Michelle de Bonneuil 1748-1829

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Michelle de Bonneuil 1748-1829
Michelle de Bonneuil
1748‐1829
Elle s’est éteinte à Paris dans l’hôtel particulier de sa fille, au 45 de la rue Blanche. Elle avait 81 ans. La duchesse d’Abrantès avait jadis dit d’elle qu’elle était « la plus ravissante femme que jamais on ait vue ». Elle avait multiplié les amants, les intrigues et les complots. Michelle de Bonneuil était une femme galante et un agent secret. Michelle Sentuary est née le 7 mars 1748 à Saint‐Denis de la Réunion, sur l’ile Bourbon comme on la nommait avant la Révolution. Elle arrive en France à l’âge de 6 ans, passe sa jeunesse dans un couvent à Bordeaux et se marie en 1768 avec Nicolas Guesnon de Bonneuil, de vingt ans son ainé. Mme Vigée‐Lebrun a brossé un portrait saisissant de ce couple qu’elle a rencontré peu de temps après leur installation à Paris : Son portrait par Alexandre Roslin en 1768
« Mme de Bonneuil était fraiche comme une rose. Sa beauté si douce avait tant de charme que je ne pouvais en détourner les yeux, d’autant qu’on l’avait aussi placée à côté de son mari, qui était laid comme un singe ». Michelle de Bonneuil commence à prendre goût aux fastes de la galanterie en fréquentant l’hôtel d’Evreux – l’actuel Palais de l’Elysée – et à l’époque propriété du richissime banquier Nicolas Beaujon qui, âgé de 72 ans et presque impotent, entretenait une cour de très jolies femmes que l’on appelait ses « berceuses ». Michelle de Bonneuil n’est fidèle ni à son mari, ni à ses amants. Le poète André Chénier, qui l’a follement aimée, s’en désole dans ses Elégies : « Souveraine au milieu d'une tremblante cour, Dans son léger caprice, inégale et soudaine, Tendre et douce aujourd'hui, demain froide et hautaine. Si quelqu'un se dérobe à ses enchantements, Qu'est‐ce alors qu'un de moins dans un peuple d'amants? » La sœur de Michelle de Bonneuil, Françoise, a épousé le magistrat Jean‐Jacques Duval d’Eprémesnil. Dans leur hôtel de la rue Bertin‐Poirée, ils tiennent un salon où se regroupent dés l’été 1789 la plupart des opposants à la Révolution. C’est là que Michelle de Bonneuil rencontre Jacques‐Antoine de Cazalès dont elle s’éprend. Il est député de la noblesse aux Etats Généraux, brillant orateur et soutien indéfectible de la monarchie. Auprès de lui, l’ancienne berceuse se métamorphose. Abandonnant la galanterie pour Son portrait par Rosalie Filleul en 1778 l’activisme politique, elle devient avec son nouvel amant un agent de liaison entre les royalistes parisiens et les émigrés. Elle est arrêtée le 1er septembre 1793 et emprisonnée à Sainte‐Pélagie d’abord puis à la prison des Anglaises. De son cachot, elle apprend d’abord l’exécution de son beau‐frère, Jean‐Jacques d’Eprémesnil en avril 1794, puis celle de sa sœur au mois de juin et celle d’André Chénier le mois suivant. La chute de Robespierre la sauve de l’échafaud. Elle a 46 ans lorsqu’elle sort de prison et elle est, dit‐on, toujours aussi belle. Au cours des quinze années qui vont suivre, elle va se lancer dans une étonnante carrière d’agent secret que l’historien Olivier Blanc est parvenu à reconstituer dans la biographie qu’il lui a consacrée : « Belle et arriviste, écrit‐il, habile et sensuelle, Mme de Bonneuil était rusée par‐dessus tout, autant sans doute que les deux renards figurants sur les armoiries qu’elle s’était fabriquées. […] Elle joua à Madrid, auprès de son amant Cazalès, le rôle d’agent d’influence, cherchant à entrainer le gouvernement espagnol à rompre avec le Directoire et à se rapprocher des Anglais. On la retrouve successivement à Hambourg, Blakenburg puis Londres où elle réside en 1799. Quand Talleyrand redevient ministre des affaires extérieures, il fait appel à elle et la voici à la cour de Russie, intriguant auprès de Rostopchine et du tsar Paul Ier en faveur d’un rapprochement de la France avec la Russie ». Autour de 1810, elle abandonne sa vie aventureuse et décide de se consacrer à ses nombreux petits et arrière‐petits enfants. Elle a soixante ans et en parait vingt de moins. L’écrivain Charles Briffaut a raconté dans ses souvenirs qu’il l’a rencontra un jour de 1808 : « Vous voyez, lui dit‐elle, voilà toutes mes dents bien comptées, voilà ma taille droite comme celle d’une novice, pas une ride sur mon visage. J’ai fait une bonne guerre au temps. Si je vous confiais que j’ai attrapé aujourd’hui la soixantaine, le croiriez‐vous ? » Jean‐Pierre Bellon Bibliographie Olivier Blanc, Mme de Bonneuil, femme galante et agent secret, Robert‐Laffont, 1987. Olivier Blanc, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Perrin, 1995. Olivier Blanc, Les libertines, Perrin, 1997.