Daniel Maira Typosine, La Dixième Muse. Formes éditoriales des

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Daniel Maira Typosine, La Dixième Muse. Formes éditoriales des
Comptes rendus 131
Daniel Maira
Typosine, La Dixième Muse. Formes éditoriales des canzonieri français
(1544–1560)
Genève: Librairie Droz, 2007. 512 p.
On parle beaucoup aujourd’hui de « bibliologie matérielle » à propos du XVIe
siècle, époque où de nouvelles techniques favorisent le développement et la diffusion du livre imprimé et où se multiplient les contrôles exercés par les imprimeurs,
éditeurs et libraires. Il n’est donc pas surprenant que la critique littéraire prenne
de plus en plus pour champ d’étude les aspects du support imprimé qui mettent
en évidence des stratégies éditoriales visant à satisfaire un nouveau marché par le
biais d’artifices techniques appropriés. On sait que depuis les ouvrages de Jacques
Derrida (La Vérité en peinture, 1978) et Gérard Genette (Seuils, 1987) la théorie de la
« paratextualité » (c’est-à-dire de la relation entre le texte et le hors-texte) n’a cessé
d’informer la critique et que les études de la Renaissance ont largement bénéficié
de cette approche nouvelle. Il était donc tentant d’examiner dans quelle mesure on
pouvait établir une typologie générique de certains recueils de poésie à partir de la
disposition typographique de leur appareil liminaire.
La tentative n’est pas nouvelle puisque de grands médiévistes se sont penchés
sur l’époque de transition entre le manuscrit et l’imprimé pour montrer à quel point
les Grands Rhétoriqueurs, de concert avec leurs éditeurs et leurs mécènes, avaient
été sensibles aux possibilités promotionnelles qu’offraient les technologies nouvelles
(voir Cynthia J. Brown, Poets, Patrons, and Printers [ … ] in Late Medieval France, 1995
et Adrian Armstrong, Technique and Technology. Script, Print, and Poetics in France,
1470–1550, 2000). En outre, l’étude du paratexte a déjà largement retenu l’attention
des spécialistes de la Renaissance qui ont souvent examiné les conséquences, sur les
plans épistémologique et sémantique, de ce que Roger Chartier appelle la « mise
en livre » (par opposition à la « mise en texte ») consécutive aux innovations
typographiques du XVIe siècle (Pratiques de la lecture, 1985, pp.61–82)1.
L’intérêt principal du présent ouvrage tient au fait qu’il se concentre sur le
livre de poésie amoureuse en langue vulgaire et se limite à l’étude des canzonieri
français (c’est-à-dire de recueils d’inspiration pétrarquiste adressés à un être aimé)
publiés entre 1544 (date de la Delie de Maurice Scève) et 1560 (date de la première
édition collective des Œuvres de Ronsard). Ce faisant, l’auteur cherche à établir
une typologie du « genre canzoniere » à partir de sa disposition typographique et
de diverses stratégies éditoriales motivées par des impératifs de nature promotionnelle. Par là il rejoint le sujet développé avec maîtrise dans la thèse jumelle de Cécile
Alduy, écrite sur le même sujet et publiée chez le même éditeur la même année, qui
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montre à quel point les canzonieri français entrent dans « une entreprise collective
de promotion et d’enrichissement de la langue au moment où émerge, dans les mêmes
œuvres, la notion de personnalité littéraire (Politique des « Amours ». Poétique et
genèse d’un genre français nouveau (1544–1560), Droz 2007).
Le titre de cet ouvrage ambitieux et savant vient d’un néologisme façonné
par le poète Jacques Grévin qui, dans sa Gédolacrye (1560), baptise ainsi la muse
tutélaire de l’imprimerie en qui ses collègues de la Renaissance ont reconnu une
puissante alliée dans leur combat contre le monstre Ignorance et leur désir d’assurer
la pérennité de leur œuvre littéraire. Une division tripartite permet d’examiner en
trois temps l’histoire de cette paratextualité en posant trois questions principales:
1) existe-t-il une typologie de base des canzonieri français de la première heure ? (la
Delie offre alors un fertile modèle exemplaire); 2) la typologie change-t-elle ensuite
dans les premières Amours de Ronsard et leurs imitateurs ? (dans quelle mesure y
a-t-il filiation ou nouveauté); 3) enfin que nous révèle la disposition paratextuelle des
canzonieri parus après les Amours de Ronsard ? Cet ensemble de questions donne lieu
à des analyses précises souvent très pointues dont la pertinence se dément rarement
et dont on ne peut malheureusement faire état ici dans le détail. Après leur période
de gloire les canzonieri connaîtront le déclin, leur cohérence thématique et formelle
les exposant de plus en plus à la dénigration parodique. Reste à voir si, tout compte
fait, il existe bien un « genre canzoniere » identifiable : non, semble-t-il, si l’on s’en
tient aux taxinomies de la Renaissance; oui, si l’entend par là une forme de recueil
typique, reçue en aval « comme une réalité autonome et effective » (p.396) et que
la muse Typosine saura superbement mettre en valeur.
Sans doute fallait-il limiter le nombre des paramètres typographiques relevés
dans cette étude pour ne pas compliquer outre mesure la modélisation du système.
Il serait pourtant intéressant de savoir si les « marques » des libraires, dont l’auteur
ne tient pas compte dans ses analyses, ne contribuent pas elles aussi à la définition
d’une typologie éditoriale du genre. En effet, les connivences entre auteur, imprimeur
et marchand-libraire peuvent aller se cacher jusque dans le jeu des pièces en apparence les plus conventionnelles. C’est déjà le cas chez Clément Marot qui, dès 1538,
jouait dans ses liminaires sur la « marque » d’Étienne Dolet : une main brandit
une hache (la « doloire », outil de charpentier, amenée par la paronomase de son
nom) et s’apprêtait à rogner les aspérités d’un tronc noueux pour le dégrossir et
donc « parfaire » l’œuvre qui s’annonçait. On regrettera aussi que les canzonieri
d’auteurs féminins aient été si peu pris en charge : Pernette du Guillet (parce que,
malgré l’importante préface d’Antoine Du Moulin, ses Rymes sont posthumes) et
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Louise Labé (parce que l’appareil péritextuel, pourtant considérable, renvoie à des
œuvres qui comprennent un Débat en prose).
En plus d’une copieuse bibliographie et d’un « Index des nominum » (sic),
un important dossier iconographique (une soixantaine de figures) complète ce
remarquable ouvrage qui, lu en parallèle avec celui non moins impressionnant de
Cécile Alduy, renouvelle notre connaissance du canzoniérisme en France au milieu
du XVIe siècle.
François Rigolot, Princeton University
Notes
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À cet égard, il faudrait signaler plusieurs thèses de doctorat dirigées par Mireille Huchon en Sorbonne, en particulier T. Tran Quoc, Du livre illustré au texte imagé: image,
texte et production du sens au XVIe siècle (2004) et A. Réach-Ngô, La mise en livre des
narrations de la Renaissance: écriture éditoriale et herméneutique de l’imprimé (2005).
Confessions of Faith in the Anabaptist Tradition 1527–1660
Edited by Karl Koop, translated by Cornelius J. Dyck, James Jacob Fehr, Irvin
B. Horst, Walter Klaassen, Karl Koop, Werner O. Packull, John D. Rempel, Vic
Thiessen, Gary K. Waite, and John Howard Yoder
Kitchener, ON: Pandora Press, 2006. Pp. xii, 366.
Caspar Schwenckfeld. Eight Writings on Christian Beliefs
Edited with an introduction by H. H. Drake William III, foreword
by David F. Wells
Kitchener, ON: Pandora Press, 2006. Pp. 200.
Helmut Isaak
Menno Simons and the New Jerusalem
Kitchener, ON: Pandora Press, 2006). Pp. 158.
Pandora Press of Kitchener-Waterloo, Ontario, calls itself “a small, independently
owned press dedicated to making available modestly priced books that deal with
Anabaptist, Mennonite, and Believers Church topics, both historical and theological.” Operated by Reformation and Anabaptist scholar C. Arnold Snyder, the
Press has produced a number of scholarly and popular books of which the three
under review here were all published in 2006. In this review, space will not allow
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