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Un café philo bien frappé - Technikart
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Un café philo bien frappé
Lundi, dans le cadre le l’émission de débat JABCQVF, le philosophe Mehdi Belhaj Kacem était convié à l’Ile enchantée
pour évoquer l’ouvrage Pop Philosophie. Mais, d’anciens amis qui ne peuvent plus le voir en peinture lui ont balancé
un pot de Valentine en pleine tronche, déclenchant une baston générale. Récit undercover.
« Méfiez-vous. Il y a un truc qui se prépare. Vous devriez vous attendre à des oeufs pourris. Ou quelque chose du genre... ». Ce soir
là, Laurent semble savoir quelque chose. Cet ami malicieux nous glisse ça très gentiment entre la vodka au Chum up et la bière au
comptoir de L’Ile enchantée. « Je l’ai dit a deux personnes seulement.. » ajoute-t-il, mystérieux, sans qu’on le prenne au sérieux. Fin
observateur. Ou peut-être un peu renseigné ? En tout cas, il a remarqué des mouvements étranges à l’exterieur de ce café de
Belleville où se tient chaque mois « JABCQVF » (Journaliste aimant boire cherchent questions vraiment fumeuses). Ce lundi 9 mai,
vers 21 heures, le dixième numéro de ce débat genre « café philo branché » accueille (après Despentes, Beigbeder, Dupontel etc...)
le philosophe néo-radical Mehdi Belhaj Kacem, autour de « Pop Philosophie », le livre d’entretiens qu’il a réalisé avec le journaliste de
Technikart Philippe Nassif. Le bar est blindé de monde. Pas mal d’artistes, journalistes, graphistes, dj... L’assistance est bien chauffée
par l’Open bar payé par Denoel, l’éditeur du bouquin (on peut dire sans mauvais jeu de mot qu’il s’agit donc d’un cadeau Denoel). Les
chroniqueurs commencent à se succèder autour de l’invité. Mais déjà Jacques Braunstein (Elle) et Alexandre Lazerges (Laz Bros), les
meneurs du débat, peinent à en placer une. La tension monte. Très vite, c’est Mehdi Belhaj Kacem lui même, alias « MBK », qui
n’arrive plus à répondre. Le brouhaha envahit tout. La belle salle de l’Ile enchantée commence à rappeler l’atmosphère très 80 de
Droit de réponse, les happenings télévisés de Michel Polac où les aristos libertaires menés par Jean-Yves Lafesse venaient foutre le
bordel. Sans qu’on comprenne tout, des anciens camarades de jeu (apparemment) de MBK semblent lui reprocher de trop jouer le jeu
des médias et de la presse branchée, « représentée par son poste avancé le plus extreme, Technikart » dira un intervenant, trop
sympa pour Technikart. L’un d’entre eux, lunettes et chemise, genre étudiant en philo, lui hurle déjà dessus. « Comment peux tu
passer d’une (brouhaha) position hégeliano (brouhaha) à une position (broulaha).. ». On comprend vaguement entre les lignes
« pourquoi tu as trahi ? ». Question pertinente. Pourquoi en effet celui qui a frayé avec les néo-situationnistes de Tiqqun, les
inventeurs de la Théorie de la Jeune-Fille et du Bloom (La Fabrique éditions) avant de rompre avec eux accepte-til de s’exposer ?
Pourquoi celui qui a vécu une période d’errance radicale, de squatts, d’alcool, qui a plongé chez les gothiques, pourquoi l’admirateur
d’Agamben qui s’est maintenant trouvé un père intellectuel en la personne d’Alain Badiou (le seul mao 68 non défroqué) devient-il un
« agent du spectaculaire intégré » (Debord) ? Tout ça alors qu’il a travaillé au décryptage de la Société du spectacle ? Pourquoi
l’espoir de la philo radicale est-t-il devenu aux yeux de certains le candidat proclamé à la succession de Bernard-Henri Levy ? C’est ce
type d’interrogations qu’on capte derrière les attaques verbales qui se multiplient dans l’assistance : "MBK tu es un entrepreneur de ta
vie, une merde, une sous chiasse du capital". Mais qui sont ces gens qui, visiblement, n’ont pas lu le manuel de savoir vivre de la
baronne de Rothschild ? Après enquête, il apparaît qu’il s’agit bien bien de proches de Tiqqun (le collectif inventeur de la Théorie de la
Jeune-Fille). Une source fiable qui connait bien ces milieux para-situationnistes confirme : "Au début on a tous cru que c’était des
proches de MBK qui voulaient le relancer médiatiquement en faisant semblant de l’agresser. Mais le pot de peinture blanche, c’est
plutôt la marque de fabrique des Tiqqun. Ils lui reprochent d’adopter une posture révolutionnaire bidon et de faire le jeu du Spectacle
après l’avoir longtemps dénoncé".
"Mehdi qui ?"
Comme dans une bonne vieille AG sous gauchiste de Nanterre de 73, ils sont trois ou quatre (dont une très jolie pasionaria brune),
très remontés, disséminés dans la salle. Feux croisés pour paralyser un debat qui, de toute façon, ne peut même pas démarrer. Il
n’est déjà pas toujours facile de comprendre le torrentueux flot de « concepts » et « d’intercepts » de MBK, mais là ca devient
carrément impossible de se concentrer. Le premier énervé, au look d’étudiant en philo chemise et lunettes, continue de gueuler. Il se
fait éjecter manu militari après s’être embrouillé avec le journaliste et co auteur du livre Philippe Nassif. L’atmosphère monte encore
d’un cran. Je m’apprête à intervenir, en tant que journaliste à Libération (par ailleurs collaborateur proche de Technikart).
J’entreprends le philosophe sur le 21 avril, Le Pen au deuxième tour et le refus par le journal qui m’emploie de publier l’un des ses
textes de l’époque, « La Chute de la démocratie médiatico-parlementaire ». Dans ce dernier, il y affirmait notamment : « Je tiens toute
personne qui aura appelé à voter Chirac (au 2nd tour, ndlr) pour un adversaire politique. Parce qu’il se sera prononcé en faveur d’un
système de représentativité politique qui croyait à l’éternité, et qui touche à sa fin ». Il insistait sur la parodie de démocratie dans
laquelle on baigne depuis trop longtemps. Les 60% d’abstentionnistes et de protestataires qui sont le point aveugle du système. Les
suicides en silence. Le texte était vraiment bien, malgré un romantisme échevelé un peu naïf, genre Francis Lalanne et « messieurs
les ronds de cuir » ou Florent Pagny « presse qui roule me casse les couilles ». Il a eu sa petite carrière sur le net avant d’être publié
(chez Sens et Tonka). J’avais prévu de lui expliquer ce soir là pourquoi Libération a refusé de le publier. Lui clame partout en effet que
Libération et la presse en général l’ont censuré. Consciemment ou inconsciemment. Ce jour-là, je me suis renseigné auprès de JeanMichel Helvig, le directeur adjoint de Libération qui gère les textes des pages Rebonds du journal. Celui qui a refusé donc. Il m’a fait la
même réponse qu’à Laurence Rémila dans Technikart (de mai 2005) : « Mehdi qui ? ». Il ne le connait honnêtement pas. Même si ce
nom lui dit quelque chose. Même si Libération l’a sacré « écrivain maison » dans un supplément "de Jean-Paul Sartre à MBK".
Ensuite, son texte « long et personnel comme celui d’une revue » faisait 32.000 signes. Soit quatre pages pleines de Libération. Or
même Jean Baudrillard n’a droit qu’à 20 000 signes dans un quotidien d’info. Pour Libération, MBK n’est donc pas encore Jean
Baudrillard. Enfin, Jean-Michel Helvig affirme recevoir une dizaine de textes au moins par jour. Bref, je voulais expliquer en face à
MBK que même si personnellement j’aurais publié ce texte, d’autres critères techniques et d’autres personnes interviennent dans le
processus de fabrication d’une « personne morale » comme Libération. Ca ressemble à de la petite cuisine mondaine parisienne et
moisie ? Pas tant que ça. Car derrière cette petite mise au point « Libé », il y avait une question connexe : pourquoi MBK a-t-il envoyé
son texte à Libé ? Qu’attend-il d’une institution aux accointances autrefois « révolutionnaires » comme il l’ écrit ? Autrement dit, n’y a til pas contradiction à vouloir ’être publié donc reconnu dans un grand quotidien national ex revolutionnaire, celui même qu’on accuse
de participer à la fin d’un monde ?
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"T’es sur le Titanic !"
Et dans cette enchainement de questions-gigogne, je voulais aussi lui poser celle-ci : puisqu’il a rompu avec ce monde depressif des
para situ, les paralysés de ce qu’il appelle la « négativité sous-hegelienne », que fait-il concrètement pour mettre en oeuvre la
perspective « révolutionnaire » à laquelle il tient encore, semble-t-il ? Je n’en ai pas le temps. J’entends un grand « boum ! ». On dirait
un projecteur de cinéma qui tombe. Un pot de dix litres de peinture acrylique blanche vient d’exploser dans la salle. Hurlements.
Début de baston. Poursuite dans la rue. Des vitres pètent. Des gens s’écrient des trucs comme « putain, mon costard vous l’avez
ruiné » , ou « mais bordel, je suis d’accord avec vous mais s’il vous plait visez mieux ». Charlie O. l’organiste continue de jouer
imperturbablement. « T’es sur le Titanic ! » lui crie quelqu’un. « Vous inquiétez pas ca part à l’eau !’ assure un autre. Dehors, c’est la
baston. Il y a déjà un mort : une Twingo noire recouverte de peinture. On reconnait deux ou trois des intervenants (dont une brune
pasionaria vraiment très jolie). Ils sont chauds bouillants. Un jeune homme leur hurlent dessus « retournez dans votre squatt, rebelles
de mes deux, allez faire la révolution ! ». A la pasionaria : « de toute façon, t’es qu’une sorcière, regarde toi, t’as une tête de
sorcière ! ». Là il exagère. Un mec couvert de peinture vient me demander si c’est pas moi qui doit payer la facture du teinturier.
« Mais non, j’y suis pour rien, lui réponds-je. J’étais intervenant dans le débat ». Mais déjà il est parti à la poursuite des agresseurs
supposés. Sur le trottoir, MBK reste impassible. Il ne veut pas trop faire d’analyse à chaud. Ni désigner les méchants. Mais il a l’air de
savoir plus ou moins d’où viennent les organisateurs de cette fête de la Saint Valentine. Le lendemain, on essaie de joindre par une
filière clandestine les Tiqqun, dont tout le monde dit qu’ils sont responsables de l’attentat. Comme toujours silencieux, le collectif très
radical et très mysterieux semble avoir mis en oeuvre le programme de MBK qu’il glissait dans une interview sur Ironie.free : « Si
demain on fait de la politique, on fera de la politique réelle, et on la fera pacifiquement, mais ce sera une guerre... ». Tu m’étonnes.
Sur ce même site, Franck Laroze, président de la revue Evidenz, en conflit ouvert avec MBK, se moquait de lui en ces termes : « il ne
faut pas avoir peur du ridicule pour employer, de nos jours, de tels propos et se croire ou se vouloir soi-même "révolutionnaire",
adoptant ainsi une posture éculée, messianique, qui n’est - comme on le sait maintenant - que l’expression figée et hautement
confortable du ressentiment . On se croirait revenus aux délires "soixante-huitards" qu’il fut le premier à fustiger... ». Il n’y a pas de
problèmes. Son jugement s’appliquait très bien à l’ambiance générale de la soirée de lundi. Un happening sous-gauchiste auquel on
aurait préféré, quitte à vouloir ridiculiser ou empêcher de parler MBK, un attentat pasticheur à la Yes Men. Ou tant qu’à faire, et
pendant qu’on y est, un vrai meurtre. En attendant de démêler les enjeux hautement révolutionnaires de cette soirée, ce sont - comme
d’hab - les techniciens bénévoles et les employés du bar qui ont nettoyé.
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