Quelques enjeux littraires et stratgiques
Transcription
Quelques enjeux littraires et stratgiques
‘L’ici et l’ailleurs’: Postcolonial Literatures of the Francophone Indian Ocean e-France : an on-line Journal of French Studies, vol. 2, 2008 ISSN 1756-0535 Quelques enjeux littéraires et stratégiques de la diaspora indianocéanique francophone : l’exemple d’Ananda Devi Nivoelisoa GALIBERT Universités de MADAGASCAR et de LA REUNION Nous aborderons ce propos sur le nomadisme – pris au sens propre de déplacement physique d’un groupe qui n’a pas d’établissement fixe – par un constat paradoxal : nous n’adoptons pas les lieux, ce sont les lieux qui nous adoptent. C’est cette remarque qui rassemble a priori les auteurs de la postcolonie indianocéanique. Nomadisme et déterritorialisation : une règle de formation Qu’y a-t-il de commun entre la Mauricienne Ananda Devi (née en 1957), les Malgaches David Jaomanoro (né en 1953) et Raharimanana (né en 1967), le Réunionnais J. William Cally (né en 1977) ? Tout d’abord, il s’agit de lauréats de prix francophones postcoloniaux (Prix RFI, Prix du conseil général de La Réunion, Prix Grand Océan, Prix Tardivat International 1 …). Ensuite, ils sont diplômés d’études françaises (ou « lettres modernes ») - à l’exception d’Ananda Devi, docteur ————— 1 Le Prix Tardivat International, octroyé en 1989 à Jean-Luc Raharimanana pour la meilleure nouvelle de langue française pour « Lépreux », est une ramification du Prix parisien RFI. Nivoelisoa GALIBERT 76 en sciences humaines. En troisième lieu, sauf J. William Cally qui confirme la règle de la congruence en ne quittant pas la Réunion, ils ont opté pour l’exil continental à la faveur des résidences d’écriture qui accompagnent les prix. Autre point commun : ils se sont moulés au genre court, lequel a toujours permis aux institutions francophones de les regrouper dans des collectifs. Ces recueils de nouvelles « africaines » primées par RFI depuis 1973 créent une divergence au sein de la critique française : Les auteurs sont à présent édités, pour la plupart, dans ces grandes maisons d’éditions de leur continent, CLE, NEA et SNED – sans oublier la fidélité que leur manifestent des maisons parisiennes : l’Harmattan, Présence Africaine et plus récemment, Hatier et sa – belle – collection Monde Poche Noir 2 se félicite René Godenne, tandis que Claire Riffard déplore qu’« en France, […] la complexité des stratégies d’éditeurs brouille les repères et permet difficilement l’émergence de nouvelles voix ». 3 En effet, toutes ces éditions et collections telles que « Dauphin noir », « Lettres du Sud », « Encres noires » ou encore « Continents noirs » limitent la réception de l’œuvre, y compris indianocéanique, au seul champ de la francophonie prise comme institution périphérique. Une fois établis dans l’hexagone, la plupart de ceux qui ont eu l’opportunité de confirmer leur talent sont devenus visibles en intégrant le genre long du roman, se rapprochant ainsi de plus ————— 2 R. Godenne, Études sur la nouvelle de langue française (Paris : Honoré Champion, 1993), pp. 197-98. Et l’auteur, paradoxalement, d’énumérer en note infrapaginale une longue « série de titres présumés de recueils de nouvelles, qu’[il n’a] pas réussi à se procurer », ibid., p. 198. C. Duboin parle dans les mêmes termes de « recueils de nouvelles publiés par plusieurs générations d’auteurs issus de la Caraïbe anglophone », in ‘Mélange des genres, imitation et subversion : I-Calypso de Hazel Campbell’, in Dérives et Déviances (Paris : SEDES, 2005), p. 203. 3 C. Riffard, ‘Chroniques de Madagascar’, Notre Librairie, 161 (mars-mai 2006), 16. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 77 en plus des écrivains du Centre. 4 Je n’en veux pour preuve que le procès des écrivains de la diaspora, servis parfois par les événements politiques, 5 qui « quittent » selon l’expression d’Alain Mabanckou : si Raharimanana a quitté en 2004 6 Le Serpent à Plumes pour Gallimard/Joëlle Losfeld, Ananda Devi a quitté en 2006 la collection « Continents noirs » pour la NRF, toujours chez Gallimard, grâce à Ève de ses décombres, Prix des cinq continents de la Francophonie 2006. 7 Dans un autre mouvement, la levée de bouclier qu’a suscitée la loi sur le « rôle positif de la colonisation » en février 2005 a impliqué les Retours sur la question coloniale en 2007, 8 rassemblant dans la protestation les auteurs d’un même territoire anciennement français et leurs sympathisants. Le sentiment d’appartenance à un moment commun de l’Histoire couvait depuis trop longtemps pour ne pas induire par réaction une relecture du champ francophone dans ces sociétés en pleine mutation, prises dans les « convulsions mémorielles » 9 du « moment postcolonial ». 10 En effet, le dernier point commun à ce panel, notamment dans les premières œuvres, consiste en une interrogation permanente de la production, nouant écriture moderne et ————— 4 Dans la loi de l’exception qui fait la règle, Véronique Alhoune, diplômée de langue et communication, auteur de Fet’Kaf (Paris : Publibook, 2006) réside à Toulouse. 5 Pour l’actualité malgache, la double présidence de la république en 2002, avec Didier Ratsiraka (président sortant) et Marc Ravalomanana (président autoproclamé), est à l’origine du roman de Raharimanana, L’Arbre anthropophage (Paris : Gallimard, 2004) 6 Raharimanana, op. cit.. 7 A. Devi, Ève de ses décombres (Paris : Gallimard, 2006) 8 Retours sur la question coloniale : Cultures Sud, Notre Librairie, 165 (avriljuin 2007) 9 N. Bancel, « De la colonie à la postcolonie », ibid., p. 7. 10 L’expression « moment postcolonial » est empruntée à Georges Balandier dans une occurrence unique (préface de M.-C. Smouts (éd.), La Situation postcoloniale : les postcolonial studies dans le débat français, (Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2007), p. 20. Voir aussi les développements de D. Galibert, Les Gens du pouvoir à Madagascar : État postcolonial, légitimités et territoire (Thèse d’anthropologie, Université de La Réunion, 2006). Le « moment postcolonial » implique que chaque aire géographique connaît une décolonisation spécifique, qu’il n’y a pas de situation postcoloniale qui puisse être généralisée. Nivoelisoa GALIBERT 78 tradition de l’oralité populaire, 11 qu’il s’agisse de la « contevelle » d’Ananda Devi ou de la « bébètique » de J. William Cally, « une littérature autochtone de genre fantastique […] un mot inventé à partir d’un vocable réunionnais aux racines malgaches, connu de tous : le mot ‘bébèt’, qui sert à nommer le monstre ou le démon, à travers l’île. » 12 Dans la « contevelle » comme dans la « bébètique », la rumeur se taille la part du lion - rumeur qui, en Afrique aussi, selon Xavier Garnier : passe en fraude entre tous les discours pour éventer les secrets et crever les faux effets de profondeur. Alors peuvent s’élever, contre toute vraisemblance, les figures hautement littéraires du mangeur d’âmes ou du redresseur de torts, de personnages dont aucune Histoire positive n’a jamais retrouvé la trace, mais qui vibrent encore de tous les souffles de la rumeur. 13 Caractérisation : taxinomie et dysfonctionnement postcolonial De fait, intellectuel, le sens figuré du nomadisme est encore plus subversif que le nomadisme physique. 14 Questionnement permanent de l’individu, il concerne les frontières de la ————— 11 Cette interrogation de l’écriture est partagée avec les mêmes procédés par certains écrivains immigrés anglophones : « I-Calypso est l’un des récits qui composent Singerman (1992), le troisième recueil de la nouvelliste jamaïcaine Hazel Campbell. […] Il s’agit d’un exercice de style ludique qui mélange les genres, d’un texte imitatif et dialogique. L’auteur s’inspire de la tradition orale, le calypso, chanson populaire aux paroles habilement subversives qui anime le Carnaval et offre une critique sociale sur un mode ironique, résumé de C. Duboin, ‘I Calypso…’, op. cit., pp. 203-10. 12 Ou le « bébètik », en créole réunionnais. Voir J. William Cally, ‘Ti-manifèst pou la litératïr bébètik (Bref manifeste du fantastique créole)’, Politique linguistique et Rényonité. Nout Lang, 6 (2002), 21-22 ; ‘Léko nout Pasé dan la litératïr bébètik (L’écho de notre Passé dans le fantastique créole)’, in Listoir. Nout Lang, 7 (2003) 1617. La traduction est de J. William Cally, communiquée à l’auteur par en pièce jointe le 20 mars 2006. Texte intitulé ‘Bref manifeste du bébètik (Fantastique créole).’ 13 X. Garnier, ‘Usages littéraires de la rumeur en Afrique’, La Question des savoirs, Notre Librairie, 144, (avril-juin 2001), p. 19. 14 Voir J. Assayag et V. Beneï (éds.), Intellectuels en diaspora et théories nomades. L’Homme, 156 (octobre-décembre, 2000) Quelques enjeux littéraires et stratégiques 79 littérature francophone. Dès lors, les enjeux littéraires et stratégiques soulèvent une problématique de la réception critique dans le sens d’une possible déterritorialisation : pourquoi ce continent de notre mémoire collective qu’est la « francophonie littéraire » demeure-t-il mal connu du lectorat français, à l’exclusion de quelques grands noms d’écrivains, Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Milan Kundera, Andreï Makine, François Cheng, mais aussi de critiques Jacques Derrida, Tzvetan Todorov ? Cependant que les écrivains de la décolonisation sont cités, comme nous venons nous-même de le faire, davantage pour leurs exploits dans le champ éditorial que pour la matière qu’ils ont produite ou même l’influence qu’ils ont suscitée à l’instar des seuls Ahmadou Kourouma, René Depestre et Patrick Chamoiseau ? La postcolonie, au sens que lui donne Achille Mbembe, 15 est-elle le passage obligé de la littérature en français s’agissant du Sud ? Plus précisément, pourquoi l’imaginaire de l’écrivain ouest-indianocéanique n’estil recevable que cantonné dans l’extranéité de l’insularité ? Plus loin, sur le subcontinent indien, l’écriture littéraire se réclame d’une création à travers une langue minoritaire tout en se refusant à toute marginalisation : Je ne suis pas en exil […]. Je suis un critique du néocolonialisme, porteur d’une carte verte aux Etats-Unis. C’est une posture difficile pour négocier, car je ne me marginaliserai pas aux Etats-Unis dans le but de sympathiser avec des personnes vouées d’elles-mêmes à la marginalisation. Je veux jouer un rôle plus important dans un espace où le bengali est une langue de lecture, d’écriture […] 16 ————— 15 A. Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Paris : Karthala, 2000) 16 Cf Texte originel : « […] I am not in exile. […] I am a green-card-carrying critic of neo-colonialism in the United States. It’s a difficult position to negotiate, because I will not marginalize myself in the United States in order to get sympathy from people who are genuinely marginalized. I want to have more of a role in the space where Bengali is a language for reading, writing […] », in ‘Bonding in difference : interview with Alfred Arteaga (1993-1994)’, in G. C. Spivak, D. Landry 80 Nivoelisoa GALIBERT En effet, l’essentiel du questionnement de l’école de Gayatri C. Spivak, la New Comparative Literature, discipline dont elle annonce elle-même la mort, stipule que cette nouvelle école doit « tenacement et sans cesse miner et défaire la tendance constante du dominant à s’approprier l’émergent ». 17 Dans l’aire francophone, c’est seulement en mars 2005 qu’une critique, Anne-Rosine Delbart, procédant clairement « d’une option plus additive que soustractive », a résolu « d’exhiber la diversité de la littérature en français […] à la lumière des écrivains de langue maternelle non française qui ont choisi le français comme la langue exclusive ou alternative d’expression. » 18 Entre, d’une part, le jugement qui élabore une taxinomie « fantastique » / « merveilleux anthropologique », 19 et d’autre part, le politiquement correct que l’on apparente au consensus d’une Association de Diffusion de la Pensée Française (Association officielle du ministère français des Affaires étrangères qui a produit la revue Notre Librairie jusqu’en 2006, année où la revue prend le titre principal de « Cultures Sud » pour changer de ligne éditoriale), 20 le champ littéraire francophone de l’Océan Indien est un théâtre aux scènes —————————— et G. Maclean (éds.), The Spivak Reader : Selected Works of Gayatri Chakravorty Spivak (London and New York : Routledge, 1995), p. 17. 17 Voir G. C. Spivak, Death of a Discipline (New York : Columbia University Press, 2003) 18 A.-R. Delbart, Les Exilés du langage (Limoges : PULIM, 2005) 19 Le premier à soulever la terminologie du surnaturel occidental appliquée aux littératures de l’Océan Indien est B. Terramorsi, ‘Le fantastique et les littératures de l’Océan Indien : introduction à une recherche’, in L’Océan Indien dans les littératures francophones, édité par K. R. Issur et Y. V. Hookoomsing, (Paris : Karthala, 2002), p. 167-178. Plus tard, à propos de « fantastique », la réflexion de R. Bozzeto est soustendue par la conviction qu’il existe « différents états du champ littéraire pour le même mot », in R. Bozzeto et A. Huftier, Les Frontières du fantastique (Valenciennes : Presses universitaires de Valenciennes 2004). Le dernier collectif s’attachant à cette problématique est intitulé Les Littératures indiaocéaniques. Revue de littérature comparée (Paris : Didier Érudition, 2006). 20 L’ADPF remplaçait le CLEF (Club des Lecteurs d’Expression Française), organe gouvernemental français producteur de la revue Notre Librairie. Cette « diffusion de la pensée française » trouve son prolongement dans le discours de la diaspora qui met en quatrième de couverture : F. Canard, S. Rabenarivo, Nos enfants, ces inconnus… (Paris : L’Harmattan, 2000). Quelques enjeux littéraires et stratégiques 81 multiples dont les acteurs s’ignorent. Chaque troupe a ses auteurs favoris, ses décors de prédilection, sa tradition de jeu. Dans chaque rituel toutefois, « l’un écrit, mais nous lirons toujours sur son visage quelque chose comme un reflet de l’autre [en l’occurrence son horizon d’attente occidental] et, dans sa prose, le palimpseste de ce qu’il [en l’occurrence l’auteur] se cache à lui-même. » 21 En effet, critiquer, c’est comme voyager, « c’est confier son destin au hasard des rencontres : on n’en revient jamais tout à fait indemne ». 22 À la fois parce que ce questionnement épistémologique sur la fonction de critique est trop ambitieux et pour éviter les « mauvaises rencontres » des plumitifs qui essaiment dans le champ indianocéanique, 23 nous nous contenterons ici de traiter un sous titre : l’exemple d’Ananda Devi. L’exemple d’Ananda Devi : entre cosmopolitisme et repli sur soi L’œuvre d’Ananda Devi illustre à propos les stratégies d’écritures et d’éditions de la postcolonie, laquelle a déjà été conceptualisée et appliquée soit aux littératures africaine et antillaise autour d’Arlette Chemain 24 ou de Romuald Fonkoua et Pierre Halen, 25 soit au champ anglo-saxon dans l’esprit des travaux étatsunissiens de la New Comparative Literature évoquée plus haut. Quoi qu’il en soit, elle s’inscrit dans un champ spatio-temporel assez étendu pour qu’on la rapporte aux autres îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien dans la relation que ————— 21 F. Moureau, Le Théâtre des voyages. Une scénographie de l’Age classique (Paris : PUPS, 2005). En ligne URL : <http://www.presses-sorbonne.info>. Site consulté le 20 mars 2005. 22 Ibid. 23 Ainsi dans « Sous des toits de branche tressées / L’amour réduit la pauvreté », C. Vabois Andriamady, ‘En ce dimanche ensoleillé’, Madajery Magazine d’échange entre Madagascar et La Réunion, 3 (février 2006), 11. 24 Voir plus particulièrement A. Chemain, ‘Évolution-transfiguration de l’exclu : Ecrire dans différents contextes géoculturels : M.-C. Blais, R. Boudjedra, Tchicaya U’Tamsi’, in Figures de l’exclu, édité par J. Sessa (Sainte–Etienne : Publications de l’Université de Saint-Etienne, 1999), p. 83. 25 R. Fonkoua et P. Halen, Les Champs littéraires africains (Paris : Karthala, 2001) ; R. Fonkoua, Essai sur une mesure du monde au XXe siècle : Edouard Glissant (Paris : Honoré Champion, 2002). Nivoelisoa GALIBERT 82 ces îles entretiennent avec l’Europe, lieu de résidence des écrivains francophones indianocéaniques les plus souvent édités. Une élaboration idéologique De fait, bien qu’esthétique aussi, la posture de l’écrivain de la diaspora est inséparable d’une élaboration idéologique : lorsqu’il est héritage de la colonisation, plus qu’extérieur, l’exil est devenu un voyage intérieur, à la fois paysage mental et condition d’écriture. En 1999, Ananda Devi confiait au public : Je vis toujours dans la mémoire de Maurice. […] En fait, cette île de référence appartient plus à mon imaginaire et à mes rêves qu’à la réalité. La source de mon écriture demeurera ce pays dans cette dimension onirique qui peut se contenter des liens les plus infimes. Au cœur des textes des « lauréats des mers du Sud », 26 les leitmotive sont alors l’identité métisse ou la multiculturalité, en tout cas une apologie des contacts. De fait, la confidence d’Ananda Devi plonge nécessairement le critique dans un univers dynamique à deux contraintes : d’un côté l’effet de dévoilement que suggère le propos direct d’un créateur sur la « dimension onirique » de son œuvre, soit l’envergure translocale de cette œuvre ; de l’autre la mouvance des publics et critiques qui se succèdent, dans des littératures devenues nomades, pour débusquer les lieux et les liens géopoétiques, 27 la géopoétique étant basée sur le cheminement de lieu en lieu dans l’espace terrestre, à opposer ainsi à la cosmopoétique pour laquelle le cheminement se situe dans l’espace galactique. Littératures nomades, qualifiées d’ « hybrides » suivant l’acception « francophone » de Dominique Chancé. 28 Dans la ————— 26 Expression calquée sur les « romans des mers du Sud », in Littératures francophones de l’Océan Indien. Anthologie, édité par J.-L. Joubert, A. Osman et L. Ramarosoa (Paris : Editions de l’Océan Indien/ACCT, 1996), p. 123. 27 Voir K. White, Le Plateau de l’Albatros. Introduction à la géopoétique (Paris : Grasset, 1994) 28 D. Chancé, ‘Hybridité’, in Vocabulaire des études francophones. Les concepts de base, édité par M. Beniamino et L. Gauvin (Limoges : PULIM, 2005), pp. 93-96. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 83 fusion de deux univers symboliques, le propre et l’étranger, l’enjeu de la vision scrutatrice des lieux et des liens est immuable : la négociation de l’identité face à une altérité dont en définitive l’ethnicité figure la forme suprême. « L’ethnologie, c’est l’altérité maximum », 29 décidait Gérard Althabe dans une de ses dernières études en 2005. Une question s’impose alors : dans cette négociation permanente de l’identité, l’interrogation du genre peut-elle jouer le rôle de marqueur, pour suivre Rachid Rahaoui dans le cheminement du « visible à l’invisible »? 30 Le corpus choisi pour suivre à la trace l’hybridation scripturale chez Ananda Devi est constitué de trois récits brefs tirés du recueil Le Poids des êtres. 31 Dans le premier, intitulé « L’arbre », le végétal verdoyant de la cour se déracine de luimême à Noël quand le sapin vient à manquer. Dans le deuxième, « Ganesh », crépu, l’enfant est pourtant issu d’un couple tamoul hindou : devenu adulte, il tue son père qui l’a abandonné à l’opprobre. Dans le troisième enfin, le voyageur occidental renaît dans un acte sexuel avec une jeune Africaine : dans la « réalité », celle-ci est une enfant qui s’est suicidée cinq ans auparavant. C’est ainsi que systématiquement l’anthère s’ouvre pour livrer passage à des êtres monstrueux. La déhiscence est bien le motif qui relie les trois contes ou nouvelles choisis. 32 La déhiscence – en botanique, « ouverture naturelle, à maturité, d’un organe clos », l’organe clos étant appelé « anthère » – exprime de fait dans la littérature de cet écrivain de l’océan Indien une métaphore, celle du passage naturel du réel au ————— 29 G. Althabe, ‘Questions d’altérité. Entretien avec Gérard Althabe réalisé par Rezki Assous’, in Association Française des Anthropologues, Éducation, Religion, État. Journal des anthropologues, 100-101 (2005), 286. 30 Voir R. Rahaoui, ‘Ce que vivre dans les zones de « relégation » veut dire : la question spatiale et celle du genre, du visible à l’invisible (Enquête)’, in Lianes, revue de littératures et de cultures, 1 (27 février 2006). En ligne. URL : <http://www.lianes.org>. Site consulté le 17 mai 2006. 31 A. Devi, Le Poids des êtres (Rose-Hill, Maurice : Les Editions de l’Océan Indien, 1987) 32 « C’est dans l’éclosion que réside le drame essentiel, mieux que dans la mort, qui n’est qu’une banale défaite », Colette, citée par Le Monde, samedi 5 avril 2003. Nivoelisoa GALIBERT 84 surréel, privilégiant le monstrueux. En effet, le plus intéressant dans ce recueil est que psychodrame et superstition s’y enchevêtrent pour convoquer une remise en question de la frontière entre les catégories consacrées par l’histoire littéraire occidentale : le surnaturel, le merveilleux et le fantastique. Mais dans les catégories de l’« impensable », est-ce d’une nouvelle littérature que les rouages de l’écriture d’Ananda Devi rendent compte dans ce genre spécifique qu’elle a baptisé « contevelle » ? Le néologisme a été glané sur la quatrième de couverture du recueil Le Poids des êtres (1987). Dans quelle mesure, la « contevelle », sous cette forme de travail de mémoire mortifère et de métaphore cathartique, répétée jusqu’à plus soif par les auteurs du Sud-Ouest de l’Océan Indien, entre monstres dévoreurs et linceuls, ne dévoile-t-elle pas une identité indianocéanique qui résulte du brassage historique des mêmes cultures ? 33 Enfin, parce qu’elle est foisonnante, à la fois générique, politique, linguistique et culturelle, la problématique peut-elle être la même dans toutes les littératures postcoloniales dont la diaspora en connexion en Occident serait alors l’élément fédérateur suivant la logique de Carl Fehrman ? 34 En effet, ce comparatisme fait déjà l’objet de nombreux travaux actuels depuis ceux de Jacqueline Bardolph dans les Etudes postcoloniales et littérature. 35 « Carl Fehrman, précise Didier Coste, dans son ultime chapitre, voit bien que la querelle du comparatisme français et du comparatisme américain est depuis longtemps dépassée dans la mesure où il s’est produit depuis les années 1950 un déplacement radical des enjeux, avec la ————— 33 Voir M. Beniamino, ‘Chapitre VIII : Littérature francophone et identité nationale’, in La Francophonie littéraire. Essai pour une théorie (Paris : L’Harmattan, 1999), pp. 253-98 ; A. Irélé, ‘Eloge de l’aliénation’, Notre Librairie, 98 (juillet-septembre, 1989), pp. 54-62 ; J. Clifford, Malaise dans la culture. L’ethnographie, la littérature et l’art au XXe siècle (Paris : Ensb-a, 1988) pp. 253-73 ; J. Assayag et V. Beneï, ‘À demeure en diaspora. Asie du Sud-est, Europe, EtatsUnis’, dans Intellectuels en diaspora et théories nomades, édité par J. Assayag et V. Beneï, L’Homme, 156 (octobre-décembre, 2000), 5-18. 34 Carl Fehrman, Du repli sur soi au cosmopolitisme : Essai sur la genèse et l’évolution de l’histoire comparée de la littérature, traduit du suédois par M. et J.-F. Battail (Paris : Éditions TUM/Michel de Maule, 2003) 35 Voir J. Bardolph, Études postcoloniales et littérature (Paris : Honoré Champion, 2002) Quelques enjeux littéraires et stratégiques 85 réduction du rôle mondial des puissances européennes traditionnelles et la décolonisation, d’une part, avec la mondialisation, d’autre part. » 36 Pour traquer le passage du réel au surnaturel, spécifique de cette identité indianocéanique produite en français par Ananda Devi, nous articulerons notre propos autour de trois axes relatifs à la démarche créatrice : l’écriture tératologique ; la réflexivité d’un genre ; la libération par l’écriture. La tératologie ou l’écriture de l’hybride Le passage du réel au surnaturel pourrait se lire comme l’histoire des deux préfixes « sur- » et « in- ». « Sur-naturel », « sur-réel », et « im-pensable », « in-ouï » (« im-mémoire » sous la plume de Jeanne Gerval-Arouff) 37 supposent en tout cas la superposition ou la privation, pour une allusion à l’uchronie de Charles Renouvier, « esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être », 38 en cela sœur jumelle de l’utopie. Quoi qu’il en soit, ces préfixes signent une liminarité, un seuil : le passage d’un monde vers un autre. Dans Le Poids des êtres, l’organisation du temps et de l’espace, catalyseur de tous les possibles, permet de fusionner monde fictionnel et monde réel. Le concept de liminarité, tel qu’il est développé par le folkloriste Van Gennep en 1909 puis surtout l’anthropologue Victor Turner en 1966 dans son Ritual Process. Structure and Anti-Structure, 39 renvoie en effet à des ————— 36 D. Coste, ‘Carl Fehrman, Du repli sur soi au cosmopolitisme : Essai sur la genèse et l’évolution de l’histoire comparée de la littérature’, traduit du suédois par Marianne et Jean-François Battail (Paris : Éditions TUM/Michel de Maule, 2003) [en ligne]. URL : <www.fabula.org/revue/document963.php>. Site consulté le 6 mai 2006. 37 J. Gerval-Arouff, ‘Femme et territoire : état de la femme écrivain ’, in K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105. 38 Le néologisme « uchronie » a été utilisé pour la première fois en 1876 par le philosophe Charles Renouvier dans la postface d’un volumineux ouvrage anonyme publié par le Bureau de la critique philosophique de Paris et intitulé Uchronie (l’Utopie dans l’Histoire). 39 Voir V. W. Turner, Le Phénomène rituel. Structure et contre-structure (Paris : Presses Universitaires de France, 1990). 1e éd., The Ritual Process. Structure and Anti-Structure (Ithaca, Cornell University Press, 1969). Nivoelisoa GALIBERT 86 rites qui constituent des moments en marge de la vie ordinaire, se déroulant dans des lieux particuliers, impliquant en général de l’ambiguïté, du désordre, de l’inversion, ou des comportements à la fois ludiques et spontanés. 40 Cette phase implique la déconstruction des aspects ordonnés de la vie courante, accompagnée de leur possible reconstruction renouvelée. Le moteur de ces récits courts est en effet une volonté de transgression : c’est une prestation rituelle à l’intérieur d’un espace toujours symbolique. Nativité pour « L’arbre » ; passage à l’âge adulte pour Ganesh, le parricide ; frontières d’altérités (africaine et européenne) dans la rencontre avec la « Petite de Ganvié ». Les lieux de transformation narrative sont autant de situations liminaires, à l’image de l’« oraliture » elle-même, dont pourrait relever le fantastique assorti de la rumeur, 41 et où tout devient possible : la fusion du réel et de l’irréel, du naturel et du surnaturel, du physique et du métaphysique. D’ailleurs, vu par les anthropologues, le contexte liminaire peut représenter un moment exceptionnel pour la création artistique, favorisant un métacommentaire réflexif sur la société et son histoire. 42 Ainsi, grâce à l’usage de simples préfixes, l’introduction de la liminarité dans les récits devient une action réflexive qui laisse entrevoir un potentiel de transformation de la société indissociable des lieux réels évoqué dans l’énoncé : Maurice ou l’Afrique de Ganvié. 43 Autrement dit, il y a un bon usage de l’ici de l’auteur pour la mise en mots de « là-bas », la terre qu’on a quittée, usage qui peut expliquer la modernité de la première personne « je ». Mais dans ce « je » se dévoile parfois le cordon ombilical non tranché, le lien qui mène jusqu’au subcontinent indien s’agissant d’Ananda Devi. Les préfixes évoqués sont fondamentaux : ils caractérisent l’écriture d’une « réalité qui s’entremêle au rêve », soit la ————— 40 Voir aussi J. Weisgerber, Le Réalisme magique (Paris : L’Age d’Homme, 1987) 41 Voir J. Molino, ‘Le fantastique entre l’oral et l’écrit’, in Les Fantastiques. Europe, 8 (mars 1980), 33–40. 42 Voir V. W. Turner, op. cit., passim. 43 A. Devi, ‘La Petite de Ganvié’, in Le Poids des êtres, op. cit., pp. 31-32. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 87 parution d’une écriture frontalière qui constituera dans le temps long du chercheur le soubassement d’une « surhistoire » : la postcolonie littéraire en marche. La langue utilisée est bel et bien le français mais le discours des nouvelles quant à lui est marqué par ce phénomène de l’hybridation. Tout d’abord, l’hybridation se réalise par la mise en place de la narration quand le début de la nouvelle place d’emblée le lecteur dans une atmosphère de sampeks : 44 Il y avait, dans notre cour, un arbre qui ressemblait à un sapin, mais qui n’en était pas tout à fait un. C’était un conifère […] Mais à quelle espèce il appartenait, personne n’avait pu nous le dire. Certains maintenaient que c’était le résultat d’une greffe entre deux espèces très différentes, d’autres parlaient de conifère « dégénéré », ce qui était une même façon de dire qu’ils n’en savaient au fond rien. 45 Elle se développe ainsi dans l’atmosphère des veillées, dans l’expression d’un retour à l’oralité, à la nostalgie du conteur, et aussi à la rumeur primordiale. 46 Ensuite, l’hybridation se fait par l’image, comme la tonalité est souvent à la poésie. Les histoires coulent de source lorsque l’oreille est habituée au merveilleux du griot : s’y plaquent dès lors des images allant de la comparaison (ex : « comme sous une émotion intense » qui personnifie l’arbre tandis qu’il s’arrache au sol pour s’offrir en guise de sapin à une famille en peine) à l’allégorie qui fait de l’opprobre subie par l’enfant supposé bâtard une « fleur de gandia exsudant ses effluves empoisonnés ». Le parricide naît du rejet d’un enfant dans un microcosme où l’ambiguïté des phénomènes sociaux conduit l’être de chaque individu. L’exploit d’Ananda Devi consiste justement à juxtaposer ces espaces prédéterminés (les phénomènes sociaux actuels à Maurice) et surdéterminés (le ————— 44 Sirandane, sampek : veillées dans l’Océan Indien. A. Devi, ‘L’Arbre’, in Le Poids des êtres, op. cit., p. 1. 46 Voir supra, note 13 ; voir aussi X. Garnier, Le Réalisme merveilleux. Itinéraires et contacts de cultures, 25 (Paris : L’Harmattan, 1998), p. 7. 45 Nivoelisoa GALIBERT 88 surréel intemporel) en refusant que la prose existante (essentiellement celle de la tradition orale) l’emporte sur la création personnelle. L’hybridation s’applique également à la distribution des fonctions narratives. Contrairement à la tradition du récit, l’actant chez Ananda Devi peut ne pas se définir comme un être de réalité de chair et d’os. Ici, il peut n’avoir ni nom, ni statut social, ni même aspect humain (c’est un arbre), il est toutefois investi de contenus psychologiques. D’un point de vue formel, il devient alors un personnage, toujours bien distinct de la notion de personne, par son influence sur le déroulement d’une intrigue. Il est servi par une fonction syntaxique. 47 Ce sujet non humain, qui éprouve des sentiments, est une autre manifestation du monstrueux, de l’hybride. Il y a enfin hybridation quant aux temps des « contevelles » des Poids des êtres. La liminarité commence avec l’emploi d’une série temporelle, celle du monde commenté ou du discours incluant le présent, le passé composé et le futur dans un domaine qui théoriquement lui est étranger (les temps de la narration sont l’imparfait et le passé simple) : « Oui, l’enfance passe ; petit à petit, toute sa magie, tout son émerveillement s’efface […] et la vie, insidieusement, a changé de visage. » 48 La narration dont relèvent a priori le conte et la nouvelle d’Ananda Devi sera ainsi d’autant plus intéressante qu’elle devient discours tout comme dans L’Etranger de Camus, presque entièrement construit sur le passé composé, subjectivant le temps dans le prolongement du passé dans le présent du narrateur. ————— 47 De même qu’un verbe réglemente l’action d’un sujet sur un objet, A. J. Greimas a distingué des actants « qui relèvent d’une syntaxe narrative des acteurs qui peuvent les incarner (au sens étymologique) », A.-J. Greimas, ‘Les actants, les acteurs et les figures’ cité par F. Gandon, Sémiotique narrative et textuelle (Paris : Larousse, 1973), p. 161. 48 A. Devi, ‘L’Arbre’, op. cit., p. 2. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 89 La réflexivité du scribe voyageur Les préfixes, disions-nous, signent le passage d’un monde à un autre. Le mot valise « contevelle » 49 désigne le refus d’établir une taxinomie du genre court (conte ou nouvelle) chez Ananda Devi. Mais c’est le point de vue de toute l’histoire littéraire de l’Océan Indien qui nous situe dans le registre de la liminarité, du passage à un autre monde : il semble en effet exister un indianocéanisme manifesté par la transmutation des dires des habitants du Sud-Ouest de l’Océan Indien. Tout dans ces dires indique la même interrogation d’une nouvelle écriture, proche de l’« oraliture » définie par Michel Beniamino, 50 héritage explicite du conte oral traditionnel des veillées et implicite du genre narratif occidental. Par ailleurs le travail de mémoire mortifère que suppose la liminarité (la genèse dans la fange, la déconstruction en vue de la reconstruction) fait de l’ensemble des personnages d’Ananda Devi des êtres tourmentés, poursuivis par la fatalité comme dans les tragédies occidentales anciennes (il en est ainsi pour Œdipe, Pyrrhus, Andromaque). Ici, l’archétype du personnage en déroute, c’est l’Européen qui se suicide, entraîné par le souvenir d’une nuit lubrique passée avec un fantôme – voilà qui dépasse l’entendement cartésien. Les observations de Florence Paravy soulignent en ces termes la place de l’identité/altérité au centre du fictionnel francophone : « À un degré ou un autre, écrit-elle […] le héros romanesque est avant tout un étranger, soit qu’il vive sur un sol qui n’est pas le sien, soit qu’il se sente lui-même étranger à tout ce qui l’entoure ». 51 ————— 49 Mot glané sur la quatrième de couverture du recueil Le Poids des êtres référencé supra (note 1), et sous-titré ‘Contes et nouvelles’. N. B. : l’auteur n’opère aucune taxinomie des treize récits rassemblés ici. 50 Voir M. Beniamino, ‘Oraliture’, in Vocabulaire des études francophones, édité par M. Beniamino et L. Gauvin (Limoges : PULIM, 2005), pp. 142-45 ; et le collectif R. Fonkoua et Paris Halen, éds., Les Champs littéraires africains (Paris : Karthala, 2001). 51 F. Paravy, ‘L’altérité comme enjeu du champ littéraire africain’, in R. Fonkua et P. Halen, éds., op. cit., p. 214. Nivoelisoa GALIBERT 90 Cette réflexivité de l’écrivain est de fait possible sous réserve de mobilité physique (« road movie » selon Ahmadou Kourouma, « Rift, Routes, Rails » selon Abdourahman Waberi) 52 et psychologique de la personne. Née en 1957 dans une bourgade mauricienne, Trois Boutiques, lauréate à quinze ans du Prix de la nouvelle francophone organisé par RFI, avec « La cité Atlée », assorti d’une résidence d’écriture en France, lauréate de la Bourse d’Angleterre, Ananda Devi a pu mettre à profit ses diverses primes européennes pour poursuivre des études universitaires en Angleterre. Elle y obtient à vingt-cinq ans un doctorat en anthropologie sociale de l’Université de Londres. Tout compte fait, son choix a été de longue date la mobilité : ses récits sont aussi bien inspirés de l’enfance à Maurice que des années vécues jeune femme en Angleterre puis adulte accomplie à Brazzaville, au Congo. Ananda Devi réside actuellement sur la frontière franco-suisse dans le Pays de Gex. Ce choix du cosmopolitisme se démarque toutefois de la littérature noire francophone contemporaine par l’absence de l’humour institué comme approche quasi identitaire par le « pleurer-rire. » 53 La gravité exclusive, Ananda Devi la rend au récit personnel, lequel redevient sous sa plume une manière de conte / mise en garde (cautionary tale). L’écrivain appartient en effet à cette génération de lauréats inassimilables dans le champ indianocéanique. Ils n’avaient que peu d’avenir dans l’espace défenseur exclusif de la tradition ancestrale majoritaire, en l’occurrence la fraction d’origine indienne. 54 Leur placement dans le champ s’effectue au prix de ————— 52 A. A. Waberi, Rift, Routes, Rails (Paris : Gallimard, 2001) Voir P. Aron, ‘Les interférences entre oral et écrit, entre langues vernaculaires et langue de culture, entre les visions du monde traditionnelles et les valeurs dites universelles véhiculées par la littérature de langue française forment une bonne part de la « différence africaine »’, ‘Entretien avec Paul Aron’, Français 2000, 201-202 (avril 2006), 49. La différence entre l’héritage africain de l’oraliture et ce qui est propre à la littérature indianocéanique tient à la différence entre les notions d’humour (convoquant le comique) et de dérision (convoquant le tragique). 54 Voir S. Patel, Le Portrait Chamarel (La Réunion : Éditions Grand Océan, 2001) ; Sensitive (Paris : Editions de l’Olivier, 2004) ; Shakuntala Boolell, La Femme enveloppée et autres nouvelles de Maurice (Vacoas, Maurice : Editions Le Printemps, 1996). Critique par J. Gerval-Arouff, ‘Femme et territoire : état de la femme écrivain’, 53 Quelques enjeux littéraires et stratégiques 91 l’exil dans le Nord. Nous notons alors l’ambiguïté de leur statut. En amont, concourir auprès de l’institution Francophonie suppose une forte ethnicité de l’écriture. Nous semblons recourir ici au « déjà-vu » éditorial. Mais si cette itération est prise au sens que lui donne Derrida et qui suppose « altération », 55 elle conditionne plus que jamais la carrière des lauréats des concours littéraires placés par la déterritorialisation volontaire : 56 tous les écrivains exilés grâce aux résidences d’écriture n’ont pas l’opportunité de « grandir » et de « quitter ». Catharsis : exorciser les démons Pour l’heure, il reste une possible problématique : le procès d’une identité régionale d’origine. Depuis Camille de Rauville (1990) en effet, l’indianocéanisme est manifesté par « le brassage des ethnies, des coutumes, des pensées et des croyances des habitants de l’Océan Indien, mais aussi par leur littérature ». 57 On peut y ajouter une règle de formation inférée par ces nouvelles écritures : la quête d’identité commence par une mise en ordre du monde qui exorcise les démons de l’enfance autochtone. Dans une étude de la représentation du volcan de la Fournaise 58 dans les récits d’explorateurs et dans les littératures réunionnaises contemporaines, incluant les contes pour la jeunesse, nous avons déjà été amenée à conclure sur le rôle cathartique d’une anamnèse, d’un travail de mémoire collectif nécessairement mortifère comme réquisit de la quête identitaire : l’objectif de la littérature est d’exorciser les démons de l’enfance, peut-être pas de « disparaître par trop de défaite et de —————————— dans K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105 et F. Lionnet, Postcolonial Representations. Women, Literature, Identity (Ithaca: Cornell University Press, 1995) 55 Iter- vient du sanskrit « itara », autre. Voir J. Derrida, ‘Signature Événement Contexte’, in Marges de la philosophie (Paris : Minuit, 1972), pp. 365-93. 56 Voir N. Galibert, ‘Histoire littérature et société : le silence malgache’, in La Littérature malgache, Interculturel Francophonies, 1, édité par Jean-Luc Raharimanana (juin-juillet, 2001), 87-103. 57 M. Beniamino, ‘Camille de Rauville et l’indianocéanisme’, in K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, éds., op. cit., pp. 87-105. 58 Indissociable du souvenir de l’esclavage. Nivoelisoa GALIBERT 92 honte » 59 comme l’on « [rêve] sous le linceul », mais de « mériter le volcan » : il faut accepter l’aventure dangereuse de la rupture d’un univers symbolique pour restructurer et conforter une identité. 60 L’envoi du récit intitulé « Le Cache-Misère » est significatif des interrogations qui montrent qu’Ananda Devi n’est pas obsédée par une identité sédentaire ou aboutie : Maurice, au début du vingt-et-unième siècle, aura-t-elle un visage de vierge sacrificielle ? Sera-t-elle affligée, comme tant d’autres, de l’amnésie de l’innocence première ? Les gens poursuivront-ils, rayonnants et hallucinés, leur mirage doré, ignorant l’urgence du cœur tendu ? Peut-être… Toujours est-il qu’il nous faut nous défier des murs, murs de vaines bienséances, murs des apparats, murs des ostracismes, murs des vertueuses sournoiseries, murs de sournoises vertueuseries, tous les murs. Car les murs parlent d’interdits et d’intransigeance, ils parlent de refus et de rejet, ils parlent le langage injurieux de la haine et du mépris. Alors méfions-nous en, gardons-nous bien de devenir des murs, faits de briques et de béton, d’intolérance et de bêtise. 61 Ainsi, la transgression des interdits va de pair avec la jouissance scripturale chez Ananda Devi. Il y a rupture du registre moralisateur dans le message des « contevelles » qui n’en finit pas de se tourner en dérision. Avec cette notion de dérision, plus proche de la pointe que de l’humour, nous ne sommes pas loin de la conscience collective évoquée plus haut, qui veut exorciser nos démons : la séparation (ou cloisonnement) s’agissant de ————— 59 Raharimanana, ‘Pacification’, in Dernières nouvelles du colonialisme (La Roque d’Anthéron : Éd. Vents d’ailleurs, 2006), p. 118. 60 N. Galibert, ‘De l’obsidienne capillaire aux cheveux du volcan : le piton de La Fournaise dans la psyché des contes pour la jeunesse’, in Magma mater. L’imaginaire du volcan dans l’océan Indien, édité par F. Sylvos et M.-F. Bosquet (Paris : SEDES, 2005) pp. 33-50. 61 A. Devi Nirsimloo-Anenden, [Ananda Devi], ‘Le Cache-Misère’, in Maurice : demain et après, édité par B. Pyamootoo et R. Poonoosamy (Port–Louis, Maurice : Immedia, 1997), p. 17. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 93 Maurice, la peur du volcan s’agissant de La Réunion, la crainte des ancêtres s’agissant de Madagascar. Épilogue : entre « coupure », « rupture » et « commerce de la librairie » La boucle est bouclée avec l’arrière-plan de conscience collective en éveil comme moteur du tout littéraire indianocéanique. Anne-Marie Thiesse confirme la nécessité de cet objet esthétique – la conscience collective – dans la situation liminaire de tout groupe en quête d’identité. A commencer par les Grimm, selon elle, « porteurs d’un projet patriotique » dans ce mouvement de l’apprentissage de l’étranger vers l’apprentissage du propre : 62 Les Grimm ne connaissent pas de frontières aux échanges intellectuels. […] Le gigantisme de leur entreprise rassemble et dépasse tout ce qui a été produit antérieurement ici ou là : textes antiques et médiévaux, contes populaires, langue, droit, coutumes et traditions, dictionnaires. […] L’apport à la culture nationale […] alterne avec des publications sur les littératures scandinave, anglaise, finnoise, provençale ou espagnole. […] Leur œuvre devient donc la grande référence internationale du XIXe siècle pour toutes les constructions identitaires portant sur la langue et la littérature nationales. 63 La suite de l’analyse d’Anne-Marie Thiesse insiste sur la réalité ambivalente de l’écriture de la diaspora dans la représentation des origines : « Pas de nationalisme patriotique sans cosmopolitisme intellectuel […] » 64 Née des littératures nomades, la véritable identité d’Ananda ————— 62 Voir N. Thampin, ‘Marie-Thérèse Humbert et À l’autre bout de moi : de l’altérité vers l’identité’, dans K. R. Issur et V. Y. Hookoomsing, op. cit., pp. 385-93. 63 A.-M. Thiesse, La Création des identités nationales. Europe XVIIIe-XXe siècles (Paris : Seuil, 1999), pp. 65-66. 64 Ibid., p. 66. Nivoelisoa GALIBERT 94 Devi se situe certainement dans l’interstice de la légèreté de la création personnelle et de la pesanteur mauricienne, 65 interstice plurivoque et paradoxalement constructif d’une identité indianocéanique postmoderne. Car le divers intériorisé par le sari, ce nécessaire statement, n’est encore qu’une étape vers une polyphonie unissant les voix du Mahabharata (légende des origines indiennes) à celles des légendes européennes transcrites par Grimm ou Perrault : 66 l’univers symbolique dans lequel s’inscrit Ananda Devi entretient indéniablement un rapport de compatibilité avec un grand nombre de principes identitaires que l’on retrouve au terme de toute interprétation. Cet effet circulaire est imputable à une conception totalitaire du monde de l’altérité où tout fait signe, ce qui ne laisse pas de place à l’ignorance. Pour l’heure, nous retrouvons chez cet auteur le principe de la coupure tel qu’il est développé dans l’esprit des travaux de l’ethnologue Roger Bastide : 67 « Ce n’est pas l’individu qui est déchiré, précise Denys Cuche, c’est l’homme qui découpe la réalité entre plusieurs compartiments étanches dans lesquels il a des participations différentes. S’il joue sur deux tableaux, c’est qu’il y a bien […] deux tableaux. » 68 « Coupure » rime avec « rupture » : « […] Dans notre capacité à conceptualiser le monde, précise la philosophe Gloria Origgi, pour élaborer un concept, il faut pouvoir reconnaître le retour du même. » 69 Et c’est ainsi que l’on pourra dire du nomadisme d’Ananda Devi qu’il est « vagabondage initiatique, » « mise en chemin personnelle dans le cadre plus ————— 65 Le titre Le Poids des êtres n’est pas sans rappeler L’Insoutenable Légèreté de l’être de Milan Kundera (Paris : Gallimard, 1987), écrivain pour qui le français est langue d’élection. 66 Ce sera le cas dans Pagli (Paris : Gallimard, 2001). 67 R. Bastide, Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et sociales (Paris : Mouton, 1972) ; id., Le Sacré sauvage et autres essais (Paris : Payot, 1975) ; Cl. Ravelet (éd.), Études sur Roger Bastide. De l’acculturation à la psychiatrie sociale (Paris : L’Harmattan, 1996). 68 D. Cuche, ‘Le concept de « principe de coupure » et son évolution dans la pensée de Roger Bastide’, in Roger Bastide ou le réjouissement de l’abîme édité par Ph. Laburthe-Tolra (Paris : L’Harmattan, 1994). En ligne. URL : <www.unicaen.fr/mrsh/lasar/bastidiana>. Site consulté le 17 mai 2005. 69 G. Origgi, ‘Mémoire narrative, mémoire épisodique : la mémoire selon W. G. Sebald’ [en ligne]. URL : <http://www.fabula.org>. Site consulté le 17 mai 2006. Quelques enjeux littéraires et stratégiques 95 vaste de la communauté humaine, et de la compassion qui peut lui servir de ciment ». 70 Le retour à l’insularité maternelle n’est pas sans risque : elle peut devenir une manne d’écrivains de l’ailleurs comme le pointent les succès de librairie dans d’autres aires d’accueil, ainsi l’Amérique du Nord d’une Haïtienne anglophone Edwige Danticat 71 , ou d’un Haïtien francophone Danny Laferrière. 72 De la première, auteur de Après la danse : promenade au coeur du carnaval de Jacmel, l’angliciste Corinne Duboin écrit qu’ avec la publication de After the Dance […], la romancière et nouvelliste haïtienne-américaine […] délaisse un temps la fiction pour […] une promenade ‘au cœur du carnaval de Jacmel, Haïti.’ Or il s’agit davantage d’une redécouverte du pays natal que l’auteur a quitté vingt ans auparavant, à l’âge de douze ans, afin de rejoindre ses parents immigrés à New York. […] Le carnaval est pour Danticat un état d’âme, une manière d’être et de voir le monde au quotidien. […] Fil directeur d’un récit hybride, la mascarade devient alors métaphore qui autorise une révision de l’histoire haïtienne […] ainsi qu’un regard nouveau et éclairant sur soi. 73 Du second, le lecteur retiendra que l’exotisme du Goût des jeunes filles, inspirant Le Goût de la mangue d’une Catherine Missonnier (2001) 74 secrète le moteur du « commerce de la librairie » selon Diderot. ————— 70 M. Maffesoli, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques (Paris : Le Livre de Poche, 2000), p. 166. 71 Voir E. Danticat, Après la danse : promenade au coeur du carnaval de Jacmel (Paris : Grasset, 2004 ; 1e éd. : After the Dance, 2002) 72 D. Laferrière, Le Goût des jeunes filles (Montréal : VLB, 1992) ; Les Années 80 dans ma vieille Ford, (Montréal : Mémoire d’encrier, 2005) ; Le Charme des après-midi sans fin, (Paris : Grasset, 2005) ; Vers le Sud, roman (Paris : Grasset, 2006) 73 C. Duboin, ‘After the Dance d’Edwidge Danticat : visions carnavalesques de l’espace haïtien’, in La Fête, édité par A. Adde, Journée d’étude du CRLHOI, Université de La Réunion (20 mai 2006), actes à paraître. 74 C. Missonnier, Le Goût de la mangue (Paris : Éditions Thierry Magnier, 2001) 96 Nivoelisoa GALIBERT Bibliographie : Alhoune, Véronique, Fet’Kaf (Paris, Publibook, 2006) Andriamady, Vabois C., ‘En ce dimanche ensoleillé’, Madajery Magazine d’échange entre Madagascar et La Réunion, 3 (février 2006) Assayag, J et V, Beneï (éds.), Intellectuels en diaspora et théories nomades. L’Homme, 156 (octobre-décembre 2000) Bardolph, J., Études postcoloniales et littérature (Paris : Honoré Champion, 2002) Bastide, R., Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et sociales (Paris : Mouton, 1972) _____, Le Sacré sauvage et autres essais (Paris : Payot, 1975) Beniamino, M., La Francophonie littéraire. Essai pour une théorie (Paris : L’Harmattan, 1999) Beniamino, M., et L. Gauvin, (éds.), Vocabulaire des études francophones. Les concepts de base (Limoges : PULIM, 2005) Boolell, Shakuntala, La Femme enveloppée et autres nouvelles de Maurice (Vacoas, Maurice : Editions Le Printemps, 1996) Bozzeto, R. et A. Huftier, Les Frontières du fantastique (Valenciennes : Presses Universitaires de Valenciennes 2004) Danticat, E., Après la danse : promenade au coeur du carnaval de Jacmel (Paris : Grasset, 2004 ; 1e éd. : After the Dance, 2002) Cally, J. W., ‘Ti-manifèst pou la litératïr bébètik (Bref manifeste du fantastique créole)’, Politique linguistique et Rényonité. Nout Lang, 6 (2002), 21-22. _____, ‘Léko nout Pasé dan la litératïr bébètik (L’écho de notre Passé dans le fantastique créole)’, Listoir. Nout Lang, 7 (2003), 16-17. Derrida, J., Marges de la philosophie (Paris : Minuit, 1972) Duboin, C., ‘Mélange des genres, imitation et subversion : ICalypso de Hazel Campbell’, in Dérives et Déviances (Paris : SEDES, 2005) Quelques enjeux littéraires et stratégiques 97 Devi, Ananda, Le Poids des êtres (Rose-Hill, Maurice : Les Éditions de l'Océan Indien, 1987) _____, Pagli (Paris : Gallimard, 2001) _____, Ève de ses décombres (Paris : Gallimard, 2006) Fehrman, C., Du repli sur soi au cosmopolitisme : Essai sur la genèse et l’évolution de l’histoire comparée de la littérature, traduit du suédois par M. et J.-F. Battail (Paris : Éditions TUM/Michel de Maule, 2003) Fonkoua, R. et P. Halen (éds.), Les Champs littéraires africains (Paris : Karthala, 2001) Galibert, D., Les Gens du pouvoir à Madagascar : État postcolonial, légitimités et territoire (Thèse d’anthropologie, Université de La Réunion, 2006) Garnier, X. (éd.), Le Réalisme merveilleux. Itinéraires et contacts de cultures, 25 (Paris : L’Harmattan, 1998) _____, ‘Usages littéraires de la rumeur en Afrique’, La Question des savoirs, Notre Librairie, 144, (avril-juin 2001) Godenne, R., Études sur la nouvelle de langue française (Paris, Honoré Champion, 1993) Greimas, A.-J., ‘Les actants, les acteurs et les figures’, in Sémiotique narrative et textuelle (Paris : Larousse, 1973) Irélé, A., ‘Éloge de l’aliénation’, Notre Librairie, 98 (juilletseptembre 1989), pp. 54-62. Issur, K. R., et V. Hookoomsing (éds.), L’Océan Indien dans les littératures francophones : pays réels, pays rêvés, pays révélés (Paris : Karthala, 2002) Joubert, J.-L., A. Osman et L. Ramarosoa (éds.), Littératures francophones de l’Océan Indien. Anthologie (Paris : Editions de l’Océan Indien/ACCT, 1996) Laferrière, D., Le Goût des jeunes filles (Montréal : VLB, 1992) _____, Les Années 80 dans ma vieille Ford, (Montréal : Mémoire d’encrier, 2005) _____, Le Charme des après-midi sans fin, (Paris : Grasset, 2005) _____, Vers le Sud, roman (Paris : Grasset, 2006) Lionnet, F., Postcolonial Representations. Women, Literature, Identity (Ithaca : Cornell University Press, 1995) Maffesoli, M., Du nomadisme. Vagabondages initiatiques 98 Nivoelisoa GALIBERT (Paris : Le Livre de Poche, 2000) Mbembe, A., De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Paris : Karthala, 2000) Missonnier, C., Le Goût de la mangue (Paris : Éditions Thierry Magnier, 2001) Molino, J., ‘Le fantastique entre l'oral et l'écrit’, in Les Fantastiques. Europe, 8 (mars 1980), pp. 33–40. Moureau, F., Le Théâtre des voyages. Une scénographie de l'Age classique (Paris : PUPS, 2005) Patel, S., Le Portrait Chamarel (La Réunion : Éditions Grand Océan, 2001) _____, Sensitive (Paris : Editions de l’Olivier, 2004) Pyamootoo, B. et R. Poonoosamy (éds.), Maurice : demain et après (Port–Louis, Maurice : Immedia, 1997) Raharimanana, J.–L., L’Arbre anthropophage (Paris : Gallimard, 2004) _____, Dernières nouvelles du colonialisme (La Roque d’Anthéron : Éditions Vents d’ailleurs, 2006) Ravelet, Cl. (éd.), Études sur Roger Bastide. De l’acculturation à la psychiatrie sociale (Paris : L’Harmattan, 1996) Retours sur la question coloniale. Cultures Sud. Notre Librairie, 165 (avril-juin 2007) Riffard, C., ‘Chroniques de Madagascar’, Notre Librairie, 161 (mars-mai 2006) Sessa, J. (éd.), Figures de l’exclu (Sainte–Etienne : Publications de l’Université de Saint-Etienne, 1999) Smouts, M.-C. (éd.), La Situation postcoloniale. Les postcolonial studies dans le débat français (Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2007) Spivak, G. C., Death of a Discipline (New York : Columbia University Press, 2003) Spivak, G. C., D. Landry and G. Maclean G. (éds.), The Spivak Reader : Selected Works of Gayatri Chakravorty Spivak (London and New York : Routledge, 1995) Sylvos, F. et M.-F. Bosquet, Magma mater. L’imaginaire du volcan dans l’océan Indien (Paris : SEDES, 2005) Thiesse, A.-M., La Création des identités nationales. Europe Quelques enjeux littéraires et stratégiques 99 XVIIIe-XXe siècle (Paris : Seuil, 1999) Turner, V. W., The Ritual Process : Structure and AntiStructure (Ithaca : Cornell University Press, 1969) Waberi, A. A., Rift, Routes, Rails (Paris : Gallimard, 2001) Weisgerber, J., Le Réalisme magique (Paris : L'Age d'Homme, 1987) White, K., Le Plateau de l'Albatros. Introduction à la géopoétique (Paris : Grasset, 1994)