DESCRIPTIF du FORUM INTERNATIONAL de PHILOSOPHIE

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DESCRIPTIF du FORUM INTERNATIONAL de PHILOSOPHIE
DESCRIPTIF du FORUM INTERNATIONAL de PHILOSOPHIE POLITIQUE et SOCIALE
Le Forum International de Philosophie Politique et Sociale » a pour objectif l’organisation d'une
rencontre entre les acteurs de différentes équipes universitaires européennes de recherche en
philosophie sociale et politique (françaises, belges et italienne). Elle naît de la volonté des jeunes
chercheurs affiliés à ces équipes de confronter leurs recherches, leurs approches théoriques et
leurs démarches méthodologies respectives, dans une exigence et un désir communs de mieux
cerner ensemble les enjeux actuels de la construction d’un espace européen de recherche en
philosophie politique et sociale.
Cette aspiration a bénéficié ces dernières années du soutien des programmes financés à
l'Université de Toulouse le Mirail par l'Agence Nationale de la Recherche et le programme
d'excellence du master erasmus mundus EuroPhilosophie de la commission européenne piloté
par l'Université de Toulouse. L'ambition des équipes fédérées par l'Université de Toulouse
depuis 3 ans autour de ce projet de recherche est non plus seulement l’organisation de colloques
internationaux autour de certaines thématiques regroupant des chercheurs de différents pays
invités à présenter les résultats des recherches menées isolément les unes des autres, mais de
construire des formes de collaboration qui peuvent et doivent être vues comme l’embryon, sur le
site régional toulousain, d’un réel espace public européen de réflexion, de production de savoirs,
et de publication.
L’ambition du Forum International de Philosophie Politique et Sociale (FIPS) est d’ouvrir un
questionnement commun, et destiné à s’approfondir dans la durée d’une collaboration
continue, sur la façon dont l’espace européen dans lequel la philosophie politique et sociale
sera amenée à se développer, peut simultanément entrer comme objet de son questionnement.
Assumer cette tâche signifie pour les chercheurs en philosophie sociale et politique associés
dans ce projet, réfléchir simultanément sur l’avenir de leur propre discipline comme
formation de savoirs spécifiques au sein d’un espace de recherche élargi et diversifié, et sur le
rôle spécifique de cette discipline dans le processus de construction de l’Europe sociale et
politique.
Depuis trois ans le FIPS consiste dans un programme inter-universitaire associant l’ERRAPHIS
à la Cellule philosophie du « Centre de Philosophie du droit » (Université Catholique de
Louvain), au « Centre International d’Etudes de la Philosophie Française Contemporaine » de
l’ENS-Paris (Groupe de Recherches Matérialistes), au « Centro Interuniversitario di ricerca sul
lessico politico e giuridico europeo » (Université de Padoue), au programme « Governare la
Paura » (Université de Bologne), à l’Institut de Philosophie et de Théorie Sociale (Université de
Belgrade) et à l’ « Unité de Recherche en Philosophie Politique et Philosophie Critique des
Normes » (Université de Liège), le Département de Philosophie de l'Université de Sao Paulo et
associe des philosophes, des psychanalystes, des psychiatres, des sociologues, anthropologues,
des membres d'associations européennes et non-européennes travaillant dans l'éducation, dans
le social (Pédagogie Nomade, Association des ex prisonniers politiques chiliens en France,
HIJOS, Association de l'Amicale europhilosophique, Périferia...), des revues (Le Cahiers du
GRM, Dissidences, Offensive, Actuel Marx, Global...) et des syndicats (Mouvement Ouvrier
Catholique). Il se structure dans un séminaire itinérant sur les divers sites des équipes associées
et leur environnement scientifique et social, et dans un Forum stricto sensu à Toulouse d'une
dizaine de jours en juillet ouvert aux étudiants et citoyens.
La troisième édition du Forum à Toulouse vise à développer des rencontres avec des
chercheurs d'autres disciplines et laboratoires toulousains et non-toulousains, en particulier
en sciences sciences humaines et sociales (Anthropologie sociale, Géographie, Sociologie,
Politologie, Histoire sociale, Psychanalyse...). Ces rencontres (sous la forme des journées
d'études, tables rondes, ateliers, projections de documentaires et films, discussions etc.)
seront axées sur des pratiques de transversalités aussi bien entre disciplines qu'entre théorie
et pratiques. Le but de cette démarche est non seulement de s'adresser à un public élargi (nonuniversitaire) dans une entreprise de soi-disant vulgarisation des contenus scientifiques, mais
également de mettre en confrontation les résultats de la recherche académique avec des
pratiques et l'actualité, et de questionner cette dernière à partir du point de vue des praticiens.
En outre le Forum se déroulera de façon itinérante entre l'Université (la Maison de la Recherche
de l'UTM, la Fabrique, l'Arche) et la Ville (dans les salles mises à disposition par les relations
internationales de la ville de Toulouse à l'Espace Duranti, dans des librairies (Terra nova) et des
salles de projection (Esav).
L'ambition du FIPS est de créer une manifestation culturelle de transversalité philosophique
organisée par l'association (loi 1901) Europhilosophie créée par les enseignants-chercheurs du
Consortium
international
de
l'Erasmus
Mundus
Europhilosophie
–
url.
www.europhilosophie.eu/mundus) – afin d'inciter et de soutenir de nouvelles initiatives de
recherche innovante en matière de philosophie contemporaine, susceptibles d'avoir un impact
dans le champ social et culturel extra-académique.
Le consortium EuroPhilosophie, piloté à Toulouse, rassemble 12 universités (9 universités
européennes et 3 universités appartenant à des pays non UE) : l’Université de Toulouse II - Le
Mirail, l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve, l’Université de Bologne, l’Université de
Coimbra, l’Université de Luxembourg, la Ruhr-Universität Bochum, la Ludwig-Maximilians
Universität München, l’Univerzita Karlova v Praze, l’Université de Hosei (Japon), l’université de
Memphis (USA), l’Université Fédérale de Sao Carlos (Brésil). La formation Erasmus Mundus
EuroPhilosophie délivre à chaque étudiant un diplôme conjoint de master dans les champs de
recherche suivant : 1) Philosophie allemande classique ; 2) Phénoménologies allemande et
française ; 3) Philosophie française contemporaine. En deux ans, l’étudiant étudie sur le site de
trois universités différentes. La formation à la recherche a lieu par la recherche : des activités de
recherches sont organisées et conduites tant par les enseignants du consortium que par les
étudiants (sous l’égide de l’Amicale des Etudiants et Diplômés EuroPhilosophie, subventionnée
sur fonds propres à hauteur de 15 000 euros annuels), sous forme de séminaires itinérants, de
journées d’études ou de colloques internationaux (Toulouse, Prague, Munich, Wuppertal). Les
meilleurs travaux des étudiants de master EuroPhilosophie sont publiés sur la plateforme
EuroPhilosophie/Recherches, dans la revue « Interpretationes » spécialement créée à l’Université
de Prague (revue dirigée par un comité éditorial formé d’étudiants et diplômés EuroPhilosophie.
Les universitaires forment le Comité scientifique de la revue. Chaque texte est soumis à une
double expertise) ou dans la collection « Libri viredes » aux éditions Bautz (DE). l’Université
Catholique de Louvain, a créé un Centre de Recherches spécifique en soutien au master Erasmus
Mundus : le Centre de recherches sur la Phénoménologie du Sujet et la théorie de l’Action
(CPSA). Tous les ans, l’ERRAPHIS-Toulouse organise deux rencontres des étudiants et
chercheurs impliqués dans le programme EuroPhilosophie autour des axes de recherche de
l’équipe toulousaine : à l’automne, quinze jours à l’Université de Toulouse avec des chercheurs
italiens ; au printemps, dix jours à l’Ecole Normale Supérieure de Paris dans le cadre d’une
convention de coopération avec le Centre International d’Etude de la Philosophie Française
Contemporaine. L’ERRAPHIS accueille tous les ans deux à trois universitaires/chercheurs non
européens boursiers du programme EuroPhilosophie pour un séjour de recherche et
d’enseignement de plusieurs mois.
Selon le rapport AERES (http://www.aeres-evaluation.fr/Etablissements/UNIVERSITETOULOUSE-2-LE-MIRAIL): « L’intense activité de recherche de l’ERRAPHIS est allée de pair
avec l’adoption d’une stratégie scientifique en rupture avec le mythe du penseur solitaire et
impliquant une plus grande implication des jeunes chercheurs, le privilège accordé à l’entreprise
collective sur l’entreprise individuelle, l’internationalisation systématique de la recherche,
l’usage de l’instrument informatique pour la formation à la recherche, l’annonce des activités et
la publication gratuite et universelle des résultats sur la plateforme web créée à cet effet à
l’adresse : www.europhilosophie.eu » ; « la quantité et la qualité (pour autant qu’on puisse en
juger sur la base d’une connaissance forcément partielle) des réalisations de l’ERRAPHIS est
digne d’éloge » ; « On compte ( ..) 27 congrès internationaux, colloques, journées, séminaires,
stages intensifs. Pour ces dernières opérations, globalement, un nombre très considérable
d’institutions françaises, étrangères ou internationales sont impliquées à titre de partenaires » ; la
capacité à recruter est importante » : « la stratégie, la gouvernance de l’ERRAPHIS sont
admirables, et la vie de cette petite équipe est intense ».
Entre 2006 et 2010 l’ERRAPHIS a coordonné un programme Blanc de l’Agence Nationale de la
Recherche sous l’intitulé « Subjectivité et aliénation. Métaphysique de la subjectivité et
philosophie sociale » (PhiloSubsSoc) placé sous la responsabilité de JC Goddard, directeur de
l’ERRAPHIS.. Ll’ERRAPHIS, principal acteur du projet disposait d’un financement de 120 000
euros ; les Archives Husserl de l’ENS-Paris, partenaire 1 du projet, d’un financement de 65 000
euros, le PHIER de l’Université de Clermont-Ferrand de 45 000 euros. Page Web du projet
PhiloSubSoc :
http://www.europhilosophie.eu/recherche/spip.php?rubrique138.
L’objectif
scientifique du projet était 1) de produire de nouvelles analyses du concept philosophique et
critique de subjectivité en confrontant les perspectives transcendantalistes et naturalistes,
classiques et contemporaines et en mobilisant les champs de la philosophie sociale et de la
psychopathologie, 2) de théoriser les processus de subjectivation des normes en vue de proposer
aux acteurs sociaux un modèle de réflexivité et d’action transformatrice de la réalité sociale. Le
résultat le plus pertinent (en termes de recherches et de formation) est la création à l’initiative
d'Erraphis du Forum de Philosophie Politique et Sociale comme réseau interuniversitaire
permanent
(http://www.europhilosophie.eu/recherche/spip.php?rubrique185). Depuis
la
deuxième édition le Forum s'est ouvert à des collaborations avec des associations et vise cette
année un élargissement ultérieur en particulier sur le site de Toulouse.
Les thématiques traités dans la troisième édition du FIPS seront : les décolonisations de la
pensée, les hétérotopies urbaines et les pratiques de transversalités. Ces axes permettent, d'un
côté, de créer une convergence entre les recherches menées par plusieurs équipes, en particulier
Erraphis et le CPDR (Louvain – BE), dans le cadre du programme de Master Mundus
Europhilosophie, qui réunit des étudiants du monde entier, de l'autre côté, d'élargir le réseau à
des chercheurs d'autres disciplines et d'impliquer des associations (nombreuses dans la région)
engagées dans le soutien des luttes indigènes ou travaillant sur les Amériques, afin de créer de
synergies et de collaborations pour l'avenir, et ancrer dans la réalité sociale toulousaine
l'association Europhilosophie porteuse de l'initiative et créée afin de développer les initiatives du
consortium (voire statuts en annexe). Les chercheurs des équipes associées ont travaillé tout au
long de cette année la problématique de la décolonisation de la pensée à partir de deux auteurs
majeurs dans ce champ : Walter Mignolo et Viveiros de Castro qui ont accepté de participer à la
manifestation. Selon Mignolo (actuellement professeur invité à Louvain-La Neuve dans le cadre
du programme Master Mundus Europhilosophie) il ne suffit pas d’attaquer tout simplement le
capitalisme et de se concentrer sur les inégalités de classe. Il est important de le considérer
comme un système historiquement spécifique des relations sociales, une forme sociale avec sa
propre logique et ses propres lois de mouvement … les impératifs de la concurrence, la
maximisation du profit, la productivité, la croissance et la flexibilité, avec toutes leurs
conséquences sociales et idéologiques.
Colonialités: ce qui est en cause, ce n'est pas seulement les transactions économiques, la
production, la distribution et la consommation, mais aussi la vision de la société et de la vie,
c’est-à-dire toute la sphère des relations sociales. Ce qu’aussi bien les libéraux que les marxistes
ont conceptualisé comme le capitalisme, toujours du point de vue de l’histoire européenne et de
l’histoire économique, est la sphère économique de la matrice coloniale du pouvoir, elle-même
conceptualisée depuis la perspective des histoires coloniales. La matrice coloniale esquisse en
outre un système complexe de relations économiques, sociales, politiques et épistémiques, ancré
dans un idéal de l’humanité qui sert de point de référence pour classer et hiérarchiser l'humanité
à travers des caractéristiques ethno-raciales, des distinctions de genre et des préférences
sexuelles. La thèse basique est que la modernité n'est qu'une fabulation européenne qui possède
une facette occulte et sombre: la colonialité. Dit autrement, la colonialité est partie intégrante de
la modernité. Modernité et colonialité ne sont que deux faces d'un seul et même processus. Par
conséquent, l'expression courante « modernités globales » renvoie à des « colonisations
globales » et à une matrice coloniale du pouvoir, qui peut être définie comme « colonialité », et
qui fait actuellement l'objet d'une lutte acharnée. Si la modernité ne peut pas exister sans la
colonialité, il va de soi que les modernités globales impliquent nécessairement des « colonialités
globales ». Le prisme de la matrice coloniale du pouvoir donne ainsi une clef féconde pour lire le
monde d'aujourd'hui.
La modalité du « penser décolonialisé » naît pourtant à partir du XVI siècle comme réponse aux
tendances oppressives et impérialistes des idéaux européens modernes projetés dans le monde
non-européen. La matrice coloniale du pouvoir/colonialité travaille sur deux niveaux
sémiotiques, celui de l'énonciation et celui de l'énoncé. Dans ce dernier, la matrice coloniale se
produit sur 4 dimensions corrélées : 1) la gestion et le contrôle des subjectivités (par les biais de
la religion, des musées et des universités, des moyens de communication etc). 2) la gestion et le
contrôle de l'autorité (les institutions coloniales) 3) la gestion et le contrôle de l'économie (p.ex.
Le réinvestissement des bénéfices obtenus par l'appropriation massive de terre et des matières
premières en Amérique et en Afrique par les multinationales, leur exploitation de la main
d'œuvre, le commerce des esclaves, les dettes gérées par les institutions économiques comme le
FMI) 4) la gestion et le contrôle de la connaissance (par la théologie ou l'invention du droit
international qui définit un ordre juridique international, la délégitimation de tout savoir noneuropéen).
Prenant conscience de l’asymétrie installée par la voie de la colonisation, les sujets mis en
position d’infériorité (les damnés de Frantz Fanon) sont en mesure de se procurer les outils
pertinents à la décolonisation. En l’occurrence, ce processus ne peut pas être pris en charge par
les catégories, ni par la rhétorique, ni par la logique qui ont généré cet état de précarité qui
s'installe également dans l'espace du monde occidental. Au contraire, le détachement vis-à-vis
de la rhétorique de la modernité et la logique de la colonialité s'avère indispensable afin de
démonter « La Matrice coloniale du pouvoir ». Il ne s’agit pas simplement de nier la modernité,
mais plutôt de réviser et dé-construire les dispositifs modernes soutenant à la fois des
agencements autres et des contre-dispositifs pour se réapproprier et ré-agencer autrement ce que
la « machine du pouvoir colonial » capture, organise et exploite. En partant de la contestation de
ces dispositifs, l’ouverture consisterait, dans les slogans altermondialistes, à rendre possible « un
monde où plusieurs mondes soient possibles ». Cela ouvre au perspectivisme prôné par Viveiros
de Castro auteur de Metaphysiques Cannibales (récemment publié en France par les PUF). Son
œuvre constitue une réflexion sur le savoir anthropologique autant que contribution à une
métaphysique des devenirs qui doit autant à Deleuze et Lévi-Strauss qu’aux Indiens Tupi du
Brésil, ce livre entend participer à un effort plus que jamais nécessaire de décolonisation de la
pensée qui libère la métaphysique du ressassement narcissique de notre propre tradition. Quoi
de plus contraire, en apparence, qu’anthropologie et métaphysique ? L’anthropologie ne se doitelle pas de ranger les croyances métaphysiques dans le mobilier d’une « culture » et s’en tenir
là ? Selon Viveiros de Castro ce serait ignorer les transformations profondes qu’a connues cette
discipline dans les dernières décennies. Au lieu de partir de l’idée préconçue qu’elle doit
reconstituer aussi « objectivement » que possible les cultures des peuples étrangers, sa partie la
plus vivante s’attache à mettre en évidence des cosmologies qui excluent précisément le partage
de la nature et de la culture héritée et préformée par le savoir eurocentriste. L’anthropologue
n’est plus en position de surplomb par rapport à un « objet », mais fait de son terrain le lieu
d’une expérience de pensée radicale qui ne recule devant la remise en question d’aucun
fondement. L’anthropologie devient une métaphysique qui ne se distingue de la traditionnelle
que par un trait, certes essentiel : elle fait plus confiance en la vertu du plus étranger pour
« penser autrement » que dans le génie isolé du penseur de cabinet, ressassant interminablement
une tradition narcissique. S’en dégage une métaphysique des devenirs autant qu’une
épistémologie des savoirs anthropologiques, qui doit à Deleuze et Lévi-Strauss aussi bien qu’aux
Indiens Tupis du Brésil, et qui ne distingue jamais le travail du concept d’un effort pour
décoloniser la pensée. Emblématique de cette démarche est l’évocation par Viveiros du cas du
cannibalisme guerrier des Tupinambà qui habitaient la côte brésilienne au 16.ème siècle. Les
premiers anthropologues avaient interprété la mise à mort et la dévoration du captif comme un
sacrifice destiné aux esprits des morts du groupe, à les venger en quelque sorte. L’auteur conteste
l’idée selon laquelle des entités surnaturelles, nullement attestées par les sources, seraient
impliquées et que leur propitiation serait la raison du rite. La longue période durant laquelle le
captif partage la vie des Tupinambà avant la mise à mort, la relation de proximité qui s’établit
avec l’exécuteur le conduisent à une autre interprétation : le corps étant partagé entre de si
nombreux consommateurs ne pouvait être la raison du rite mais seulement un signe. Ce qu’on
mangeait, c’était sa relation d’ennemi à ses dévoreurs, son altérité par un mouvement paradoxal
d’autodétermination réciproque par le point de vue de l’ennemi. L’axe du débat est celui d’une
décolonisation de la pensée de l’anthropologue, le refus de traduire une culture autre, de la
réduire dans les termes de la sienne propre. Il ne s’agit plus de penser sur l’autre mais d’essayer
de penser avec lui, d’expérimenter d’autres savoirs. Dans cela Viveiros se veut l'héritier de la
tradition du mouvement antropophage, du modernisme de Manuel de Andrade dans les années
'20.
Les démarches de Viveiros de Castro et Mignolo rejoint celle de Dussel autre argentin exilé à
l'époque de la dictature militaire en Argentine, et s'opposent à l'hégémonie (au sens de Gramsci)
du savoir/pouvoir colonial. Elles ouvrent également des nouvelles perspectives de l'étude de
langues amérindiennes et du problème de la réduction conceptuelle imposée par leur traduction
dans les langues européennes. Dans cette perspective il s'agit de restituer aux concepts
amérindiens tout leur signification qui échappe aux grilles de concepts traditionnels au fur et à
mesure que ces derniers figent UNE SEULE réalité. Cette restitution ouvre à un type de
constructionisme conceptuel dans lequel Deleuze saisissait le geste philosophique, à savoir elle
peut permettre de s'approprier et introduire d'autres perspectives, concepts et pratiques qui
peuvent nous aider à « penser autrement » notre rapport à nous mêmes et aux mondes que nous
habitons.
En même temps l'Amérique latine est aujourd'hui aussi traversée par des mouvements
politiques de décolonisations par les communautés indigènes comme les Mapuches et le
mouvement de sem terra au Brésil. Comme le témoignent plusieurs travaux et documentaires
présentés aussi dans le dernier Festival du cinéma latino-américain (par exemple l'excellent
Newen Mapuche d'Elena Varela), les Mapuches au Chili et en Argentine sont mobilisés dans une
lutte farouche contre le pouvoirs publics et les multinationales pour la récupération et
réappropriation effectives de leurs terres « ancestrales ». Ils ne se contentent pas d'habiter des
réserves assignées par décret mais ils luttent contre l'exploitation du territoire qui leur rendent
impossible d'habiter ces terres. Dans cela leur lutte pose le problème de la reconstitution d'un
environnement soutenable et extirpation des implantations nocives à l'écosystème.. L'application
contre eux par l'appareil policier des lois contreterroristes promulgués pendant la dictature de
Pinochet n'est que l'aspect plus emblématique de la résurgence et la ré-actualisation par cette
lutte du socialisme latino-américain prôné par l'Unité populaire d'Allende (pensons aux
nationalisations contre l'exploitation des matières premières de la part de multinationales et
leurs effets sur l'environnement) qui a fait l'objet de deux journées d'étude pendant les éditions
précédentes du FIPS. Cette lutte contient pourtant des implications politiques, juridiques et
écologiques encore à étudier en profondeur et demeure en grand partie méconnue dans l'espace
européen. Tout comme la création en Colombie de Communautés de paix qui essaient de se
soustraire à la capture des deux entités en conflit l'Etat colombien et les paramilitaires et la
guérrilla de FARC. Elles se revendiquent comme espace autre protégé seulement par des ONG
occidentales, et elles sont souvent l'objet de la répression des deux combattants qui s'allient dans
la volonté de polariser toute force sociale afin de la soumettre à la logique du conflit En outre
ces thématiques permettront de collaborer avec ATRIA association qui réunit plusieurs jeunes
chercheurs travaillant sur les Amériques à Toulouse, qui organise cette année une série de
rencontres problématisant le rapport entre recherche académique et production audiovisuelle
(SCRIPT).
En même temps comme le suggérait Guy Debord en 1956« Il ne s’agit plus de délimiter
précisément des continents durables, mais de changer l’architecture et l’urbanisme. » Sans se
limiter à la psycho-géographie des situationnistes il s'agira aussi de comprendre les hétérotopies
plus proches et dans cela de saisir surtout l'apport possible de la psychanalyse à la
compréhension d’une dimension de l’espace urbain qui échappe, en dernière analyse, aux
savoirs qui s’occupent de la ville. Qu’il s’agisse de savoirs massivement présents dans le débat
public et la formation de l’opinion (comme la sociologie urbaine, l’urbanisme, les politiques
d’aménagement), ou qu’il s’agisse de savoirs plus restreints et spécifiques (tels la cartographie, la
toponymie, l’archéologie ou la sémiologie urbaine), toutes ces disciplines, dont il faudra à
chaque fois reconstruire et résumer l’origine et la logique, laissent un reste, ouvrent sur un
impensé : celui de la question des effets subjectifs inconscients produits par l’espace urbain. Ce
versant se trouve par contre exploré par la littérature, le discours et les pratiques artistiques
investissant l’espace public, ainsi que par certaines formes pathologiques d’être-dans-la ville,
comme le montrent de façon saisissante certains délires ‘à ciel ouvert’, la construction de
déambulations et de trajets à travers la ville associés à des crises psychopathologiques, et
d’autres productions de symptômes faisant de l’espace urbain leur territoire de prédilection.
Notre recherche sur l’ « envers de l’urbain » se propose ainsi d’explorer la dimension
inconsciente de la ville sur ce double axe : envers des discours institués sur la ville ; introduction
à ce même envers inconscient à partir de cas cliniques, d'œuvres artistiques et de situations
historiques singulières. Il s'agit donc de penser d'interroger la ville et la vie urbaine à partir de
certains espaces hétéro-topiques que Foucault appelle « de déviation ». il s'agit des lieux où «on
place les individus dont le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme
exigée. Ce sont les maisons de repos, les cliniques psychiatriques. Il s'agira d'étudier ce type
d'espace et les interrogations qui posent au fonctionnement normalisant et au discours dominant
de notre société avec la participation des cliniciens travaillant aux Cliniques de la Borde et de la
Porte Ouverte (Belgique) qui essaient de ré-mobiliser dans le champs psychiatrique les
fondements de psychothérapie institutionnelle d'Oury et Guattari. Mais Foucault n'aurait aucun
problème à citer comme exemples d'autres hétérotopies déviantes aussi les espaces
institutionnels tels les écoles et universités nomades comme la pédagogie nomade et
l'universidade nomada qui essaient d'opérer une transversalité et transformation institutionnelle
de déconstruction in actu de la visant la ré-définition des critères de formation. Ces expériences
seront confrontés aux expériences d'éducation populaire réalisées en Europe et Amérique Latine.
C'est à Guattari qu'on doit la définition plus conséquent de pratique transversale dans les
champs des institutions que le Forum ambitionne de créer et susciter. Dans psychanalyse et
transversalité Guattari oppose la transversalité à la fois à une verticalité hiérarchique
correspondant à l'organigramme d'une structure pyramidale, qu'à une horizontalité entendue
comme « un état de fait où les choses et les gens s'arrangent comme ils peuvent de la situation
dans laquelle ils se trouvent ». La transversalité se laisse saisir comme une pratique oblique
qui fonctionne par des coefficients de résistance et opposition à un certain aveuglement
propre aux fonctions attribués par a société, aux dynamiques de collaboration ou
fonctionnement des groupes institutionnels ou même auto-gérés dans la mesure où ils
réconstituent une verticalité rigide. On pourrait dire que dans l'université ce dégrée
d'aveuglement est déterminé par des effets mimétiques qui visent la reproduction de l'existant et
qui empêchent même aux nouvelles générations de refonder ou rectifier certaines pratiques
sclérotiques propres à la production d'un savoir qui doit être validé par les autorités de la
discipline et qui très souvent empêche une communication et un enrichissement avec d'autres
problématiques, positions du problème et façons de l'affronter. Le Forum essaie de produire ce
type de transversalité aussi bien entre disciplines et pratiques de recherche qu'avec la société
et la vie associatif et militant.