Télécharger - Mouvement des Jeunes Socialistes de l`Hérault

Octobre 2014
PERSPECTIVES #1
« La culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers. » André Malraux
Livre
Le Guide Anti-FN
Ce petit guide d’une centaine
de page déconstruit les 8
principaux
arguments de
Marine Le Pen, de la politique
migratoire à la politique
économique.
Film
Promised land
Cette fiction de Gus Van Sant
sur l’exploitation des gaz de
schiste aux USA attire tant
l’attention sur les problèmes
éthiques et environnementaux
de la fracturation hydraulique
que sur la manipulation de
l’individu et le pouvoir des
grandes entreprises. Des gaz de schistes que l’on
pourrait se voir imposer avec
TAFTA. #StopTAFTA
Presse
Alternatives
économiques
Ce numéro de septembre
2014 fait le tour des sujets
d’actualité, avec un dossier
sur le danger déflationniste en
Europe, par Guillaume Duval. Un indispensable pour mieux
comprendre, comme son nom
l’indique, l’actualité
économique et les alternatives
qu’on peut lui offrir.
Fiche de lecture
24/7.
Le Capitalisme à
l’assaut du
sommeil
Le
titre de l’œuvre de
Marcel Proust, A la
recherche du temps perdu,
publiée en 1913 et 1927,
est assez proche de l’idée
que développe Jonathan
Crary, essayiste américain, dans son dernier ouvrage,
paru en mai dernier : 24/7. Le Capitalisme à l'assaut du
sommeil. Egalement professeur d’histoire de l’art à
l’Université de Columbia, spécialiste de l’art moderne il
est assez peu connu en Europe. Pour cause ; c’est la
première fois que l’un de ses ouvrages est traduit en
français.
!
La référence faite à Proust au début de cet article n’est
pas dépourvue de sens. En effet, le premier tome qui
compose son œuvre commence par la fameuse phrase
« Longtemps, je me suis couché de bonne heure ». Le
narrateur de la Recherche ne se couche plus aussi tôt
qu’avant, il n’est pas devenu insomniaque mais ne
prend plus le temps de dormir ; il doit écrire.
!
Plus d’un siècle plus tard, l’œuvre de Jonathan Crary
reprend cette thématique d’un homme qui se doit
d’être performant constamment : 7 jours sur 7, 24
heures sur 24. Son dernier livre débute par la
présentation d’un oiseau migrateur capable de tenir 7
jours sans dormir : le bruant à gorge blanche. Ce
volatile est évoqué en début d’ouvrage en raison des
dernières études américaines qui lui sont dédiées. Mouvement des Jeunes Socialistes de l’Hérault
Octobre 2014
En effet, depuis 5 ans, aux Etats-Unis, le département de la défense a alloué
d’importantes sommes à l’étude de ces créatures.
De nombreux chercheurs de diverses universités, en particulier celle du Wisconsin, à
Madison, ont bénéficié de financements publics importants dans le but d’étudier
l’activité cérébrale de ces volatiles lors de leurs longues périodes de privation de
sommeil, dans l’idée d’obtenir des connaissances transférables aux êtres humains. C’est
là le véritable enjeu des recherches : créer un homme rentable et efficace,
disponible, qui ne dormirait plus mais qui serait en état de veille.
!
Dans les moments forts de l’Histoire, certains scientifiques ont constaté qu’un état de
crainte permanente mettaient les hommes dans des états de somnolence sans qu’ils
puissent dormir profondément. Ce fut notamment le cas lors des deux guerres
mondiales que connut le XXeme siècle. Ainsi, les civils, mais surtout les soldats,
pouvaient rester éveillés pendant plusieurs dizaines d’heures d’affilée lors des
affrontements violents : ils étaient donc plus efficaces. C’est cette efficacité que vise
aujourd’hui la recherche, et derrière elle, le capitalisme.
!
En effet, un homme qui ne dort plus est un homme qui travaille et qui consomme ; mais
à quels risques ? On se souvient du décès de Moritz Erhardt, 21 ans, stagiaire à la Bank
of Merril Lynch, à la City, mort épuisé de sommeil suite à un travail intensif pendant
plusieurs journées consécutives sans pause. Voilà le rêve de la finance et des marchés :
trouver des hommes capables d’être disponibles, prêt à faire le dernier clic qui fera
basculer le cours des choses.
!
On constate une évolution non-négligeable du temps de sommeil ; en effet, l’adulte
américain moyen dort aujourd’hui environ six heures et demie par nuit, soit une érosion
importante quand on sait que les américains dormaient en moyenne dix heures par nuit
au début du XXeme siècle. Paradoxalement, la population n’a jamais autant eu recours
aux somnifères : en 2010, des composés médicamenteux tels qu’Ambien ou Lunesta ont
été prescrits à environ 50 millions d’Américains, un chiffre qui atteint des records.
!
Nous vivons donc dans un monde où l’instantané nous fait craindre de rater un
événement majeur, de « passer à côté de quelque chose ». La citation de Beckett prend
alors tout son sens face à cette sentence : « Le sommeil est une sorte de protection, si
paradoxal que cela puisse paraître ». Pour vivre mieux, il faut donc « redonner du temps
au temps », « prendre son temps ». Alors accordons-nous un moment où le temps
devient extensible, celui de la lecture, et lisons l’essai de Jonathan Crary… avant d’aller
dormir !
!
Rémi Ortuno
Mouvement des Jeunes Socialistes de l’Hérault