. Pour clore l’opération, un décret nº 48-1684 du 30 octobre
1948 a autorisé le remboursement anticipé des bons en circulation, sans beaucoup de succès. Il n’est pas rare de retrouver de
tels bons dans les archives familiales de toutes les régions de
France où sur les marchés de vieux papiers !
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L’examen du dossier pourrait justifier la rédaction d’un ouvrage
tant l’intérêt des différents documents est grand et pourrait permettre de restituer l’ambiance du moment. Que ce soit les rapports de présentation des lois de 1886 et 1889 ou encore les discours publiés au Journal officiel d’Edouard Lockroy, ministre du
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