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TAP GG 168[AGE_VILLAGE]:MARS GG 113 19/10/10 15:32 Page393 > Le sens des troubles du comportement CYRIL HAZIF-THOMAS > RÉSUMÉ/ABSTRACT PSYCHOGÉRIATRE, INTERSECTEUR DE GÉRONTOPSYCHIATRIE, CH BOHARS, CHU DE BREST. Aborder les troubles cognitifs et du comportement de la personne âgée démente implique d’inscrire aussi bien la démence dans l’histoire des idées médicales que dans celle de ceux qui la font! Il s’agit notamment de retracer l’évolution de la notion de folie et de démence, tant dans l’institution que dans la famille, dans la mesure où la question se pose d'emblée de clairement faire le partage de ce qui revient à la vieillesse et à la maladie, à la personnalité et aux interactions avec l’environnement ou aux processus cognitifs. MOTS CLÉS: Maladie d’Alzheimer – Contact vital – Bientraitance – Potentiel d’autonomie. THE MEANING OF BEHAVIOURAL DISORDERS In order to gain an insight into cognitive and behavioural disorders in the demented elderly subject, it is important to examine not only dementia in the light of the history of medical concepts but also in the context of those who make history! It is necessary to retrace the evolution of the notion of madness and dementia in medicine and within the family, given that it is vital to clearly distinguish ageing, disease, personality and interactions with the environment or cognitive processes. KEYWORDS: Alzheimer’s disease – Vital contact – Treating patients well – Potential for independence. N’est-il pas utopique de vouloir la disparition complète de tous les comportements perturbateurs ? Est-il possible d’inscrire le patient dans une certaine routine protectrice, dans une régulation psychosociale raisonnable, dans une proximité affective rassurante, et un encadrement familial fonctionnel ? Les troubles du comportement seront d’autant moins prégnants qu’ils seront d’autant plus acceptés et « tolérés » et mieux canalisés dans un rituel de soins, un suivi bien balisé, une recherche instituée de bientraitance. Bientraitance qui ne peut faire l’économie du sens de la parole soignante : « La fonction de solidarité de la parole assure la pérennité de l’autre. On est toujours humain lorsqu’un autre humain vous reconnaît comme tel. Dément ou même mort, c’est la parole de l’autre qui vous rend encore humain dans le souvenir » (Zarifian). Rendre encore humain dans le souvenir ou rendre ce qu’il y a d’humain dans le présent pour que cela fasse souvenir, que cela vienne, sous le devenir, faire support au présent et l’offrir dans sa dimension de contact vital est le grand enjeu du soin à ces patients parfois plus amnésiques de l’avenir que du passé. Ainsi, si existe une agitation en situation de contrainte (toilette, habillage…), on préfèrera ne pas raisonner le malade mais proposer une autre activité, tout en respectant les habitudes prises pendant les soins en question et en favorisant un abord respectueux des choix du patient, avec l’idée de réintroduire le temps afin qu’existe une place pour le désir. L’indifférence face à ce potentiel d’autonomie ou ces réactions d’appel à l’aide et le peu de cas qui est fait de l’affectivité dans la maladie démentielle, même à la marge, est une des clés du sens des troubles du comportement. Cette apparente absence face à ce qu’il reste de sens dans l’homme dément fait écho à l’indifférence affective de ce dernier, pourtant souvent remarquablement adaptée à sa situation lorsqu’elle lui permet d’amortir les coups et les chocs existentiels. Auparavant réduite à l’égoïsme et à un ressenti marginal, la vie affective du patient dément est centrée sur les objets accumulés à portée de main et de sens, « compagnons tardifs » par lesquels le malade reconstruit un fonctionnement antérieur où un des proches de sa vie passée vient prendre place de façon imaginaire. Si bien que lorsqu’est apprécié le retournement de la psyché vers ses pôles perceptifs et sensoriels, l’affectivité suit un cheminement qui pour passer à l’expression sous un mode hallucinatoire n’en reste pas moins bien réel. Pour autant le savoir affectif persiste plus longtemps que les capacités langagières et selon Le Gouès : « Il (le patient) fonctionne comme un voyageur en terre étrangère, à qui il n’est pas nécessaire de connaître la langue autochtone pour s’assurer que ceux qui la parlent sont bienveillants ou hostiles ». Qu’en est-il de chacun de nous d’ailleurs en terre étrangère lorsque tout un chacun vous semble incompréhensible et que personne ne fait de cas de vos émotions ? La question est donc de replacer cette problématique du sens des troubles dans celle plus large du sens de la vie, et de s’interroger sur le sens du vieillissement aussi bien. La personne âgée qui vieillit bien est une LA REVUE FRANCOPHONE DE GÉRIATRIE ET DE GÉRONTOLOGIE • OCTOBRE 2010 • TOME XVII • N°168 Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer Actes du 3e Colloque International. Paris. 2010 Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer 393 TAP GG 168[AGE_VILLAGE]:MARS GG 113 19/10/10 15:32 Page394 Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer Actes du 3e Colloque International. Paris. 2010 > 394 personne âgée dont le « souffrir » ne s’arrête pas à elle-même (Lévinas). Cette compassion, cette ouverture à la transcendance et à sa descendance, est une motivation essentielle à la construction d’une anticipation positive dans l’âge avancé. On donnera quelques exemples qui montrent que cette fonction peut être conservée ce qui remet en cause les théories affirmant l’atteinte irréversible de la conscience de soi chez le patient dément. En se reprenant là où elle est vulnérable pour consolider autrui, elle sauve son avenir et échappe à l’étiquette de personne vulnérable qui fait d’elle une personne sous protection ad vitam aeternam. Le dernier sursaut anticipatoire n’est-il pas d’ailleurs de dire adieu, y compris adieu à toute protection, fut-elle la plus humaine ? « La vulnérabilité, c’est le pouvoir de dire adieu à ce monde. On lui dit adieu en vieillissant ». > RÉFÉRENCE [1] [email protected] [2] HAZIF-THOMAS C. Demain, la psychogériatrie, ouvrage collectif, collection géront’au présent. [3] LE GOUÈS G. La psycholyse. Actualités Psychiatriques, 1987 ; 8 : 76-81. [4] LÉVINAS E. De Dieu qui vient à l’Idée. Libraire philosophique J. Vrin, Paris 1992: 134. LA REVUE FRANCOPHONE DE GÉRIATRIE ET DE GÉRONTOLOGIE • OCTOBRE 2010 • TOME XVII • N°168