Quelques enjeux littraires et stratgiques

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Quelques enjeux littraires et stratgiques
‘L’ici et l’ailleurs’: Postcolonial Literatures
of the Francophone Indian Ocean
e-France : an on-line Journal of French Studies, vol. 2, 2008
ISSN 1756-0535
Quelques enjeux littéraires et stratégiques de la
diaspora indianocéanique francophone :
l’exemple d’Ananda Devi
Nivoelisoa GALIBERT
Universités de MADAGASCAR et de LA REUNION
Nous aborderons ce propos sur le nomadisme – pris au sens
propre de déplacement physique d’un groupe qui n’a pas
d’établissement fixe – par un constat paradoxal : nous
n’adoptons pas les lieux, ce sont les lieux qui nous adoptent.
C’est cette remarque qui rassemble a priori les auteurs de la
postcolonie indianocéanique.
Nomadisme et déterritorialisation : une règle de formation
Qu’y a-t-il de commun entre la Mauricienne Ananda Devi (née
en 1957), les Malgaches David Jaomanoro (né en 1953) et
Raharimanana (né en 1967), le Réunionnais J. William Cally (né
en 1977) ? Tout d’abord, il s’agit de lauréats de prix
francophones postcoloniaux (Prix RFI, Prix du conseil général
de La Réunion, Prix Grand Océan, Prix Tardivat
International 1 …). Ensuite, ils sont diplômés d’études françaises
(ou « lettres modernes ») - à l’exception d’Ananda Devi, docteur
—————
1
Le Prix Tardivat International, octroyé en 1989 à Jean-Luc Raharimanana pour
la meilleure nouvelle de langue française pour « Lépreux », est une ramification du
Prix parisien RFI.
Nivoelisoa GALIBERT
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en sciences humaines. En troisième lieu, sauf J. William Cally
qui confirme la règle de la congruence en ne quittant pas la
Réunion, ils ont opté pour l’exil continental à la faveur des
résidences d’écriture qui accompagnent les prix. Autre point
commun : ils se sont moulés au genre court, lequel a toujours
permis aux institutions francophones de les regrouper dans des
collectifs. Ces recueils de nouvelles « africaines » primées par
RFI depuis 1973 créent une divergence au sein de la critique
française :
Les auteurs sont à présent édités, pour la plupart, dans ces
grandes maisons d’éditions de leur continent, CLE, NEA
et SNED – sans oublier la fidélité que leur manifestent des
maisons parisiennes : l’Harmattan, Présence Africaine et
plus récemment, Hatier et sa – belle – collection Monde
Poche Noir 2
se félicite René Godenne, tandis que Claire Riffard déplore
qu’« en France, […] la complexité des stratégies d’éditeurs
brouille les repères et permet difficilement l’émergence de
nouvelles voix ». 3 En effet, toutes ces éditions et collections
telles que « Dauphin noir », « Lettres du Sud », « Encres
noires » ou encore « Continents noirs » limitent la réception de
l’œuvre, y compris indianocéanique, au seul champ de la
francophonie prise comme institution périphérique.
Une fois établis dans l’hexagone, la plupart de ceux qui ont
eu l’opportunité de confirmer leur talent sont devenus visibles
en intégrant le genre long du roman, se rapprochant ainsi de plus
—————
2
R. Godenne, Études sur la nouvelle de langue française (Paris : Honoré
Champion, 1993), pp. 197-98. Et l’auteur, paradoxalement, d’énumérer en note
infrapaginale une longue « série de titres présumés de recueils de nouvelles, qu’[il
n’a] pas réussi à se procurer », ibid., p. 198. C. Duboin parle dans les mêmes termes
de « recueils de nouvelles publiés par plusieurs générations d’auteurs issus de la
Caraïbe anglophone », in ‘Mélange des genres, imitation et subversion : I-Calypso de
Hazel Campbell’, in Dérives et Déviances (Paris : SEDES, 2005), p. 203.
3
C. Riffard, ‘Chroniques de Madagascar’, Notre Librairie, 161 (mars-mai
2006), 16.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
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en plus des écrivains du Centre. 4 Je n’en veux pour preuve que
le procès des écrivains de la diaspora, servis parfois par les
événements politiques, 5 qui « quittent » selon l’expression
d’Alain Mabanckou : si Raharimanana a quitté en 2004 6 Le
Serpent à Plumes pour Gallimard/Joëlle Losfeld, Ananda Devi a
quitté en 2006 la collection « Continents noirs » pour la NRF,
toujours chez Gallimard, grâce à Ève de ses décombres, Prix des
cinq continents de la Francophonie 2006. 7
Dans un autre mouvement, la levée de bouclier qu’a
suscitée la loi sur le « rôle positif de la colonisation » en février
2005 a impliqué les Retours sur la question coloniale en 2007, 8
rassemblant dans la protestation les auteurs d’un même territoire
anciennement français et leurs sympathisants. Le sentiment
d’appartenance à un moment commun de l’Histoire couvait
depuis trop longtemps pour ne pas induire par réaction une
relecture du champ francophone dans ces sociétés en pleine
mutation, prises dans les « convulsions mémorielles » 9 du
« moment postcolonial ». 10
En effet, le dernier point commun à ce panel, notamment
dans les premières œuvres, consiste en une interrogation
permanente de la production, nouant écriture moderne et
—————
4
Dans la loi de l’exception qui fait la règle, Véronique Alhoune, diplômée de
langue et communication, auteur de Fet’Kaf (Paris : Publibook, 2006) réside à
Toulouse.
5
Pour l’actualité malgache, la double présidence de la république en 2002, avec
Didier Ratsiraka (président sortant) et Marc Ravalomanana (président autoproclamé),
est à l’origine du roman de Raharimanana, L’Arbre anthropophage (Paris : Gallimard,
2004)
6
Raharimanana, op. cit..
7
A. Devi, Ève de ses décombres (Paris : Gallimard, 2006)
8
Retours sur la question coloniale : Cultures Sud, Notre Librairie, 165 (avriljuin 2007)
9
N. Bancel, « De la colonie à la postcolonie », ibid., p. 7.
10
L’expression « moment postcolonial » est empruntée à Georges Balandier dans
une occurrence unique (préface de M.-C. Smouts (éd.), La Situation postcoloniale :
les postcolonial studies dans le débat français, (Paris : Presses de la Fondation
nationale des sciences politiques, 2007), p. 20. Voir aussi les développements de D.
Galibert, Les Gens du pouvoir à Madagascar : État postcolonial, légitimités et
territoire (Thèse d’anthropologie, Université de La Réunion, 2006). Le « moment
postcolonial » implique que chaque aire géographique connaît une décolonisation
spécifique, qu’il n’y a pas de situation postcoloniale qui puisse être généralisée.
Nivoelisoa GALIBERT
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tradition de l’oralité populaire, 11 qu’il s’agisse de la
« contevelle » d’Ananda Devi ou de la « bébètique » de J.
William Cally, « une littérature autochtone de genre
fantastique […] un mot inventé à partir d’un vocable
réunionnais aux racines malgaches, connu de tous : le mot
‘bébèt’, qui sert à nommer le monstre ou le démon, à travers
l’île. » 12 Dans la « contevelle » comme dans la « bébètique », la
rumeur se taille la part du lion - rumeur qui, en Afrique aussi,
selon Xavier Garnier :
passe en fraude entre tous les discours pour éventer les
secrets et crever les faux effets de profondeur. Alors
peuvent s’élever, contre toute vraisemblance, les figures
hautement littéraires du mangeur d’âmes ou du redresseur
de torts, de personnages dont aucune Histoire positive n’a
jamais retrouvé la trace, mais qui vibrent encore de tous
les souffles de la rumeur. 13
Caractérisation : taxinomie et dysfonctionnement postcolonial
De fait, intellectuel, le sens figuré du nomadisme est encore plus
subversif que le nomadisme physique. 14 Questionnement
permanent de l’individu, il concerne les frontières de la
—————
11
Cette interrogation de l’écriture est partagée avec les mêmes procédés par
certains écrivains immigrés anglophones : « I-Calypso est l’un des récits qui
composent Singerman (1992), le troisième recueil de la nouvelliste jamaïcaine Hazel
Campbell. […] Il s’agit d’un exercice de style ludique qui mélange les genres, d’un
texte imitatif et dialogique. L’auteur s’inspire de la tradition orale, le calypso, chanson
populaire aux paroles habilement subversives qui anime le Carnaval et offre une
critique sociale sur un mode ironique, résumé de C. Duboin, ‘I Calypso…’, op. cit.,
pp. 203-10.
12
Ou le « bébètik », en créole réunionnais. Voir J. William Cally, ‘Ti-manifèst
pou la litératïr bébètik (Bref manifeste du fantastique créole)’, Politique linguistique
et Rényonité. Nout Lang, 6 (2002), 21-22 ; ‘Léko nout Pasé dan la litératïr bébètik
(L’écho de notre Passé dans le fantastique créole)’, in Listoir. Nout Lang, 7 (2003) 1617. La traduction est de J. William Cally, communiquée à l’auteur par en pièce jointe
le 20 mars 2006. Texte intitulé ‘Bref manifeste du bébètik (Fantastique créole).’
13
X. Garnier, ‘Usages littéraires de la rumeur en Afrique’, La Question des
savoirs, Notre Librairie, 144, (avril-juin 2001), p. 19.
14
Voir J. Assayag et V. Beneï (éds.), Intellectuels en diaspora et théories
nomades. L’Homme, 156 (octobre-décembre, 2000)
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
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littérature francophone. Dès lors, les enjeux littéraires et
stratégiques soulèvent une problématique de la réception
critique dans le sens d’une possible déterritorialisation :
pourquoi ce continent de notre mémoire collective qu’est la
« francophonie littéraire » demeure-t-il mal connu du lectorat
français, à l’exclusion de quelques grands noms d’écrivains,
Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Milan Kundera, Andreï
Makine, François Cheng, mais aussi de critiques Jacques
Derrida, Tzvetan Todorov ? Cependant que les écrivains de la
décolonisation sont cités, comme nous venons nous-même de le
faire, davantage pour leurs exploits dans le champ éditorial que
pour la matière qu’ils ont produite ou même l’influence qu’ils
ont suscitée à l’instar des seuls Ahmadou Kourouma, René
Depestre et Patrick Chamoiseau ? La postcolonie, au sens que
lui donne Achille Mbembe, 15 est-elle le passage obligé de la
littérature en français s’agissant du Sud ? Plus précisément,
pourquoi l’imaginaire de l’écrivain ouest-indianocéanique n’estil recevable que cantonné dans l’extranéité de l’insularité ?
Plus loin, sur le subcontinent indien, l’écriture littéraire se
réclame d’une création à travers une langue minoritaire tout en
se refusant à toute marginalisation :
Je ne suis pas en exil […]. Je suis un critique du
néocolonialisme, porteur d’une carte verte aux Etats-Unis.
C’est une posture difficile pour négocier, car je ne me
marginaliserai pas aux Etats-Unis dans le but de
sympathiser avec des personnes vouées d’elles-mêmes à la
marginalisation. Je veux jouer un rôle plus important dans
un espace où le bengali est une langue de lecture, d’écriture
[…] 16
—————
15
A. Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans
l’Afrique contemporaine (Paris : Karthala, 2000)
16
Cf Texte originel : « […] I am not in exile. […] I am a green-card-carrying
critic of neo-colonialism in the United States. It’s a difficult position to negotiate,
because I will not marginalize myself in the United States in order to get sympathy
from people who are genuinely marginalized. I want to have more of a role in the
space where Bengali is a language for reading, writing […] », in ‘Bonding in
difference : interview with Alfred Arteaga (1993-1994)’, in G. C. Spivak, D. Landry
80
Nivoelisoa GALIBERT
En effet, l’essentiel du questionnement de l’école de Gayatri C.
Spivak, la New Comparative Literature, discipline dont elle
annonce elle-même la mort, stipule que cette nouvelle école doit
« tenacement et sans cesse miner et défaire la tendance
constante du dominant à s’approprier l’émergent ». 17 Dans l’aire
francophone, c’est seulement en mars 2005 qu’une critique,
Anne-Rosine Delbart, procédant clairement « d’une option plus
additive que soustractive », a résolu « d’exhiber la diversité de
la littérature en français […] à la lumière des écrivains de langue
maternelle non française qui ont choisi le français comme la
langue exclusive ou alternative d’expression. » 18
Entre, d’une part, le jugement qui élabore une taxinomie «
fantastique » / « merveilleux anthropologique », 19 et d’autre
part, le politiquement correct que l’on apparente au consensus
d’une Association de Diffusion de la Pensée Française
(Association officielle du ministère français des Affaires
étrangères qui a produit la revue Notre Librairie jusqu’en 2006,
année où la revue prend le titre principal de « Cultures Sud »
pour changer de ligne éditoriale), 20 le champ littéraire
francophone de l’Océan Indien est un théâtre aux scènes
——————————
et G. Maclean (éds.), The Spivak Reader : Selected Works of Gayatri Chakravorty
Spivak (London and New York : Routledge, 1995), p. 17.
17
Voir G. C. Spivak, Death of a Discipline (New York : Columbia University
Press, 2003)
18
A.-R. Delbart, Les Exilés du langage (Limoges : PULIM, 2005)
19
Le premier à soulever la terminologie du surnaturel occidental appliquée aux
littératures de l’Océan Indien est B. Terramorsi, ‘Le fantastique et les littératures de
l’Océan Indien : introduction à une recherche’, in L’Océan Indien dans les littératures
francophones, édité par K. R. Issur et Y. V. Hookoomsing, (Paris : Karthala, 2002), p.
167-178. Plus tard, à propos de « fantastique », la réflexion de R. Bozzeto est soustendue par la conviction qu’il existe « différents états du champ littéraire pour le
même mot », in R. Bozzeto et A. Huftier, Les Frontières du fantastique
(Valenciennes : Presses universitaires de Valenciennes 2004). Le dernier collectif
s’attachant à cette problématique est intitulé Les Littératures indiaocéaniques. Revue
de littérature comparée (Paris : Didier Érudition, 2006).
20
L’ADPF remplaçait le CLEF (Club des Lecteurs d’Expression Française),
organe gouvernemental français producteur de la revue Notre Librairie. Cette
« diffusion de la pensée française » trouve son prolongement dans le discours de la
diaspora qui met en quatrième de couverture : F. Canard, S. Rabenarivo, Nos enfants,
ces inconnus… (Paris : L’Harmattan, 2000).
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
81
multiples dont les acteurs s’ignorent. Chaque troupe a ses
auteurs favoris, ses décors de prédilection, sa tradition de jeu.
Dans chaque rituel toutefois, « l’un écrit, mais nous lirons
toujours sur son visage quelque chose comme un reflet de
l’autre [en l’occurrence son horizon d’attente occidental] et,
dans sa prose, le palimpseste de ce qu’il [en l’occurrence
l’auteur] se cache à lui-même. » 21 En effet, critiquer, c’est
comme voyager, « c’est confier son destin au hasard des
rencontres : on n’en revient jamais tout à fait indemne ». 22
À la fois parce que ce questionnement épistémologique sur
la fonction de critique est trop ambitieux et pour éviter les
« mauvaises rencontres » des plumitifs qui essaiment dans le
champ indianocéanique, 23 nous nous contenterons ici de traiter
un sous titre : l’exemple d’Ananda Devi.
L’exemple d’Ananda Devi : entre cosmopolitisme et repli
sur soi
L’œuvre d’Ananda Devi illustre à propos les stratégies
d’écritures et d’éditions de la postcolonie, laquelle a déjà été
conceptualisée et appliquée soit aux littératures africaine et
antillaise autour d’Arlette Chemain 24 ou de Romuald Fonkoua et
Pierre Halen, 25 soit au champ anglo-saxon dans l’esprit des
travaux étatsunissiens de la New Comparative Literature
évoquée plus haut. Quoi qu’il en soit, elle s’inscrit dans un
champ spatio-temporel assez étendu pour qu’on la rapporte aux
autres îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien dans la relation que
—————
21
F. Moureau, Le Théâtre des voyages. Une scénographie de l’Age classique
(Paris : PUPS, 2005). En ligne URL : <http://www.presses-sorbonne.info>. Site
consulté le 20 mars 2005.
22
Ibid.
23
Ainsi dans « Sous des toits de branche tressées / L’amour réduit la pauvreté »,
C. Vabois Andriamady, ‘En ce dimanche ensoleillé’, Madajery Magazine d’échange
entre Madagascar et La Réunion, 3 (février 2006), 11.
24
Voir plus particulièrement A. Chemain, ‘Évolution-transfiguration de l’exclu :
Ecrire dans différents contextes géoculturels : M.-C. Blais, R. Boudjedra, Tchicaya
U’Tamsi’, in Figures de l’exclu, édité par J. Sessa (Sainte–Etienne : Publications de
l’Université de Saint-Etienne, 1999), p. 83.
25
R. Fonkoua et P. Halen, Les Champs littéraires africains (Paris : Karthala,
2001) ; R. Fonkoua, Essai sur une mesure du monde au XXe siècle : Edouard Glissant
(Paris : Honoré Champion, 2002).
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ces îles entretiennent avec l’Europe, lieu de résidence des
écrivains francophones indianocéaniques les plus souvent édités.
Une élaboration idéologique
De fait, bien qu’esthétique aussi, la posture de l’écrivain de la
diaspora est inséparable d’une élaboration idéologique : lorsqu’il
est héritage de la colonisation, plus qu’extérieur, l’exil est
devenu un voyage intérieur, à la fois paysage mental et
condition d’écriture. En 1999, Ananda Devi confiait au public :
Je vis toujours dans la mémoire de Maurice. […] En fait,
cette île de référence appartient plus à mon imaginaire et à
mes rêves qu’à la réalité. La source de mon écriture
demeurera ce pays dans cette dimension onirique qui peut se
contenter des liens les plus infimes.
Au cœur des textes des « lauréats des mers du Sud », 26 les
leitmotive sont alors l’identité métisse ou la multiculturalité, en
tout cas une apologie des contacts. De fait, la confidence
d’Ananda Devi plonge nécessairement le critique dans un
univers dynamique à deux contraintes : d’un côté l’effet de
dévoilement que suggère le propos direct d’un créateur sur la
« dimension onirique » de son œuvre, soit l’envergure
translocale de cette œuvre ; de l’autre la mouvance des publics
et critiques qui se succèdent, dans des littératures devenues
nomades, pour débusquer les lieux et les liens géopoétiques, 27 la
géopoétique étant basée sur le cheminement de lieu en lieu dans
l’espace terrestre, à opposer ainsi à la cosmopoétique pour
laquelle le cheminement se situe dans l’espace galactique.
Littératures nomades, qualifiées d’ « hybrides » suivant
l’acception « francophone » de Dominique Chancé. 28 Dans la
—————
26
Expression calquée sur les « romans des mers du Sud », in Littératures
francophones de l’Océan Indien. Anthologie, édité par J.-L. Joubert, A. Osman et L.
Ramarosoa (Paris : Editions de l’Océan Indien/ACCT, 1996), p. 123.
27
Voir K. White, Le Plateau de l’Albatros. Introduction à la géopoétique (Paris :
Grasset, 1994)
28
D. Chancé, ‘Hybridité’, in Vocabulaire des études francophones. Les concepts
de base, édité par M. Beniamino et L. Gauvin (Limoges : PULIM, 2005), pp. 93-96.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
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fusion de deux univers symboliques, le propre et l’étranger,
l’enjeu de la vision scrutatrice des lieux et des liens est
immuable : la négociation de l’identité face à une altérité dont
en définitive l’ethnicité figure la forme suprême. « L’ethnologie,
c’est l’altérité maximum », 29 décidait Gérard Althabe dans une
de ses dernières études en 2005.
Une question s’impose alors : dans cette négociation
permanente de l’identité, l’interrogation du genre peut-elle jouer
le rôle de marqueur, pour suivre Rachid Rahaoui dans le
cheminement du « visible à l’invisible »? 30
Le corpus choisi pour suivre à la trace l’hybridation
scripturale chez Ananda Devi est constitué de trois récits brefs
tirés du recueil Le Poids des êtres. 31 Dans le premier, intitulé
« L’arbre », le végétal verdoyant de la cour se déracine de luimême à Noël quand le sapin vient à manquer. Dans le deuxième,
« Ganesh », crépu, l’enfant est pourtant issu d’un couple tamoul
hindou : devenu adulte, il tue son père qui l’a abandonné à
l’opprobre. Dans le troisième enfin, le voyageur occidental
renaît dans un acte sexuel avec une jeune Africaine : dans la
« réalité », celle-ci est une enfant qui s’est suicidée cinq ans
auparavant.
C’est ainsi que systématiquement l’anthère s’ouvre pour
livrer passage à des êtres monstrueux. La déhiscence est bien le
motif qui relie les trois contes ou nouvelles choisis. 32 La
déhiscence – en botanique, « ouverture naturelle, à maturité,
d’un organe clos », l’organe clos étant appelé « anthère » –
exprime de fait dans la littérature de cet écrivain de l’océan
Indien une métaphore, celle du passage naturel du réel au
—————
29
G. Althabe, ‘Questions d’altérité. Entretien avec Gérard Althabe réalisé par
Rezki Assous’, in Association Française des Anthropologues, Éducation, Religion,
État. Journal des anthropologues, 100-101 (2005), 286.
30
Voir R. Rahaoui, ‘Ce que vivre dans les zones de « relégation » veut dire : la
question spatiale et celle du genre, du visible à l’invisible (Enquête)’, in Lianes, revue
de littératures et de cultures, 1 (27 février 2006). En ligne. URL :
<http://www.lianes.org>. Site consulté le 17 mai 2006.
31
A. Devi, Le Poids des êtres (Rose-Hill, Maurice : Les Editions de l’Océan
Indien, 1987)
32
« C’est dans l’éclosion que réside le drame essentiel, mieux que dans la mort,
qui n’est qu’une banale défaite », Colette, citée par Le Monde, samedi 5 avril 2003.
Nivoelisoa GALIBERT
84
surréel, privilégiant le monstrueux. En effet, le plus intéressant
dans ce recueil est que psychodrame et superstition s’y
enchevêtrent pour convoquer une remise en question de la
frontière entre les catégories consacrées par l’histoire littéraire
occidentale : le surnaturel, le merveilleux et le fantastique.
Mais dans les catégories de l’« impensable », est-ce d’une
nouvelle littérature que les rouages de l’écriture d’Ananda Devi
rendent compte dans ce genre spécifique qu’elle a baptisé
« contevelle » ? Le néologisme a été glané sur la quatrième de
couverture du recueil Le Poids des êtres (1987). Dans quelle
mesure, la « contevelle », sous cette forme de travail de
mémoire mortifère et de métaphore cathartique, répétée jusqu’à
plus soif par les auteurs du Sud-Ouest de l’Océan Indien, entre
monstres dévoreurs et linceuls, ne dévoile-t-elle pas une identité
indianocéanique qui résulte du brassage historique des mêmes
cultures ? 33 Enfin, parce qu’elle est foisonnante, à la fois
générique, politique, linguistique et culturelle, la problématique
peut-elle être la même dans toutes les littératures postcoloniales
dont la diaspora en connexion en Occident serait alors l’élément
fédérateur suivant la logique de Carl Fehrman ? 34 En effet, ce
comparatisme fait déjà l’objet de nombreux travaux actuels
depuis ceux de Jacqueline Bardolph dans les Etudes
postcoloniales et littérature. 35 « Carl Fehrman, précise Didier
Coste, dans son ultime chapitre, voit bien que la querelle du
comparatisme français et du comparatisme américain est depuis
longtemps dépassée dans la mesure où il s’est produit depuis les
années 1950 un déplacement radical des enjeux, avec la
—————
33
Voir M. Beniamino, ‘Chapitre VIII : Littérature francophone et identité
nationale’, in La Francophonie littéraire. Essai pour une théorie (Paris :
L’Harmattan, 1999), pp. 253-98 ; A. Irélé, ‘Eloge de l’aliénation’, Notre Librairie, 98
(juillet-septembre, 1989), pp. 54-62 ; J. Clifford, Malaise dans la culture.
L’ethnographie, la littérature et l’art au XXe siècle (Paris : Ensb-a, 1988) pp. 253-73 ;
J. Assayag et V. Beneï, ‘À demeure en diaspora. Asie du Sud-est, Europe, EtatsUnis’, dans Intellectuels en diaspora et théories nomades, édité par J. Assayag et V.
Beneï, L’Homme, 156 (octobre-décembre, 2000), 5-18.
34
Carl Fehrman, Du repli sur soi au cosmopolitisme : Essai sur la genèse et
l’évolution de l’histoire comparée de la littérature, traduit du suédois par M. et J.-F.
Battail (Paris : Éditions TUM/Michel de Maule, 2003)
35
Voir J. Bardolph, Études postcoloniales et littérature (Paris : Honoré
Champion, 2002)
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
85
réduction du rôle mondial des puissances européennes
traditionnelles et la décolonisation, d’une part, avec la
mondialisation, d’autre part. » 36
Pour traquer le passage du réel au surnaturel, spécifique de
cette identité indianocéanique produite en français par Ananda
Devi, nous articulerons notre propos autour de trois axes relatifs
à la démarche créatrice : l’écriture tératologique ; la réflexivité
d’un genre ; la libération par l’écriture.
La tératologie ou l’écriture de l’hybride
Le passage du réel au surnaturel pourrait se lire comme
l’histoire des deux préfixes « sur- » et « in- ». « Sur-naturel »,
« sur-réel », et « im-pensable », « in-ouï » (« im-mémoire » sous
la plume de Jeanne Gerval-Arouff) 37 supposent en tout cas la
superposition ou la privation, pour une allusion à l’uchronie de
Charles Renouvier, « esquisse historique apocryphe du
développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas
été, tel qu’il aurait pu être », 38 en cela sœur jumelle de l’utopie.
Quoi qu’il en soit, ces préfixes signent une liminarité, un seuil :
le passage d’un monde vers un autre.
Dans Le Poids des êtres, l’organisation du temps et de
l’espace, catalyseur de tous les possibles, permet de fusionner
monde fictionnel et monde réel. Le concept de liminarité, tel
qu’il est développé par le folkloriste Van Gennep en 1909 puis
surtout l’anthropologue Victor Turner en 1966 dans son Ritual
Process. Structure and Anti-Structure, 39 renvoie en effet à des
—————
36
D. Coste, ‘Carl Fehrman, Du repli sur soi au cosmopolitisme : Essai sur la
genèse et l’évolution de l’histoire comparée de la littérature’, traduit du suédois par
Marianne et Jean-François Battail (Paris : Éditions TUM/Michel de Maule, 2003) [en
ligne]. URL : <www.fabula.org/revue/document963.php>. Site consulté le 6 mai
2006.
37
J. Gerval-Arouff, ‘Femme et territoire : état de la femme écrivain ’, in K. R.
Issur et V. Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105.
38
Le néologisme « uchronie » a été utilisé pour la première fois en 1876 par le
philosophe Charles Renouvier dans la postface d’un volumineux ouvrage anonyme
publié par le Bureau de la critique philosophique de Paris et intitulé Uchronie
(l’Utopie dans l’Histoire).
39
Voir V. W. Turner, Le Phénomène rituel. Structure et contre-structure (Paris :
Presses Universitaires de France, 1990). 1e éd., The Ritual Process. Structure and
Anti-Structure (Ithaca, Cornell University Press, 1969).
Nivoelisoa GALIBERT
86
rites qui constituent des moments en marge de la vie ordinaire,
se déroulant dans des lieux particuliers, impliquant en général de
l’ambiguïté, du désordre, de l’inversion, ou des comportements
à la fois ludiques et spontanés. 40 Cette phase implique la
déconstruction des aspects ordonnés de la vie courante,
accompagnée de leur possible reconstruction renouvelée.
Le moteur de ces récits courts est en effet une volonté de
transgression : c’est une prestation rituelle à l’intérieur d’un
espace toujours symbolique. Nativité pour « L’arbre » ; passage
à l’âge adulte pour Ganesh, le parricide ; frontières d’altérités
(africaine et européenne) dans la rencontre avec la « Petite de
Ganvié ». Les lieux de transformation narrative sont autant de
situations liminaires, à l’image de l’« oraliture » elle-même,
dont pourrait relever le fantastique assorti de la rumeur, 41 et où
tout devient possible : la fusion du réel et de l’irréel, du naturel
et du surnaturel, du physique et du métaphysique. D’ailleurs, vu
par les anthropologues, le contexte liminaire peut représenter un
moment exceptionnel pour la création artistique, favorisant un
métacommentaire réflexif sur la société et son histoire. 42 Ainsi,
grâce à l’usage de simples préfixes, l’introduction de la
liminarité dans les récits devient une action réflexive qui laisse
entrevoir un potentiel de transformation de la société
indissociable des lieux réels évoqué dans l’énoncé : Maurice ou
l’Afrique de Ganvié. 43
Autrement dit, il y a un bon usage de l’ici de l’auteur pour la
mise en mots de « là-bas », la terre qu’on a quittée, usage qui
peut expliquer la modernité de la première personne « je ». Mais
dans ce « je » se dévoile parfois le cordon ombilical non tranché,
le lien qui mène jusqu’au subcontinent indien s’agissant
d’Ananda Devi.
Les préfixes évoqués sont fondamentaux : ils caractérisent
l’écriture d’une « réalité qui s’entremêle au rêve », soit la
—————
40
Voir aussi J. Weisgerber, Le Réalisme magique (Paris : L’Age d’Homme,
1987)
41
Voir J. Molino, ‘Le fantastique entre l’oral et l’écrit’, in Les Fantastiques.
Europe, 8 (mars 1980), 33–40.
42
Voir V. W. Turner, op. cit., passim.
43
A. Devi, ‘La Petite de Ganvié’, in Le Poids des êtres, op. cit., pp. 31-32.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
87
parution d’une écriture frontalière qui constituera dans le temps
long du chercheur le soubassement d’une « surhistoire » : la
postcolonie littéraire en marche.
La langue utilisée est bel et bien le français mais le discours
des nouvelles quant à lui est marqué par ce phénomène de
l’hybridation. Tout d’abord, l’hybridation se réalise par la mise
en place de la narration quand le début de la nouvelle place
d’emblée le lecteur dans une atmosphère de sampeks : 44
Il y avait, dans notre cour, un arbre qui ressemblait à un
sapin, mais qui n’en était pas tout à fait un. C’était un
conifère […] Mais à quelle espèce il appartenait,
personne n’avait pu nous le dire. Certains maintenaient
que c’était le résultat d’une greffe entre deux espèces très
différentes, d’autres parlaient de conifère « dégénéré »,
ce qui était une même façon de dire qu’ils n’en savaient
au fond rien. 45
Elle se développe ainsi dans l’atmosphère des veillées, dans
l’expression d’un retour à l’oralité, à la nostalgie du conteur, et
aussi à la rumeur primordiale. 46
Ensuite, l’hybridation se fait par l’image, comme la tonalité
est souvent à la poésie. Les histoires coulent de source lorsque
l’oreille est habituée au merveilleux du griot : s’y plaquent dès
lors des images allant de la comparaison (ex : « comme sous
une émotion intense » qui personnifie l’arbre tandis qu’il
s’arrache au sol pour s’offrir en guise de sapin à une famille en
peine) à l’allégorie qui fait de l’opprobre subie par l’enfant
supposé bâtard une « fleur de gandia exsudant ses effluves
empoisonnés ». Le parricide naît du rejet d’un enfant dans un
microcosme où l’ambiguïté des phénomènes sociaux conduit
l’être de chaque individu. L’exploit d’Ananda Devi consiste
justement à juxtaposer ces espaces prédéterminés (les
phénomènes sociaux actuels à Maurice) et surdéterminés (le
—————
44
Sirandane, sampek : veillées dans l’Océan Indien.
A. Devi, ‘L’Arbre’, in Le Poids des êtres, op. cit., p. 1.
46
Voir supra, note 13 ; voir aussi X. Garnier, Le Réalisme merveilleux.
Itinéraires et contacts de cultures, 25 (Paris : L’Harmattan, 1998), p. 7.
45
Nivoelisoa GALIBERT
88
surréel intemporel) en refusant que la prose existante
(essentiellement celle de la tradition orale) l’emporte sur la
création personnelle.
L’hybridation s’applique également à la distribution des
fonctions narratives. Contrairement à la tradition du récit,
l’actant chez Ananda Devi peut ne pas se définir comme un être
de réalité de chair et d’os. Ici, il peut n’avoir ni nom, ni statut
social, ni même aspect humain (c’est un arbre), il est toutefois
investi de contenus psychologiques. D’un point de vue formel, il
devient alors un personnage, toujours bien distinct de la notion
de personne, par son influence sur le déroulement d’une
intrigue. Il est servi par une fonction syntaxique. 47 Ce sujet non
humain, qui éprouve des sentiments, est une autre manifestation
du monstrueux, de l’hybride.
Il y a enfin hybridation quant aux temps des
« contevelles » des Poids des êtres. La liminarité commence
avec l’emploi d’une série temporelle, celle du monde commenté
ou du discours incluant le présent, le passé composé et le futur
dans un domaine qui théoriquement lui est étranger (les temps
de la narration sont l’imparfait et le passé simple) : « Oui,
l’enfance passe ; petit à petit, toute sa magie, tout son
émerveillement s’efface […] et la vie, insidieusement, a changé
de visage. » 48 La narration dont relèvent a priori le conte et la
nouvelle d’Ananda Devi sera ainsi d’autant plus intéressante
qu’elle devient discours tout comme dans L’Etranger de Camus,
presque entièrement construit sur le passé composé, subjectivant
le temps dans le prolongement du passé dans le présent du
narrateur.
—————
47
De même qu’un verbe réglemente l’action d’un sujet sur un objet, A. J.
Greimas a distingué des actants « qui relèvent d’une syntaxe narrative des acteurs qui
peuvent les incarner (au sens étymologique) », A.-J. Greimas, ‘Les actants, les acteurs
et les figures’ cité par F. Gandon, Sémiotique narrative et textuelle (Paris : Larousse,
1973), p. 161.
48
A. Devi, ‘L’Arbre’, op. cit., p. 2.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
89
La réflexivité du scribe voyageur
Les préfixes, disions-nous, signent le passage d’un monde à un
autre. Le mot valise « contevelle » 49 désigne le refus d’établir
une taxinomie du genre court (conte ou nouvelle) chez Ananda
Devi.
Mais c’est le point de vue de toute l’histoire littéraire de
l’Océan Indien qui nous situe dans le registre de la liminarité, du
passage à un autre monde : il semble en effet exister un
indianocéanisme manifesté par la transmutation des dires des
habitants du Sud-Ouest de l’Océan Indien. Tout dans ces dires
indique la même interrogation d’une nouvelle écriture, proche
de l’« oraliture » définie par Michel Beniamino, 50 héritage
explicite du conte oral traditionnel des veillées et implicite du
genre narratif occidental.
Par ailleurs le travail de mémoire mortifère que suppose la
liminarité (la genèse dans la fange, la déconstruction en vue de
la reconstruction) fait de l’ensemble des personnages d’Ananda
Devi des êtres tourmentés, poursuivis par la fatalité comme dans
les tragédies occidentales anciennes (il en est ainsi pour Œdipe,
Pyrrhus, Andromaque). Ici, l’archétype du personnage en
déroute, c’est l’Européen qui se suicide, entraîné par le souvenir
d’une nuit lubrique passée avec un fantôme – voilà qui dépasse
l’entendement cartésien.
Les observations de Florence Paravy soulignent en ces
termes la place de l’identité/altérité au centre du fictionnel
francophone : « À un degré ou un autre, écrit-elle […] le héros
romanesque est avant tout un étranger, soit qu’il vive sur un sol
qui n’est pas le sien, soit qu’il se sente lui-même étranger à tout
ce qui l’entoure ». 51
—————
49
Mot glané sur la quatrième de couverture du recueil Le Poids des êtres
référencé supra (note 1), et sous-titré ‘Contes et nouvelles’. N. B. : l’auteur n’opère
aucune taxinomie des treize récits rassemblés ici.
50
Voir M. Beniamino, ‘Oraliture’, in Vocabulaire des études francophones, édité
par M. Beniamino et L. Gauvin (Limoges : PULIM, 2005), pp. 142-45 ; et le collectif
R. Fonkoua et Paris Halen, éds., Les Champs littéraires africains (Paris : Karthala,
2001).
51
F. Paravy, ‘L’altérité comme enjeu du champ littéraire africain’, in R. Fonkua
et P. Halen, éds., op. cit., p. 214.
Nivoelisoa GALIBERT
90
Cette réflexivité de l’écrivain est de fait possible sous
réserve de mobilité physique (« road movie » selon Ahmadou
Kourouma, « Rift, Routes, Rails » selon Abdourahman
Waberi) 52 et psychologique de la personne.
Née en 1957 dans une bourgade mauricienne, Trois
Boutiques, lauréate à quinze ans du Prix de la nouvelle
francophone organisé par RFI, avec « La cité Atlée », assorti
d’une résidence d’écriture en France, lauréate de la Bourse
d’Angleterre, Ananda Devi a pu mettre à profit ses diverses
primes européennes pour poursuivre des études universitaires en
Angleterre. Elle y obtient à vingt-cinq ans un doctorat en
anthropologie sociale de l’Université de Londres. Tout compte
fait, son choix a été de longue date la mobilité : ses récits sont
aussi bien inspirés de l’enfance à Maurice que des années
vécues jeune femme en Angleterre puis adulte accomplie à
Brazzaville, au Congo. Ananda Devi réside actuellement sur la
frontière franco-suisse dans le Pays de Gex.
Ce choix du cosmopolitisme se démarque toutefois de la
littérature noire francophone contemporaine par l’absence de
l’humour institué comme approche quasi identitaire par le
« pleurer-rire. » 53 La gravité exclusive, Ananda Devi la rend au
récit personnel, lequel redevient sous sa plume une manière de
conte / mise en garde (cautionary tale).
L’écrivain appartient en effet à cette génération de lauréats
inassimilables dans le champ indianocéanique. Ils n’avaient que
peu d’avenir dans l’espace défenseur exclusif de la tradition
ancestrale majoritaire, en l’occurrence la fraction d’origine
indienne. 54 Leur placement dans le champ s’effectue au prix de
—————
52
A. A. Waberi, Rift, Routes, Rails (Paris : Gallimard, 2001)
Voir P. Aron, ‘Les interférences entre oral et écrit, entre langues vernaculaires
et langue de culture, entre les visions du monde traditionnelles et les valeurs dites
universelles véhiculées par la littérature de langue française forment une bonne part
de la « différence africaine »’, ‘Entretien avec Paul Aron’, Français 2000, 201-202
(avril 2006), 49. La différence entre l’héritage africain de l’oraliture et ce qui est
propre à la littérature indianocéanique tient à la différence entre les notions d’humour
(convoquant le comique) et de dérision (convoquant le tragique).
54
Voir S. Patel, Le Portrait Chamarel (La Réunion : Éditions Grand Océan,
2001) ; Sensitive (Paris : Editions de l’Olivier, 2004) ; Shakuntala Boolell, La Femme
enveloppée et autres nouvelles de Maurice (Vacoas, Maurice : Editions Le Printemps,
1996). Critique par J. Gerval-Arouff, ‘Femme et territoire : état de la femme écrivain’,
53
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
91
l’exil dans le Nord. Nous notons alors l’ambiguïté de leur statut.
En amont, concourir auprès de l’institution Francophonie
suppose une forte ethnicité de l’écriture. Nous semblons recourir
ici au « déjà-vu » éditorial. Mais si cette itération est prise au
sens que lui donne Derrida et qui suppose « altération », 55 elle
conditionne plus que jamais la carrière des lauréats des concours
littéraires placés par la déterritorialisation volontaire : 56 tous les
écrivains exilés grâce aux résidences d’écriture n’ont pas
l’opportunité de « grandir » et de « quitter ».
Catharsis : exorciser les démons
Pour l’heure, il reste une possible problématique : le procès
d’une identité régionale d’origine. Depuis Camille de Rauville
(1990) en effet, l’indianocéanisme est manifesté par « le
brassage des ethnies, des coutumes, des pensées et des
croyances des habitants de l’Océan Indien, mais aussi par leur
littérature ». 57 On peut y ajouter une règle de formation inférée
par ces nouvelles écritures : la quête d’identité commence par
une mise en ordre du monde qui exorcise les démons de
l’enfance autochtone.
Dans une étude de la représentation du volcan de la
Fournaise 58 dans les récits d’explorateurs et dans les littératures
réunionnaises contemporaines, incluant les contes pour la
jeunesse, nous avons déjà été amenée à conclure sur le rôle
cathartique d’une anamnèse, d’un travail de mémoire collectif
nécessairement mortifère comme réquisit de la quête identitaire :
l’objectif de la littérature est d’exorciser les démons de
l’enfance, peut-être pas de « disparaître par trop de défaite et de
——————————
dans K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105 et F. Lionnet,
Postcolonial Representations. Women, Literature, Identity (Ithaca: Cornell University
Press, 1995)
55
Iter- vient du sanskrit « itara », autre. Voir J. Derrida, ‘Signature Événement
Contexte’, in Marges de la philosophie (Paris : Minuit, 1972), pp. 365-93.
56
Voir N. Galibert, ‘Histoire littérature et société : le silence malgache’, in La
Littérature malgache, Interculturel Francophonies, 1, édité par Jean-Luc
Raharimanana (juin-juillet, 2001), 87-103.
57
M. Beniamino, ‘Camille de Rauville et l’indianocéanisme’, in K. R. Issur et V.
Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105.
58
Indissociable du souvenir de l’esclavage.
Nivoelisoa GALIBERT
92
honte » 59 comme l’on « [rêve] sous le linceul », mais de
« mériter le volcan » : il faut accepter l’aventure dangereuse de
la rupture d’un univers symbolique pour restructurer et conforter
une identité. 60
L’envoi du récit intitulé « Le Cache-Misère » est significatif
des interrogations qui montrent qu’Ananda Devi n’est pas
obsédée par une identité sédentaire ou aboutie :
Maurice, au début du vingt-et-unième siècle, aura-t-elle
un visage de vierge sacrificielle ? Sera-t-elle affligée,
comme tant d’autres, de l’amnésie de l’innocence
première ? Les gens poursuivront-ils, rayonnants et
hallucinés, leur mirage doré, ignorant l’urgence du cœur
tendu ? Peut-être… Toujours est-il qu’il nous faut nous
défier des murs, murs de vaines bienséances, murs des
apparats, murs des ostracismes, murs des vertueuses
sournoiseries, murs de sournoises vertueuseries, tous les
murs. Car les murs parlent d’interdits et d’intransigeance,
ils parlent de refus et de rejet, ils parlent le langage
injurieux de la haine et du mépris. Alors méfions-nous
en, gardons-nous bien de devenir des murs, faits de
briques et de béton, d’intolérance et de bêtise. 61
Ainsi, la transgression des interdits va de pair avec la jouissance
scripturale chez Ananda Devi. Il y a rupture du registre
moralisateur dans le message des « contevelles » qui n’en finit
pas de se tourner en dérision. Avec cette notion de dérision, plus
proche de la pointe que de l’humour, nous ne sommes pas loin
de la conscience collective évoquée plus haut, qui veut exorciser
nos démons : la séparation (ou cloisonnement) s’agissant de
—————
59
Raharimanana, ‘Pacification’, in Dernières nouvelles du colonialisme (La
Roque d’Anthéron : Éd. Vents d’ailleurs, 2006), p. 118.
60
N. Galibert, ‘De l’obsidienne capillaire aux cheveux du volcan : le piton de La
Fournaise dans la psyché des contes pour la jeunesse’, in Magma mater. L’imaginaire
du volcan dans l’océan Indien, édité par F. Sylvos et M.-F. Bosquet (Paris : SEDES,
2005) pp. 33-50.
61
A. Devi Nirsimloo-Anenden, [Ananda Devi], ‘Le Cache-Misère’, in Maurice :
demain et après, édité par B. Pyamootoo et R. Poonoosamy (Port–Louis, Maurice :
Immedia, 1997), p. 17.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
93
Maurice, la peur du volcan s’agissant de La Réunion, la crainte
des ancêtres s’agissant de Madagascar.
Épilogue : entre « coupure », « rupture » et « commerce de
la librairie »
La boucle est bouclée avec l’arrière-plan de conscience
collective en éveil comme moteur du tout littéraire
indianocéanique. Anne-Marie Thiesse confirme la nécessité de
cet objet esthétique – la conscience collective – dans la situation
liminaire de tout groupe en quête d’identité. A commencer par
les Grimm, selon elle, « porteurs d’un projet patriotique » dans
ce mouvement de l’apprentissage de l’étranger vers
l’apprentissage du propre : 62
Les Grimm ne connaissent pas de frontières aux échanges
intellectuels. […] Le gigantisme de leur entreprise
rassemble et dépasse tout ce qui a été produit
antérieurement ici ou là : textes antiques et médiévaux,
contes populaires, langue, droit, coutumes et traditions,
dictionnaires. […] L’apport à la culture nationale […]
alterne avec des publications sur les littératures
scandinave, anglaise, finnoise, provençale ou espagnole.
[…] Leur œuvre devient donc la grande référence
internationale du XIXe siècle pour toutes les constructions
identitaires portant sur la langue et la littérature
nationales. 63
La suite de l’analyse d’Anne-Marie Thiesse insiste sur la réalité
ambivalente de l’écriture de la diaspora dans la représentation
des origines : « Pas de nationalisme patriotique sans
cosmopolitisme intellectuel […] » 64
Née des littératures nomades, la véritable identité d’Ananda
—————
62
Voir N. Thampin, ‘Marie-Thérèse Humbert et À l’autre bout de moi : de
l’altérité vers l’identité’, dans K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, op. cit., pp. 385-93.
63
A.-M. Thiesse, La Création des identités nationales. Europe XVIIIe-XXe
siècles (Paris : Seuil, 1999), pp. 65-66.
64
Ibid., p. 66.
Nivoelisoa GALIBERT
94
Devi se situe certainement dans l’interstice de la légèreté de la
création personnelle et de la pesanteur mauricienne, 65 interstice
plurivoque et paradoxalement constructif d’une identité
indianocéanique postmoderne. Car le divers intériorisé par le
sari, ce nécessaire statement, n’est encore qu’une étape vers une
polyphonie unissant les voix du Mahabharata (légende des
origines indiennes) à celles des légendes européennes transcrites
par Grimm ou Perrault : 66 l’univers symbolique dans lequel
s’inscrit Ananda Devi entretient indéniablement un rapport de
compatibilité avec un grand nombre de principes identitaires que
l’on retrouve au terme de toute interprétation. Cet effet
circulaire est imputable à une conception totalitaire du monde de
l’altérité où tout fait signe, ce qui ne laisse pas de place à
l’ignorance. Pour l’heure, nous retrouvons chez cet auteur le
principe de la coupure tel qu’il est développé dans l’esprit des
travaux de l’ethnologue Roger Bastide : 67 « Ce n’est pas
l’individu qui est déchiré, précise Denys Cuche, c’est l’homme
qui découpe la réalité entre plusieurs compartiments étanches
dans lesquels il a des participations différentes. S’il joue sur
deux tableaux, c’est qu’il y a bien […] deux tableaux. » 68
« Coupure » rime avec « rupture » : « […] Dans notre
capacité à conceptualiser le monde, précise la philosophe Gloria
Origgi, pour élaborer un concept, il faut pouvoir reconnaître le
retour du même. » 69 Et c’est ainsi que l’on pourra dire du
nomadisme d’Ananda Devi qu’il est « vagabondage
initiatique, » « mise en chemin personnelle dans le cadre plus
—————
65
Le titre Le Poids des êtres n’est pas sans rappeler L’Insoutenable Légèreté de
l’être de Milan Kundera (Paris : Gallimard, 1987), écrivain pour qui le français est
langue d’élection.
66
Ce sera le cas dans Pagli (Paris : Gallimard, 2001).
67
R. Bastide, Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et
sociales (Paris : Mouton, 1972) ; id., Le Sacré sauvage et autres essais (Paris : Payot,
1975) ; Cl. Ravelet (éd.), Études sur Roger Bastide. De l’acculturation à la
psychiatrie sociale (Paris : L’Harmattan, 1996).
68
D. Cuche, ‘Le concept de « principe de coupure » et son évolution dans la
pensée de Roger Bastide’, in Roger Bastide ou le réjouissement de l’abîme édité par
Ph.
Laburthe-Tolra
(Paris :
L’Harmattan,
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En
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URL :
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69
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Sebald’ [en ligne]. URL : <http://www.fabula.org>. Site consulté le 17 mai 2006.
Quelques enjeux littéraires et stratégiques
95
vaste de la communauté humaine, et de la compassion qui peut
lui servir de ciment ». 70
Le retour à l’insularité maternelle n’est pas sans risque : elle
peut devenir une manne d’écrivains de l’ailleurs comme le
pointent les succès de librairie dans d’autres aires d’accueil,
ainsi l’Amérique du Nord d’une Haïtienne anglophone Edwige
Danticat 71 , ou d’un Haïtien francophone Danny Laferrière. 72 De
la première, auteur de Après la danse : promenade au coeur du
carnaval de Jacmel, l’angliciste Corinne Duboin écrit qu’
avec la publication de After the Dance […], la romancière
et nouvelliste haïtienne-américaine […] délaisse un temps
la fiction pour […] une promenade ‘au cœur du carnaval
de Jacmel, Haïti.’ Or il s’agit davantage d’une
redécouverte du pays natal que l’auteur a quitté vingt ans
auparavant, à l’âge de douze ans, afin de rejoindre ses
parents immigrés à New York. […] Le carnaval est pour
Danticat un état d’âme, une manière d’être et de voir le
monde au quotidien. […] Fil directeur d’un récit hybride,
la mascarade devient alors métaphore qui autorise une révision de l’histoire haïtienne […] ainsi qu’un regard
nouveau et éclairant sur soi. 73
Du second, le lecteur retiendra que l’exotisme du Goût des
jeunes filles, inspirant Le Goût de la mangue d’une Catherine
Missonnier (2001) 74 secrète le moteur du « commerce de la
librairie » selon Diderot.
—————
70
M. Maffesoli, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques (Paris : Le Livre de
Poche, 2000), p. 166.
71
Voir E. Danticat, Après la danse : promenade au coeur du carnaval de Jacmel
(Paris : Grasset, 2004 ; 1e éd. : After the Dance, 2002)
72
D. Laferrière, Le Goût des jeunes filles (Montréal : VLB, 1992) ; Les Années
80 dans ma vieille Ford, (Montréal : Mémoire d’encrier, 2005) ; Le Charme des
après-midi sans fin, (Paris : Grasset, 2005) ; Vers le Sud, roman (Paris : Grasset,
2006)
73
C. Duboin, ‘After the Dance d’Edwidge Danticat : visions carnavalesques de
l’espace haïtien’, in La Fête, édité par A. Adde, Journée d’étude du CRLHOI,
Université de La Réunion (20 mai 2006), actes à paraître.
74
C. Missonnier, Le Goût de la mangue (Paris : Éditions Thierry Magnier, 2001)
96
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