Que le Dieu de l`espérance vous donne en plénitude la paix dans la

Transcription

Que le Dieu de l`espérance vous donne en plénitude la paix dans la
Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude
la paix dans la foi et que le Seigneur
soit toujours avec vous.
Frères et sœurs, chers amis,
Avec ses parents, ses proches, ses confrères et ses amis,
avec la Communauté des Sœurs de la Charité, nous faisons
mémoire de l’abbé Marcel Lefebvre.
Au nom de
l’archevêque, Mgr Christian Lépine, je présente à la famille,
notamment à Cécile, sa sœur, à sa nièce Claire et à ses
neveux Pierre, Bernard, Jean, Martin, ainsi qu’à leur épouse
et époux, l’expression de mes sentiments de sympathies et
mes condoléances. La mort d’un proche nous surprend
toujours. Elle est un moment de tristesse, une brisure qui
fait mal, la rupture des liens qui nous attachent les uns aux
autres. Mais elle est aussi un moment de joie que la foi au
Ressuscité nous apporte par sa promesse de la vie éternelle.
Aussi, aujourd’hui, ensemble, nous affirmons que tous les
liens d’amitié et d’affection que nous tissons tout au long
de notre vie ne disparaissent pas avec la mort. Nous
prenons le temps de faire mémoire de Marcel et de le
recommander à son Seigneur dans l’écoute de la parole de
Dieu et notre participation à l’Eucharistie, mystère de la vie
et de mort. Prenons conscience…
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HOMÉLIE DES FUNÉRAILLES DE MARCEL LEFEBVRE
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Nous portons tous dans la mémoire, d’une façon plus ou moins
consciente, des événements du passé, nos propres souvenirs, ceux
qui sont inscrits dans un passé encore récent, mais aussi les
personnes signifiantes que nous ne pouvons oublier après bien des
années. Marcel est un de ceux-là. Il est né le 4 avril 1930 à Lachine.
Il est le fils de Marie-Anne Beaudry et de Joseph Alphonse Lefebvre.
Il poursuit ses études classiques au Collège de Montréal et au
Grand Séminaire de Philosophie, pour entrer en septembre 1952
au Grand Séminaire. Quatre ans plus tard, le 26 mai 1956, Marcel
est ordonné prêtre à l’église Notre-Dame par le cardinal Paul-Émile
Léger. Il parfait ses études théologiques; à l’Université de
Montréal, suivie de quelques années à l’Université Pontificale de
Rome et à l’Institut catholique de Paris.
C’est dans ces années d’études que je fais la connaissance de
Marcel, précisément dans les jardins du Grand Séminaire, aux
premiers jours de ma formation théologique. Avec la force de ses
vingt ans, Marcel en imposait par sa stature physique vigoureuse
mais plus encore par la rigueur de sa pensée toujours limpide et
articulée. Cette première impression qui commandait le respect et
l’admiration, Marcel savait déjà la faire oublier par son large
sourire, par son contact chaleureux, la délicatesse de ses
sentiments et de ses gestes. L’étudiant discipliné et ordonné
devenait un compagnon sympathique, l’ami attentif et sensible.
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Toutes ces qualités qui émergeaient de sa personnalité et qu’il a
enrichies par des études doctorales et une formation continue, le
prêtre les a mises au service de l’Église. Il les a déployées dans
différents ministères pastoraux, jusqu’à la fin de sa vie. Aussi,
partout où il est passé, Marcel a laissé sa marque d’excellence.
Professeur de Sciences Religieuses à l’Université de Montréal de
1960 à 1971, curé de la paroisse Notre-Dame des Neiges de 1972 à
1984, enseignant à l’Université d’Ottawa de 1986 à 1988,
théologien à la Conférence des évêques catholiques du Canada de
1988 à 1999, prêtre coopérateur du regroupement paroissial de
Sainte-Maxime à Laval de 1999 à 2004 et ministères ponctuels à
Notre-Dame d’Anjou et Saint-Jean-Marie Vianney, monsieur l’abbé
Marcel Lefebvre a déployé tous ses dons d’esprit et cœur dans ces
tâches pastorales, avec une grande fidélité, en lien avec son
évêque. Comme vicaire épiscopal, j’ai particulièrement
accompagné le prêtre dans sa tâche pastorale à Notre-Dame-desNeiges où plus d’une fois je l’ai vu à l’œuvre. C’est peut-être, à ce
moment de sa vie, avec toute la force de ses moyens, qu’il s’est
accompli et a été le plus heureux. C’est là qu’il s’est donné le défi
de bâtir une communauté chrétienne au cœur de la Cité, en plein
milieu universitaire : Une communauté qu’il a rendu vivante par
son témoignage de foi et d’engagement, par sa présence continue
et dynamique, par le grand nombre d’activités pastorales capables
de répondre aux besoins et aux appels d’une Église conciliaire qui
s’ouvrait au monde.
Ce projet communautaire s’est réalisé par la participation de
nombreux laïcs, religieux et religieuses réunis autour de leur
pasteur.
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C’est avec eux qu’il partage l’évangile du dimanche, relié aux
événements et à la vie du monde, et de son petit peuple dont il
touchait l’esprit et le cœur.
Les paroissiens découvraient chaque dimanche une parole toujours
actuelle capable de les nourrir et de les inviter à l’engagement.
Aussi, les homélies dominicales de Marcel Lefebvre ont mérité
d’être publiées aux Éditions Paulines.
C’est au cœur de son engagement de pasteur que Marcel s’est
laissé interpeller par certaines situations humaines de son milieu,
comme l’assistance aux handicapés mentaux et la promotion de
l’école ouverte à tous. Pour la première activité, il a répondu
concrètement par son aide aux besoins quotidiens de ces
handicapés. Par ses gestes, il a donné le témoignage de respect
qu’on leur devait, il leur découvrait leurs richesses humaines et
spirituelles et il les invitait, en toute liberté, à les épanouir par la
participation aux activités humaines et religieuses. Dans ce milieu
multiculturel, Marcel a aussi cherché à rejoindre toutes les
personnes de foi et de cultures différentes par la promotion de
l’école de quartier, un projet qui n’a pu se concrétiser. Néanmoins
le pasteur ne s’est pas arrêté de se dépenser corps et âmes aux
besoins de sa communauté qu’il a aimée et qui le lui rendait bien.
A la nomination du nouvel archevêque de Montréal, l’idée d’un
synode germait dans bien des têtes des diocésains. Aussi, Mgr
Jean-Claude Turcotte a trouvé en Marcel Lefebvre, l’homme
capable de mettre en Place tout ce qu’exige un tel projet. Avec
détermination et intelligence, Marcel s’est mis à la tâche et, en
novembre 1998, s’ouvraient les premières sessions qui regroupaient près de huit cents personnes.
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A travers les échanges, les discussions, les opinions qui
s’entrechoquaient, le secrétaire général maître à bord, a réussi à
canaliser et à mettre en ordre les pensées des participants qui se
sont exprimés et à présenter à l’évêque les propositions retenues,
une tâche énorme que Marcel Lefebvre a assumée avec beaucoup
de générosité.
Aussi, toutes ces années de service, assumées avec amour, ont sans
doute usé les forces et les énergies de l’homme et ont avec le
temps, précipité la venue de la maladie. Un mal que Marcel a vite
compris et avec lequel, il a accepté de vivre avec courage. Mais
après des mois, dans ses moments de lucidité, il prenait conscience
de son épreuve et plongé dans une nuit toujours plus profonde, il
était le seul témoin de ce qu’il pouvait percevoir, acceptant la
souffrance en union avec le Christ. C’est vers lui qu’il s’approchait,
soutenu par sa foi et accompagné de confrères de son groupe
« Jésus Caritas ».
Par la mémoire, Marcel a pu à certaines heures retrouver la
présence de Dieu gravé en son être et faire mémoire de ses
parents, de ses frères et sœurs, une tante de la Communauté des
Sœurs grises, une femme exceptionnelle, tous ces chers disparus
qui orientaient sa mémoire vers la vie éternelle.
Telle est bien la foi des croyants, celle de Marcel et la nôtre, qui
invite à croire que tous ces défunts ne nous ont pas quittés, comme
nous le disons spontanément, parce que nous souffrons de leurs
absence, mais bien qu’ils nous ont précédés, devancés comme des
éclaireurs. Ceux d’entre eux qui sont déjà entrés dans la gloire sont
les vivants et nos précurseurs auprès de Dieu.
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Quand la mémoire nous rapproche de nos morts, nous faisons un
bond en avant, vers la vie éternelle dans laquelle ils nous attendent
et nous attirent.
Les morts sont pour ainsi dire « le langage de notre attente »
(Louis Bouyer). Pour les croyants, les morts, loin d’être les grands
absents, sont au contraire les membres de notre famille, les seuls
qui ont déjà largué toutes les amarres et sont partis à la rencontre
de celui que nous espérons tous voir à visage découvert et dont,
au-delà et au-dessus de notre horizon actuel, ils nous renvoient la
clarté, pour nous encore invisible. Ils ne nous ont pas vraiment
quittés, mais simplement devancés. Ils ne sont pas tellement
disparus. Ils nous précèdent et nous entraînent. Par le souvenir, la
prière, par la communion dans le Christ… nos morts sont toujours
avec nous. « Ils sont le langage de notre attente ».
Pour le chrétien, faire mémoire des défunts, ce n’est pas
« s’attrister comme les autres qui n’ont pas d’espérance » (1, th.4,
13), mais se souvenir que nous sommes faits pour le ciel, pour
proclamer que « le Christ est ressuscité des morts, prémices de
ceux qui se sont endormis (1,co.15,20), et que ceux qui se sont
endormis pour Jésus, Dieu les emmène avec lui! « 1,th.4,14).
« Le temps est court, l’éternité est longue », écrivait Newman.
Nous pourrions ajouter cette parole pleine de malice d’un vieux
religieux : « On dit que mourir est difficile, oui, peut-être… Mais
tout le monde y arrive! »
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Après une longue nuit, marquée par l’angoisse et la souffrance
dans les moments de lucidité, Marcel s’est endormi dans le Christ.
Nous prions le Seigneur de lui apporter la lumière du Ressuscité
que partagent déjà tous ceux et celles qui l’ont précédé dans la
mort.
Amen!
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Sources : Tilliette, La mémoire et l’invisible, « Genèse :
dans
Sources Vives, no 181, mars 2016.
H. Newman, Sermons paroissiaux, éd. Gauthier, Paris,
Le Christ manifesté dans le souvenir,
Sermons paroissiaux, dans Sources Vives, no. 181,
mars 2016