de la fouille à l`exposition : restauration, conservation

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de la fouille à l`exposition : restauration, conservation
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DE LA FOUILLE À L’EXPOSITION :
RESTAURATION, CONSERVATION
OLIVIER BERGER
dans Fr. Goddio, D. Fabre (éd.), Trésors engloutis d’Égypte, Catalogue de l’exposition
présentée au Grand Palais à Paris du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007, Paris, 2006, p. 274276.
Source : O. Berger, « De la fouille à l’exposition : restauration, conservation » dans Fr. Goddio, D. Fabre (éd.), Trésors
engloutis d’Égypte, Catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais à Paris du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007,
Paris, 2006, p. 220-225.
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Les fouilles archéologiques entreprises en Égypte bénéficient d’un laboratoire de
conservation-restauration embarqué sur le bateau, permettant une prise en charge
immédiate des objets dès leur sortie de l’eau. Les premières étapes de la conservation
sont ainsi effectuées sur le site même, et les traitements complémentaires, nécessitant
des équipements plus lourds, sont réalisés à terre, dans un laboratoire à Alexandrie.
Sur le bateau
Les prélèvements d’objets délicats nécessitent autant que possible l’intervention du
conservateur sous l’eau. Toutefois, c’est en surface que commence véritablement la prise en
charge du mobilier. L’objet est d’abord nettoyé des sédiments, puis identifié, ensuite inventorié.
Un conditionnement rationnel est enfin effectué en fonction des différents matériaux. Ce
stockage, sur le bateau, permet de commencer la première étape du traitement qui consiste à
éliminer les sels dont sont imprégnés les objets. Les sels sont en effet néfastes à la
conservation à long terme des objets; lors du séchage, la pierre et la céramique cristallisent,
ouvrant des fissures et provoquant des soulèvements et des pertes de matière. Pour certains
métaux comme le bronze, les sels et principalement les chlorures déclenchent une corrosion
cyclique pouvant occasionner la disparition complète de l’objet métallique. Dans un premier
temps, l’élimination des sels s’effectue par simple osmose, en immergeant les objets dans des
bacs de rinçage contenant de l’eau douce renouvelée régulièrement. Cette extraction est
contrôlée et suivie par des mesures de conductivité électrique.
Les objets retrouvés sous la mer sont généralement recouverts d’agglomérats de sédiments
associés aux organismes marins. Ces concrétions calcaires, parfois très épaisses et dures,
rendent parfois l’objet méconnaissable, retenant une grande quantité de sel. Afin de permettre
une identification des objets et de faciliter le traitement de dessalage, un nettoyage mécanique
«chirurgical», parfois sous binoculaire, est effectué à l’aide de micro-burins pneumatiques et de
scalpels. Ce dégagement est parfois associé à un traitement chimique car certains objets dont
la surface est fragile ne peuvent endurer des vibrations et des pressions répétées. Les objets
lapidaires portant inscriptions ou décors, comme la grande stèle, sont des exemples d’objets
délicats à traiter.
En règle générale, les traitements chimiques sont rarement employés sur le bateau à
l’exception des objets en plomb qui ne supportent pas un changement radical de milieu. Le
passage de l’eau de mer à l’eau douce entraîne une corrosion rapide et la formation
d’efflorescences blanches. Ils sont alors conservés dans une solution chimique de sulfate de
sodium avant d’être traités par électrochimie dans le laboratoire d’Alexandrie.
Source : O. Berger, « De la fouille à l’exposition : restauration, conservation » dans Fr. Goddio, D. Fabre (éd.), Trésors
engloutis d’Égypte, Catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais à Paris du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007,
Paris, 2006, p. 220-225.
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Le laboratoire d’Alexandrie
Le minutieux travail de conservation-restauration se poursuit dans le laboratoire d’Alexandrie
qui possède une grande diversité d’équipements permettant de faire face aux nombreux types
d’altération du mobilier archéologique. Les traitements peuvent être de nature mécanique,
chimique et électrochimique.
Les métaux. La restauration des métaux et leur conservation sont complexes. Si l’or, métal
noble par excellence, ne subit aucune altération, le bronze, l’argent, le fer et le plomb subissent
en revanche une corrosion d’autant plus rapide que l’on a bouleversé le milieu dans lequel ils
avaient atteint un équilibre (ils ont été remontés à l’air libre). Pour certains objets métalliques, la
dessalinisation par osmose ne suffit pas. Lorsque la structure métallique interne le permet, le
traitement doit être complété par une polarisation régulée et précise de l’objet dans une solution
chimique (traitement électrochimique de stabilisation). Une fois que les sels contenus dans le
métal sont éliminés, la surface sur laquelle l’objet a séjourné est précisément identifiée et la
stratigraphie des produits de corrosion examinée. Un traitement adapté est alors choisi afin de
supprimer sélectivement ces substances. Les solutions chimiques de divers acides, de bases,
de réducteurs ou de complexants sont mises en œuvre. Les nettoyages mécaniques par
scalpel à ultrason, pinceau de fibre de verre, micro-burin pneumatique, microtour équipé de
meulette diamantée, brossette, gomme abrasive complètent ces traitements de surface qui
révèlent la surface d’origine de l’objet. Ce travail long et minutieux s’effectue généralement sous
binoculaire. La fragilité de la surface nécessite parfois le recours à des imprégnations de
consolidant. Dans certains cas, des renforts de résine ou des doublages de tissus en fibre de
verre sont effectués. Les objets métalliques reçoivent ensuite une stabilisation chimique par un
inhibiteur de corrosion, avant d’être recouverts d’un vernis acrylique et d’une cire minérale qui
les protègent de l’humidité de l’air et permettent leur conservation à long terme. Enfin, leur
stockage est réalisé à température et humidité constante pour prévenir toute reprise de
corrosion.
Les céramiques. Pour parfaire la dessalinisation des céramiques, des bains en eau distillée
finalisent le premier traitement en réduisant le taux de sel à une valeur acceptable. Cette valeur
correspond à l’iniquité pour l’objet, permettant ainsi sa stabilisation et sa conservation à long
terme. Après dessalinisation, les céramiques sont restaurées: les fragments sont recollés, les
lacunes sont comblées et teintées, les pâtes peu cuites et donc fragiles sont imprégnées d’un
consolidant. Afin d’éviter une éventuelle recristallisation des sels, il convient de stocker ce
matériel archéologique dans un local à hygrométrie et température constantes et d’en assurer
le conditionnement pour d’éventuelles expositions publiques.
Le lapidaire. Le processus est sensiblement le même pour les statues et autres éléments
architecturaux en pierre. Dans un premier temps, la procédure consiste en un dégagement
chimique et mécanique des concrétions. Toutefois, le marbre, le calcaire et le grès nécessitent
Source : O. Berger, « De la fouille à l’exposition : restauration, conservation » dans Fr. Goddio, D. Fabre (éd.), Trésors
engloutis d’Égypte, Catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais à Paris du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007,
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un temps de dessalinisation plus important que le basalte ou le granite, peu perméables aux
sels. Les éléments qui se désagrègent sont consolidés par infiltration d’une résine acrylique
réversible. Pour les comblements ou consolidations de surface, un mastic est réalisé en broyant
une pierre similaire à celle dont est constitué l’objet, et liée avec une résine réversible. Les
fragments de statues, quand cela s’avère nécessaire, sont réunis par goujonnage.
Les matériaux organiques. Le matériel archéologique organique (bois, cuir, vannerie, textile, os,
etc.) demande un traitement rapide et délicat dès sa remontée en surface. Contrairement aux
autres matériaux, l’altération des objets organiques n’est pas toujours visible. Le bois gorgé
d’eau, par exemple, conserve dans bien des cas sa forme originelle. La dégradation est interne
et les propriétés physiques et chimiques s’en trouvent fortement changées. Ainsi, le bois
dégradé a tendance à devenir mou et spongieux. Dès sa sortie de l’eau, il se rétracte, se fend
et subit des torsions. Les cellules maintenues par l’eau s’effondrent et le bois perd rapidement
sa forme originelle de façon irréversible. Il est communément admis qu’en prévention le bois
doit subir avant tout assèchement un traitement de consolidation. Ainsi, après nettoyage et
dessalinisation, l’eau qui imbibe ces objets doit être progressivement substituée par une résine.
Cette résine maintient la forme initiale des cellules, évitant leur collapsus lors du séchage, qui
se fait selon un processus lent et contrôlé.
La conservation n’est pas une application de techniques et de recettes de traitement mais une
étape indispensable à la fouille. Parfois, dans le cas d’objets fragiles, le conservateur est le
premier mais aussi le dernier à voir des détails technologiques ou historiques ténus. Au même
titre qu’une fouille archéologique, il lui incombe d’enregistrer toutes les informations dont l’objet
est porteur. Cette documentation, s’appuyant quelquefois sur des analyses, n’est pas le but
ultime car l’objet doit aussi être stabilisé pour assurer sa pérennité, et parfois esthétiquement
amélioré à des fins muséographiques. Les objets présentés dans cette exposition, qui
proviennent du port d’Alexandrie et de la baie d’Aboukir, ne représentent ainsi que la dernière
étape d’un long processus de conservation et de restauration.
Olivier Berger
Source : O. Berger, « De la fouille à l’exposition : restauration, conservation » dans Fr. Goddio, D. Fabre (éd.), Trésors
engloutis d’Égypte, Catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais à Paris du 9 décembre 2006 au 16 mars 2007,
Paris, 2006, p. 220-225.