La maladie polykystique autosomique
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La maladie polykystique autosomique
La maladie polykystique autosomique dominante au Maroc. Enquête multicentrique à propos de 308 familles A. Bourquia et Société marocaine des maladies rénales AI Amal, Centre de néphrologie-dialyse, Casablanca, Maroc La maladie polykystique autosomique dominante (MPAD) a eu un regain d’intérêt ces dernières années après la découverte des gènes responsables de la maladie. Elle reste une cause fréquente d’insuffisance rénale chronique (IRC). Nous rapportons dans ce travail les résultats d’une étude rétrospective multicentrique réalisée dans 41 centres de néphrologie et dialyse au Maroc. A travers l’étude de 308 familles marocaines et l’analyse de 420 observations nous avons essayé de préciser la fréquence de cette pathologie au Maroc, ses complications et les difficultés de sa prise en charge. L’âge moyen de découverte de la MPAD était de 46 ± 3 ans et le sex ratio de 1,08. La fréquence de la MPAD parmi la population marocaine dialysée était de 6,5%. La douleur était le symptôme révélateur le plus fréquent (21%) tandis que l’insuffisance rénale à différents stades évolutifs était notée chez 17% des patients et l’hypertension artérielle (HTA) chez 11% d’entre eux. Le diagnostic évoqué cliniquement a été confirmé par l’échographie dans 95% des cas. L’association à une polykystose hépatique était retrouvée dans 17,8% des cas. A coté de l’HTA et de l’infection urinaire, les complications ont été largement dominées par l’insuffisance rénale chronique et les difficultés de sa prise en charge en raison du manque de moyens financiers. A travers cette série les auteurs discutent et rapportent le profil et le pronostic de cette affection dans notre milieu en particulier l’évolution de la fonction rénale en faisant ressortir le retard de diagnostic et de prise en charge. Autosomal dominant polycystic kidney disease (ADPKD) has aroused great interest these last years, especially after the discovery of the genes responsible for this disease. It remains a frequent cause of chronic renal failure (CRF). In this work we report the results of a multi-centre retrospective study. The data relates to 41 centres of nephrology and dialysis in Morocco, 308 Moroccan families and 420 observations. We have tried to determine the frequency of this pathology in Morocco, its complications and difficulties in taking care of it. The average age of the discovery of ADPKD was 46 ± 3 years and the sex ratio was of 1,08. The ADPKD frequency among Moroccans who undergo dialysis was 6,5%. Pain was the most frequent symptom which revealed the disease (21%) ; while renal failure at different stages was found in 17% of the patients and high blood pressure (HBP) in 11%. The clinic diagnosis was confirmed by echography in 95% of cases. The association with a hepatic cysts was found in 17,8% of the cases. In addition, to HBR and urinary tract infection, the complications were largely dominated by renal chronic failure and the difficulties in taking care of it because of economic problems. Through this the authors discuss and report the profile and the prognostics of this infection in our society, with a special focus on the evolution of the renal function, the delay in the diagnosis and the management. Mots clés : Maladie polykystique autosomique dominante – Hémodialyse – Maroc. Key words : Autosomique polycystic kidney disease – Hemodialysis – Morocco. ■ Introduction souvent assez longue. A la phase ultime, la dialyse et éventuellement la transplantation rénale permettent d’assurer la survie.4,5,6 A travers cette étude multicentrique de 420 cas de MPAD appartenant à 308 familles marocaines, nous avons essayé de préciser les aspects cliniques, la fréquence des principales complications et de dégager le caractère évolutif de la maladie ainsi que les difficultés de sa prise en charge. La maladie polykystique autosomique dominante (MPAD) représente la cause la plus fréquente de l’insuffisance rénale chronique (IRC) d’origine congénitale chez l’adulte. La découverte et la localisation des gènes responsables ont été à l’origine d’un regain d’intérêt pour cette pathologie.1,2,3 Deux anomalies génétiques sont actuellement connues : PKD1 (chromosome 16) impliquée dans 85% des familles et PKD2 (chromosome 4) dans 10 à 15% des familles. Un troisième gène non encore identifié, ni PKD1 ni PKD2, est mis en cause dans certaines familles.2,3,4 Les mesures diététiques et le traitement des complications permettent généralement de prolonger la période d’évolution Néphrologie Vol. 23 n° 2 2002, pp. 93-96 ■ Patients et méthodes Cette étude multicentrique rétrospective a été réalisée à travers l’ensemble des villes marocaines où existait une pratique 93 articles originaux Résumé • Summary néphrologique entre 1986 et 1997. Cette enquête, a concerné quarante et un centres de néphrologie et/ou de dialyse soit 80% des centres existants et a permis de recenser 420 cas de MPAD appartenant à 308 familles marocaines. La MPAD a été rarement évoquée cliniquement sur l’existence de deux gros reins, c’est l’échographie qui a permis de poser le diagnostic dans 95% des cas. Le diagnostic de la MPAD était retenu sur l’existence d’au moins trois kystes dans chaque rein quand l’échographie était faite au-delà de 20 ans. Dans les cas ou il existait un ou deux kystes dans des reins de taille normale, la présence d’antécédents familiaux permettait d’orienter le diagnostic. Cent vingt-quatre MPAD asymptomatiques ont été dépistées par échographie. L’urographie intra-veineuse n’a été pratiquée que chez 8% des patients, essentiellement avant la généralisation de l’échographie. La tomodensitométrie était réalisée chez 15% des patients pour confirmer un diagnostic suspecté sur l’échographie ou lors de l’apparition d’une complication. Une enquête familiale fondée essentiellement sur l’échographie a été réalisée pour 180 malades (43%) permettant de découvrir cent deux cas de MPAD asymptomatiques. Le traitement de l’insuffisance rénale (IRC) et des autres complications a été symptomatique, visant à préserver une fonction rénale efficace le plus longtemps possible. Le recours aux méthodes de suppléance a été nécessaire à un moment de l’évolution de la maladie dans 243 cas (58% des cas). ■ Résultats La fréquence de la MPAD dans les centres où elle a pu être précisée était de 1 à 3% des hospitalisations, de 5% des consultations annuelles et d’environ 6,5% des patients traités par hémodialyse périodique au Maroc. Il s’agissait de 52% d’hommes et de 48% de femmes. L’âge moyen de découverte de la MPAD était en moyenne de 46 ± 3 ans avec des extrêmes de 3 et 82 ans (fig. 1). Pourcentage 35 31,8 30 23,4 25 19,3 articles originaux 20 15 13,2 10 Gros reins Coma métabolique 4% 3% Hématurie Découverte fortuite 5% Enquête famille 8% 24% Infection urinaire 6% Hypertension artérielle 11% Douleurs abdominales Insuffisance rénale 20% 17% Fig. 2: Circonstances de découvertes de 420 cas de MPKAD. La prise en charge en hémodialyse s’est faite en moyenne vers l’âge de 50 ans: 51 ± 3 ans pour les hommes et 47 ± 2 ans pour les femmes. La différence notée entre la moyenne d’âge au stade d’IRT et la prise en charge en dialyse s’explique par le fait de l’impossibilité de prendre en charge l’ensemble des patients notamment les plus âgés d´entre eux. Leurs taux d’hémoglobine et d’hématocrite étaient relativement peu diminués par rapport aux autres hémodialysés et 37% d’entre eux gardaient une diurèse correcte. Les autres complications étaient représentées par l’hématurie macroscopique (37% des cas) et l’infection urinaire (IU) avec ou sans douleurs lombaires (29% des cas). L’IU était souvent récidivante et résistante aux traitements antibiotiques surtout en présence d’une IR. Une lithiase rénale a été retrouvée chez 13% des patients. L’association d’une polykystose hépatique a été rapportée chez 75 patients (17,8%) tandis que chez 3% des malades la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) a fait suspecter la rupture d’un anévrisme cérébral associé. Le caractère familial de l’AVC était retrouvé chez 3/15 familles où il a pu être précisé. Plus de la moitié des femmes de cette série (67%) ont eu des grossesses et ont donné naissance à 137 enfants vivants. Quarante-trois d’entre eux sont décédés dont 34% en période néonatale. Par ailleurs, le nombre total d’avortements a été estimé à environ 0,6 par patiente avec des extrêmes de 0 et 6. L’enquête familiale a révélé l’existence d’une MPAD dans cent deux familles. L’âge des patients concernés par le dépistage allait de 9 mois à 41 ans (moyenne 21 ± 3 ans). 7,6 2,3 5 0,6 ■ Commentaires 1,8 0 <10 13-20 21-30 31-40 41-50 51-60 61-70 >70 âge Fig. 1: Age de découverte de la maladie. Les circonstances de découverte ont été dominées par le syndrome douloureux abdominal noté dans 21% des cas et l’IR dans 17% des cas. L’hypertension artérielle (HTA) et l’hématurie 94 macroscopique ont permis la découverte de l’affection respectivement dans 11 et 8% des cas (fig. 2). Une IR était présente chez 35% des patients dont 57% présentaient lors de la découverte de la maladie, une créatininémie supérieure à 180 µmol/l et une urée sanguine supérieure à 16,6 mmol/l. La moyenne d’âge des patients qui ont évolué vers l’IRC terminale était de 53 ans dont 33% étaient âgés de moins de 40 ans. En absence de possibilités d’étude épidémiologique dans la population générale, il nous a semblé intéressant de ressortir les caractéristiques de cette pathologie au Maroc à travers les patients atteints. Aussi, le travail que nous présentons est une initiative personnelle, ayant pour objectifs de préciser la fréquence de cette pathologie héréditaire dans la population de patients marocains recensés dans des centres de néphrologie et la place qu’elle occupe parmi la population dialysée marocaine. Néphrologie Vol. 23 n° 2 2002 Néphrologie Vol. 23 n° 2 2002 la localisation hépatique.5,7,11,17,18,19 Dix huit pour cent des patients de notre série avaient des kystes hépatiques associés. La fréquence de cette association semble augmenter avec l’âge et le degré de l’IR20,21 et les séries autopsiques retrouvent des kystes hépatiques chez environ 80% des sujets.21 La connaissance de la transmission héréditaire dominante de la MPAD devrait permettre de prévoir le risque intrafamilial et guider le conseil génétique. Celui-ci peut être donné aux adolescents atteints avant de fonder leur famille. Le dépistage des cas familiaux facilement réalisé grâce à l’échographie permet de recenser les formes asymptomatiques. Cependant, de nombreux patients, en particulier les parents, refusent le simple contrôle échographique chez leurs enfants pour éviter une angoisse et un stress supplémentaire en cas de résultat positif. Cette attitude est souvent rapportée à la fatalité « ce qui doit arriver arrivera ». C’est ainsi que le conseil génétique peut parfois être réduit à la seule constatation de la maladie. Adresse de correspondance : Dr Amal Bourquia AI Amal Centre de néphrologie-dialyse 127, Bd Victor Hugo Casablanca Maroc E-mail : [email protected] Références 1. Breuning MH, Peters DJ. Polycystic kidney disease what’s new ? Néphrol Dial Transplant 1994 ; 9 : 1707-8. 2. Bacallao RL, Carone FA. Recent advances in the understanding of polycystic kidney disease. Curr Opin Nephrol Hypertens 1997 ; 6 : 377-83. 3. Bear JC, Parfery PS, Morgan JM, Martin CJ, Cramer BC. Autosomal dominant polycystic kidney disease. New information for genetic counselling. Am J Med Genetics 1993 ; 48 : 548-53. 4. Gagnadoux MF. Cystic Kidney Diseases. Rev Part 1997 ; 47 : 1536-40. 5. Grunfeld JP, Chauveau D, Joly D, Fonck C, Oualm Z. Polycystic kidney disease « 30 ans après ». J Nephrol 1999 ; 12 (Suppl. 2) : S42-6. 6. Daalgard OZ. Bilateral polycystic disease of the kidneys : A follow up of two hundred and eighty-four patients and their families. Acta Med Scan 1957 ; 158 (Suppl.) : 328-81. 7. 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Am J Kidney Int 1992 ; 41 : 1311-9. 95 articles originaux La fréquence de la MPAD est différemment appréciée dans la littérature selon qu’il s’agisse d’études autopsiques (1/500) ou cliniques (1/1000).7 Le faible pourcentage de la MPAD noté dans la population de patients marocains ayant un suivi néphrologique, semble s’expliquer d’une part par l’absence de dépistage précoce en raison des difficultés rencontrées pour la réalisation d’explorations systématiques et d’autre part par le retard de diagnostic : les patients pris en charge sont pour la plupart au stade de complications. Elle touche aussi fréquemment l’homme que la femme et le sex-ratio dans notre série était de 1,1 en accord avec les données de la littérature.5,6,7,8 L’âge au moment de la découverte de la maladie semble dépendre essentiellement du mode de dépistage ainsi la moyenne d’âge était de 46 ± 3 ans contre seulement 31 ± 2 ans pour les patients dépistés systématiquement. Le syndrome douloureux vient en tête des circonstances de découverte de l’affection dans cette série. Cependant, grâce au dépistage des formes asymptomatiques ce dernier n’est plus le principal élément révélateur de la maladie. L’insuffisance rénale progressive reste la plus fréquente des complications de la MPAD. Le mode évolutif et la vitesse de progression peuvent être variables. Ainsi, l’IR terminale ne concernait que 55% des patients à 50 ans et 70% à 70 ans dans la série de Daalgard.6 La probabilité d’arriver à l’IRT est ainsi diversement appréciée dans la littérature.9,10,11,12 Elle est en France de 17% à 50 ans, 47% à 60 ans et de 70% à 70 ans, sans différence significative entre les hommes et les femmes.7,13 La dégradation progressive de la fonction rénale doit permettre de planifier la prise en charge de ces patients en hémodialyse. Cependant un diagnostic précoce, par une enquête familiale, doit permettre de découvrir les sujets asymptomatiques et surtout de traiter chez eux l’infection urinaire et l’HTA qui sont des facteurs aggravants. Le retard de diagnostic et de prise en charge de nos patients ainsi que la non-compliance au traitement font que la plupart d’entre eux sont vus au stade de complications et surtout au stade d’urémie chronique. Cependant, l’absence de couverture sociale et de moyens financiers pour beaucoup d’entre eux, n’a pas permis de leur proposer le traitement par épuration extra-rénale. Pour les patients pris en charge en HD, la MPAD représente 6,5% des causes de l´insuffisance rénale, proportion proche de 7,7% rapportée par Jungers et coll14 en France. En absence de données statistiques précises sur la survie actuarielle de nos dialysés, on ne pourrait qu’avancer de manière très approximative que la survie des patients avec une MPAD semble meilleure que celle des autres pathologies rénales.15,16 Les formes de l’enfance sont de mieux en mieux connues grâce aux progrès de l’échographie.4 En effet celle-ci permet le dépistage précoce dans l’enfance voire en anténatal. La fréquence du gène de la maladie fait que dans la population générale les formes de MPAD découverte dans l’enfance sont de plus en plus nombreuses. Aussi dans notre série 0,6% des cas ont été découverts avant l’âge de 10 ans et un total de 1,2% avant l’âge de 16 ans. Ces formes diagnostiquées à l’occasion du dépistage systématique sont le plus souvent asymptomatiques, cependant une hypertension artérielle précoce révélatrice était rapportée chez un enfant de 11 ans mais sans altération de la fonction rénale. D’ailleurs, il ne semble pas avoir de risque d’insuffisance rénale grave durant l’enfance et l’adolescence.4 Les associations pathologiques sont nombreuses et variées, les plus fréquentes sont les polykystoses d’organes en particulier 10. Grets N, Zeier M, Geberth S, Strauch M, Ritz E. Is gender a determinant for evolution of renal failure ? A study in autosomal dominant polycystic kidney disease. Am J Kidney Dis 1989 ; 14 : 178-83. 11. Roscoe JM, Brissenden JE, Williams EA, Chery AL, Silverman M. Autosomal dominant polycystic kidney disease in toronto. Kindney Int 1993 ; 44 : 1101-8. 15. Bourquia A. Ramdani B, et al. La maladie polykystique rénale dominante. Rev Med Interne 1989 ; 10 : 313-8. 16. Bourquia A. La Dialyse au Maroc, réalités et perspectives. Casablanca : Ed consulting, 1997. 17. Gabow PA. Autosomal dominant polycystic kidney disease. Am J Kidney Dis 1993 ; 22 : 511-2. 12. Watson ML. Complication of polycystic kidney disease. Kidney Int 1997 ; 51 : 353-65. 18. Everson GT. 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