La régularisation du Lac Léman

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La régularisation du Lac Léman
Hydrology in Mountainous Regans. I - Ifydmlogical Measurements; the Water Cycle
(Proceedings of two Lausanne Symposia, August 1990). IAHS Publ. no. 193,1990.
La régularisation du Lac Léman
P. GRANDJEAN
Département des travaux publics de Genève, Service du lac et des cours
d'eau, CH-1211 Genève, Suisse
RESUME Cet article propose un bref tour d'horizon des problèmes liés
à la régularisation du lac Léman. Après avoir précisé quelques éléments
historiques et hydrologiques, l'article décrit les modèles de prévision des
débits qui sont actuellement à l'étude en liaison avec la construction
d'un nouveau barrage de régularisation à Genève. Il évoque enfin
l'influence des barrages d'accumulation et du mode de gestion du lac
Léman sur l'hydrologie du Rhône.
MORPHOLOGIE ET HYDROLOGIE
D'une superficie de 582 km2 et d'un volume de 89 milliards m 3 le lac Léman est le
plus grand lac alpin et subalpin d'Europe occidentale. Son bassin versant total, y
compris le lac lui-même, a une superficie de 7975 km2 dont les 10.6% sont couverts
par les glaciers alpins et dont l'altitude moyenne se situe à 1670 m (Burkard, 1984). Le
débit moyen de son exutoire, le Rhône à Genève, est de 240 m3s"x, ce qui implique
un temps moyen de renouvellement des eaux de 12 ans environ.
FIG. 1 Représentation schématique des bassins versants du Rhône et
de PArve.
Son affluent principal, le Rhône, a un bassin de 5220 km2 dont une grande partie se
compose de surfaces glaciaires, rocheuses ou incultes; son débit moyen est de 180 m3s"
1
, ce qui représente approximativement les trois quarts des apports d'eau au lac. Le
régime hydrologique du Rhône, fortement marqué par la présence des glaciers alpins,
peut être qualifié de nivo-glaciaire, les apports maximaux se rencontrant en juin,
juillet et août ; son débit de crue décennal est évalué à 950 m 3 s _1 .
Parmi les autres affluents du lac, les plus importants sont la Dranse (536 km 2 ), la
Venoge (236 km2) et l'Aubonne (93 km2) dont les bassins versants ne présentent pas
de surfaces glaciaires. Leurs apports maximaux sont observés pendant la période
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hivernale ou au printemps. Leurs débits cumulés avec ceux du Rhône constituent plus
de 85 % des apports d'eau du Léman.
En ce qui concerne les apports d'eau, citons enfin les précipitations directes sur
la surface du lac dont la contribution est évaluée à 8 % des apports annuels. Les
précipitations étant épisodiques, elles peuvent prendre ponctuellement une importance
beaucoup plus grande ; ainsi la précipitation décennale journalière, estimée en l'état à
60 mm sur l'ensemble du lac, représente un débit d'environ 400 m V 1 pendant 24
heures qui vient s'ajouter aux apports des affluents.
Ce bref panorama hydrologique ne serait pas complet sans citer l'Arve, affluent
qui rejoint le Rhône à Genève en aval du barrage de régularisation. En effet, bien
que n'alimentant pas le lac Léman, cette rivière a une influence essentielle sur la
régularisation car elle crée à sa jonction avec le Rhône un important barrage
hydraulique qui limite, lors des crues, les débits évacuables du lac. Elle est
historiquement à l'origine d'inondations catastrophiques en ville de Genève, et
nécessite épisodiquement une limitation des débits du Rhône à l'aide du barrage de
régularisation. Son bassin versant, d'une surface de 2000 km2, est recouvert à 6% de
glaciers et comprend le massif du Mont-Blanc. Son débit moyen est de 80 m 3 s _1 et son
régime est de type nivo-glaciaire, les apports maximaux apparaissant en mai, juin et
juillet. Ses crues, souvent très soudaines, peuvent survenir à n'importe quelle période
de l'année et présentent des débits très élevés ; on estime ainsi que le débit de pointe
décennal se situe entre 700 et 800 m V 1 .
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FIG. 2 Débits moyens journaliers de l'année 1988 (année sèche).
HISTORIQUE DE LA REGULARISATION
Les riverains du Léman ont semble-t-il été préoccupés depuis le dix-septième siècle
déjà par les exhaussements nuisibles des niveaux du lac ; ils se sont donc tournés très
tôt vers Genève, où se trouve l'émissaire, pour réclamer la maîtrise des niveaux. La
première génération d'ouvrages, antérieure à 1880, fut une suite de tentatives qui
n'eurent que peu d'effet et n'empêchèrent pas les inondations répétées, principalement
en raison du contrôle hydraulique (manoeuvres) difficile et de la capacité insuffisante
du Rhône à l'aval des ouvrages (Wahl, 1987).
Il fallu attendre 1884 pour qu'une convention intercantonale de régularisation soit
ratifiée par les cantons riverains de Genève, Vaud et Valais, sous l'égide de la
Confédération suisse. A cette époque furent réalisés à Genève l'usine de la
Coulouvrenière, le barrage du pont de la Machine et le dragage des deux bras du
Rhône. Cet ensemble d'ouvrages, remarquablement conçus par l'ingénieur Turrettini,
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est encore en fonction aujourd'hui et a permis d'assurer depuis plus de cent ans la
protection contre les inondations sur tout le pourtour du lac Léman, tout en offrant
des possibilités accrues d'utilisation de la force hydraulique du Rhône. Néanmoins ces
installations, dont l'ouvrage principal est le barrage composé de 39 rideaux en bois,
présentent aujourd'hui des signes marqués d'usure ; de plus leur exploitation n'est plus
rationelle compte tenu de l'augmentation sans cesse croissante du nombre de
manoeuvres requise par l'optimisation de l'utilisation de la force hydraulique.
Pour ces raisons il a été décidé en 1984 de réaliser un nouvel ouvrage de
régularisation à Genève. Le "barrage de régularisation et usine hydro-électrique du
Seujet" est actuellement en construction et sera mis en service en 1994. Il aura pour
fonctions d'assurer :
(a) la régularisation des niveaux du lac Léman
(b) l'évacuation des débits de crue
(c) la maîtrise des débits du Rhône afin de permettre l'écoulement des eaux de
l'Arve
(d) la production d'énergie électrique et la modulation des débits pour les usines
hydro-électriques au fil de l'eau situées à l'aval
Le but prioritaire de cet ouvrage sera, comme celui du précédent,de garantir la
maîtrise des niveaux du lac conformément à la convention intercantonale de 1884 qui
restera en vigueur dans les années à venir.
MODE DE REGULARISATION
La convention intercantonale de 1884 et les règlements d'application qui lui sont
associés définissent pour chaque mois de l'année les niveaux du lac à respecter (Fig.
3).
Le niveau maximal normal est de 372.30 msm en été et le niveau minimal de 371.70
msm au mois d'avril. Une fois tous les quatre ans le niveau est abaissé à 371.50 msm
pour permettre les travaux d'entretien et de réfection des ouvrages situés au bord du
lac.
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37Z.6B-
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372.40-
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Règlement h a b i t u e l
372.20372.00-
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371.80371.60-
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Année bissextile
J a n ' F é u ' H a p ' f l u r ' H a i ' J u n ' j u l ' Aou ' S e p 1 O c t ' H o u ' D e c
FIG. 3 Niveaux de consigne du lac Léman selon la convention
intercantonale de 1884 et ses règlements d'application.
Contrairement à certains règlements en vigueur sur d'autres lacs qui imposent de
manière univoque les débits à lâcher selon la période de l'année et le niveau du plan
d'eau, le mode de régularisation du lac Léman ne fixe que l'essentiel, soit le niveau du
lac à respecter. Cette façon de faire est très souple, mais très exigeante envers
l'exploitant du barrage car elle lui laisse l'entière responsabilité du choix des débits à
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lâcher et des problèmes qui peuvent en découler. Ceci est encore compliqué par les
effets épisodiquement limitatifs de l'Arve que nous avons évoqués précédemment.
La régularisation opérationnelle nécessite donc non seulement la connaissance en
temps réel des niveaux du lac, mais également celle des débits d'apports et de l'Arve ;
elle requiert également des responsables d'excellentes qualités de prévisionniste afin
que toutes les variations significatives de débit soient anticipées suffisamment tôt pour
que les niveaux puissent être maintenus dans leurs limites admises.
La régularisation du lac Léman est habituellement réalisée au pas de temps
journalier, les débits à évacuer étant choisis chaque matin pour la journée qui suit.
Néanmoins des options sont parfois prises quelques jours à l'avance, ou, à l'inverse,
certaines actions doivent être effectuées très rapidement en cas d'événements
hydrologiques exceptionnels tels que les crues du Rhône ou de l'Arve.
Les stations de mesure
En l'état la régularisation du lac Léman ne fait appel qu'à un nombre très restreint de
stations de mesure. Il s'agit :
(a) du niveau du lac à St-Prex, station choisie en raison du peu d'influence à cet
endroit des effets de vent et de balancement du plan d'eau (seiches...)
(b) du débit du Rhône à la Porte-du-Scex qui fournit les apports de l'affluent
principal
(c) du débit du Rhône à Genève à la sortie du barrage de régularisation
(d) du débit de l'Arve à Genève
On dispose en outre depuis peu de temps du système d'information météorologique
METEOTEL qui permettra à l'avenir de suivre et de prévoir l'évolution à court terme
des situations météorologiques. Cet équipement provoquera probablement à terme des
modifications dans la manière d'appréhender la régularisation du lac Léman. Pour la
première fois en effet on pourra profiter d'une vision globale des phénomènes
touchant l'ensemble du bassin versant, et l'on disposera de la possibilité d'évaluer en
temps réel leur évolution à court terme. Il est néanmoins encore impossible à l'heure
actuelle d'évaluer quelsera l'apport réel de ce système en terme de prévision de débit
, car s'il est aujourd'hui excessivement hasardeux d'établir des prévisions quantitatives
de précipitations, il l'est encore plus de vouloir transformer celles-ci en débits dans les
émissaires. Seule une expérience de quelques années permettra de juger de l'apport
réel du système METEOTEL pour la régularisation du lac Léman.
Pour le reste, l'équipement complémentaire du bassin versant en stations de
mesure est actuellement à l'examen en liaison avec l'étude des modèles de prévision. Il
s'agit en particulier de déterminer, sur la base de données historiques, si la mesure
d'autres affluents que le Rhône, de précipitations ou de températures... peut
contribuer à améliorer de façon significative la prévision des débits d'apport.
LES MODELES DE PREVISION
Jusqu'à ce jour la régularisation du lac Léman a été réalisée de manière très intuitive
à partir des mesures enregistrées aux stations précitées. Ce mode de faire, basé sur la
grande expérience des personnes responsables des manoeuvres du barrage, s'est révélé
tout à fait satisfaisant tant que l'unique objectif était le maintien des niveaux du lac
aux cotes prévues par la convention de 1884. Depuis les années 70, certaines
contraintes supplémentaires sont apparues, en liaison avec la nécessité d'optimiser
l'utilisation de nos ressources hydrauliques, et il s'avère actuellement qu'une prévision
plus précise des débits d'apport offrirait une sécurité accrue aux riverains du lac tout
en autorisant une meilleure gestion énergétique des volumes d'eau disponibles.
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Le modèle autorégressif AR(3)
Pour ces raisons, une première étude a été menée entre 1984 et 1986 dans le but
d'élaborer un modèle de prévision des apports d'eau au lac Léman. Compte tenu du
caractère partiel des données disponibles en temps réel, particulièrement en terme de
prévision, le modèle retenu dans un premier temps a été un modèle "historique" de
type autorégressif d'ordre 3 (Capitaine, 1986) ; autrement dit, il s'agit d'un modèle qui
se base uniquement sur les apports observés pendant les 3 jours précédents pour
prévoir ceux du ou des jours suivants. Les limites de ce type de méthodes sont bien
connues, et en particulier elles sont incapables d'anticiper une situation de crue. Le
calage a été effectué sur la série historique des 20 dernières années et on a calibré les
constantes du modèle séparément pour chaque mois de l'année. Testé
opérationnellement entre 1987 et 1989 ce modèle n'a pas répondu à tout ce que l'on
attendait de lui, si bien qu'on en est revenu à l'heure provisoirement à une estimation
intuitive basée sur l'expérience du prévisionniste. Diverses raisons expliquent ce relatif
échec :
(a) à l'heure actuelle le calcul des apports d'eau passés, qui "alimentent" le modèle,
est basé sur les débits évacués au barrage et la variation de niveau du lac. Ce
mode de cacul fournit des résultats souvent douteux, probablement en raison de
la relative imprécision de mesure des niveaux du lac (1 cm de lac représente
67m3s"1 pendant un jour!)
(b) ce type de modèle n'autorise pas la prise en compte de l'évolution des conditions
météorologiques, et en particulier ne permet pas d'anticiper les situations de crue
(c) le calage du modèle n'a pas pris en compte les variations artificielles de débit,
parfois importantes, liées à la gestion des ouvrages hydro-électriques situés à
l'amont du lac Léman (voir chapitre suivant)
Suite des études
En conséquence une nouvelle étude est actuellement en cours afin d'essayer de
corriger les défauts majeurs du modèle AR(3). Il s'agit entre autre :
(a) de trouver un mode de calcul plus fiable des apports d'eau passés, et d'estimer
l'éventuelle nécessité d'introduire les débits d'autres affluents que le Rhône dans
ce calcul
(b) d'essayer de séparer la part naturelle des débits, de celle artificielle due à la
gestion des barrages à accumulation du Valais ; ces deux types de débits devant
faire l'objet de prévisions spécifiques et séparées
(c) de juger de l'opportunité de différencier certaines situations caractéristiques telles
que période stable, précipitations sans crue, crue pluviale, crue de fonte nivale,
fonte glaciaire...et d'établir des lois de prévision propre à chacune de ces
situations
(d) d'évaluer si de nouvelles variables, telles que précipitations, températures...
devraient être prises en compte pour affiner la prévision
(e) ...
Nous espérons que cette nouvelle étude permettra d'éclaircir une partie des
mécanismes hydrologiques participant à la genèse des apports d'eau au Léman, et
qu'ainsi de nouveaux éléments décisionnels pourront être mis à disposition des
personnes responsables de la régularisation du lac.
INFLUENCE DES AMENAGEMENTS SUR LES DEBITS DU RHONE
Le panorama de la régularisation du lac Léman ne serait pas complet si l'on n'évoquait
pas brièvement cette question, qui doit être examinée à l'amont et à l'aval du lac.
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Influence des barrages valaisans sur le Rhône à l'amont du lac Léman
Le bassin versant du Rhône à l'amont du lac Léman compte une vingtaine de barrages
dont 14 à accumulation saisonnière. Pour la plupart construits vers le milieu de ce
siècle, ces 14 aménagements contrôlent une surface de 1400 km2, soit
approximativement le quart du bassin du Rhône ; ils permettent de stocker un volume
de 1150 million m 3 qui représente l'équivalent d'une tranche d'eau de 2 m sur le lac
Léman (Bezinge, 1985). De manière générale ces barrages, dédiés à la production
d'énergie électrique, se remplissent en été et relâchent leurs eaux en hiver pour
produire de l'énergie de pointe. L'influence de ces aménagements sur le cycle annuel
des débits du Rhône est mise en évidence par la Fig.4 .
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FIG. 4 Débits mensuels moyens du Rhône à la Porte-du-Scex ( d'après
Emmenegger, 1988),
On constate qu'entre le début du siècle et la période actuelle la mise en service de ces
équipements a provoqué une sensible augmentation des débits d'étiage d'hiver alors
que les débits d'été ont nettement diminué. Cet état de fait est globalement positif car
(a) pour la régularisation, il y a diminution des plus forts débits qui ne pouvaient
parfois pas être évacués à Genève, faute de capacité hydraulique, et qui
provoquaient une surélévation mal venue des niveaux du lac
(b) pour la qualité des eaux du Rhône, l'augmentation des débits hivernaux est
favorable en permettant une meilleure dilution des substances polluantes
(c) pour les usines hydro-électriques qui équipent le Rhône jusqu'à Marseille, le gain
d'énergie hydraulique hivernale est appréciable
Outre cette modification saisonnière des débits du Rhône on observe également l'effet
des modulations hebdomadaires, débits plus forts la semaine que les week-ends, et des
modulations journalières, débits plus forts le jour que la nuit. La Fig. 5 qui représente
la différence des débits journaliers du Rhône entre le vendredi et le dimanche sur la
période 1977-1987 montre l'importance des variations hebdomadaires selon les mois de
l'année (Grandjean, 1988).
On constate que les débits du dimanche sont systématiquement plus faibles que
ceux du vendredi, en moyenne d'environ 70 m V 1 , pendant les mois de septembre à
avril. En été, de mai à août, les différences sont nettement moins marquées et très
variables.L'importance relative de ces différences de débit implique leur prise en
compte pour la régularisation du lac Léman si l'on veut éviter des fluctuations
indésirables du plan d'eau.
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Hormis ces variations périodiques, il existe certainement d'autres fluctuations plus
aléatoires liées à la demande d'énergie électrique ; celles-ci sont mal connues et il est
peu probable qu'elles pourront un jour être intégrées dans un schéma de prévision.
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FIG. 5 Différences entre les débits journaliers du dimanche et ceux du
vendredi sur la période 1977-1987. Le rectangle représente l'étendue du
50% des valeurs et la barre horizontale situe la valeur médiane.
Influence de la régularisation du lac sur les débits du Rhône
L'influence de la régularisation amène le même type de remarques que celles évoquées
pour les barrages valaisans. Le respect des niveaux définis par la convention de 1884
implique un destockage d'eau, donc une augmentation des débits, de décembre à avril,
et un stockage, donc une diminution des débits, en mai et juin. Cet effet se cumule
avec celui provoqué par les barrages de l'amont et estompe encore un peu plus les
différences saisonnières été-hiver par rapport au régime naturel.
Pour le reste, les débits sortant du lac sont également modulés en vue d'optimiser
la production hydro-électrique des usines au fil de l'eau situées à l'aval et l'on observe
de fortes variations hebdomadaires et journalières. Selon les périodes celles-ci sont
particulièrement marquées car, contrairement aux ouvrages valaisans, le barrage de
régularisation permet de contrôler les débits provenant de la totalité du bassin versant.
Pour cette raison le choix des débits minimaux, ou de dotation, a fait l'objet d'une
attention toute particulière lors de l'élaboration du règlement du futur barrage du
Seujet ; ceux-ci ont été fixés à 50 m 3 s _1 en hiver et a 100 m V 1 pendant la période
estivale. Ils sont de ce fait nettement supérieurs aux 10 mh'1 qu'imposerait la
législation fédérale suisse, et, nous l'espérons, mieux adaptés au maintien des fonctions
hydrauliques et biologiques du fleuve.
CONCLUSION
La maîtrise des débits de cours d'eau alpins, comme le Rhône ou l'Arve, dont les
débits sont souvent capricieux et impétueux, n'est pas chose aisée malgré la capacité
de rétention importante qu'offre le lac Léman.
La protection des riverains contre les inondations et le maintien de niveaux
propices aux activités lacustres sont les objectifs prioritaires de la régularisation.
Ceux-ci doivent néanmoins, dans la mesure du possible, être combinés avec
l'optimisation de la gestion de nos ressources hydrauliques.
P. Grandjean
ne
Dans ce contexte, bien que l'objectif de régularisation n'ait pas changé depuis 1884 et
qu'il restera le même dans les années à venir, on constate que le mode d'application de
la régularisation du lac Léman est en pleine évolution. On recherche d'une part à
satisfaire des contraintes sans cesse plus exigeantes, d'autre part à optimiser le mode
de régularisation sur la base d'une prévision hydrologique performante. Cette prévision
en est encore à ses débuts, mais elle connaîtra certainement dans les prochaines années
d'importants développements.
REFERENCES
Bezinge, A. (1985) Vallée du Rhône - Débits d'étiage d'hiver, production hydroélectrique et environnement. Eau, énergie, air 1/2 1985, Baden, Suisse.
Burkard, P. et al. (1984) Synthèse des travaux de la Commission internationale pour la
protection des eaux du Léman contre la polution 1957-1982. CIPEL, Lausanne,
Suisse.
Capitaine, G. (1986) Régularisation du niveau du lac Léman. Rapport interne,
Département des travaux publics du canton de Genève, Suisse.
Emmenegger, Ch. (1988) 125 ans d'hydrométrie en Suisse - Rétrospective. Service
hydrologique et géologique national, publ. no. 9, Berne, Suisse.
Grandjean, P. (1988) Etudes des variations des débits d'apports du Léman sur les
périodes de week-end. Rapport interne, Département des travaux publics du
canton de Genève, Suisse.
Wahl, J. (1987) Nouvel ouvrage de régularisation à l'émissaire du lac Léman à Genève.
Ingénieurs et architectes suisses 21. Suisse.

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